MÉMOIRE
SUR
LES SPHÉROÏDES ELLIPTIQUES.
(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin, années 1792 et 1793.)
J’entends par sphéroïdes elliptiques ceux dont toutes les sections sont des ellipses, et dont l’équation générale, réduite à la forme la plus simple, est
J’ai donné dans le volume de l’année 1773 un Mémoire sur l’attraction de ces sortes de sphéroïdes[1]. Je me propose dans celui-ci de présenter aux Géomètres quelques formules générales, qui pourront être utiles pour la solution de différentes questions relatives à ces mêmes sphéroïdes.
1. Supposons
sera le rayon partant du centre qui est l’origine des trois coordonnées
sera l’angle fait par ce rayon avec l’une des ordonnées
et
sera l’angle que la projection du même rayon sur le plan des coordonnées
et
fait avec l’une des ordonnées
En substituant ces valeurs dans l’équation du sphéroïde, on en tirera
et de là on aura les valeurs de en et
2. Désignons par la masse totale ou plutôt le volume du sphéroïde ; on aura, comme l’on sait,
et pour avoir la valeur de il faudra intégrer d’abord depuis jusqu’à égal au rayon du sphéroïde, c’est-à-dire en donnant à la valeur trouvée ci-dessus ; on intégrera ensuite depuis jusqu’à et enfin depuis jusqu’à
Intégrant d’abord suivant la variable on aura
où il faudra substituer pour sa valeur en et
Soit pour plus de simplicité
on aura
Supposons de plus
en sorte que
on aura
3. Considérons maintenant les formules
en substituant pour leurs valeurs et pour l’élément intégrant ensuite suivant et faisant on aura après cette première intégration
Si maintenant on compare ces différentes expressions à celle de trouvée ci-dessus, il est facile de voir qu’elles peuvent toutes se déduire de celle-ci par la simple variation des constantes Ainsi, dénotant par les différentielles relatives à ces quantités, on aura
et, en général,
la quantité indique le nombre des facteurs qu’il faut prendre, et le signe supérieur doit avoir lieu lorsque ce nombre sera pair, l’inférieur lorsqu’il sera impair.
Pour avoir les valeurs totales de ces différentes formules, il ne vaudra plus que les intégrer relativement à et et, comme les variations de sont indépendantes des variations de et il est clair que les intégrations dont il s’agit le seront aussi. Dénotant donc ces intégrations totales par le signe on aura d’abord
et ensuite
Ainsi, lorsqu’on aura trouvé la valeur de la masse en fonction de on pourra, par de simples différentiations relatives à ces constantes, trouver les valeurs des intégrales de et généralement de pour toute la masse du sphéroïde.
À l’égard des quantités où serait multiplié par des puissances impaires de il est facile de voir que leur intégrale totale serait toujours nulle, les mêmes éléments se trouvant avec des signes contraires et se détruisant par conséquent réciproquement.
4. Cherchons donc la valeur de . Soit on aura
dont l’intégrale relative à est (en prenant une constante )
Comme cette intégrale doit commencer à et finir à il faudra qu’elle soit nulle lorsque et complète lorsque Donc on aura d’abord
et l’intégrale complète sera
laquelle devra encore être intégrée depuis jusqu’à Divisant le haut et le bas de la fraction par et observant que cette différentielle deviendra en faisant
dont l’intégrale est
Lorsque on a et lorsque on a de nouveau donc est dans le premier cas et dans le second Donc la valeur complète de cette dernière intégrale sera Donc enfin on aura
5. Cette quantité différentiée successivement donnera
et ainsi de suite. De sorte qu’on aura, en général,
le signe supérieur a lieu lorsque est pair, l’inférieur lorsque ce nombre est impair, et les quantités dénotent le nombre des facteurs qu’il faut multiplier ensemble.
Donc enfin, faisant cette substitution dans la formule intégrale du no 3 et remettant pour leurs valeurs on aura, en général, cette formule très-remarquable
où
6. De ce que (3)
il s’ensuit que les axes des coordonnées sont les trois axes principaux du sphéroïde. Les moments d’inertie autour de ces axes, dont la détermination est nécessaire pour le calcul de la rotation, seront donc exprimés par les formules
dont les valeurs sont par la formule générale
Dans la Théorie de la libration de la Lune [Mémoires de 1780[2]], on a fait
et regardant et comme des quantités très-petites vis-à-vis de l’unité, ce qui suffisait alors pour mon objet, on a trouvé pour les moments dont il s’agit les quantités
étant En comparant ces valeurs avec les précédentes, il est aisé d’en conclure qu’on peut rendre les formules de la Théorie citée rigoureuses, en prenant d’abord pour sa vraie valeur et faisant ensuite
Au reste les quantités que nous désignons ici par
le sont dans l’endroit cité par
7. On sait que l’attraction du sphéroïde sur un point quelconque dont la position dans l’espace serait déterminée par les coordonnées rapportées aux mêmes axes que les coordonnées dépend de la formule
que j’appelle l’intégration étant rapportée à toute la masse du sphéroïde. Car, si dans la quantité regardée comme fonction de on fait varier séparément ces dernières quantités, on aura pour les attractions totales parallèlement aux axes des coordonnées . Et si l’on change ces coordonnées en un rayon vecteur avec deux angles et tels que
on aura pour l’attraction suivant le rayon pour les deux attractions perpendiculaires au rayon, l’une dans le plan qui passe par l’axe des ordonnées et l’autre perpendiculaire à ce plan.
La recherche de l’attraction du sphéroïde dépend donc simplement de la détermination de la quantité en fonction de Dans le Mémoire déjà cité sur l’attraction des sphéroïdes, j’ai résolu la question pour le cas où le point attiré est dans l’intérieur ou à la surface ; et dans une Addition à ce Mémoire, imprimée dans le volume de l’année 1775, je l’ai résolue aussi pour le cas où le point attiré est sur le prolongement d’un des trois axes. Les autres cas ont été résolus d’abord par Legendre pour les seuls sphéroïdes de révolution, ensuite par Laplace et Legendre pour des sphéroïdes quelconques. On ne peut regarder leurs solutions que comme des chefs-d’œuvre d’analyse, mais on peut désirer encore une solution plus directe et plus simple ; et les progrès naturels de l’Analyse donnent lieu de l’espérer. En attendant, voici l’usage qu’on pourrait faire des formules précédentes dans cette recherche.
8. Si l’on réduit le radical
en série ascendante relativement aux quantités la quantité se trouvera composée de termes de la forme dont on aura la valeur par la formule du no 5, le coefficient ne dépendant que des quantités
Si le point attiré est assez éloigné relativement aux dimensions du sphéroïde, ce qui est le cas des corps célestes, cette réduction en série sera toujours assez exacte, et il suffira de ne tenir compte que des premiers termes, comme dans les Problèmes de la précession des équinoxes, de la libration de la Lune ou des autres Planètes.
En substituant à la place de (7), on pourra réduire le radical dont il s’agit en une série de la forme
les quantités étant des fonctions homogènes de des dimensions Ainsi, en multipliant par et intégrant, on aura
Mais, par ce que nous avons observe plus haut (3), il est clair que les valeurs de
seront nulles ; que, de plus, dans les valeurs de
les quantités provenant des termes de
qui contiendraient des puissances impaires de
seront nulles aussi. D’où il s’ensuit que l’on aura simplement
les quantités étant de la forme
et ainsi de suite
Les coefficients seront des fonctions des angles et qu’on déterminera facilement par différents moyens.
Appliquant donc à ces quantités la formule générale du no 5 ci-dessus, on aura sur-le-champ
et ainsi de suite.
9. J’observe maintenant qu’il y a nécessairement entre les différents coefficients
des relations indépendantes des angles et dont ils sont fonctions, et qui viennent de ce que la série
résulte du développement de la fraction irrationnelle
dans laquelle sont données en (numéro précédent). On sait qu’en nommant cette fraction elle satisfait à l’équation
quelles que soient les valeurs de comme on peut s’en assurer par la différentiation. Donc, substituant à la place de la série dont il s’agit, il faudra qu’on ait autant d’équations semblables pour chacune des quantités c’est-à-dire
et, comme ces équations doivent être indépendantes d’aucune relation entre il faudra égaler à zéro les termes qui après la différentiation resteront affectés des mêmes produits de ces variables.
Ainsi l’équation
donnera l’équation
L’équation
donnera ces trois équations
L’équation
donnera ces six équations
et ainsi des autres.
Donc
1o On aura cette valeur, substituée dans l’expression de donnera
2o On aura
ces valeurs, substituées dans l’expression de la réduiront à cette forme
3o On aura d’abord
ensuite, tirant des trois dernières conditions les valeurs de on aura
et par conséquent
Les coefficients sont donc donnés en et, ces substitutions étant faites dans l’expression de elle se réduira à cette forme et ainsi de suite.
10. Comme
il est visible que les valeurs de se trouvent exprimées par multipliée par des fonctions de et Si l’on pouvait tirer de l’induction précédente une conclusion générale, il s’ensuivrait que la quantité du no 7 ci-dessus pourrait toujours s’exprimer par multipliée par une fonction de et de que par conséquent, à cause de (5), on aurait, en général, relativement aux quantités qui entrent dans la valeur de
la caractéristique dénotant une fonction des deux quantités renfermées entre les crochets et séparées par une virgule.
Supposons qu’en mettant à la place de dans la quantité elle devienne étant une quantité arbitraire, on aura donc pareillement
donc
Ainsi, si l’on peut trouver la valeur de pour une valeur quelconque de on en tirera celle de
11. Pour appliquer à cette recherche les formules données dans le Mémoire cité de 1773, et pour rendre les dénominations employées dans ces formules conformes à celles des formules précédentes, nous changerons dans celles-là en en et en pour que l’équation de l’ellipsoïde soit comme ci-dessus
nous y changerons ensuite les quantités qui représentaient les coordonnées du point attiré en et nous conserverons l’emploi des quantités dont la première représente la distance du point attiré à la molécule les deux autres représentent les angles décrits par ce rayon.
D’après ces dénominations on aura, par la méthode du Problème III du même Mémoire,
et
et par conséquent
.
Intégrant d’abord relativement à suivant les procédés du Problème IV pour les points extérieurs, on aura
et étant les deux racines de l’équation en résultante de la substitution de
à la place de dans l’équation du sphéroïde. On intégrera ensuite relativement à et et l’on prendra les intégrales entre les limites données par l’égalité des racines et mais lorsque l’équation n’aura qu’une racine, alors on intégrera depuis jusqu’à et depuis jusqu’à suivant les règles prescrites dans le no 5 du Mémoire cité.
L’équation en devient
en supposant
Les deux racines et sont donc
de sorte qu’on aura
par conséquent la valeur de sera
Ce qui rend les intégrations qui restent à faire très-difficiles, c’est le radical mais ce radical disparaîtrait si Or on peut prendre dans la valeur de en déterminant convenablement l’arbitraire .
12. Supposons donc que dans les expressions de on mette partout à la place de et que ces expressions deviennent alors on aura de même (10)
Donc, si l’on prend en sorte que c’est-à-dire que l’on ait
alors la valeur de
se simplifiera et deviendra
De plus, dans ce cas l’équation en deviendra
et n’aura plus qu’une seule racine ; de sorte que les intégrations relatives à et seront indépendantes et devront se faire depuis jusqu’à et depuis jusqu’à Ainsi l’on aura la valeur complète de par cette double intégration de la formule suivante
qu’on peut réduire à celle-ci plus simple
par la raison que toute formule telle que où serait une fonction rationnelle de et étant intégrée depuis jusqu’à donne un résultat nul.
L’intégrale relative à n’a aucune difficulté ; il n’y a qu’à faire et l’on aura une différentielle rationnelle en mais dont l’intégrale renfermera un arc de cercle ; l’intégrale relative à se trouvera de la même manière en faisant et sa valeur complète sera algébrique ; ainsi il y a de l’avantage à commencer par cette dernière mais l’intégration suivante relative à dépendra alors de la rectification des sections coniques.
Au reste, comme la propriété que nous avons trouvée par induction dans le no 10 a été démontrée rigoureusement par Laplace et Legendre, les résultats précédents doivent aussi être regardés comme rigoureux.