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Mémoires inédits de l’abbé Morellet/Traité des délits et des peines

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Traité des délits et des peines.

Pag. 163. Je publiai la traduction de l’ouvrage dei Delitti e delle Pene, etc. » Extrait d’une lettre adressée, en 1808, par M. Morellet aux rédacteurs des Archives littéraires.

C’est sur l’invitation de M. de Malesherbes et sur l’exemplaire que lui-même m’avait confié, que j’ai traduit le traité dei delitti ; c’est de loi, comme magistrat préposé à la librairie par M. le chancelier de Lamoignon son père, que j’obtins la permission d’imprimer ma traduction ; et tous les hommes de lettres qui ont eu le bonheur de vivre dans la société de M. de Malesherbes savent qu’il a constamment fait une grande estime du livre.

Je rapporterai à ce sujet un fait de quelque intérêt : c’est que, peu de temps avant l’emprisonnement qui l’a conduit à l’échafaud, il m’avait demandé, sur l’ouvrage de Beccaria, quelques observations qu’il se proposait d’employer dans un travail sur cette matière, conservant ainsi, au milieu des horreurs de la révolution et, pour ainsi dire, sous la hache, l’espoir et le désir de voir la législation se perfectionner dans des temps meilleurs, et voulant lui-même contribuer à faire ce bien à sa nation et à l’humanité.

C’est un fait connu que Beccaria, invité par M. de Malesherbes, M. Turgot, M. d’Alembert, M. Helvétius, M. de Buffon, M. Trudaine, etc., à venir à Paris recevoir les témoignages de l’estime que son ouvrage lui avait acquise, y trouva en effet ce qu’on lui avait annoncé, un accueil distingué des hommes les plus célèbres de France.

À des témoignages d’un si grand poids, s’il est nécessaire d’en ajouter d’autres, je dirai que lord Mansfield, premier juge du banc du roi en Angleterre, et l’un des hommes les plus éclairés de son siècle, disait, et que je lui ai entendu dire, que le Traité des délits de Beccaria, était un des plus beaux ouvrages et des plus utiles qui eussent paru depuis cent ans. Et le jurisconsulte Blakstone, en ces matières l’oracle et la lumière de la jurisprudence anglaise, dans son Commentaire sur les lois, cite souvent Beccaria avec éloge, et ne le combat qu’avec les égards qu’on doit au génie, jusque dans les méprises dont il n’est pas toujours exempt.