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Mémoires de madame du Hausset/Préface

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Hippolyte Fournier
Texte établi par Hippolyte FournierLibrairie des bibliophiles, E. Flammarion successeur (p. i-xx).


PRÉFACE




C’était le temps des événements les plus invraisemblables, des choses les plus étonnantes, les plus démoralisantes et les plus amusantes, que le temps où l’avènement d’une Pompadour préparait le triomphe d’une Du Barry.

À cette époque, toutes les femmes étaient charmantes, tous les hommes étaient aimables, tous les costumes étaient chatoyants, mais il n’y avait pas de sourire qui ne cachât un calcul, de beauté qui ne fût un appeau, de grâce qui ne tendit à prendre au piège un roi voluptueux devenu libertin.

C’était l’heure propice au règne des grandes coquines et des grandes coquettes, l’heure fatidique et ensorcelante où la société de l’ancien régime, dévorée par toutes les fièvres du plaisir et de l’ambition, avait arboré hautement la devise du maître : après nous le déluge. Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/12 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/13 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/14 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/15 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/16 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/17 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/18 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/19 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/20 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/21 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/22 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/23 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/24 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/25 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/26 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/27 Page:Collesson - Memoires de madame Du Hausset.djvu/28 devant ce qu’il faut voir sans avoir l’air de regarder, Mme du Hausset offre le type parfait de la subalterne de condition. Elle a les pieds un peu forts, comme les femmes qui se tiennent presque toujours debout ; elle a les mains blanches et soignées, comme doivent les avoir les Lisettes à particule qui pomponnent les maîtresses des rois ; elle a la bouche fraîche, les dents belles, et, sous la cornette, des cheveux châtain haut relevés sur le front, qu’un nuage de poudre, à l’occasion, recouvre et parfume. Nous la supposons ainsi, et d’autres la verront différemment ; et c’est précisément le charme et le piquant de cette physionomie de femme que d’être ainsi, tout à la fois, inconnue et cependant visible pour ceux qui, comme nous, se donnent la peine de la rechercher dans ses Mémoires.

En les réimprimant aujourd’hui, leur nouvel éditeur est sûr d’obtenir le suffrage des curieux de lettres, des amateurs passionnés d’anecdotes, et, pourquoi ne pas le dire ? de tous ceux qui ne dédaignent pas l’intérêt particulier des révélations scandaleuses, considérées comme documents historiques.

Il n’y a pas que de ces révélations-là, du reste, dans le Journal de Mme du Hausset, et la simplicité de son style sans phrases met en évidence la vérité sur toutes choses, l’exactitude de tous les faits.

La société de l’ancien régime se dresse donc devant nous non pas uniquement avec ses vices, ses folies, ses crimes, mais aussi avec son esprit, sa bravoure, ses élégances, ses activités intellectuelles, et, parfois, avec les illusions généreuses et les galanteries chevaleresques de cette vieille France, toujours restée exquise, séduisante, et à laquelle on doit beaucoup pardonner parce qu’elle a beaucoup charmé.

Ces souvenirs lointains de Mme du Hausset gardent très vif le reflet des corruptions et de la grâce de l’époque où ils ont été écrits, et tout naturellement, par ce fait même, ils projettent une éclatante lumière qui ne laisse aucune ombre sur les moindres détails des mœurs du temps. C’est à cela que les premières éditions de Craufurd, de Barrière et de Didot, ont dû leur succès. Celle qui parait aujourd’hui, plus soignée que les précédentes, mieux conçue pour satisfaire les goûts raffinés des blibliophiles, va très opportunément ramener l’attention sur des pages qui, dans leur sincérité grande et leur naïveté d’expression, éveillent le sens juste des petites causes suivies de si grands effets qui firent sombrer la société de l’ancien régime et la monarchie française.

Hippolyte Fournier.