Mémoires secrets et inédits pour servir à l’histoire contemporaine/Tome 1/3

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CHAP. II.  ►
EXPÉDITION D’ÉGYPTE



CHAPITRE PREMIER.

Causes et préparatifs de l’Expédition.

J’ai fait partie de l’expédition d’Égypte comme officier de correspondance ; quoique très-jeune alors, j’avais déjà l’esprit curieux ; je prenais des notes circonstanciées sur ce que je voyais bien plus que sur ce qui m’arrivait à moi-même ; aussi je ne donne pas ici mes aventures, mais une suite de particularités mises en ordre sur l’expédition d’Égypte. J’ai vu beaucoup de choses, mais je n’ai pas tout vu ; par exemple, je n’ai jamais été dans la haute Égypte. Quant aux causes et aux ressorts des événemens, ils ne m’ont été connus que plus tard, et il en est dont je me suis rappelé par réminiscence. À mes notes j’ai eu occasion de joindre beaucoup d’informations de mes amis et de mes compagnons d’armes, soit sur les opérations militaires, soit sur les événemens publics ou particuliers qui m’ont paru mériter d’être recueillis. Je me suis d’ailleurs peu astreint à la liaison historique de chaque événement avec la marche générale des affaires, à l’exception de l’expédition de Syrie que je crois complète. Du reste, ce n’est qu’assez tard, après bien des traverses et dans des temps plus calmes, que je me suis déterminé à rédiger en corps de mémoires mes notes et mes souvenirs. Je n’offre pas précisément une relation militaire ; c’est plutôt un mélange de faits, de réflexions, d’anecdotes, de descriptions, auxquels se joignent quelquefois des tableaux de mœurs : ce qui m’a paru devoir répandre plus de variété et d’intérêt dans mes récits. Je crois pouvoir affirmer que je rapporte un assez grand nombre de circonstances peu connues, et même quelques-unes qui ne l’étaient pas du tout ; d’ailleurs on sait que chaque témoin qui se pique d’observation, a sa manière de voir et de juger les hommes et les événemens. C’est la concordance des témoignages qui forme la vérité historique.

Je pense que si, depuis vingt-cinq ans, toutes les relations de nos expéditions eussent été soumises au contrôle d’une critique fondée sur l’expérience des faits, on aurait tous les élémens nécessaires pour écrire d’une manière complète et impartiale l’histoire contemporaine. Mais, en général, c’est l’esprit de parti, la passion ou l’intérêt qui dictent les mémoires historiques. J’espère éviter ces écueils, et pour y parvenir, le meilleur moyen, sans aucun doute, est de ne dire que ce que l’on croit vrai, et de le dire avec courage, et sans réticence. C’est ce que je me propose de faire ; on n’a que trop écrit, surtout sur l’expédition d’Égypte, dans un système oriental d’exagération et d’esprit romanesque. Il est temps de réduire les faits à leur juste valeur. Entrons en matière.

Je ne rechercherai pas si l’expédition d’Égypte fut résolue parce que le général Bonaparte voulait s’éloigner des agitations intérieures, éviter les chances fâcheuses qu’il prévoyait sous le gouvernement du Directoire, dont tous les membres n’étaient pas ses amis ; ou si le Directoire, n’épiant que l’occasion d’éloigner un général dont l’ambition l’offusquait, en fit naître lui-même l’occasion. Ce que j’ai appris dans le temps, soit à l’armée, soit à l’état-major, de la bouche d’officiers qui me paraissaient bien instruits, m’a persuadé que le général Bonaparte a eu réellement le dessein de révolutionner l’Orient ; mais qu’ébloui par le succès de la paix de Campo-Formio qui était son ouvrage, il eût préféré alors se rendre maître du pouvoir en France : l’expédition d’Égypte ne fut que son pis-aller. Il y avait songé en Italie une année auparavant, et avait fait rassembler à cet effet plusieurs écrits tirés des bibliothèques de Milan, de Bologne et de Florence ; on lui avait aussi présenté des plans pour révolutionner Malte ; et, de Paris, on lui envoya sur l’Égypte des mémoires manuscrits plus ou moins intéressans. Étant un peu tranquille au Caire, j’en ai vu différens extraits qui étaient renfermés dans les cartons de l’état-major, et j’ai pris quelques notes sur l’un de ces mémoires qui m’a paru contenir les vues les plus déterminantes ; je crois qu’il était de M. Magallon, notre consul-général en Égypte, qui, par ses écrits confidentiels, a le plus influé sur la détermination du gouvernement directorial, et de Bonaparte lui-même.

Dès 1790, l’auteur avait invité le gouvernement français à effectuer la conquête d’Égypte, comme n’étant plus qu’idéalement sous la domination de la Porte ottomane. Plus tard il présenta cette conquête comme pouvant remplacer, par une brillante et prompte colonisation, la reine des Antilles qui venait de nous échapper. Voici quelles étaient les considérations sur lesquelles l’auteur s’appuyait le plus volontiers.

« La récolte se fait en Égypte en mars et avril ; tout est récolté et fermé en mai.

» Les vents étésiens soufflant constamment du nord au sud, depuis mai jusqu’au solstice d’été, produisent deux effets : le premier, c’est de rafraîchir et de purifier l’atmosphère du Delta et de la haute Égypte ; le second, c’est de porter et d’accumuler toutes les vapeurs vers le midi de cette région, et de les réunir au cœur de l’Éthiopie, aux sources même du Nil.

» Les pluies abondantes qui en sont le résultat grossissent le Nil, et portent ensuite l’inondation dans toute l’Égypte.

» Cette région est submergée pendant les mois de juillet, août et septembre.

» Il résulte de ces faits que l’on pourra donc, en entrant en Égypte dans le courant de mai, être assuré d’y trouver la récolte faite, et conséquemment tous les approvisionnemens nécessaires pour une année entière : donc nulle inquiétude pour les subsistances et pour la conservation de l’armée.

» Les mois de mai et juin sont plus que suffisans pour soumettre le Delta et la moyenne Égypte avant l’époque du débordement ; il est essentiel de brusquer cette opération ; et, après le débarquement, de marcher droit au Caire, en prenant toutes les précautions possibles pour la conservation des récoltes de riz et de grains que l’on trouvera faites et serrées.

» On remettra la conquête de la haute Égypte à l’hiver, après la retraite des eaux. On laboure et l’on ensemence en novembre ; elles sont suffisamment ressuyées à cette époque ; par conséquent, en décembre et janvier, le sol étant parfaitement raffermi, on peut entreprendre et achever la conquête de la haute Égypte.

» Ainsi, en débarquant dans le courant de mai, la conquête de l’Égypte entière peut et doit être achevée en neuf mois, et l’on sera assuré de deux récoltes, l’une faite et fermée au moment du débarquement, et l’autre sur terre au moment où l’on marchera sur la haute Égypte.

» Les trois mois d’inondation donneront le temps de fortifier Alexandrie, Damiette et Rosette, ainsi que l’isthme de Suez ; l’isthme doit être fortifié par une ligne serrée de redoutes bien garnies d’artillerie, seul moyen de le rendre inabordable aux Arabes.

» On ne doit pas perdre de vue que l’Égypte ne peut être insultée par terre que par deux points, l’isthme de Suez qui confine à l’Arabie, et Syenne ou Éléphantine qui confine à l’Éthiopie. Aussi les Romains ont-ils défendu et conservé l’Égypte pendant des siècles avec une seule légion.

» La conquête de l’Égypte effectuée, qu’en résultera-t-il pour la France ? De deux choses l’une :

» Ou l’on voudra sur-le-champ chasser de l’Inde les Anglais de vive force, ou l’on se contentera d’anéantir leur commerce avec l’Inde, et de le remplacer par l’avantage seul de notre position en Égypte. Dans le premier cas, rien de plus facile que de faire passer en très-peu de temps, au moyen d’une escadre stationnée à Suez, tel nombre de troupes que l’on voudra, soit aux Marattes, soit à Tippo-Saïb, qui, bien sûrs d’être puissamment soutenus par nous, du moment que nous serons maîtres de l’Égypte, et étant mortels ennemis des Anglais, s’empresseront de les attaquer, et leur feront une guerre d’extermination, jusqu’à ce qu’ils les aient expulsés du Bengale et de leurs autres possessions : ce qu’ils feront immanquablement et promptement avec notre secours.

» Pour nous, il nous suffira de prendre comme indemnité et de conserver dans l’Inde les ports de Trinquemale et de Bombay, où nous ferons stationner deux divisions de notre escadre de Suez, qui serviront à protéger et à faire respecter notre commerce sur les côtes de Malabar et de Coromandel, et depuis le golfe Persique jusqu’au fond du golfe du Bengale. On n’aura rien à craindre des Indiens, qui n’ont jamais eu et n’auront jamais de marine militaire ; leur système religieux s’y oppose.

» Dans le second cas, celui d’anéantir le commerce anglais de l’Inde, il suffira d’établir des entrepôts au Caire, à Alexandrie et à Marseille. Alors, d’après les ordres envoyés à Marseille, les marchandises des Indes descendront à Paris et dans tous nos ports de l’Océan, en un mois ou six semaines, par la voie du roulage, et par le canal du Languedoc, indépendamment de celles qui y arriveront par mer.

» Or, les Anglais sont dix-huit à vingt mois à attendre les retours ; donc, sous peu d’années, le commerce anglais avec l’Inde, ne pouvant en aucune manière soutenir une pareille concurrence, sera indubitablement anéanti. Donc la France sera seule, sous peu d’années, en possession du commerce de l’Inde et des bénéfices de ce même commerce. »

L’auteur n’oubliait qu’une chose, et qui devait être précisément la base de son projet : c’était de se rendre les maîtres de la mer et de n’avoir point à redouter les escadres anglaises ; car il n’était guère présumable que les Anglais restassent spectateurs tranquilles d’une pareille expédition.

Et ce fut pourtant ce plan sans base que le Directoire et le général Bonaparte adoptèrent.

L’auteur répondait d’une manière assez satisfaisante à toutes les autres objections ; mais il éludait la principale et la plus décisive. Il démontrait, par exemple, que nos soldats soutiendraient sans inconvénient la chaleur du climat de l’Égypte ; qu’il n’y avait pas lieu d’être inquiet sur les forces des beys ou chefs des mamelucks, milice qui ne pourrait résister à la discipline et à l’artillerie européenne. Cette milice une fois détruite ou dispersée, il n’existerait plus aucune force militaire en Égypte, attendu que les indigènes, abâtardis depuis plusieurs siècles, étaient incapables de prendre les armes, n’étant rien moins que soldats.

Il apportait d’ailleurs en preuve de la docilité des Égyptiens, la résignation avec laquelle ils supportaient le joug des beys et des mamelucks.

J’étais loin d’avoir aucune idée de la nature de l’armement qui se préparait, et encore moins de sa destination, quand je me précipitai comme tant d’autres jeunes gens dans cette expédition aventureuse ; j’étais séduit par la renommée du général en chef et par l’éclat de nos armes ; c’était un délire, un entraînement presque universel.

Je rapporterai ici les notions particulières que j’acquis également à l’état-major sur les préliminaires de l’expédition, notions que je puisai dans des documens certains et dans la correspondance confidentielle pendant notre séjour au Caire.

Ce fut dans les premiers jours de mars 1798, que le Directoire arrêta les mesures préparatoires pour la formation de l’armée d’Orient, d’après une note qui lui fut remise le 5 mars par le général Bonaparte. Les premiers arrêtés du Directoire furent libellés sur la note même qui indiquait Civita-Vecchia, Gènes, Ajaccio, Toulon, Nice et Antibes, comme ports d’armement et d’embarquement de 25,000 hommes d’infanterie et de 3,000 hommes de cavalerie, sans chevaux. Les premiers frais de l’armement étaient évalués à 8 ou 9 millions qui furent pris, la plupart, dans les trésors de Berne. Une commission composée du contre-amiral Duchayla, du commissaire de la marine Leroy, du général d’artillerie Dommartin, de l’ordonnateur Sucy, désignée sous le nom de commission de l’armement des côtes de la Méditerranée, fut chargée de régler tout le matériel de l’armement. Les troupes furent à l’instant dirigées vers les ports désignés, de même que les équipages d’artillerie. Le général Baraguey-d’Hilliers fut chargé de l’embarquement au port de Gènes, où il avait avec lui les généraux Vial, Veaux et Murat ; l’embarquement de Civita-Vecchia fut commandé par le général Desaix, ayant sous ses ordres les généraux Friant, Muireur et Belliard. Le général Vaubois présida aux armemens de Bastia, Ajaccio et autres ports de l’île de Corse. Le général Kléber fut employé, sous les ordres du général en chef, dans l’armement qui se préparait à Toulon ; c’était le plus considérable. Des ordres furent donnés pour que le contre-amiral Brueys, qui était à Corfou avec une grande partie de l’escadre, fît voile pour Toulon. Il n’y avait pas un seul vaisseau de guerre anglais dans la Méditerranée. Le contre-amiral Brueys mit à la voile de Corfou vers la fin de février avec six vaisseaux de guerre français, six frégates, cinq vaisseaux de guerre vénitiens, trois frégates idem, et deux cutters pris sur les Anglais. Le contre-amiral Perrée partit d’Ancône avec deux frégates françaises et deux vénitiennes. Toutes ces forces navales se dirigèrent vers Toulon qui était le centre de l’armement général. Le contre-amiral Brueys, avant de mettre à la voile de Toulon, fut promu au grade de vice-amiral, sur la demande du général en chef Bonaparte. L’affaire de Bernadotte à Vienne[1] porta aussitôt le général Bonaparte à ordonner de faire débarquer les troupes à Civita-Vecchia et à Gènes. « Si jamais les affaires se brouillent, mandait-il aux généraux Desaix et Baraguey-d’Hilliers, les efforts des Autrichiens se tourneront en Italie. » L’événement de Vienne, au moment où le général en chef allait se rendre à Toulon, suspendit son départ ; mais peu de jours après on vit que cela ne changerait rien à l’expédition.

Quand j’arrivai à Toulon, au commencement de mai, la ville et le port offraient le spectacle le plus animé et le plus imposant. D’immenses convois y venaient de tous côtés des provinces voisines ; une forêt de mâts semblait sortir de la mer ; la plage était couverte de soldats, de chevaux, d’équipages de guerre. La division Kléber campait à la Seine, village voisin, à la droite de Toulon. La division Mesnard était dans Toulon même. Des savans, des artistes, des ouvriers de toutes les professions se réunissaient sur les bâtimens et donnaient à cette grande entreprise un air de croisade qui exaltait tous les esprits. On fit la répartition de tous les officiers de santé, qui furent distribués par divisions dans les principaux vaisseaux de guerre sous la direction de M. Larrey, chirurgien en chef de l’armée ; ils étaient munis de ce qui leur était nécessaire pour pouvoir être partout utiles aux troupes : il n’y avait pas de bâtiment au-dessous de cent hommes qui n’eût son officier de santé. Le médecin en chef Desgenettes avait dirigé la réception et la préparation des médicamens.

Le général en chef arriva inopinément du 9 au 10 mai à Toulon. On avait fait répandre le bruit que c’était le ministre de la marine qui y viendrait, et on lui avait préparé en conséquence un logement destiné au fond pour le général Bonaparte, dont on avait eu soin de masquer ainsi l’arrivée. Il adressa aussitôt aux soldats de terre et de mer une proclamation qui faisait pressentir l’importance de l’expédition, sans en rien révéler. Tous les esprits étaient agités et exaltés. On était impatient de connaître les lieux où l’armée allait porter ses armes ; chacun se demandait quelle était sa destination ; les uns citaient le Portugal, le Brésil, l’Angleterre ; d’autres, l’Irlande, la Sardaigne ou la Crimée ; l’Égypte n’était pas oubliée, et les marins surtout la désignaient plus particulièrement. Voici le raisonnement que j’entendis faire à ce sujet au fils du vice-amiral Thévenard, qui commandait le vaisseau l’Aquilon. « Je ne suis pas initié, nous dit-il à la suite d’un dîner, dans le secret du gouvernement, mais en lui supposant de l’énergie, et même de l’audace, je lui suppose en même temps des lumières et de la prudence ; or, le simple bon sens indique assez que l’amiral Jervis croisant dans le détroit de Gibraltar avec une escadre très-supérieure à la nôtre, nous ne pouvons pas en tenter le passage, surtout avec un convoi de trois cents voiles : ce serait le comble de la folie. Il est donc évident pour moi que l’expédition ne peut être destinée ni pour l’Océan, ni pour aucun point continental en contact avec l’Océan. Quant à la Méditerranée, la Sardaigne ne mérite pas à beaucoup près les frais d’un pareil armement ; la Sicile ne peut pas non plus en être l’objet, attendu que le traité de Campo-Formio la met pour le moment, ainsi que Naples, à l’abri de toutes hostilités de notre part ; enfin la Crimée n’étant accessible pour nous que par le détroit des Dardanelles, et les Turcs étant en paix avec les Russes, la Porte ne peut pas nous ouvrir ni nous permettre ce passage. Donc il m’est démontré que l’armement n’a pour but, dans la Méditerranée, ni la Sardaigne, ni Naples, ni la Sicile, ni la Crimée, et encore moins d’aller détruire quelques nids de corsaires à Tunis, Alger ou Tripoli. Or, en définitive, l’armement ne peut avoir d’autre but que l’Égypte. »

Je fus facilement convaincu par le raisonnement de cet habile marin qui, tué peu de temps après d’un coup de canon au combat naval d’Aboukir, mérita de partager les justes éloges donnés à la conduite de Du Petit-Thouars, son camarade. Bientôt, dans l’état-major, on ne douta plus que l’Égypte ne fût le but réel de l’expédition.

Le général en chef avait écrit de Paris à l’amiral Brueys, qu’il s’embarquerait à bord de l’Orient, qu’on eût à y faire de bonnes provisions et à lui préparer un bon lit, comme un homme qui serait malade pendant toute la traversée. Le 18, il s’embarqua avec le général Berthier, son chef d’état-major, Dufalga, commandant du génie, Dommartin, commandant d’artillerie, le commissaire ordonnateur Sucy, l’ordonnateur de la marine Leroy, le payeur-général Estève, les médecin et chirurgien en chef Desgenettes et Larrey. Le général avait aussi avec lui ses aides-de-camp Duroc, Louis Bonaparte, Croisier, Sulkousky, Julien, Eugène Beauharnais, La Vallette, et Merlin, fils du directeur. Le chef d’état-major emmenait en outre deux ou trois adjudans-généraux, plusieurs secrétaires, quelques officiers à la suite dont je faisais partie. Les guides n’étaient point encore arrivés. À peine embarqués, nous sûmes que Malte était le point de réunion de différens convois.

  1. Le général Bernadotte fut nommé, après la paix de Campo-Formio, ambassadeur à Vienne ; il se rendit à son poste dans le mois de février 1798. Le 13 avril, les habitans de Vienne ayant voulu célébrer une fête en réjouissance de l’armement de leurs volontaires destinés à combattre les Français qui avaient menacé Vienne l’année précédente, le général Bernadotte crut voir dans cet anniversaire quelque chose d’offensant pour la république française. Il donna le même jour dans son hôtel une fête en l’honneur des victoires de la France, et il fit arborer extérieurement le drapeau tricolore. Le peuple de Vienne s’attroupa et voulut faire retirer le drapeau ; le palais de l’ambassadeur fut forcé, et quelques coups de fusils furent tirés. Le général Bernadotte quitta aussitôt Vienne, et l’on fut quelque temps dans l’appréhension d’une nouvelle rupture, ce qui eût beaucoup contrarié Bonaparte ; mais tout se calma, et ces différends n’eurent alors aucune suite.

    (Note de l’Éditeur.)