Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Recherches sur les suites récurrentes dont les termes varient de plusieurs manières différentes
DONT LES TERMES VARIENT DE PLUSIEURS MANIÈRES DIFFÉRENTES, OU SUR L’INTÉGRATION DES ÉQUATIONS LINÉAIRES AUX DIFFÉRENCES FINIES PARTIELLES ; ET SUR L’USAGE DE CES ÉQUATIONS DANS LA THÉORIE DES HASARDS[1].
(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin, année 1775.)
J’ai donné, dans le premier volume des Mémoire de la Société des Sciences de Turin, une méthode nouvelle pour traiter la théorie des suites récurrentes, en la faisant dépendre de l’intégration des équations linéaires aux différences finies[2]. Je me proposais alors de pousser ces Recherches plus loin, et de les appliquer principalement à la solution de plusieurs Problèmes de la théorie des hasards ; mais d’autres objets m’ayant depuis fait perdre celui-là de vue, M. de Laplace m’a prévenu, en grande partie, dans deux excellents Mémoires sur les suites récurro-récurrentes, et sur l’intégration des équations différentielles finies et leur usage dans la théorie des hasards, imprimés dans les volumes VI et VII des Mémoires présentés à l’Académie des Sciences de Paris. Je crois cependant qu’on peut encore ajouter quelque chose au travail de cet illustre Géomètre, et traiter le même sujet d’une manière plus directe, plus simple et surtout plus générale c’est l’objet des Recherches que je vais donner dans ce Mémoire ; on y trouvera des méthodes nouvelles pour l’intégration des équations linéaires aux différences finies et partielles, et l’application de ces méthodes à plusieurs Problèmes intéressants du Calcul des probabilités ; mais il n’est question ici que des équations dont les coefficients sont constants, et je réserve pour un autre Mémoire l’examen de celles qui ont des coefficients variables.
Article Ier. — Des suites récurrentes simples, ou de l’intégration des équations linéaire aux différences finies entre deux variables.
Quoique la théorie des suites récurrentes ordinaires soit assez connue, je crois devoir commencer par la traiter en peu de mots pour servir comme d’introduction à celle des suites récurro-récurrentes qui fait le principal objet de ce Mémoire. D’ailleurs j’aurai soin de n’employer, autant qu’il sera possible, que des méthodes nouvelles et plus simples que celles qu’on a déjà.
1. Soit la série
dans laquelle on ait constamment cette équation linéaire entre termes successifs
(A)
étant des coefficients constants quelconques ; ce sera une série récurrente simple de l’ordre et l’équation (A) sera l’équation différentielle finie qu’il s’agit d’intégrer pour avoir l’expression du terme générale de la série proposée.
Pour cela je suppose
et étant des constantes indéterminées ; j’aurai donc
et les substitutions étant faites dans l’équation (A), elle deviendra divisible par et l’on aura après cette division
(B)
On voit par cette équation : 1o que, puisque le coefficient ne s’y trouve pas, ce coefficient demeure arbitraire ; 2o que l’équation étant par rapport à du degré elle fournira, en général, valeurs différentes de que je dénoterai par On aura donc ainsi, en prenant aussi différents coefficients valeurs différentes de savoir et, comme l’équation (A) est linéaire, il est facile de voir que la somme de ces différentes valeurs de y satisfera aussi. De sorte qu’on aura, en général,
et comme cette valeur de contient constantes arbitraires elle sera l’intégrale complète de l’équation (A) du ième ordre.
2. Si l’on suppose que les premiers termes de la suite proposée soient donnés, on pourra par leur moyen déterminer les constantes arbitraires il n’y aura pour cela qu’à résoudre les équations
Dans le cas de on a
dans le cas de on aura
dans le cas de on aura
et ainsi de suite.
De là et de la théorie connue des équations il est facile de conclure que si l’on fait, pour abréger,
on aura, en général,
et changeant dans cette expression de la quantité en on aura les valeurs des autres coefficients
S’il arrive que deux ou plusieurs racines soient égales, il n’y aura qu’à supposer leurs différences infiniment petites, et l’on trouvera, dans le cas de que les deux termes
de l’expression de deviendront de cette forme
et si l’on a alors les trois termes
deviendront
où l’on aura
et ainsi du reste.
3. Si dans l’équation proposée (A) les coefficients au lieu d’être constants, sont des fonctions données de que nous désignerons par en sorte que l’on ait l’équation
(C)
on ne pourra, par la méthode précédente ni par aucune autre méthode connue, l’intégrer en général, à moins qu’elle ne soit que du premier ordre ; mais si l’on suppose qu’on connaisse à posteriori valeurs parti-
culières de que nous désignerons par il est visible que l’on aura, en général
et que cette expression de sera complète, puisqu’elle renferme constantes arbitraires
4. De plus on pourra dans ce même cas trouver l’intégrale complète de l’équation
(D)
étant une fonction quelconque de
Car puisque, dans le cas de on a
pour l’intégrale complète, étant des constantes, supposons maintenant que les quantités soient, en général, des fonctions de que nous désignerons par en sorte que l’intégrale de l’équation (D) soit
(E)
faisant varier on aura
ou bien, en désignant par la caractéristique les différences finies, en sorte que
et ainsi des autres,
Donc, si je fais
(1)
j’aurai
comme si les quantités n’avaient point varié.
Faisant varier de nouveau j’aurai donc
et, faisant pareillement
(2)
j’aurai
De même, en faisant varier et supposant
(3)
on aura
Je continue ainsi à faire varier et à supposer nulle la partie de dépendante des variations de jusqu’aux équations suivantes inclusivement
et, faisant encore varier dans cette dernière équation, j’aurai
Qu’on substitue maintenant ces valeurs de dans l’équation (D) ; et comme toutes ces valeurs, excepté la dernière, sont les mêmes que si n’avaient pas varié, et que la dernière ne dif-
fère de ce qu’elle serait dans cette hypothèse que par les termes
qui y sont ajoutés ; que d’ailleurs les valeurs de dans le cas de constantes, satisfont par l’hypothèse à l’équation (C), quelles que soient les valeurs de ces constantes ; il s’ensuit que le premier membre de l’équation (D) se réduira à
en sorte qu’on aura l’équation
On a donc ainsi équations linéaires (1), (2), (3), …, (n-1), (n) entre les quantités d’où l’on tirera les valeurs de ces quantités en fonctions de que je désignerai par Donc, passant des différences aux sommes et désignant celles-ci par la caractéristique on aura
ce qui étant substitué dans la formule (E), il viendra
pour l’intégrale complète de l’équation (D).
il s’ensuit de là que l’équation
est géneratement intégrable toutes les fois que l’on connait n valeurs particulières de dans le cas de Théorème analogue à celui que j’ai donné pour les équations différentielles linéaires dans le tome III des
Mémoires de Turin[3]. M. le Marquis de Condorcet et M. de Laplace avaient déjà remarqué que ce Théorème sur les équations aux différences infiniment petites était aussi applicable aux cas des différences finies ; et ce dernier en a donné une démonstration générale et ingénieuse, mais un peu compliquée (voyez le tome IV des Mémoires de Turin et les Mémoires présentés à l’Académie des Sciences de Paris en 1773). C’est ce qui m’a engagé à traiter ici cette matière par une méthode nouvelle et aussi simple qu’on puisse le désirer.
5. Remarque. — Les principes de la méthode précédenie peuvent s’appliquer aussi aux équations différentielles ordinaires, et sont, en général, d’un très-grand usage dans tout le Calcul intégral. Quoique ce ne soit pas ici le lieu de nous occuper de cette matière, je vais néanmoins en traiter en peu de mots, me réservant de le faire ailleurs avec plus d’étendue.
Et d’abord, si l’on a une équation linéaire de l’ordre telle que
où et soient des fonctions données de et qu’on connaisse l’intégrale complète de cette équation dans le cas de laquelle sera nécessairement de la forme
étant des constantes arbitraires au nombre de et des fonctions de où les constantes n’entrent pas, et qui sont autant de valeurs particulières de dans l’hypothèse de on en pourra déduire aisément l’intégrale complète de la proposée. Car en regardant les arbitraires comme des variables indéterminées, et supposant nulles dans les valeurs de les parties
qui dépendent de la variabilité de ces quantités on aura
ensuite
De cette manière on voit que les expressions de ont la même forme que si étaient constantes, et que celle de ne diffère de ce qu’elle serait dans ce cas que par les termes
qui y sont ajoutés ; or comme dans le cas de constantes, les valeurs de satisfont par l’hypothèse à l’équation proposée lorsqu’on y suppose quelles que soient d’ailleurs les valeurs de ces constantes, il est aisé de conclure que si l’on substitue dans cette équation les valeurs ci-dessus de tous les termes s’y détruiront, à l’exception des termes de la valeur de qui dépendent de la variation des quantités et du terme qui avait été supposé auparavant nul. De sorte qu’on aura, en divisant par l’équation
et cette équation étant combinée avec les équations de condition
on en tirera par les règles ordinaires de l’élimination les valeurs des
différentielles et de là on aura par l’intégration celles de qu’on substituera dans l’expression de Ce qui est beaucoup plus simple que tout ce que l’on trouve dans les tomes III et IV des Mémoires de Turin sur cette matière.
En général, si l’on connaît l’intégrale complète d’une équation quelconque de l’ordre telle que
étant une fonction de on pourra faire servir cette intégrale à trouver celle de l’équation
étant aussi une fonction donnée de
Car soit l’intégrale complète dont il s’agit, sera une fonction de et de constantes arbitraires en sorte que sera réciproquement une fonction de et des mêmes constantes, laquelle satisfera par conséquent à l’équation
quelles que soient les valeurs de ces constantes.
Supposons maintenant que soit également l’intégrale de l’équation
mais en y regardant les quantités comme variables ; dans cette hypothèse, l’expression de en sera la même que dans le cas de constantes, mais celles de , seront diffërentes cependant, si dans les différentiations successives on suppose nulles les parties des différentielles qui résultent de
la variabilité des quantités on aura ces équations de condition
au moyen desquelles les valeurs de ces différentielles seront encore les mêmes que si étaient constantes ; de sorte qu’en substituant ces valeurs ainsi que celle de dans la quantité on aura encore la même fonction de que dans le cas où les quantités , seraient constantes. Or comme la valeur de est la même que dans le cas de constantes, il est clair que celle de sera égale à ce qu’elle serait dans le même cas, plus à la variation de due aux quantités laquelle est
par conséquent, si l’on dénote par la première partie de cette valeur, on aura pour la valeur complète de la quantité
où sera, après les substitutions, la même fonction de que dans le cas de constantes ; mais dans ce cas on a, par l’hypothèse,
quelles que soient les valeurs de ces constantes ; donc la même équation aura encore lieu dans le cas où les quantités ne sont pas
constantes ; par conséquent dans ce dernier cas l’équation
deviendra, étant multipliée par
nette équation étant combinée avec les équations de condition trouvées ci-dessus, on aura, après avoir substitué partout les valeurs de et de ses différentielles en tirées de l’équation finie valeurs qui sont les mêmes que dans le cas de constantes, on aura, dis-je, équations différentielles du premier ordre entre les variables et la variable si donc on intègre ces équations, on aura les valeurs de en qui étant ensuite substituées dans l’équation donneront l’intégrale de l’équation proposée.
J’avoue que l’intégration des équations en et sera le plus souvent très-difficile, du moins aussi difficile que celle de l’équation proposée
et il n’y a peut-être que le seul cas des équations linéaires que nous avons traitées plus haut, où l’intégration des équations dont il s’agit réussisse, en général, à cause que les constantes sont aussi nécessairement linéaires dans l’intégrale complète mais le grand usage de la méthode précédente est pour intégrer par approximation les équations dont on connaît déjà l’intégrale complète à peu près, c’est-à-dire en négligeant des quantités qu’on regarde comme très-petites.
Par exemple, si dans l’équation
on suppose que la fonction soit très-petite vis-à-vis de et qu’on con-
naisse déjà l’intégrale complète dans le cas de en employant la méthode précédente, et tirant des équations différentielles en et les valeurs de on aura des équations de cette forme
étant des fonctions finies de et étant aussi une fonction des mêmes quantités, mais très-petite par l’hypothèse ; d’où l’on voit que les valeurs de sont aussi très-petites du même ordre ; ainsi, en regardant d’abord les quantités comme constantes, on pourra par les méthodes connues approcher de plus en plus des vraies valeurs de ces quantités.
Il n’est pas à craindre que les fonctions deviennent infinies car cette supposition renferme les conditions nécessaires pour que l’intégrale complète de l’équation
en devienne une intégrale particulière ; sur quoi on peut voir mon Mémoire sur les intégrales particulières des équations différentielles[4].
Il est visible au reste que cette méthode, que je ne fais qu’exposer ici en passant, peut s’appliquer également au cas où l’on aurait plusieurs équations différentielles entre plusieurs variables dont on connaîtrait les intégrales complètes approchées, c’est-à-dire en y négligeant des quantités supposées très-petites. Elle sera par conséquent fort utile pour c\delta lculer les mouvements des planètes en tant qu’ils sont altérés par leur action mutuelle, puisqu’en faisant abstraction de cette action la solution complète du Problème est connue ; et il est bon de remarquer que, comme dans ce cas les constantes représentent ce qu’on nomme les éléments des planètes, notre méthode donnera immédiatement les variations de ces éléments provenantes de l’action que les planètes exercent les unes sur les autres. J’avais déjà donné un essai de cette méthode dans mes Recherches sur la théorie de Jupiter et de Saturne [Mémoires de Turin, tome III[5]]. Elle est présentée ici d’une manière plus directe et plus générale ; mais je me propose de la développer ailleurs avec plus d’étendue, et de l’appliquer à la solution de quelques Problèmes importants sur le Système du monde.
Article II. — Des suites récurrentes doubles, ou de l’intégration des équations linéaires aux différences finies et partielles entre trois variables.
6. Supposons que l’on ait une série dont les termes varient de deux manières différentes et forment une espèce de Table à double entrée de cette forme
et que l’on ait constammententre les termes de cette série une équation linéaire de cette forme
dans laquelle soient des coefficients constants quelconques ; la série dont il s’agit sera une série récurrente double de l’ordre et l’équation précédente sera une équation linéaire aux différences finies et partielles entre trois variables, de l’intégration de laquelle dépendra la recherche du terme général de la série.
7. Supposons d’abord que l’équation différentielle proposée n’ait que quatre termes et qu’elle soit de la forme
(F)
Je fais
étant des constantes indéterminées ; j’aurai ainsi
substituant ces valeurs et divisant ensuite toute l’équation par il viendra celle-ci
par laquelle on pourra déterminer l’une des deux constantes par l’autre.
Je tire de cette équation, j’ai
donc, substituant cette valeur de j’aurai
où et demeurent indéterminées.
Qu’on réduise maintenant la quantité en une série qui procède suivant les puissances de mais en sorte que ces puissances aillent en diminuant, et si l’on suppose, en général,
on aura
Or, comme et sont arbitraires, on aura une infinité de valeurs différentes de et il s’ensuit de ce que l’équation différentielle (F) est linéaire, qu’on pourra également prendre pour la somme d’autant de ces différentes valeurs qu’on voudra.
Donc, si l’on prend un nombre quelconquede constantes différentes on aura, en général,
Je remarque maintenant qu’à cause du nombre indéfini des constantes arbitraires la quantité
doit pouvoir représenter une fonction quelconque de que je désignerai par la caractéristique ainsi, et alors il est visible que les quantités semblables
deviendront
donc faisant ces substitutions on aura, en général,
8. La détermination de la forme de la fonction dépend des valeurs de lorsque en effet, si l’on fait on a
donc
D’où il s’ensuit que l’on aura, en général,
où l’on voit que les quantités sont contenues parmi les termes qui forment le premier rang horizontal de la Table du no 6, pourvu qu’on suppose que la série de ce rang soit aussi continuée à gauche de cette manière
Si donc on regarde tous ces termes comme donnés, on aura par la formule précédente la valeur d’un terme quelconque de la Table dont il s’agit, dans le cas où elle est supposée formée par une loi telle, que l’on ait constamment, entre quatre termes contigus ou disposés en carré, une équation de la forme (F) du no 7.
9. Si l’on suppose que tous les termes du premier rang horizontal, qui précèdent c’est-à-dire les termes de ce rang continué en arrière soient nuls, ce qui peut avoir lieu dans un grand nombre de Problèmes, alors l’expression de sera toujours composée d’un nombre fini de termes, parce qu’il faudra en rejeter tous ceux où se trouvera étant un nombre négatif quelconque. On aura donc dans ce cas
Dans tous les autres cas la série ira à l’infini, à moins que l’on n’ait ou parce qu’alors, à cause de égal à un nombre entier positif, la série des quantités sera finie et n’aura que termes.
10. Pour montrer, par un exemple connu, l’application de la formule précédente, je prends celui de la Table de Pascal pour les combinaisons, dans laquelle on sait que chaque terme est égal à la somme de celui qui le précède dans le même rang horizontal et de celui qui est au-dessus de ce dernier dans le même rang vertical ; de plus le premier rang horizontal est tout formé d’unités et le premier rang vertical est tout zéro. D’où il s’ensuit qu’on a d’abord, en général, cette équation
et qu’ensuite on a
Cette équation étant comparée à celle du no 7, on a
donc
ce qui étant élevé à la puissance donne la série
de sorte qu’on aura dans la formule générale du numéro cité et
Donc, par la formule du no 8, on aura, en général,
Mais en faisant on doit avoir, par l’hypothèse, en supposant donc il faudra que l’on ait, en général,
quel que soit pourvu que ce soit un nombre entier positif ; d’où il est facile de conclure que l’on doit avoir
et, en général,
tant que sera entier négatif, ce qui est le cas du no 9, dans lequel nous avons vu que la série devient finie.
On aura donc, d’après la formule de ce numéro,
Telle est l’expression générale d’un terme quelconque de la Table de Pascal, en supposant que les termes qui forment le premier rang horizontal, et qui sont représentés par soient quelconques. Mais dans le cas de la Table de Pascal ces termes sont tous égaux à l’unité ; substituant donc l’unité à la place de ces quantités dans la formule ci-dessus, on aura
ce qui se réduit, comme l’on sait, à cette expression plus simple
11. Nous avons remarqué ci-dessus que la solution précédente donne, en général, une expression finie de lorsque ou examinons donc d’abord ces deux cas.
1o Soit alors l’équation différentielle (F) n’aura que trois termes et sera du premier ordre. Et si l’on fait, pour abréger,
on aura
ce qui étant élevé à la puissance et ensuite comparé à la formule générale donnera
Donc (8)
On voit ici non-seulement que la série est toujours finie lorsque est un nombre entier positif, mais encore qu’elle ne contient que des quantités de la forme étant positif ; d’où il s’ensuit que dans ce cas il suffit que le premier rang horizontal de la Table du no 6 soit donné, pour qu’on puisse déterminer la valeur de uelque terme que ce soit de la même Table.
2o Supposons que l’on ait l’équation différentielle n’aura aussi que trois termes, mais elle sera du second ordre. Faisant dans ce cas
on aura
élevant cette quantité à la puissance et comparant avec la formule gé-
nérale, on aura et les valeurs de seront les mêmes que dans le cas précédent.
Ainsi on aura
Cette expression est toujours finie tant que est un nombre entier positif mais, lorsque est elle contient nécessairement des quantités telles que étant négatif. Ainsi il ne suffira pas, dans ce cas, que le premier rang horizontal de la Table du no 6 soit donné, il faudra encore supposer donnés les termes précédents Si l’on ne connaît pas ces termes, mais que l’on connaisse ceux qui forment le premier rang vertical de la Table, on pourra alors déduire ceux-là de ceux-ci de la manière suivante.
Je fais et successivement j’aurai
d’où il est facile de tirer
et, en général,
Je conclus de là que, si l’on considère ces deux séries
qui sont supposées données, et qu’on dénote pour plus de simplicité les termes de la première par
et ceux de la seconde par
qu’ensuite on prenne les différences successives des termes de cette dernière, lesquelles soient dénotées par la caractéristique en sorte que l’on ait ; comme on sait,
qu’on suppose enfin que la première suite soit continuée en arrière par les termes
lesquels soient respectivement égaux à
en sorte que l’on ait, en général,
on aura la formule
dans laquelle toutes les quantités seront connues.
12. Mais, si ni ni n’est égal à zéro, alors il est impossible d’avoir, en général, une expression finie pour par la méthode du no 7 ; cependant on y peut parvenir par une autre méthode que nous allons exposer.
Je reprends l’expression de en (7), laquelle es
je fais
d’où je tire
et substituant dans la valeur de il me vient
J’aurai donc ainsi
Ces valeurs étant substituées dans la quantité réduisant ensuite cette quantité en série suivant les puissances de on aura une expression de la forme
laquelle sera toujours composée d’un nombre fini de termes, et étant des nombres entiers positifs.
Or, puisque est une constante indéterminée, il est facile de prouver, par un raisonnement semblable à celui qu’on a fait dans le no 7 relativement à l’indéterminée que l’on aura, en général,
la caractéristique dénotant une fonction quelconque.
Telle est donc l’expression générale de et cette expression a sur celle du numéro cité l’avantage d’être toujours finie.
13. Supposons maintenant que les valeurs données de soient celles qui forment le premier rang horizontal, et le premier rang vertical de la Table du no 6, c’est-à-dire qui répondent à et à et voyons comment on doit déterminer par leur moyen les différentes valeurs de la fonction
1o Soit donc et faisant pour plus de simplicité
en sorte que
on aura
donc
Supposons successivement
on aura
D’où l’on peut conclure que, si l’on considère la série des termes
et qu’on les désigne par qu’ensuite on prenne les différences successives de ces termes et qu’on les désigne à la manière ordinaire par la caractéristique on aura
2o Soit et faisant, pour abréger,
en sorte que
et par conséquent
on aura
donc
Faisons successivement
on aura
d’où l’on tire
donc si l’on considère la série
et qu’on désigne les termes de cette série par qu’ensuite on prenne les différences successives de ces termes et qu’on les désigne par la caractéristique on aura
Ainsi l’on connaîtra les valeurs de soit que soit positif ou négatif ; et l’on aura, en général, comme ci-dessus,
À l’égard des valeurs de il est clair que pour les trouver il n’y aura qu’à multiplier ensemble les séries ci-dessus qui donnent les valeurs de et de on aura par ce moyen
Et si ce qui a lieu lorsque on aura plus simplement
Le Problème est donc résolu avec toute la simplicité et la généralité qu’on peut désirer.
14. Dans l’Exemple du no 10 on a
donc
Donc on trouvera (à cause de et )
Ensuite la série deviendra de sorte qu’on aura, en général,
étant un nombre positif. Enfin, à cause de et on trouvera
le signe supérieur étant pour le cas de pair, et l’inférieur pour celui de impair.
Substituant donc ces valeurs dans l’expression générale de on aura
où les différences se rapportent uniquement aux termes du premier rang horizontal en sorte que
Par le moyen de cette formule on peut donc avoir la valeur d’un terme quelconque de la Table de Pascal, en supposant que dans cette Table le premier rang horizontal et le premier rang vertical soient quelconques.
Dans la Table même de Pascal, le premier rang horizontal est tout formé d’unités, et le premier rang vertical est tout zéro à l’exception du premier terme, en sorte que l’on a
donc
Ainsi la formule précédente deviendra dans ce cas
ce qui s’accorde avec ce que l’on a trouvé à la fin du no 10.
15. Soit proposée maintenant l’équation générale du second ordre
(G)
Je fais, comme ci-dessus,
substituant et divisant ensuite tous les termes par il me vient cette équation en et
(H)
par laquelle on pourra déterminer en
Je cherche donc par la méthode connue de Newton la valeur de n, exprimée par une série descendante, c’est-à-dire dans laquelle les exposants de aillent en diminuant. J’élève ensuite cette série à la puissance au moyen des formules connues pour cet objet ; j’obtiens par là une valeur de en de la forme suivante
où les nombres seront nécessairement tous positifs et croissants.
Donc, substituant cette valeur de on aura cette expression particulière de savoir
dans laquelle et seront des constantes indéterminées.
De là, par un raisonnement semblable à celui du no 7, on tirera immédiatement l’expression générale
la caractéristique dénotant une fonction quelconque indéterminée.
Or, tant que ne sera pas nul, l’équation en montera au second degré et aura par conséquent deux racines ; on aura donc pour et par conséquent aussi pour deux séries différentes ; donc, si l’autre valeur de est représentée par la série
les nombres étant aussi positifs et croissants, on en tirera pareillement une valeur de qui sera
la caractéristique désignant aussi une fonction quelconque indéterminée.
Réunissant maintenant ces deux valeurs de on aura, en général,
expression qui est nécessairement l’intégrale complète de la proposée, puisqu’elle contient deux fonctions indéterminées.
16. Il est clair que cette expression de sera toujours composée d’un nombre infini de termes, à moins que les deux valeurs de en ne soient finies ; ce qui n’a lieu que lorsque l’équation (H) peut se décomposer en deux équations du premier degré. Dans ce cas on aura pour une expression finie, et par conséquent on aura l’intégrale finie de l’équation différentielle proposée. Mais il peut arriver dans ce même cas que les deux valeurs de en soient égales ; ce qui donnera
en sorte que les deux fonctions arbitraires se fondront en une seule ; ce qui rendra la valeur de incomplète.
Pour remédier à cet inconvénient on supposera, suivant la méthode usitée dans ces sortes de cas, que les deux valeurs de diffèrent entre celles d’une quantité très-petite, c’est-à-dire qu’on prendra pour la seconde valeur de ce qui donnera pour la seconde valeur de où il faut remarquer que la différentielle demeure indéterminée, parce qu’en différentiant l’équation (H) il arrivera nécessairement que les quantités par lesquelles les deux différentielles et se trouveront multipliées, seront nulles à la fois. De là il est aisé de conclure que si l’on dénote par les valeurs de qui répondent à c’est-à-dire qui résultent de la substitution de à la place de on aura pour cette autre expression
dans laquelle les caractéristiques et dénotent des fonctions quelconques.
17. Pour déterminer maintenant les fonctions arbitraires, on supposera que les deux premiers rangs horizontaux de la Table du no 6 soient donnés, c’est-à-dire qu’on connaisse toutes les valeurs de et on fera donc 1o et, comme dans ce cas on a
et de même
la formule du no 15 donnera
on fera 2o et, dénotant par les valeurs
de qui répondent à la même formule donnera
ainsi l’on aura deux équations, à l’aide desquelles, en donnant successivement à toutes les valeurs on pourra déterminer celles des fonctions et mais il est clair que cette détermination sera très-difficile, en général, à moins que l’expression de ne soit finie, ce qui n’arrivera que lorsque la valeur de en est finie.
Si les deux valeurs de sont égales, la détermination des fonctions et de la formule du no 16 sera très-facile ; car en faisant on aura d’abord
et faisant ensuite on aura
donc
de sorte qu’on connaîtra immédiatement par là les valeurs générales des deux fonctions.
18. Au reste, quoique l’expression de trouvée par la méthode précédente soit, en général, composée d’un nombre infini de termes, il y a cependant un cas très-étendu, et qui a lieu dans la plupart des questions qui conduisent à ces sortes d’équations différentielles, dans lequel cette expression devient finie ; en sorte que la détermination des fonctions arbitraires n’a plus de difficulté. Ce cas est celui où l’on suppose que si l’on continue en arrière les deux premiers rangs horizontaux de la Table du no 6, tous les termes qui formeraient ces rangs ainsi continués soient nuls ; c’est-à-dire lorsque l’on aura, en général,
tant que sera négatif.
En effet, il est aisé de voir qu’on aura alors
tant que sera plus grand que et de sorte que comme les nombres qui sont après les caractéristiques et dans l’expression générale de vont continuellement en diminuant, les fonctions de ces nombres deviendront enfin nulles, ce qui rendra l’expression dont il s’agit finie.
Il est facile maintenant d’appliquer aux équations différentielles de tous les ordres, comprises sous la formule générale du no 6, la méthode que nous venons d’exposer pour les équations du second ordre, et d’en tirer des conclusions semblables ; ainsi nous ne nous étendrons pas davantage sur cette méthode.
19. Dans le cas des équations du second ordre à trois termes nous avons trouvé moyen de remédier à l’inconvénient de la méthode générale, et d’obtenir une expression finie de