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Mémoires posthumes de Braz Cubas/Chapitre 069

La bibliothèque libre.
Traduction par Adrien Delpech.
Garnier Frères (p. 254-255).
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LXIX

Un grain de folie


Cette histoire me fait penser à un fou qui s’appelait Romualdo et qui disait être Tamerlan. C’était son unique manie, dont l’origine était singulière.

— Je suis, disait-il, l’illustre Tamerlan. Naguère, je n’étais que Romualdo ; mais étant tombé malade, j’ai pris tant de tartre[1], tant de tartre, tant de tartre que je suis devenu Tartare, et même roi des Tartares. Le tartre a la propriété de naturaliser les gens.

Le pauvre Romualdo ! on riait de ses réponses, mais je suppose que le lecteur n’en rira pas plus que moi. Je n’y trouve aucun sel. C’était drôle de l’entendre. Mais quand on lit son histoire, contée, comme cela, à propos de coups de fouet reçus et transmis, on doit penser qu’il vaut mieux retourner dans la petite maison de la rue de la Gamboa. Laissons là Romualdo et Prudencio.


  1. Tartre, en portugais tartaro, ce qui explique le jeu de mot. (Note du traducteur.)