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Mémoires et lettres de François-Joachim de Pierre de Bernis/Appendices/V

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APPENDICE No V

traité du 5 juin 1741 entre sa majesté très-chretiènne
et le roi de prusse
[1] (Voir page 278).


Traité d’alliance défensive entre le Roi et le roi de Prusse, signé à Breslau, le 5 juin 1741, ratifié par le Roi, le 14, et par le roi de Prusse, le 1er juillet. L’échange des ratifications fait le 5 juillet.

Le Roi Très-Chrétien et le roi de Prusse ayant également reconnu combien il leur importe dans les circonstances présentes d’agir dans l’intelligence la plus parfaite pour leurs intérêts communs comme aussi pour le maintien et l’affermissement de la tranquillité générale, Leurs Majestés, après s’être essentiellement communiqué leurs pensées sur les moyens de cimenter l’union et l’amitié qu’elles se portent réciproquement, ont jugé qu’elles ne pouvaient rien faire de plus convenable que d’en resserrer les nœuds par la conclusion d’une alliance défensive entre elles, et Sa Majesté Très-Chrétienne ayant pour cet effet autorisé le sieur marquis de Valory, brigadier de ses armées et son envoyé extraordinaire auprès de Sa Majesté Prussienne, le roi de Prusse a pareillement autorisé le sieur de Podewils, son ministre d’État et de guerre, lesquels, après avoir dûment fait l’échange de leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivants :

Article premier. Il y aura dès ce jour et pour toujours, à l’avenir, entre Sa Majesté Très-Chrétienne et Sa Majesté le roi de Prusse, leurs héritiers et successeurs, royaumes, pays et sujets, une amitié et correspondance sincère qui seront observées de telle manière que les parties contractantes feront sincèrement et de bonne foi tout ce qui dépendra d’elles pour procurer et avancer le bien et l’avantage de l’un et de l’autre, et pour détourner tous les dommages et préjudices qui pourraient leur arriver à eux et à leursdits sujets.

Art II. Leursdites Majestés promettent et s’engagent réciproquement de n’entrer dans aucune convention ou engagement qui puissent en quelque sorte ni en quelque manière que ce soit être directement ou indirectement contraires à ce qui a été statué pour le maintien de la paix par les traités d’Utrecht et de Bade, comme aussi ce qui a été statué par le traité de paix conclu à Stockholm le 1er février 1720, de la part de la couronne de Suède avec le roi de Prusse, mais, au contraire, d’apporter tous leurs soins pour en procurer le maintien et l’exécution.

Art. III. Sa Majesté Très-Chrétienne et le roi de Prusse se garantissent réciproquement tous leurs royaumes, états et seigneuries en Europe, et si l’une ou l’autre de leursdites Majestés était attaquée ou troublée par quelque puissance, ou sous quelque prétexte que ce pût être, l’autre promet et s’oblige de secourir promptement son allié, pour lui procurer une juste, prompte et due satisfaction par offices et par l’emploi de ses forces, et même par la guerre à l’agresseur en cas de besoin, Leurs Majestés promettant en ce cas de ne point quitter les armes et de n’entrer dans aucune négociation d’accommodement que d’un commun consentement, à la satisfaction réciproque de l’une et de l’autre partie.

Art. IV. Leursdites Majestés étant également portées pour tout ce qui peut intéresser le bien et la tranquillité du corps germanique, tant en dedans qu’au dehors de l’Empire, promettent et s’engagent d’unir leurs conseils et d’agir dans l’union la plus intime, pour porter au trône impérial le prince qui sera estimé le plus propre à maintenir les libertés et prérogatives des princes de l’Empire, et à concourir à tout ce qui pourra être le plus convenable pour l’affermissement de la tranquillité générale de l’Europe, comme aussi pour l’utilité commune des parties intéressées.

Art V. Dans le cas où Sa Majesté Très-Chrétienne et Sa Majesté Prussienne viendront à reconnaître d’un sentiment unanime que pour parvenir plus sûrement à l’accomplissement des objets du présent traité, il serait important d’inviter d’autres puissances à y intervenir, elles inviteront de concert et pourront y admettre pareillement de concert tous les princes et États qui voudront y entrer pour le maintien du repos de l’Empire et de la tranquillité générale de l’Europe, comme aussi pour l’utilité commune des parties intéressées.

Art. VI. Enfin Leursdites Majestés se promettent réciproquement d’agir d’un parfait concert pour leurs intérêts communs et de ne prendre désormais aucun engagement relativement aux affaires d’Allemagne et du Nord qu’après s’être communiqué fidèlement les propositions qui pourraient leur être faites, et après avoir examiné ce qui pourrait tendre au plus grand avantage de l’une et de l’autre.

Art. VII. On gardera encore le secret pour de certaines raisons sur ce traité, et on ne le communiquera à qui que ce soit, que d’un commun concert et consentement.

Art. VIII. Le présent traité d’alliance défensive durera l’espace de quinze ans, et les ratifications en seront échangées dans le terme d’un mois à compter de la signature. En foi de quoi, nous soussignés, ministres de Sa Majesté Très-Chrétienne et de Sa Majesté Prussienne, en vertu de nos pleins pouvoirs respectifs, avons signé le présent traité et y avons fait apposer le cachet de nos armes. Fait à Breslau, le cinquième jour de juin mil sept cent quarante et un.

(L. S.) Le marquis de Valory. (L. S.) de Podewils.

Article séparé et secret. Sa Majesté Très-Chrétienne s’engage pour Elle et pour ses successeurs et héritiers à perpétuité, de la manière la plus forte et la plus solennelle, de garantir de toutes ses forces contre qui que ce puisse être à Sa Majesté le roi de Prusse, ses successeurs et héritiers à perpétuité, la possession tranquille de toute la basse Silésie, la ville de Breslau y comprise, bien entendu néanmoins qu’il n’y sera fait de sa part aucun changement au préjudice de la Religion catholique, apostolique et romaine, et par reconnaissance pour la susdite garantie aussi bien que pour une entière conciliation de l’affaire de la succession de Juliers et de Bergues, et pour l’affermissement de la tranquillité générale qui aurait pu être troublée à l’égard de cette affaire, Sa Majesté le roi de Prusse, tant pour elle que pour ses successeurs et héritiers, s’engage de la manière la plus forte et la plus formelle de faire à la Maison Palatine de Sulzbach et à ses héritiers, à perpétuité, la cession entière de ses droits de succession sur les duchés de Juliers et de Bergues ; bien entendu que cette cession ne saurait avoir lieu qu’autant que la possession tranquille de toute la basse Silésie, la ville de Breslau y comprise, sera assurée à Sa Majesté le roi de Prusse et à ses héritiers et à ses successeurs à perpétuité, par une cession formelle de la maison d’Autriche à stipuler dans le futur traité de paix, sous la garantie de Sa Majesté Très-Chrétienne, de la maison palatine et telles autres puissances qu’on pourrait trouver à propos d’inviter à la concurrence de cette garantie, telle qu’est l’Espagne, la Suède et la Bavière, contre toutes prétentions formées ou à former, de quelque part que ce puisse être, sur la basse Silésie, la ville de Breslau y comprise ; bien entendu aussi que Sa Majesté Prussienne garantira de sa part, conjointement avec Sa Majesté Très-Chrétienne et les puissances qui interviendront au présent traité, à ladite maison palatine de Sulzbach et à ses descendants, pareillement à perpétuité, la possession desdits États de Bergues et de Juliers, contre toute prétention formée ou à former, de quelque part que ce puisse être, sur la succession desdits États de Juliers et de Bergues.

Cet article séparé aura la même force que s’il avait été inséré de mot à mot dans le traité conclu et signé ce jourd’huy, et sera ratifié de la même manière, et les ratifications en seront échangées dans le même temps que le traité.

En foi de quoi, nous, etc.

Article séparé et secret. Comme la Russie est entrée avec plusieurs autres puissances dans des arrangements et des concerts en faveur de la cour de Vienne pour agir contre Sa Majesté le roi de Prusse, soit en faisant une diversion dans ses États, soit en envoyant un corps de troupes au secours de la reine de Hongrie, Sa Majesté Très-Chrétienne, pour donner à Sa Majesté le roi de Prusse de nouvelles preuves de son amitié et de son affection, s’engage à faire rompre la Suède avec la Russie, dès à présent et sans délai, bien entendu que Sa Majesté le roi de Prusse s’engage de son côté à contracter, dès à présent, une alliance avec la Suède qui puisse l assurer qu’elle ne sera point contraire aux vues que la Suède pourrait avoir de recouvrer ses provinces prises autrefois par la Russie, et possédées actuellement encore par cette puissance, et à ne point inquiéter la Suède dans aucun cas quelque réquisition que lui fît la Russie, en vertu du renouvellement de son alliance du 27 de décembre 1740. On s’engage de garder le secret le plus inviolable sur cet article séparé, et il aura la même force que si, etc.

Article séparé et secret. Leurs Majestés emploieront leurs soins et leurs offices pour réunir les suffrages du collège électoral en faveur de l’électeur de Bavière, et c’est dans ce sentiment que le roi de Prusse promet que lorsqu’il s’agira de l’élection du roi des Romains, à la prochaine diète d’élection, il donnera en qualité d’électeur de Brandebourg sa voix audit électeur de Bavière, et s’engage à ne la donner à tout événement à aucun autre, que de concert avec Sa Majesté Très-Chrétienne.

Cet article aura la même force que si, etc.

Article séparé et secret. Sa Majesté Très-Chrétienne étant bien informée que l’électeur de Bavière est de toutes parts menacé des effets du ressentiment de la cour de Vienne, en haine de ce qu’il a manifesté ses droits et prétentions sur quelques États faisant partie de la succession d’Autriche, et sachant que par lui-même il n’a pas les forces suffisantes pour défendre ses États contre celles que cette cour pourrait employer contre lui, ladite Majesté Très-Chrétienne ne voulant rien omettre de ce qui peut être nécessaire pour secourir ledit électeur dans un danger aussi pressant, et le mettre sans délai en état d’agir vigoureusement, promet de lui fournir tous les moyens nécessaires pour cela, et d’envoyer incessamment à son secours toutes les troupes auxiliaires qui lui seront nécessaires pour assurer son pays contre toute attaque, et le mettre en tous cas par une puissante armée de diversion en état de n’avoir rien à craindre de ses ennemis et de soutenir la justice de ses prétentions.

Cet article séparé aura la même force que si, etc.

  1. Ce traité n’a pas encore été publié.