Météorologiques

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MÉTÉOROLOGIE

D'ARISTOTE
TRADUITE EN FRANÇAIS
POUR LA PREMIÈRE FOIS ET ACCOMPAGNÉE DE NOTES PERPETUELLES
AVEC LE PETIT TRAITÉ APOCRYPHE
DU MONDE
PAR
J. BARTHELEMY-SAINT HILAIRE
MEMBRE DE L’INSTITUT
PARIS, 1863

PRÉFACE À LA MÉTÉOROLOGIE D’ARISTOTE.


La Météorologie d’Aristote est trop peu connue ; sa valeur scientifique et historique ; travaux qui l’ont préparée et rendue possible. — Analyse de la Météorologie d’Aristote ; place assignée par lui à la météorologie dans l’ensemble de l’histoire naturelle. Éléments du monde terrestre ; propriétés des quatre éléments et leur situation respective. Météores des parties les plus élevées de l’atmosphère : comètes ; voie lactée. Météores inférieurs ; rosée ; gelée blanche ; pluie ; neige ; grêle. Formation générale des eaux ; considérations sur les mers et les continents ; salure de la mer. Théorie des vents et configuration de la terre ; théorie des tremblements de terre. Météores optiques : halo, périhélie, arc-en-ciel. Quatrième livre de la Météorologie d’Aristote. — Esquisse de la météorologie dans son état actuel ; ses progrès, ses travaux, ses instruments, son étendue. Les Météores de Descartes, intermédiaire entre la science moderne et l’antiquité. — Importance scientifique de la Grèce impuissance du génie oriental ; les Grecs, dès le temps d’Aristote, ont su observer et expérimenter ; preuves de cette assertion tirées de la Météorologie d’Aristote et de sa Physique. — Avenir de la météorologie actuelle ; ses devoirs purement scientifiques.


La Météorologie est un des ouvrages d’Aristote qui méritent le plus d’être connus et qui le sont le II moins. Les philosophes l’ont négligée, parce qu’ils n’ont presque rien à y apprendre sur les sujets spéciaux qui les occupent, et parce que les météores ne les regardent pas. Les savants l’ont en général presque autant ignorée, quoique avec moins de droit ; et ceux qui en parlent en ont fait si peu d’usage qu’ils semblent ou la dédaigner ou ne pas la comprendre. Cependant la Météorologie d’Aristote doit tenir dans l’histoire de la science un rang considérable, à la fois par sa date et par les théories qu’elle renferme. Aristote n’est pas le père de la météorologie, comme on l’a dit quelquefois ; il a bien soin lui-même de nous en avertir, en discutant les opinions des météorologistes antérieurs à lui. Mais s’il n’a pas absolument fondé la science des météores, son ouvrage est le seul qui représente auprès de nous l’état de la météorologie trois siècles et demi avant l’ère chrétienne ; et je m’assure que, si l’on veut y regarder de près et avec impartialité, on sera étonné de tout ce qu’on savait déjà à une époque aussi reculée. On sera frappé surtout de l’excellente méthode qu’a suivie le philosophe, et l’on se relâchera de bien des préventions contre lui et contre l’antiquité.

Il ne faut pas oublier non plus que, depuis le siècle d’Alexandre jusqu’à la Renaissance, Aristote a fait loi en météorologie, comme en tout le reste. Pendant près de deux mille ans, l’humanité n’a guère été qu’à son école ; et à moins de professer pour l’esprit humain, durant cette longue période, un inexcusable mépris, il faut bien tenir quelque compte d’un livre qui a exercé une domination si durable. Il n’est pas probable qu’il ne renferme que des erreurs ; et pour peu qu’il présente quelques parcelles de vérité, et surtout quelques bons exemples, il est utile de les recueillir ; la science ne peut que gagner à se rappeler ses origines et à en garder le souvenir reconnaissant. Il est donc à espérer que les météorologistes de notre temps ne seront pas sans curiosité pour le plus ancien et le plus illustre de leurs prédécesseurs ; ils n’auront peut-être pas à tirer grands enseignements pas moins ; car c’est de là qu’est partie la science pour arriver au point où elle en est de nos jours. Il n’est pas besoin d’être philosophe de profession pour s’intéresser aux progrès de l’intelligence humaine, surtout quand ils sont aussi manifestes ; et tout esprit éclairé peut prendre goût à ce spectacle, qui est à la fois attachant et fécond. Pour faire mieux sentir la valeur de la Météorologie d’Aristote, je ne remonterai pas plus haut que lui. On possède trop peu de documents sur les travaux qui ont précédé les siens ; et quoique le cadre de la science fût dès longtemps fixé, quand il l’a étudiée à son tour, c’est encore dans Aristote lui-même qu’on peut trouver les indications les plus certaines et les plus étendues. Enlisant son ouvrage, on verra, par les discussions qu’il soulève, qu’on avait déjà beaucoup travaillé, depuis deux ou trois siècles, c’est-à-dire depuis Thalès. Aristote a certainement mis à profit toutes ces recherches ; mais il serait à peu près aussi inutile que difficile de savoir précisément ce qu’elles étaient ; et puisque son livre est l’unique monument que le temps ait épargné, je me home à le considérer à part de tous les autres, que nous ne connaissons que par des débris. D’abord Aristote, en écrivant sur le sujet particulier de la météorologie, s’est souvenu qu’il était philosophe, et il a essayé de rattacher cette étude à toute l’histoire de la nature, telle qu’il la concevait et telle qu’il l’avait constituée. Je n’affirme pas que les liens qu’il établit entre la météorologie et les sciences voisines, la physique, la physiologie, la zoologie, la botanique, soient bien étroits et bien légitimes ; mais, à ses yeux, la météorologie n’était pas isolée, et il a montré, d’ailleurs plus ou moins exactement, les rapports qu’elle soutenait avec l’ensemble de ses investigations si vastes et si solides. Le météorologiste n’est pas tenu à ces considérations générales ; mais le métaphysicien ne peut les omettre, bien qu’il n’ait pas à s’y arrêter beaucoup à propos d’une science telle que celle-là.

Le second pas que fait Aristote est aussi louable que ce premier. Modeste comme il l’est toujours, il nous apprend, dès le début, que bien des philosophes avant lui avaient réuni sous le nom de météorologie, unanimement adopté par eux, l’étude d’un certain nombre de phénomènes qui se passent dans notre atmosphère et même dans notre globe, et qui sont soumis à des lois moins régulières que ceux des sphères supérieures, où tout semble obéir éternellement à un ordre admirable. Aussi, devant la difficulté du sujet qu’il aborde, il ne se flatte pas de le pénétrer tout entier. « Bien des faits, dit-il, resteront inexplicables ; mais quelques-uns seront expliqués avec une clarté suffisante ; « et le philosophe se contente de cette demi-conquête, à laquelle encore la science de nos jours en est trop souvent réduite. Aristote, comme on le verra bientôt, n’a pas convenablement tracé les limites de la météorologie, et elles n’ont pas dû rester aussi larges qu’il les avait faites ; peut-être avait-il été entraîné sans le savoir par les exemples qu’il avait sous les yeux et qu’il a suivis sans les trop examiner. Mais cette erreur n’a pas été commise sans réflexion, et quoiqu’il eût été digne de son génie de la rectifier, on conçoit qu’il l’ait acceptée de la tradition, à une époque où la plupart des sciences étaient encore très mal circonscrites, indécises et obscures comme tout ce qui commence.

Pour se rendre bien compte des phénomènes météorologiques, Aristote expose quels sont, suivant lui, les principes et les éléments généraux du monde terrestre, qui comprend non pas seulement le globe sur lequel l’homme habite, mais en outre tout l’espace qui s’étend entre la terre et la lune, ou plutôt la région supérieure, dont il n’est pas possible de fixer précisément les bornes. Cet espace, à partir de la masse terrestre qui flotte elle-même dans l’air, et dont la forme est sphérique, est occupé par quatre éléments superposés les uns aux autres, selon la diversité de leurs poids. En premier lieu et comme la plus pesante, la terre qui est immobile au centre ; au-dessus d’elle, l’eau, tant celle de la mer que celle des continents ; au-dessus de l’eau, l’air qui peut passer à l’état aqueux dans certains cas, de même que l’eau peut se convertir en air également ; enfin le feu, ou une espèce de feu, différent du nôtre, qui se tient au-dessus de l’air, et qui est le produit du mouvement circulaire de la région supérieure en contact avec l’air placé au-dessous d’elle. Tels sont les quatre éléments qui forment notre monde ; telle est leur position respective dans l’ordre de leur pesanteur, avec toutes les variétés et les espèces qu’ils offrent à notre observation attentive.

Par-delà ces quatre éléments, qui occupent une place indéterminée dans l’étendue, Aristote admet l’existence de l’éther, qui remplit les espaces célestes, et qui n’est ni air ni feu. Le rôle de l’éther est peu précis ; et il ne semble pas qu’il intervienne dans les phénomènes de la météorologie. Aristote ne se fait pas la moindre illusion sur l’importance de notre globe, tout en le prenant pour le centre du monde. Il revient à plusieurs reprises et avec une sorte d’ironie, sur sa petitesse relative, dont on est convaincu quand on le compare aux astres dont il est entouré. Sa distance au soleil est énorme ; mais sa distance aux étoiles fixes est bien plus immense encore. Notre terre n’est donc qu’un point dans l’univers, qui n’a pas été fait pour elle ; et le philosophe insiste sur cette vérité, comme s’il voulait indirectement combattre les préjugés de son temps, sans d’ailleurs les réfuter de front. Tous les météores, quels qu’ils soient, sont produits par l’action des quatre éléments, et surtout par l’action de l’eau et de l’air, à laquelle vient se joindre celle de la chaleur du soleil. Ainsi, l’eau s’évapore sans cesse, et elle monte sous cette forme dans les régions plus hautes de l’atmosphère, pour en redescendre bientôt sous des formes diverses que la météorologie étudie en détail. La vapeur visible ou invisible, qui s’élève de l’eau, n’est pas seule à former l’air ; car l’air renferme aussi une autre partie non moins importante que la vapeur, à savoir la sécrétion, qui s’échappe de la terre ferme. Ainsi, l’exhalaison, en comprenant par ce nom commun la vapeur et la sécrétion, est double ; elle est sèche et fumeuse, quand elle vient de la terre ; elle est vaporeuse et humide, quand elle vient de l’eau. Il y a donc comme un courant perpétuel, qui va du centre du globe aux extrémités de l’atmosphère, et qui de ces extrémités revient au centre. Joignez-y, outre la chaleur des rayons solaires, le mouvement universel, dont Aristote a essayé de poser les lois dans sa Physique, et vous aurez toutes les causes et toute la matière des météores qui s’accomplissent, ou qui se font apercevoir, au-dessous de la sphère de la lune.

Do ces météores, les uns sont substantiels ; les autres ne sont que des apparences et des jeux de la lumière. La pluie, la neige, la grêle, la rosée, sont du premier genre ; le halo, le parhélie, l’arc-en-ciel, sont du second.

Aristote commence par les météores qui se passent dans les régions les plus éloignées ; et il fait d’abord la théorie des comètes. Aujourd’hui que l’on connaît un peu mieux ce mystérieux phénomène, la théorie des comètes ne fait plus partie de la météorologie ; et voilà plus de deux cents ans que Descartes reprochait à Roberval de prendre encore les comètes pour des météores. Désormais, ce sont des planètes d’une nature particulière, mais dont la course, tout excentrique qu’elle semble, n’en est pas moins réglée, puisqu’on a pu déjà prédire avec certitude le retour périodique de plusieurs d’entre elles. Suivant Aristote, la comète était un météore qui s’enflammait dans les parties les plus élevées de l’atmosphère, comme s’y enflamment presque tous les autres ; et la queue, qui est parfois si brillante, était tout à fait analogue au phénomène du halo, et causée comme lui par la lumière du soleil. D’ailleurs, Aristote, qui se montre peu content des explications données avant lui sur l’apparition des comètes, n’est guère plus satisfait de l’explication qu’il propose ; et il veut simplement démontrer que sa théorie n’a rien d’impossible, et que les comètes peuvent bien être le produit de l’exhalaison, qui prend feu à de très grandes hauteurs. Mais il avait d’autant plus de droit à être écouté de ses contemporains, qu’il avait lui-même étudié le phénomène de très près, et qu’il cite deux observations personnelles qu’il avait faites avec une rare sagacité, et qui confirmaient celles des astronomes Égyptiens, si renommés dans le monde grec.

La même méprise qui fait qu’Aristote compte les comètes parmi les météores, le mène à y ranger aussi la voie lactée. A l’en croire, la voie lactée est comme la chevelure d’une multitude d’astres accumulés dans cette portion du ciel. Ces astres ont des queues, comme en ont les comètes ; et de là, l’apparence qu’ils offrent à nos regards. Avant Aristote, Anaxagore et Démocrite avaient donné de la voie lactée une explication plausible, du moins en partie ; et pour eux, elle n’était que la lumière de quelques étoiles, brillant d’un éclat qui leur est propre, et qui, protégé par l’ombre de la terre, n’était point éteint par la splendeur du soleil, comme le sont beaucoup d’autres astres. Aristote répondait avec raison que, si la lumière de la voie lactée dépendait ainsi de celle du soleil, elle devrait varier avec la course de cet astre, tandis qu’au contraire elle est toujours fixée dans la même partie des cieux. Cette objection était péremptoire contre une partie de la théorie de Démocrite et d’Anaxagore. Mais Aristote aurait pu adopter la part de vérité qu’elle renfermait, et prendre la voie lactée pour ce qu’elle est en effet, un amas d’étoiles plus rapprochées entre elles que toutes les autres.

On ne pourrait pas dire d’ailleurs que le philosophe eut observé ce phénomène avec moins d’attention que les comètes. Pour le faire bien comprendre à ses lecteurs, il les renvoie d’abord aux démonstrations rigoureuses qu’il a données, dans ses ouvrages spéciaux d’astronomie, sur la grandeur du soleil comparativement à la terre, sur sa distance qui, toute prodigieuse qu’elle est, l’est beaucoup moins cependant que celle des fixes ; et il en conclut que le cône obscur que la terre peut former à l’opposé des rayons solaires, ne doit pas atteindre les étoiles placées à de telles distances, et que pour elles, la nuit, telle qu’elle est sur notre globe, ne peut jamais avoir lieu. Puis, à ces démonstrations astronomiques, il joint des dessins et des cartes qui montrent l’aspect du ciel dans les parties qu’occupe la voie lactée, le cercle qu’elle décrit et les bifurcations qui la divisent.

Avec la voie lactée, Aristote termine ce qu’il avait à dire des météores qui se produisent dans les bautes régions et sur les limites extrêmes de notre atmosphère terrestre, et il passe à des phénomènes plus voisins de nous, ou comme il le dit, « aux météores du premier lieu au-dessus de la terre. » Après quelques considérations sommaires sur l’océan atmosphérique, qui a ses flux et ses reflux tout comme l’autre, et, sur la formation des nuages et du brouillard, Aristote décrit et explique successivement les météores les plus ordinaires, la rosée et la gelée blanche, la pluie, la neige, la grêle, à laquelle il s’arrête plus particulièrement. Il en note avec grand soin les circonstances principales, telles que l’observation les donne, et il consigne une foule de faits, que la météorologie actuelle fera bien de consulter, en se rappelant qu’Aristote vivait sous le climat de la Grèce, le seul qu’il ait connu. Ces phénomènes étant exposés, il procède à la théorie des vents, qui exercent tant d’influence sur toutes les modifications de notre atmosphère. Mais, auparavant, il croit pouvoir se permettre une digression sur la formation des eaux à la surface du globe terrestre. Cette digression est une des parties les plus importantes de toute la Météorologie ; et, bien qu’elle suspende un peu le cours de la pensée générale, elle est tellement belle qu’il serait fort à regretter qu’Aristote, par un scrupule de régularité, se la fût interdite. Il traite d’abord de l’action des montagnes, sur les condensations des vapeurs, et il n’a pas de peine à prouver que les plus grands fleuves prennent toujours leurs sources au pied des montagnes les plus hautes. De là, des détails géographiques, qui sont loin d’être tous exacts, tant s’en faut, mais qui prouvent du moins qu’Aristote se tenait au courant de toutes les découvertes de son siècle, quelqu’incomplètes d’ailleurs qu’elles puissent nous paraître. Puis, c’est ici que vient se placer une admirable étude, digne, j’ose le dire, de notre Cuvier, sur les rapports des mers et des continents, les empiétements continuels et réciproques des eaux sur la terre ferme et de la terre ferme sur les eaux, la lenteur séculaire de ces grandes mutations, l’incertitude des traditions, la brièveté inévitable des souvenirs humains, les migrations des peuples se succédant sans se transmettre la mémoire des bouleversements survenus, causes de ces migrations ; en un mot, un tableau large, simple, vigoureux et accompli, de ces événements immenses, dont la trace est partout évidente sur notre globe, mais dont l’histoire ne sait rien, parce qu’ils ont précédé l’origine des nations et qu’ils sont couverts des mêmes ténèbres. Aristote n’a rien écrit, en fait de science, de plus puissant que ces pages, et dans les annales de l’esprit humain, depuis son temps jusques et y compris le nôtre, on compterait à peine trois ou quatre génies qui eussent été capables d’en écrire de pareilles.

Elles sont complétées par une longue théorie sur la formation de la mer, dont notre globe est entouré, et sur cette singulière propriété de la salure. Il faut lire toute cette théorie dans Aristote lui-même ; elle n’est pas irréprochable, comme on peut s’y attendre ; mais il n’y a guère lieu de s’en étonner, quand on se rappelle que le problème n’est pas encore résolu de nos jours. Je ne note donc dans cette discussion que quelques points principaux. Aristote tient contre Démocrite pour la stabilité de l’état actuel des mers ; cet état doit remonter au commencement même du monde, et rien ne peut faire présumer qu’il doive changer jamais. La mer n’a pas de sources à la manière des fleuves ; mais entre elle, les fleuves et l’atmosphère, il s’est établi, dès l’origine, comme une sorte de circulation où les eaux marines en s’évaporant fournissent la matière des pluies, et où la pluie fournit la matière des fleuves, qui rendent à la mer ce qu’ils ont reçu, attendant bientôt d’elle qu’elle le leur rende de nouveau.

Tel est le mécanisme véritable de la nature, et les lois réelles auxquelles elle obéit. Cette explication, toute simple qu’elle est, aie grand mérite pour Aristote d’être conforme aux faits ; et il faut la préférer à toutes les fables débitées sur ce sujet, que la poésie accueille volontiers, mais que la science doit sévèrement proscrire. Démocrite et Empédocle ne se sont pas astreints à cette méthode rigoureuse ; et voilà comment leurs théories peuvent être plus d’une fois tournées en ridicule, au lieu d’être prises au sérieux.

La salure de la mer tient certainement à la présence d’un corps étranger, qu’on peut isoler dans certains cas par des expériences délicates, et qui ne se retrouve plus dans le liquide que forme la vapeur condensée de l’eau de mer. Ce liquide venu de l’évaporation est potable, comme peut le devenir l’eau de mer elle-même, après qu’elle a été filtrée au travers de certaines matières. L’eau de mer est plus lourde de beaucoup que l’eau douce. Une foule de faits le prouvent. Les navires qui viennent de la mer dans les fleuves et les rivières, sont forcés de s’y alléger, parce qu’ils y enfoncent davantage. Des œufs qui surnagent sur de l’eau qu’on sale fortement, ne surnagent plus dans de l’eau ordinaire. Enfin, il est, à ce qu’on rapporte, un lac, dans la Palestine, où l’on peut se baigner sans que le corps enfonce dans l’eau ; et cette eau est excessivement chargée de sel.

Mais Aristote revient à la théorie des vents, dont il s’était un instant écarté, et il y consacre trois chapitres entiers qui peuvent compter parmi les meilleurs de tout son livre, par l’abondance et l’exactitude des faits, et sans doute aussi par leur nouveauté dans le temps où il écrivait.

Aristote me paraît avoir compris la cause des vents presque aussi bien que nous pouvons aujourd’hui la comprendre. Il les rapporte à l’exhalaison qui traverse l’atmosphère, et à la chaleur du soleil. Il ne dit pas précisément, comme nous le ferions maintenant que le vent est une rupture dans l’équilibre de l’atmosphère ; mais il est bien près de le dire, et il est évidemment dans le chemin de la vérité, se raillant de ceux qui se figurent encore les vents tels que les poètes et les peintres les représentent. Le principe moteur des vents se trouve dans les hautes parties du ciel ; la matière en est fournie par l’exhalaison sèche, qui sort de la terre. La cause vient donc d’en haut, et la matière vient d’en bas. La violence des vents et les propriétés qui les distinguent dépendent beaucoup des lieux où ils soufflent. La terre habitable n’est qu’une portion de notre globe entier. Cette portion assez restreinte n’est pas ronde, comme la font certaines descriptions imaginaires qui ne reposent pas sur des observations suffisamment positives. La terre habitable forme réellement deux zones, l’une en deçà, l’autre au delà de l’équateur, et séparées par la zone torride, où les hommes ne peuvent plus vivre à cause de la chaleur étouffante de ces contrées. Loin que la terre habitable soit ronde, elle est au contraire beaucoup plus étendue en un sens que dans l’autre ; et il y a bien plus de longueur des Colonnes d’Hercule à l’Inde, de l’ouest à l’est, que de la Scythie à l’Éthiopie, du nord au sud. La terre habitable a donc une longitude et une latitude.

Cette configuration générale de la partie habitée de notre globe doit servir à nous expliquer la position et l’origine des vents. Ainsi, le vent du sud ne vient pas, comme on aurait pu le croire, du pôle opposé à notre pôle boréal ; il vient de la zone torride et ne la dépasse pas. De l’autre côté de l’équateur, la même disposition se reproduit ; pour ces régions inconnues, le vent du sud part de la zone brûlante comme dans les nôtres ; et le vent du nord doit venir d’un pôle que nous ne voyons pas, mais qui n’en existe pas moins. Les vents généraux se divisent en deux grandes classes, vents du nord et vents du midi ; ils se divisent aussi quoique d’une manière moins tranchée, en vents d’ouest et vents d’est. Outre ces quatre vents principaux, on en distingue encore plusieurs autres qui tiennent plus ou moins de ces directions, et qu’on peut rapporter soit aux levers du soleil en été et en hiver, soit à ses couchers dans les mêmes saisons. Cela revient à dire que les vents soufflent de tous les points de l’horizon à peu près. Mais il a fallu, pour les distinguer, établir ces grandes divisions, dont on faisait usage bien avant Aristote, et qu’il a précisées mieux que que personne à l’aide de cartes et de dessins.

Par une erreur analogue à celle que nous avons signalée plus haut sur les comètes et la voie lactée, Aristote présente ici une théorie des tremblements de terre, qu’il rattache étroitement à sa théorie des vents. Si l’air cause par ses perturbations tant de mouvements dans notre atmosphère, il n’en produit pas moins dans le sein de notre globe et dans ses profondeurs. Il agit même avec d’autant plus de force que le feu intérieur de la terre lui communique une puissance nouvelle en le dilatant ; et de là, ces effroyables commotions qui bouleversent parfois la surface du globe terrestre, et qui ont laissé des témoignages irrécusables, soit sur les continents, soit même au milieu des eaux.

Anaxagore, Anaximène et Démocrite ont essayé d’expliquer ces terribles phénomènes ; mais leurs théories sont purement arbitraires et ne s’appuient pas assez solidement sur les faits bien observés. Par exemple, Anaxagore prétend que c’est l’éther qui, par sa nature, tendant toujours à monter, vient frapper la terre en dessous et dans sa partie concave. Ainsi heurtée, la terre éprouve un tremblement. Mais vraiment cette théorie est par trop naïve. Il n’y a pas de bas et de haut comme Anaxagore le suppose. Le haut n’est pas le lieu où nous habitons, et le bas n’en serait pas le contraire. Comme l’horizon varie sans cesse à mesure qu’on se déplace à la surface du globe, il est clair que ce globe est sphérique ; et nous retrouvons sur tous les points le bas et le haut, puisque partout les corps graves tombent vers le centre de la terre, et que les corps légers s’élèvent dans l’air qui nous entoure. Ainsi, la prétendue secousse que la terre recevrait dans le système d’Anaxagore, n’est pas possible ; et, de plus, il faudrait que le tremblement se fit sentir dans toute la masse. Or, c’est là ce que les faits contredisent ; car les tremblements de terre sont limités à certains lieux, et peut-être même à certaines saisons.

L’explication de Démocrite ne vaut pas mieux que celle d’Anaxagore. Si on l’en croyait, le tremblement de terre ne serait pas autre chose que le mouvement des eaux intérieures, accrues et gonflées par les eaux pluviales, ou se précipitant de lieux trop pleins dans les lieux qui ne le seraient pas assez. Quant à Anaximène, il suppose quelque chose d’aussi étrange dans les entrailles de la terre. Selon lui, la terre se dessèche intérieurement quand il fait très chaud à sa surface ; elle se fend alors au-dedans, et lorsque ensuite elle est saturée par les eaux qui s’y engloutissent, des blocs énormes se détachent et leur chute cause ce qu’on nomme le tremblement de terre. Mais Anaximène ne voit pas que, s’il en était ainsi, la terre, affaissée sur elle-même, devrait déjà présenter dans une foule de lieux des enfoncements immenses, et que les tremblements de terre devraient toujours aller en diminuant ; car la terre aurait fini par se tasser tout entière.

J’ai tenu à rappeler ces théories avec quelques détails, pour montrer qu’Aristote avait toute raison de les repousser et de leur préférer la sienne, qui, sans être non plus très exacte, l’était cependant infiniment plus que celles qu’elle devait remplacer.

Comme Aristote attribuait les tremblements de terre à l’action des vents, ou des gaz souterrains, ainsi que nous dirions aujourd’hui, il ne trouve pas de difficulté à passer de la théorie des tremblements de terre à celle de l’éclair, du tonnerre, de la foudre, de l’ouragan et de la trombe. Dans tous ces phénomènes, il voit l’action diverse, mais au fond identique, de l’exhalaison, sous la double forme qu’il lui a reconnue, sèche et fumeuse, ou vaporeuse et humide. Il n’est que faire d’insister sur les erreurs que commet en tout ceci la météorologie ancienne. L’électricité, qui joue un si grand rôle dans tous ces faits atmosphériques, n’a été bien connue que vers la fin du siècle dernier. On aurait donc tort de s’étonner de toutes ces méprises qui ont duré si longtemps, et qui ne se sont dissipées que devant des expériences décisives et toutes récentes. Ce n’est pas la sagacité qui a manqué aux anciens ; mais pour en savoir plus qu’eux, il a fallu que, par le progrès des âges, on découvrît un nouvel agent naturel, qu’ils avaient toujours ignoré.

Pour achever le cercle de la météorologie, Aristote n’a plus qu’à expliquer les phénomènes que cause la lumière et qui ne sont au fond que des apparences, je veux dire le halo, le parhélie, les verges lumineuses, et surtout l’arc-en-ciel. Je m’arrêterai plus particulièrement à cette dernière théorie, qui, sans être complète, comme on peut bien le supposer, fait toutefois le plus grand honneur au philosophe.

D’abord, Aristote n’hésite pas à déclarer qu’il n’y a dans le phénomène de l’arc-en-ciel qu’un simple effet de réfraction. Il paraît qu’il avait entrepris de longues et minutieuses observations sur les miroirs, et il avait remarqué que, dans une foule de cas, surtout quand les facettes des miroirs sont extrêmement petites, le miroir reproduit la couleur sans reproduire la forme. Il part de ce principe pour affirmer que les gouttelettes des nuages font, à l’égard de la lumière du soleil, l’office de miroirs, et qu’elles la réfractent, sans que la figure même de l’astre y soit reproduite. Ce qui prouve bien que c’est là l’explication générale de l’arc-en-ciel, c’est que l’arc-en-ciel se montre ailleurs que dans les nuages. Ainsi, on le voit souvent dans l’eau que font jaillir les rames des matelots ; on le produit même à volonté en jetant quelques gouttes d’eau d’un lieu couvert d’ombre dans un lieu exposé au soleil. Il suffit que le soleil, le spectateur et les gouttes d’eau soient dans une certaine position, pour que l’arc-en-ciel apparaisse aussitôt.

L’arc-en-ciel n’a que trois couleurs bien tranchées, le violet, le vert et le rouge. Le jaune, qui s’y montre aussi parfois d’une manière assez frappante, ne résulte que du contraste des couleurs voisines. Cette action mutuelle des couleurs les unes rapprochées des autres, est bien connue des brodeurs et des teinturiers, et ils ne s’y laissent pas tromper dans leurs délicats travaux. Pour l’arc-en-ciel, l’effet qui produit le jaune est à peu près de cette espèce. Parfois, il y a deux arcs-en-ciel au lieu d’un seul ; mais dans le second, les teintes sont toujours plus pâles ; et en outre, elles sont rangées dans un ordre inverse ; le premier arc-en-ciel, ou le plus petit, a d’abord du violet, puis du vert, puis du rouge ; l’arc-en-ciel extérieur a au contraire d’abord du rouge, puis du vert et du violet, à partir de la circonférence du dedans pour aller à celle du dehors.

Une particularité fort remarquable de l’arc-en-ciel, et qui le distingue du halo, c’est qu’il ne forme jamais qu’un demi-cercle sans arriver à un plus grand développement. A mesure que le soleil s’élève sur l’horizon, pour parvenir au méridien, l’arc-en-ciel décroît, et il s’agrandit de plus en plus, à mesure que le soleil décline ; mais en aucun cas, il ne peut dépasser la demi-circonférence. Aristote s’attache à démontrer ces deux propositions par des figures géométriques, dont malheureusement la tradition ne nous a pas été exactement transmise, et que nous ne pouvons reconstruire d’une manière satisfaisante. Mais peu importe que ce résultat particulier soit obtenu plus ou moins complètement ; ce qui doit nous intéresser en ceci et provoquer notre admiration, c’est qu’Aristote ait pu déjà pousser l’explication de l’arc-en-ciel à ce point de l’appuyer sur des preuves de cet ordre. Certainement il est très inférieur à Descartes, qui a enfin donné la démonstration tout entière ; mais au temps de Descartes, la science comptait deux mille ans de plus ; et elle possédait, grâce à ses progrès, une multitude d’instruments que l’antiquité n’avait pu connaître ni employer.

Avec les théories que je viens de passer en revue, nous trouverions, nous autres modernes, que la météorologie est terminée ; mais pour Aristote elle ne l’est pas encore tout à fait, et aux trois livres qui précèdent il en joint un quatrième et dernier, renfermant, sur l’état et les transmutations des différents corps, des considérations qui appartiennent bien plutôt à la chimie. Dans le système d’Aristote, cette étude complémentaire se rattache très directement, je ne dis pas très justement, à la météorologie. L’exhalaison et la sécrétion agissent sur les substances que la terre contient et qui la forment, comme elles agissent sur les substances plus légères qui l’enveloppent. Des quatre propriétés des éléments, deux sont actives, le froid et le chaud ; deux sont passives, le sec et l’humide. Le froid et la chaleur, combinant ou désagrégeant l’humide et le sec, forment tous les corps si variés que nous observons, et qui servent si merveilleusement à notre intelligente industrie. Décrire ces corps, se coagulant ou se liquéfiant sous l’action du chaud et du froid, se solidifiant ou se mettant en fusion, durs, mous, rigides, flexibles, ductiles ou réfractaires, etc., c’est encore l’œuvre de la météorologie ; et voilà comment Aristote traite de toutes ces matières, après avoir traité des météores proprement dits ; il croit que cette étude est une préparation indispensable à celle des substances, soit homogènes, soit non-homogènes, dont se composent les plantes et même les animaux.

Je ne veux pas disculper Aristote de la confusion qu’il commet ici ; et déjà dans l’antiquité, huit ou neuf cents ans, il est vrai, après lui, on s’était aperçu qu’il y avait là les matériaux d’une science nouvelle encore mal définie, mais très distincte de la météorologie. Au temps d’Aristote, on ne sentait pas le besoin de faire cette division, que n’exigeaient point des faits assez nombreux et assez bien déterminés. On ne reconnaissait que quatre éléments, la terre, l’eau, l’air et le feu, dont les combinaisons suffisaient à former tous les corps quels qu’ils fussent. Aujourd’hui, nous comptons près de soixante-dix corps simples, et la liste n’est pas close. Mais pour les plantes et les animaux en particulier, nous n’admettons guère plus d’éléments que n’en admettait Aristote. Ces éléments ne sont pas les mêmes que ceux du philosophe ; mais comme nous les retrouvons presque tous aussi dans l’atmosphère, Aristote n’est pas si coupable de les y voir comme nous, et de rattacher par là cette série de phénomènes à la météorologie, où nous ne les comprenons plus (01).

Maintenant qu’on doit voir assez clairement comment Aristote a conçu la météorologie et comment il l’a traitée, on peut se donner le spectacle des progrès de la science, en comparant son état actuel à cet antique état où elle nous apparaît dans les œuvres du philosophe. Aujourd’hui, elle est d’abord mieux circonscrite, et elle ne sort pas de ses limites ; elle est infiniment plus riche en faits bien constatés ; elle possède une foule de procédés, d’instruments, de machines, qu’elle a successivement acquis ; elle fait de vastes emprunts à des sciences limitrophes, surtout la chimie et la physique, qu’elle ne contient plus dans son trop large domaine ; elle explique à peu près tous les phénomènes qu’elle considère. Mais au fond elle est toujours restée ce que nous la voyons dans Aristote. Le chemin qu’elle a fait est plus long ; mais c’est toujours le même, et elle n’a pas essentiellement changé la voie où le maître l’avait mise.

Voici les traits principaux du cadre où la science se meut à présent (02).

Le premier point dont elle s’occupe à peu près comme le faisait Aristote, c’est la chaleur qui joue un rôle immense dans l’atmosphère tout aussi bien que dans le reste de la nature ; et pour connaître le degré de la chaleur dans toutes les variations météoriques, elle emploie le thermomètre, inventé il y a moins de trois cents ans, sans doute par Galilée. La source principale de la chaleur, c’est le soleil ; et la météorologie peut négliger sans inconvénient la portion à peu près imperceptible que la terre recèle dans son sein, et qui, à travers de corps mauvais conducteurs, lui vient du feu central, reste de l’incandescence primitive du globe. On a observé la température avec un soin minutieux, à toutes les heures de la journée, sous toutes les latitudes ; et il a été constaté que, par la présence ou l’absence du soleil au-dessus de l’horizon, il y avait partout chaque jour un maximum et un minimum. On a ainsi déterminé la température moyenne des différents lieux de la terre, soit pour la journée, soit pour l’année entière, suivant le changement des saisons et l’obliquité plus ou moins grande des rayons solaires. Bien plus, en s’élevant sur les montagnes, ou dans des ballons, on a pu conjecturer la température des couches supérieures de l’atmosphère, et l’on a su qu’elle diminue à mesure qu’on monte plus haut, dans une proportion qui varie avec les latitudes, les saisons et l’heure du jour. Pour les espaces célestes, cette température paraît être excessivement froide.

C’est la chaleur, qui, en agissant dans l’atmosphère sur certains points plus ou moins que sur certains autres, y cause ces perturbations qu’on appelle les vents. Tant que la densité de l’air est partout la même, l’atmosphère reste en repos ; mais dès que cet équilibre est rompu par une cause quelconque, il en résulte ce mouvement que tout le monde connaît, et dont les effets sont parfois terribles, tout en restant d’ordinaire très bienfaisants. La météorologie n’a guère eu à modifier les divisions des vents telles qu’Aristote les avait établies. Seulement elle les a multipliées davantage, et elle les a poussées jusqu’à des précisions qui reposent sur les degrés des angles que la direction des vents fait, soit à l’est soit à l’ouest, avec le méridien. Cette direction est indiquée du reste à la surface de la terre par les girouettes, comme les nuages indiquent la direction des courants supérieurs. La vitesse des vents est plus difficile à mesurer que leur direction ; aussi la science antique n’avait-elle pu s’en occuper que très peu ; mais la science moderne a des anémomètres, qui remplissent plus ou moins bien leur objet, d’ailleurs fort délicat.

On a fait pour la direction moyenne des vents ce qu’on avait fait pour la moyenne température, et l’on sait assez précisément quels vents soufflent généralement dans les diverses localités. On a reconnu de plus à la surface de notre globe certains vents réguliers et continus, par exemple, les alizés, qui courent perpétuellement de l’est à l’ouest, mais seulement entre les tropiques, et par suite de la chaleur considérable du soleil sous cette zone, combinée avec le mouvement plus rapide de la rotation de la terre. D’autres vents, qui sont encore réguliers, tout en l’étant moins, règnent dans quelques contrées, notamment les moussons de l’Océan indien, dépendant à la fois et de la configuration relative des continents et des mers, dans cette partie du globe, et de la marche du soleil. Tels sont encore dans la Méditerranée les vents que, depuis Aristote, on s’est habitué à nommer Étésiens, parce qu’ils reviennent chaque année à des époques à peu près fixes, comme celles des moussons. Telles sont les brises régulières de terre et de mer, qui soufflent alternativement le matin et le soir, par la réaction réciproque de la terre sur les eaux et des eaux sur la terre. Enfin, les vents possèdent les propriétés physiques des contrées d’où ils viennent. Les vents qui soufflent de la mer sont en général humides, et ceux qui soufflent des continents sont secs. Les vents du sud sont chauds, ainsi que ceux qui viennent du grand désert et des grandes plaines, tandis que ceux du nord, au contraire, sont froids comme le pôle d’où ils sortent.

Connaissant une fois l’action générale de la chaleur, et un de ses principaux effets, le vent, qui lui-même devient cause d’une multitude d’effets secondaires, la météorologie étudie l’atmosphère dans sa nature propre ; et, grâce à la chimie et à la physique, elle y découvre les choses les plus curieuses. L’atmosphère, plus dense dans ses couches inférieures que pressenties supérieures, a une hauteur limitée, qu’on a calculée bien des fois, et qui ne peut pas aller à plus d’une vingtaine de lieues, retenue autour de notre globe par l’attraction qu’il exerce sur elle. Elle se compose de deux corps principaux, les gaz et les vapeurs, qu’avait pressentis Aristote en admettant une double exhalaison. Les gaz restent toujours à l’état élastique et aériforme, tandis que les vapeurs passent, sous l’influence de diverses circonstances, à l’état liquide. Les gaz qui se trouvent dans l’atmosphère sont en très petit nombre ; il n’y en a guère que deux, l’oxygène et l’azote, dont les proportions, trois quarts pour le second et un quart pour le premier (21 et 79), restent constantes. La quantité de vapeur d’eau au contraire varie notablement suivant l’état de l’atmosphère. Les gaz et les vapeurs ont cette propriété commune de se dilater en tous sens, avec une force d’expansion considérable, selon la chaleur, et selon la pression à laquelle ils sont soumis, et de se pénétrer réciproquement.

C’était un point très important de connaître les variations de la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère ; et de là, l’hygrométrie tout entière, formant une partie spéciale de la météorologie, et employant toute une série d’instruments spéciaux. Avec les hygromètres, la science constate les maxima et les minima journaliers, les variations annuelles de l’humidité, les conditions hygrométriques des différentes parties de la terre et des différentes couches de l’océan atmosphérique, l’influence des vents sur l’évaporation des liquides plus ou moins lente, etc.

Armée de tous ces moyens d’observations et d’études, la science donne l’explication des météores aqueux : la rosée et la gelée blanche, les brouillards, dont elle mesure les vésicules presque imperceptibles, qui finissent par former les nuages, aux différents états de condensation où nous les voyons, Cirrus, Cumulus et Stratus, la pluie, et la neige aux flocons de figures si variées et si régulières. Aristote avait déjà pensé à estimer la quantité de pluie qui tombe annuellement ; mais ces observations, très limitées de son temps, et sans doute peu comprises, ont reçu dans le nôtre autant d’étendue que les observations de la chaleur et de l’humidité atmosphérique. On mesure avec une satisfaisante exactitude les quantités d’eau tombées dans une seule averse, ou tombées annuellement sous les différentes latitudes, aux différentes hauteurs, selon les vents et les saisons, sur les côtes de la mer ou dans l’intérieur des continents. En un mot, on sait à peu près la distribution des pluies dans le monde entier.

Si les vents et les hydrométéores sont causés par la chaleur, ils ont à leur tour la plus grande et la plus constante influence sur la température de notre atmosphère, et ils déterminent en grande partie les anomalies qu’elle présente. De là, tout une suite d’observations sur la distribution de la température. L’état du ciel exerce une action immense ; et, selon qu’il est couvert ou serein, on conçoit que l’intensité de la chaleur varie en proportion. Elle ne varie pas moins selon qu’il pleut ou ne pleut point, selon qu’il y a du vent ou du calme, etc. Les températures extrêmes que l’on a observées et où l’homme peut encore vivre, sont séparées par plus de cent degrés, depuis 47° au-dessus de zéro jusqu’à 56° au-dessous. Les extrêmes se trouvent dans l’intérieur des continents ; sur les côtes, la différence est moindre. De là, des climats marins et des climats continentaux, des lignes très-variables à la surface de notre globe, où les hivers sont également froids et les étés également chauds (isochimènes, isothères), et d’autres lignes non moins variables où la température moyenne annuelle est la même (isothermes) ; de là, les pôles du froid et du chaud, qui ne coïncident pas avec les pôles géographiques ni avec l’équateur ; de là, les décroissements réguliers de la température, à mesure qu’on s’élève en altitude, et les amoindrissements de la végétation ; de là, les limites des neiges éternelles, changeant avec, les latitudes et les climats, etc., etc., etc. Au temps d’Aristote, on se bornait à reconnaître trois zones, qu’on avait grand’peine à délimiter entre elles : la zone habitable, terminée au nord par une zone qui ne l’était pas à cause du froid, et au sud par une autre zone qui l’était aussi peu à cause du chaud. Ces distinctions, qui sont encore demeurées dans le langage ordinaire, n’étaient pas suffisantes ; mais la science s’en contentait à ses débuts.

Une série d’observations essentielles, que l’antiquité n’a pas même soupçonnées et que les modernes ont poussées très loin, ce sont celles qui concernent le poids de l’atmosphère. On conçoit facilement que, selon l’humidité ou la sécheresse, la chaleur ou le froid, le beau ou le mauvais temps, ce poids varie sans cesse ; et il est de la plus haute importance de s’en assurer, parce que ces oscillations perpétuelles du poids de l’atmosphère peuvent révéler à l’avance, et avec grand profit, les perturbations heureuses ou redoutables qui vont survenir. L’instrument qui indique ces oscillations, c’est le baromètre, que tout le monde connaît et qui a rendu tant de services à la science, depuis deux cent cinquante ans que Toricelli l’a inventé. Les observations qu’il permet sont d’un ordre encore plus délicat que celles du thermomètre, et il est malaisé de se figurer toutes les précautions qu’elles exigent, d’abord dans la construction de l’instrument lui-même, et ensuite dans l’emploi pratique qu’on en fait. Le baromètre a, comme le thermomètre et plus que lui, ses variations diurnes qui, malin et soir, ont un maximum et un minimum, à quatre heures et à dix heures du soir, à trois heures trois quarts et neuf heures et demie du malin. L’oscillation diurne varie avec les latitudes, et l’on en a mesuré l’amplitude avec la plus scrupuleuse précision ; car il s’agit toujours de quantités excessivement petites. On n’est pas d’accord sur les causes de ces variations régulières du poids de l’atmosphère. Mais ces divergences des théories n’ont pas nui à l’exactitude des observations, qui se sont multipliées encore plus, s’il est possible, que les observations de la chaleur. La hauteur moyenne du baromètre est à peu près la même par toute la surface du globe au bord de la mer ; elle est moindre sous l’équateur ; elle augmente avec la latitude jusque vers le trentième et quarantième degré, et à partir de ce point, elle diminue progressivement jusque dans les contrées le plus septentrionales. Cette hauteur, qui change avec les saisons, est plus grande en hiver qu’en été. Mais outre ces oscillations régulières et périodiques, qui indiquent en quelque sorte les marées de l’océan aérien, il y a des oscillations irrégulières et subites qui tiennent à des causes puissantes et passagères. Ces causes sont d’abord les vents, qui changent la pression atmosphérique, et l’accroissent quand ils sont de l’est et du nord, et la diminuent quand ils sont du sud et de l’ouest. Une autre cause plus généralement connue, c’est la pluie, dont l’approche fait baisser d’ordinaire le baromètre, sans qu’il y ait entre ces deux faits la corrélation étroite et nécessaire que le vulgaire y suppose. En troisième lieu, les tempêtes, qui sont les perturbations les plus profondes de l’équilibre atmosphérique, s’annoncent par des oscillations considérables et rapides du baromètre, qui semble affolé. Ce sont alors les vents qui se livrent les plus rudes et les plus redoutables combats ; selon la nature de ceux qui l’emportent tour à tour, le délicat instrument nous montre toutes les péripéties de la lutte, qui est quelquefois bien longue ; et son état normal ne se rétablit que quand enfin un des vents est vainqueur de ses rivaux et règne sans partage.

Si la science moderne a conquis tant de données certaines sur le poids de l’atmosphère, sur son humidité, sur sa composition physique et chimique, et sur sa chaleur, elle n’en possède pas moins sur les phénomènes électriques. Il y a toujours de l’électricité dans l’air, même par les temps les plus sereins ; les nuages orageux en sont chargés ; la pluie est presque toujours électrique ; l’évaporation l’est bien davantage encore, dès qu’il s’y mêle quelque décomposition chimique, et c’est le cas le plus ordinaire. La rosée et les brouillards développent de l’électricité, comme la pluie ; mais c’est surtout dans les orages qu’elle s’accumule, et elle produit alors : l’éclair, étincelle électrique résultant de la précipitation instantanée de la vapeur d’eau, allant d’un nuage à l’autre ou du nuage à la terre ; le tonnerre, qui n’est que le bruit du déplacement de l’air causé par l’étincelle et l’irruption violente de l’air environnant dans le vide subitement formé ; le grésil et la grêle, dont la théorie fort difficile est encore incomplète, malgré les efforts de Volta ; les trombes, dont les effets sont si désastreux pour les travaux de l’homme, etc., etc.

Si, pour expliquer les phénomènes électriques de l’atmosphère, la météorologie doit s’adresser à la physique, c’est sur elle qu’elle s’appuie encore pour les phénomènes optiques ; et comme la théorie de la lumière est une des plus positives et des plus avancées depuis les découvertes de Newton, la météorologie peut se rendre compte d’abord de la transparence de l’atmosphère, de la couleur bleue de l’air, du crépuscule et de l’aurore, de la scintillation des étoiles, du mirage ; puis, des couronnes lumineuses et des halos, résultant de particules glacées qui flottent dans l’air ; des anthélies et des parhélies ; et enfin de l’arc-en-ciel, le plus frappant et le mieux expliqué de tous ces phénomènes. La météorologie étend même le cercle de ses études jusqu’aux aurores boréales, qui peut-être ne lui appartiennent point, non pas seulement parce qu’elles se rapportent au magnétisme terrestre, mais encore parce qu’elles semblent ne plus être situées dans notre atmosphère.

On peut en dire autant, soit des étoiles filantes, qui dans ces derniers temps ont été étudiées mieux qu’elles ne l’avaient jamais été, par des observateurs infatigables(03), soit des aérolithes, dont l’origine n’est pas encore bien expliquée. Il y a enfin certains phénomènes problématiques que la science ne considère plus et qu’elle laisse désormais à la crédulité populaire.

Tel est à peu près l’ensemble de la science météorologique au XIXe siècle. Sans doute, elle a fait, depuis le temps des Grecs, d’immenses progrès, bien qu’elle soit encore très loin de donner tout ce qu’on exige d’elle avec plus ou moins de raison ; sans doute on doit convenir que, depuis trois siècles, elle n’a pas cessé de marcher, et qu’elle réalise tous les jours les plus précieuses acquisitions, grâce à la multiplicité, à la patience, à la sagacité des observations. Mais tout en reconnaissant bien volontiers ses succès, je n’en maintiens pas moins que, d’Aristote jusqu’à nous, c’est une simple progression dans une voie toujours la même. Elle présente, il est vrai, une déplorable lacune pendant près de deux mille ans, c’est-à-dire depuis l’affaiblissement de l’esprit grec, la décadence de l’Empire romain et le cataclysme de l’invasion barbare, jusqu’à cette époque, si bien nommée, de la Renaissance, où en effet l’intelligence humaine, servie par les plus heureuses découvertes, a pris tout à coup une activé si énergique qu’on a pu croire à une vie nouvelle. C’est que la météorologie a subi, comme le reste du savoir humain, cette longue éclipse ; mais elle a été une des premières à sortir de l’ombre ; et l’on peut voir par le livre de Descartes sur les Météores tout ce qu’elle avait appris déjà au XVIIe siècle, à côté de tout ce qu’elle conservait encore de la tradition. Descartes est toujours, sans le savoir, un disciple d’Aristote. Dans les dix chapitres ou discours qui composent son ouvrage, c’est le cadre très peu rectifié du philosophe ancien ; ce sont en grande partie les mêmes sujets, et parfois aussi les mêmes théories : d’abord la nature des corps terrestres ; puis les vapeurs et les exhalaisons ; le sel, et notamment celui qui est contenu dans l’eau de mer ; les vents ; les nuages ; la neige, la pluie et la grêle ; les tempêtes et la foudre avec tous les autres feux qui s’allument en l’air ; l’arc-en-ciel ; les couronnes, ou cercles qu’on voit quelquefois autour des astres ; enfin les parhélies, ou l’apparition de plusieurs soleils. C’est presque l’ordre même d’Aristote ; et sauf quelques éliminations très légitimes, les comètes, la voie lactée et les tremblements de terre, on se croirait encore dans la science grecque, améliorée mais non changée par un grand génie et par des recherches plus précises. Descartes est une heureuse transition entre l’antiquité et les temps modernes. Je ne dis pas que celle louange l’eût beaucoup flatté ; mais il n’est pas toujours aussi novateur qu’il le croit. Depuis Descartes, la météorologie est devenue ce qu’on vient de voir, et il n’est pas à présumer qu’elle veuille le désavouer pour un de ses ancêtres les plus illustres et les plus sérieux.

C’est donc à la Grèce qu’il faut justement rapporter la gloire d’avoir fondé la science et de l’avoir même poussée fort loin, dans l’espace de deux ou trois cents ans d’investigations originales, que couronnent celles d’Aristote. C’est un grand mérite sur lequel on ne saurait trop insister ; et puisque l’occasion s’en présente, je n’hésite pas à revenir sur les services prodigieux que le génie grec a rendus à l’esprit humain, et en particulier à l’esprit moderne. Je ne veux pas étendre le cercle outre mesure ; et je me renferme dans ce qui concerne uniquement la météorologie.

Si nous remontons, par hypothèse, à l’origine des choses, on peut conjecturer que la science des météores a été nécessairement une de celles dont l’homme a dû s’occuper le plus tôt, lorsque, délivré des premières luttes, il aura eu quelque loisir pour observer et comprendre la nature au milieu de laquelle il vivait. Les phénomènes qui se passent dans l’atmosphère frappaient continuellement ses yeux ; mais de plus, ils l’atteignaient dans sa personne ; et comme ils sont dans une variation perpétuelle, il était bien impossible qu’ils échappassent longtemps à la sagacité curieuse qui est un des instincts de notre intelligence. D’abord, l’homme n’avait eu qu’à se défendre contre leurs influences, ou à les tourner à son profit ; plus tard, il put essayer de s’en rendre compte ; et comme ils forment une classe assez distincte de faits dans la nature, on put aisément les grouper en un système. Voilà comment, même avant Aristote, on les réunissait sous un nom commun, qui les séparait de tous les autres. Qui a eu la gloire d’inventer ce nom, et par là de déterminer la science ? C’est ce qu’on ne sait pas ; et l’histoire, tout en voulant être juste, est impuissante ici comme elle l’est dans tant d’autres cas, même pour des temps moins reculés.

La science une fois distinguée et circonscrite, quoiqu’elle le fût assez mal à ce début, n’a plus eu qu’à poursuivre ; et le germe s’est développé avec une régularité et une vigueur qui attestent que ceux qui, les premiers, l’avaient conçu, ne s’étaient pas trompés. Aujourd’hui, à la distance où nous sommes placés, au milieu de toutes les richesses scientifiques dont nous sommes comblés, nous nous sentons très peu enclins à être reconnaissants ni même équitables envers les inventeurs primitifs de toutes choses ; et il est des historiens de la météorologie, par exemple, qui ne mentionnent même pas Aristote et les travaux des Grecs (04). Ces commencements des sciences nous semblent une chose toute simple, et nous n’en savons pas le moindre gré à qui nous les devons. C’est cependant la chose difficile par dessus toutes ; et si l’on veut se donner la peine d’y réfléchir quelques instants, on se convaincra que le génie grec, dont le nôtre n’est que le docile continuateur, s’est placé dans la science, et nous a placés avec lui, à une hauteur incomparable.

Je me remets en mémoire ce qui s’est passé dans l’Inde ; et je vois alors, par un contraste étonnant, toute la supériorité de la Grèce. Certes ce n’est pas l’intelligence qui a manqué à la race des Aryas, sœur de toutes nos races européennes. Depuis les Védas jusqu’aux systèmes de philosophie indépendante et même irréligieuse, depuis le brahmanisme jusqu’aux sectes bouddhistes encore actuellement florissantes ; depuis les épopées et le théâtre jusqu’à la grammaire, ce chef-d’œuvre qu’aucun peuple n’égalera jamais, que de monuments divers, dignes de la plus haute estime, malgré de trop réels défauts ! Et cependant au milieu de tant de trésors, et en dépit de si puissantes facultés, pas un seul monument de science ! Pas même l’ébauche d’une science quelconque ! J’ajoute que pour la météorologie, qui doit ici nous intéresser spécialement, ce n’est pas apparemment le climat qui a fait faute ; et si quelque part les phénomènes météorologiques sont remarquables, réguliers et terribles, c’est dans la presqu’île de l’Inde, et surtout sur les bords du Gange. Cependant l’esprit hindou, quelque bien doué qu’il fût, n’a pas un seul instant songé à se demander comment ces phénomènes se produisaient, quels rapports ils avaient entre eux, et comment on pouvait arriver à les comprendre, si ce n’est à s’en préserver. Pour lui, ils sont demeurés dans la confusion universelle, d’où il ne les a jamais tirés, perdus dans l’obscurité de toutes choses, et ne se détachant pas plus que le reste de cette vague synthèse où tout est enveloppé, mais où rien ne se définit pour s’éclaircir.

Dans la Grèce, au contraire, on a de très bonne heure observé les faits pour eux-mêmes, et on ne les a pas uniquement sentis dans leurs influences utiles ou fâcheuses. Sous un climat moins instructif, qu’on me passe ce mot, on a bien vite saisi les caractères des phénomènes avec leurs affinités réciproques ; et comme le vaste lieu où ils se passent était toujours le même, et que ce lieu est au-dessus de la terre, on a créé la science des météores, qui pouvait devenir profitable autant qu’elle était curieuse. Après quelques tâtonnements inévitables, on y a appliqué une méthode excellente, et aux observations conduites avec une précision réfléchie, on a joint des expériences. En un mot, la Grèce a su découvrir et employer la méthode véritable dans les sciences, et spécialement en météorologie. A cet égard, les modernes ont fait plus, qui le nierait ? Mais ils n’ont pas fait mieux ; et quel que soit leur orgueil, exalté par les conseils de Bâcon et par ses flatteries, il faut bien qu’ils avouent, en présence des preuves les moins récusables, que les anciens ont su observer, et même qu’ils ont expérimenté comme nous, si ce n’est aussi bien que nous. Ils nous avaient devancés sur cette route, qui est la seule assurée ; nous n’avons fait qu’y marcher plus loin qu’eux, en recueillant leurs exemples et leur héritage ; mais nous ne l’avons pas ouverte.

Comme cette assertion, tout exacte qu’elle est, devra sembler un paradoxe à bien des esprits prévenus, je tiens à la justifier, et je ne puiserai pas mes preuves plus loin ni ailleurs que dans la Météorologie d’Aristote. Elles y surabondent, et je n’aurai que l’embarras de choisir.

Avant de présenter sa théorie personnelle sur les comètes, Aristote expose les théories de ses prédécesseurs, parmi lesquels se trouvent les hommes les plus fameux et les plus honorés, Anaxagore, Démocrite, et les Pythagoriciens. Je ne recherche pas si l’explication d’Aristote vaut mieux que les leurs, et s’il a raison de nier que les comètes soient des corps planétaires, ainsi que le supposaient les premiers philosophes. Mais comment les combat-il, et que prétend-il opposer à leurs systèmes ? Des faits, et rien que des faits, qui convenablement observés réfutent et renversent, selon lui, leurs hypothèses. Ainsi, on prétendait que les comètes ne se montrent jamais qu’au nord et à l’époque où le soleil approche du solstice d’été. Aristote rappelle que la grande comète qui parut au temps du tremblement de terre en Achaïe et de l’inondation maritime, sous l’archontat d’Aristée, s’était montrée à l’occident équinoxial et l’hiver ; il rappelle en outre que l’on avait déjà vu une foule de comètes au sud, et que si la comète signalée sous l’archontat d’Euclès, fils de Molon à Athènes, dans le mois de Gamélion, était en effet au nord, le soleil était à ce moment au solstice d’hiver et non point au solstice d’été. Démocrite croyait que les comètes résultaient quelquefois de la conjonction de deux astres, et que c’était de cette rencontre que venait l’apparence qu’elles offrent. Aristote répond particulièrement à Démocrite que, s’il en était ainsi, ce n’est pas quelquefois mais toujours que le phénomène devrait se produire, quand deux astres sont en conjonction. Il invoque le témoignage des Égyptiens, qui ont observé bien souvent des conjonctions, soit de planètes entre elles, soit de planètes avec des étoiles fixes, et qui n’ont pas signalé de comètes par suite de ces conjonctions. Aristote cite en outre son propre témoignage ; et il atteste avoir vu lui-même deux fois la planète de Jupiter occulter une étoile de la constellation des Gémeaux, sans que cette conjonction produit du tout l’effet d’une comète.

Aristote se croit donc en droit de conclure, d’après ces faits, qu’il pourrait appuyer de bien d’autres, que les comètes ne sont pas des planètes comme on l’a dit, et il s’efforce de substituer à ces hypothèses une explication plus conforme à la réalité et plus plausible que celle qu’il repousse.

Même procédé pour démontrer que Démocrite se trompe encore dans son explication de la voie lactée. J’en ai déjà touché quelque chose un peu plus haut ; mais j’ajoute ici qu’Aristote reproche à Démocrite, et aux autres philosophes qui partageaient ses opinions, de ne point observer suffisamment le ciel, de même qu’ils n’avaient pas en géométrie et en astronomie les notions nécessaires (Livre I, ch. 8, § 18.)

C’est encore par des arguments de la même espèce, qu’Aristote réfute la théorie d’Anaxagore sur la grêle (Livre I, ch. 12, § 13.) Il y oppose des faits qui, dans cette théorie, demeurent inintelligibles ; et pour lui-même, il se fait gloire de ne s’appuyer que sur les faits les plus certains, quoique parfois très extraordinaires. Ainsi, la grêle est bien de la glace ; et cependant, elle tombe beaucoup plus souvent au printemps, en automne et en été qu’en hiver, et surtout que pendant la gelée. Cette circonstance peut étonner ; mais elle est réelle. Il faut donc l’expliquer, si on le peut ; et il ne servirait de rien de se la dissimuler et de la négliger, quoiqu’au premier coup d’œil elle paraisse peu naturelle.

On résoudra par des observations aussi patientes, mais plus difficiles, le problème de ces lentes mutations qui se font à la surface de notre globe. Il y a des gens qui, pour expliquer les empiétements réciproques et alternatifs des continents et des mers, croient devoir se jeter dans les considérations les plus hasardeuses sur l’origine même de l’univers (Livre I, ch. 14, §§ 17 et suiv.) Mais il n’est pas prudent de porter ses regards si loin et de risquer de telles méprises. La terre n’est qu’un point imperceptible en comparaison du monde ; et il serait plaisant d’attribuer à l’immensité des choses les révolutions si restreintes que subit notre petit globe. Tout ce que nous avons à faire, c’est de l’observer lui-même, et de borner là nos recherches et nos prétentions. Analysons soigneusement ce qui se passe sous nos yeux et de notre temps ; interrogeons les récits des voyageurs ; recueillons les traditions des peuples ; et de toutes ces données réunies et contrôlées par notre raison, tirons des conclusions sur l’état présent du globe et sur son état passé. La Grèce a éprouvé des déluges partiels comme celui de Deucalion ; écoutons ce que les habitants de ces contrées peuvent encore nous en dire. L’Égypte s’est formée peu à peu par les apports du Nil ; elle s’est successivement accrue de proche en proche, comme l’atteste Homère, qui ne connaissait que Thèbes et n’a pas connu Memphis, parce que cette partie de la contrée n’était pas encore sortie des eaux. Au temps de la guerre de Troie, l’Argolide n’était qu’un grand marécage, et la Mycénie était une terre fertile, comme le dit l’Iliade ; aujourd’hui, c’est tout le contraire. Le Palus Méotide s’emplit tous les jours par les alluvions qu’y déversent les fleuves, et le Bosphore présente la même surélévation de son canal. Constatons avec un soin vigilant toutes ces observations ; elles seules peuvent nous révéler ce qu’a été jadis notre terre, en nous instruisant précisément de ce qu’elle est aujourd’hui.

Des philosophes avaient soutenu que la mer a des sources comme en ont les rivières et les fleuves. Aristote leur objecte que les faits sont absolument contraires à cette hypothèse (Livre II, ch. 1, § 6), et que ces prétendues sources de la mer sont encore à trouver. En observant l’état actuel des choses, on peut se convaincre que l’équilibre des eaux dans notre monde est permanent. La mer reçoit régulièrement tout ce qu’elle perd ; l’eau des fleuves sans nombre et celle de la pluie compensent l’évaporation. Il n’y a pas d’autres sources que celles-là pour la masse liquide dont la mer est formée. Elle a été ce qu’elle est dès l’origine des choses, et l’ordre merveilleux que nous admirons dans ces grands phénomènes a dû commencer avec le monde lui-même. Voilà ce que nous dit l’observation, et ce que nous permet de conjecturer une induction légitime, qui sort des faits bien analysés.

Dans la théorie des vents, telle qu’on l’imaginait avant lui, Aristote trouve des erreurs comme il en a trouvé dans la théorie de la mer ; et c’est à l’aide du même moyen qu’il repousse ces erreurs et qu’il essaie de les remplacer par des vérités démontrées. Il a recours au témoignage décisif des faits (Livre II, ch. 4, § 10.) Il attribue d’une manière générale la cause des vents à l’exhalaison sèche et à la chaleur solaire ; et remarquant qu’ils varient de fréquence et d’intensité, avec les saisons de l’année et avec les alternatives même de l’exhalaison, il en conclut que les deux phénomènes se tiennent étroitement, et que les vents n’ont pas des sources à la manière des fleuves, ainsi que bien des gens se le figuraient de son temps. Le seul rapport réel qu’on puisse établir entre les fleuves et les vents, c’est que les uns et les autres s’accroissent également dans leur cours (Livre II, ch. 4, § 26) ; et de même que le volume des eaux augmente à mesure que la rivière descend, de même le souffle du vent est beaucoup plus faible au point d’où il part qu’au point où il arrive et où il cesse. La périodicité régulière de certains vents, comme les Étésiens par exemple, prouve assez que le soleil est la plus grande cause de ce phénomène, puisque ces vents ne soufflent que quand cet astre est dans une certaine position relativement à notre terre, et qu’ils sont en général beaucoup moins forts la nuit que le jour.

Pour s’expliquer comme il convient la position des vents, il faut se faire une juste idée de la surface de la terre. Mais, ainsi que je l’ai dit plus haut, Aristote démontre que de son temps on en a une idée tout à fait fausse, quand on représente comme ronde la partie habitable de notre globe. Il n’y a que la zone tempérée où l’homme puisse vivre ; il ne peut habiter ni la zone torride, ni la zone glaciale. Si la partie habitable forme des deux côtés de l’équateur une bande qui a beaucoup plus de longueur que de largeur, la raison le conçoit aisément ; mais à la raison, il faut joindre le poids bien autrement évident des faits. Les voyageurs s’en sont convaincus en parcourant les terres et les mers (Livre II, chap. 5, § 13) ; et d’après les mesures de leurs itinéraires multipliés, la longitude est à la latitude dans le rapport de 5 à 3. La terre, prise dans sa totalité est bien en effet convexe et sphérique, et comme on l’a vu, il est facile de s’en assurer en remarquant que partout l’horizon se déplace avec le spectateur lui-même (Livre II, chap. 7, § 5) ; mais il faut distinguer entre la terre dans sa masse et la terre considérée dans cette partie restreinte où l’homme peut établir son séjour.

Un peu plus haut, j’ai fait assez bon marché de la théorie d’Aristote sur les tremblements de terre, tout en la trouvant préférable à celles de ses devanciers ; mais il est juste de remarquer en outre qu’il fait tous ses efforts pour donner à sa théorie le fondement des faits les mieux observés et les plus nombreux. Il interroge toutes les circonstances et toutes les conditions dans lesquelles les tremblements de terre se produisent : les heures du jour, les époques de l’année, la configuration des lieux, les éruptions des volcans, les signes précurseurs, les bruits souterrains, les inondations consécutives, etc. Il interroge les récits de tous ceux qui ont observé le phénomène et en ont parlé avec quelque précision (Livre II, chap. 8 tout entier.) En un mot, il recueille autant de faits qu’il peut ; et c’est à cette lumière qu’il prétend marcher.

Enfin, on pourrait, dans cet ordre de preuves, rappeler la théorie de l’arc-en-ciel, appuyée sur des figures de géométrie et sur des dessins ; je n’y reviens pas, et ce que j’en ai dit a dû suffire pour la bien caractériser sous le rapport de la méthode. On le voit donc : Aristote a recommandé l’observation des faits tout aussi vivement que Bâcon a pu le faire deux mille ans après lui ; et pour sa part, il a appliqué ses préceptes autant qu’il l’a pu. La Météorologie vient de nous en offrir une foule d’exemples concluants ; et l’on pourrait en signaler d’aussi nombreux et de tout pareils dans ses autres ouvrages.

On peut de plus affirmer à sa louange que, pour lui, l’observation n’est pas la pratique instinctive d’un génie heureusement doué ; c’est une méthode profondément réfléchie, dont on use d’abord pour soi-même, et qu’on oppose ensuite à ses adversaires ; c’est la mesure commune à laquelle on rapporte toutes les explications et toutes les théories ; elle les juge toutes sans exception, et c’est elle seule qui a le droit de condamner ou d’absoudre. A cet égard, il est impossible à l’esprit humain d’avoir des principes ni meilleurs ni plus hauts. La seule différence, c’est qu’on peut s’en servir plus ou moins bien ; il n’y a pas lieu d’ailleurs de s’étonner que les premiers essais n’aient pas été aussi heureux que ceux qui ont suivi. Des mains novices ne sont jamais bien assurées. Mais le point capital était de se dire qu’avant tout il faut observer les réalités ; et voilà comment la Grèce a eu la gloire de fonder les sciences et comment l’Inde, tout intelligente qu’elle est, ne les a jamais soupçonnées.

En présence de telles démonstrations, on aurait, ce semble, assez mauvaise grâce à nier encore que les anciens ont observé. La Météorologie d’Aristote nous prouve non moins certainement qu’ils ont pratiqué l’art des expériences. J’en indiquerai quelques-unes que j’ai déjà eu l’occasion de signaler en passant.

Le philosophe veut prouver que la salure de la mer tient à la présence d’un corps étranger, quelle que soit d’ailleurs la nature propre de ce corps ; et voici l’expérience qu’il conseille. Qu’on façonne un vase en cire et qu’on le bouche bien hermétiquement ; qu’on le fasse descendre dans la mer, de façon que l’eau n’y puisse faire irruption. Au bout d’un certain temps, on trouvera dans ce vase ainsi fermé un liquide potable, qui aura pénétré par les pores de la cire. La partie potable de l’eau de mer aura pu filtrer, parce qu’elle est plus ténue ; quant à la partie plus grossière, qui est le sel, elle n’aura pu s’introduire dans le petit vase, et elle sera restée dehors. C’est comme un crible, qui laisse passer les plus petits grains et rejette les plus gros (Livre II, chap. 3, § 35.)

Je ne réponds pas de l’efficacité de l’expérience indiquée par Aristote ; et je n’ai pas plongé un vase de cire dans de l’eau de mer pour m’assurer qu’en effet une partie potable se sépare ainsi de la partie saumâtre. Mais ce qu’on doit affirmer, sans aucune hésitation, c’est que voilà bien une expérience dans le sens précis où la science moderne entend ce mot ; c’est un phénomène absolument factice préparé par l’observateur, en vue du problème qu’il cherche à résoudre. C’est là expérimenter dans toute la force de ce terme.

On en peut dire autant de cette autre expérience plus facile et très réelle, qui avait le même objet et que j’ai aussi mentionnée antérieurement. En fait, l’eau de mer est plus lourde que l’eau douce ; les navires chargés enfoncent moins dans la première que dans la seconde. On peut se le prouvera soi-même par une expérience fort simple. Qu’on mette des œufs dans de l’eau ordinaire, ils iront au fond. Mais qu’on charge cette eau d’une certaine dose de sel, et l’on verra que les œufs finiront par y surnager, à mesure qu’elle sera devenue plus épaisse par le corps qu’on y aura fait fondre (Livre II, ch. 3, § 38.) C’est bien là encore une expérience proprement dite. L’observateur produit une eau de mer factice ; et comme il l’obtient en y ajoutant un corps étranger, il en peut conclure que c’est également un corps étranger qui donne à l’eau de mer naturelle le goût particulier qu’elle a, et surtout sa lourdeur.

Telles sont les deux expériences formelles que je trouve dans la Météorologie, sans affirmer d’ailleurs qu’on n’y puisse pas encore en découvrir d’autres. Mais si l’on sort de la Météorologie, on s’aperçoit que ce procédé puissant est assez fréquemment employé par Aristote, bien qu’il ne soit pas élevé par lui à la hauteur d’une méthode, comme l’observation directe des faits. Ainsi dans la Physique, voulant prouver que le vide ne peut pas exister, il recommande l’expérience suivante (Physique, livre IV, ch. 12, § 2.) Plongez un morceau de bois dans un vase plein d’eau, et vous verrez que ce corps déplace un volume d’eau égal à son propre volume. Le même phénomène qui se passe dans l’eau doit se passer aussi dans l’air, bien que dans ce cas il ne soit plus perceptible à nos sens. Mais dans le vide, que pourra déplacer le morceau de bois ? Rien ; car le vide n’est pas un corps, comme le sont l’eau et l’air. Je ne soutiens pas, bien entendu, la force de cette argumentation contre l’existence du vide ; mais je fais remarquer que c’est à l’aide d’une expérience, fort neuve alors, qu’Aristote tâche de prouver que le vide est impossible. Ce n’est pas d’ailleurs la seule qu’il allègue ; et il en indique encore trois autres qui, sans avoir la même fin, ont le même caractère. Deux de ces expériences étaient invoquées en un sens contraire par les partisans du vide. Des outres pleines de liquide tiennent encore, disait-on, dans le même tonneau que le liquide remplirait à lui seul ; un vase plein de cendre reçoit encore autant d’eau que s’il était vide. Les défenseurs de la réalité du vide en concluaient que, dans ces deux circonstances, les corps se contractent et que par conséquent il y avait préalablement dans ces corps, du vide que la contraction fait disparaître (Physique, livre IV, ch. 8, §§ 6 et 8.) Enfin la troisième et dernière expérience que je veux emprunter à la Physique, est celle des vessies remplies d’air qu’on mettait au fond de l’eau, et qui s’élevaient à la surface, dès qu’on les lâchait, emportant avec elles des poids plus ou moins lourds qui y étaient attachés (Physique, livre IV, ch. 13, § 4.) Aristote prétendait tirer de là un argument contre la possibilité du vide, qui devrait tendre à s’élever en haut avec bien plus de force encore que l’air renfermé dans les vessies.

Je me borne à la Météorologie et à la Physique, et je crois que mon assertion est suffisamment démontrée. Toutefois je ne doute pas que l’on pût trouver encore bon nombre de témoignages tout à fait analogues dans plusieurs autres ouvrages d’Aristote. Je les laisse à présent de côté, sauf à y revenir dans une occasion plus convenable. Mais on doit avouer déjà, en présence de ceux-là seuls que je viens de rapporter, que les anciens ont connu, même de très bonne heure, l’expérimentation ; et que ce n’est pas pour la science une gloire aussi récente et aussi originale qu’on l’a cru depuis Bâcon. Seulement, je dois avouer aussi que chez les anciens, l’expérimentation ne tient pas la place qu’elle a plus tard occupée, et qu’elle occupe de plus en plus dans les travaux contemporains. En voyant ce que c’est que l’expérimentation, on comprend aisément qu’elle n’a dû venir qu’en seconde ligne. Elle est en quelque sorte une observation indirecte ; et il est assez naturel que l’esprit humain débute par observer d’abord les faits qui posent devant lui, avant de songer à créer, dans certaines vues particulières, des faits qui n’existent pas et qui doivent éclairer les autres. Observer avec quelque exactitude, c’est déjà un pas immense que bien des peuples n’ont pas su faire ; expérimenter en est un second, moins ardu à franchir, quand on a franchi le premier ; et voilà comment les Grecs, pères d’une grande partie de nos sciences, ont découvert et pratiqué les deux procédés dans la mesure que nous venons d’indiquer, et qui correspond au degré même de civilisation où le monde en était alors arrivé.

Pour terminer cette préface, je n’ai plus qu’à présenter une dernière remarque sur la météorologie moderne comparée à celle des anciens. Aujourd’hui, ce qu’on demande surtout à la science des météores, c’est de nous avertir des changements que l’atmosphère va subir et qui peuvent nous être si utiles ou si nuisibles. On exige que la météorologie soit surtout applicable aux besoins et aux travaux de la société. Si elle ne prédit pas le temps, elle paraît à peu près vaine ; et elle descend dès lors par un injuste dédain au rang de simple curiosité. Cette opinion est excessive, bien qu’elle ait été partagée par plusieurs savants qui comptent parmi les plus autorisés de notre temps ; et de là, viennent contre la météorologie des préventions que causent ces exigences trop peu fondées. Chez les anciens et notamment dans Aristote, il n’y a rien de pareil ; et il ne paraît pas qu’on se soit jamais préoccupé de tirer quelque parti des observations météorologiques. C’est une différence profonde entre les anciens et nous ; et elle me semble tout à leur avantage. La science n’a pas à s’inquiéter d’être utile ; elle doit uniquement chercher à être vraie ; et c’est une tâche déjà bien lourde. On aurait tort sans doute de renoncer absolument aux applications profitables des vérités qu’on a la fortune de découvrir ; mais ce n’est pas l’objet essentiel de la science ; et ce but secondaire, quand elle se laisse aller à le poursuivre témérairement, l’éloigne de ses voies et l’égaré. Les faux pas qu’elle commet dans cette route, qui n’est pas la sienne, tendent à la discréditer non pas seulement auprès du vulgaire, mais en outre auprès des esprits les plus sérieux. On triomphe des mécomptes et des prédictions fausses de la météorologie, comme si elle était réellement chargée de faire des prédictions, et comme si c’était son devoir d’assurer aux agriculteurs et aux marins, la sécurité et le succès de leurs labeurs et de leurs voyages. La météorologie est imprudente de se laisser séduire aux demandes indiscrètes qu’on lui adresse. Elle a bien assez d’étudier la nature si complexe des phénomènes qui lui ressortissent ; qu’elle laisse à d’autres le soin d’en tirer des enseignements pour la pratique de chaque jour.

Quant au reproche si souvent fait à la météorologie de n’être pas une science constituée, parce qu’elle ignore encore beaucoup de choses, et qu’elle ne peut pas même dire encore au juste ce qu’est un nuage, on peut voir que ce blâme, provoqué peut-être par les méprises dont je viens de parler, est bien peu mérité. L’analyse que j’ai donnée de la Météorologie d’Aristote et de la météorologie contemporaine, montre de reste la réalité et l’étendue de la science, soit qu’on la considère à son point de départ, soit qu’on la considère à sa période actuelle. C’est bien là une science constituée, s’il en fût, avec un domaine spécial et un sujet très déterminé, avec des instruments et des procédés qui ne sont qu’à elle. Que si la météorologie ignore encore une bonne partie de ce qu’elle cherche à savoir, c’est là le sort commun et inévitable ; elle est imparfaite comme tout ce qui est humain. Mais elle a aussi la consolation générale, qui est de se dire qu’elle en sait déjà beaucoup, et que ses acquisitions passées lui répondent d’un avenir certain. Toutes les sciences en sont là ; et les mathématiques elles-mêmes, qui se croient si parfaites, ne cessent de faire continuellement de nouvelles découvertes. Il n’y a pas de motif pour que la météorologie soit une exception.

Montmartre, 4 octobre 1862.

(01) Voir plus loin dans la Dissertation spéciale ce qui est dit de la composition de la Météorologie et des liens par lesquels le IV. livre s’enchaîne indissolublement aux trois premiers.

(02) Je tire l’analyse qui va suivre des ouvrages très justement estimés de M. Kooratz, professeur de physique à l’université de Halle, qu’on peut regarder comme le représentant de la science, dans ce qu’elle a de plus autorisé et de plus complet.

(03) On peut citer au premier rang de ces observateurs M. Coulvier-Gravier, qui a consacré déjà près de cinquante ans de sa vie à l’étude de cet unique phénomène.

(04) M. Kastner, qui n’est pas le seul.



DISSERTATION SUR LA COMPOSITION DE LA MÉTÉOROLOGIE ET DU PETIT TRAITÉ DU MONDE.


Il ne peut pas s’élever de doutes sérieux sur l’authenticité de la Météorologie d’Aristote, et à moins d’avoir un parti pris comme Patrizzi et Gassendi, on ne peut pas y méconnaître la main du philosophe. Chez les anciens non plus, il n’y a guère eu de controverses sur ce point ; et, en voyant, dans le Commentaire d’Olympiodore, les arguments puérils par lesquels on s’efforçait quelquefois de nier que la Météorologie fût l’œuvre du maître, on se demande si c’était la peine de répondre à des attaques aussi peu fondées, et à des négations aussi gratuites. La tradition est donc incontestable ; mais, cependant, je crois devoir montrer sur quoi elle s’appuie, afin de revendiquer aussi nettement que possible pour Aristote une des œuvres qui lui font le plus d’honneur.

Il y a pour cette démonstration trois ordres de preuves : d’abord les témoignages des écrivains postérieurs ; en second lieu, les citations que contient la Météorologie elle-même, et enfin les citations qui sont faites de la Météorologie dans les autres ouvrages d’Aristote.

Je commence par les écrivains postérieurs ; ils sont nombreux ; et leur autorité est absolument décisive. Ils ont mentionné divers passages de la Météorologie, soit pour la combattre, soit pour l’approuver ; et il n’en est pas un seul qui ait hésité sur l’auteur auquel on la doit. C’est ainsi que le fameux Ératosthène{11}, né vers le début du IIIe siècle avant notre ère, adoptait les théories d’Aristote sur la formation des fleuves par les eaux pluviales ; et il s’en servait pour expliquer le régime merveilleux du Nil, uniquement dû à la chute de pluies abondantes, comme l’affirmaient de hardis voyageurs qui étaient remontés, disait-on, jusqu’aux sources, encore inconnues de nos jours. Or cette théorie d’Aristote sur la formation des eaux courantes est tout au long dans la Météorologie (Liv. I, chap. XIII, §§ 6 et suiv., et spécialement pour le Nil, § 21.) C’est Proclus, dans son Commentaire sur le Timée (p. 37, édit. de Bâle), qui nous a conservé cette opinion d’Ératosthène, le plus grand des géographes antérieurs à Strabon ; et l’on ne peut guère douter qu’Ératosthène ne connût l’ouvrage d’Aristote tel que nous le possédons.

Peut-être avant Ératosthène aurais-je dû nommer Aratus, dont il nous reste deux petits poèmes célèbres, l’un sur les Phénomènes astronomiques ou plutôt sur les Constellations, l’autre sur les Pronostics du temps, qu’on peut tirer des observations de la météorologie. C’est une opinion reçue qu’Aratus, contemporain d’Ératosthène, connaissait l’ouvrage d’Aristote, et que c’est en le prenant pour guide qu’il a composé les morceaux fort agréables qui sont parvenus jusqu’à nous. J’avoue que je ne vois pas très clairement sur quoi cette opinion se fonde ; et bien que je rende toute justice au mérite d’Aratus, que Cicéron et Germanicus n’ont pas dédaigné de traduire, je ne découvre pas en lui un disciple d’Aristote ; les idées qu’il reproduit avec une élégance justement admirée sont celles de tout le monde au temps où il écrit. Je trouve même qu’il en sait beaucoup plus long sur les Constellations qu’Aristote lui-même ne paraît en savoir. C’est qu’Aratus a profité de tous les progrès que l’astronomie avait faits en un siècle. Mais je ne crois pas qu’il s’inspire plus particulièrement de la Météorologie péripatéticienne ; et voilà pourquoi je ne le comprends pas parmi les témoins que j’invoque, bien qu’il y soit reçu presque sans contestation par tout le monde.

Je voudrais bien aussi y adjoindre Polybe ; mais je ne l’ose. Tout ce qu’il dit du Pont-Euxin et du Palus-Méotide (liv. IV, ch. XXXIX à XLII) ressemble beaucoup à ce qu’en a dit Aristote (Météorologie, liv. I, ch. XIV, §§ 29 et suiv.) ; mais je n’en conclus pas que Polybe eût la Météorologie entre les mains ; car les renseignements qu’il expose peuvent avoir été puisés aux mêmes sources que ceux d’Aristote, c’est-à-dire dans les récits vulgaires des voyageurs et des marchands.

Je ne suis pas sûr non plus que. Philocore, cité par Athénée (Déipnosophiste, liv. XIV, p. 656, édit. de Schweighaüser), ait désigné le quatrième livre de la Météorologie, en dissertant sur les mérites réciproques du rôti et du bouilli. La citation, qui n’est pas douteuse, peut bien être venue d’Athénée lui-même, aussi bien que de l’interlocuteur qu’il fait parler ; et je laisse Philocore de côté, comme j’ai dû y laisser aussi Aratus, bien que Strabon paraisse faire grand cas de ses travaux géographiques. Mais cette citation n’appartînt-elle qu’à Athénée, elle aurait encore une valeur que je ne veux pas lui enlever, puisque Athénée vivait dans le second siècle de l’ère chrétienne.

Quant à Posidonius, qui appartient au premier siècle avant J.-C., et qui a été le maître de Cicéron et de Pompée, il est parfaitement certain qu’il possédait la Météorologie d’Aristote, telle que nous l’avons aujourd’hui. C’est Strabon qui nous l’apprend, en discutant lui-même les opinions de Posidonius, lequel avait fait, à ce qu’il paraît, de très savants ouvrages de géographie. Posidonius n’approuvait guère, autant qu’on en peut juger, les théories d’Aristote. Il ne pensait pas comme lui que la zone torride, comprise entre les deux tropiques, fût tout entière inhabitable ; et il alléguait l’existence des peuplades Éthiopiennes, qui habitent fort au-delà de l’Égypte et du tropique (Strabon, liv. II, p. 78, lign. 17, édit. de Firmin Didot.) Or, c’est bien là l’opinion qu’Aristote avance dans sa Météorologie (Liv. II, ch. V, § 11.) Posidonius n’admettait pas davantage sa théorie des vents, et il s’appliquait à la réfuter comme la théorie sur la zone torride (Strabon, liv. 1, p. 14, lig. 7, édit. de Firmin Didot.) Or, la théorie des vents remplit trois chapitres de la Météorologie, le 4e, le 5e et le 6e du second livre. Il n’importe pas de savoir qui avait raison de Posidonius ou d’Aristote : ce que nous voulons rechercher ici c’est la transmission de la Météorologie d’âge en âge, et il n’est pas douteux que Posidonius ne l’ait étudiée, comme Ératosthène, si ce n’est peut-être aussi comme Philocore et Aratus.

Quant à Strabon lui-même, il connaissait aussi bien que nous la Météorologie, et il l’avait considérée sous le rapport où elle pouvait l’intéresser, c’est-à-dire sous le rapport géographique. C’est ainsi que parlant de cet immense amas de cailloux roulés qui forme la Camargue au delta du Rhône, il rappelle l’opinion d’Aristote, qui attribuait ce singulier phénomène à l’action d’un tremblement de terre (Strabon, liv. IV, chap. I, p. 151, lig. 7, édit. de Firmin Didot ; et Météorologie, liv. II, ch. VIII, § 117.) On pourrait citer dans Strabon plus d’un autre passage ; mais celui-là suffit pour l’objet que nous avons en vue.

Après l’ère chrétienne, les témoignages se multiplient et se développent tellement qu’il devient à peu près inutile d’en tenir compte, tant ils sont évidents. Je ne veux point cependant passer sous silence ni Sénèque ni Pline. On pourrait en citer bien d’autres, à commencer par Galien, qui a mentionné la Météorologie à plusieurs reprises.

Sénèque a fait, comme on sait, un ouvrage intitulé : Questions naturelles, qui est loin d’être sans mérite, bien qu’il soit assez fréquemment déclamateur, et qui atteste un profond sentiment des grands phénomènes de la nature. Ce n’est pas précisément un ouvrage de science ; mais on y sent partout une vive intelligence et un résumé bien fait des théories les plus accréditées. D’un bout à l’autre de ce traité divisé en sept livres, Sénèque suit Aristote, le plus souvent pour le reproduire fidèlement, quelquefois aussi pour le mettre en contradiction avec quelques autres philosophes. A chaque instant, il le nomme ; très souvent même il le traduit, soit en avertissant les lecteurs, soit même sans le dire. Il serait trop long de rapporter tous ces passages, qu’il est très facile de remarquer ; et je me contenterai de rappeler les théories sur les exhalaisons sèche et humide, sur l’arc-en-ciel, sur la foudre, sur la rose des vents, sur les tremblements de terre, sur les comètes, etc., etc., que Sénèque a empruntées presque mot pour mot à notre Météorologie.

Pline se sert d’Aristote, qu’il admire beaucoup, à peu près autant que Sénèque ; et une bonne partie du second livre de son Histoire naturelle ne fait que reproduire la Météorologie du philosophe. Dans le reste de son ouvrage, Pline est plus sobre de citations, parce que les matières qu’il traite sont différentes ; mais, à l’occasion, il se souvient de la Météorologie, et par exemple au XVIIIe livre, il répète la théorie d’Aristote sur le vent qui se nomme en grec le Coecias, et qui répond à notre vent de nord-est, ou plus exactement peut-être à l’est-est-nord (Pline, Histoire naturelle, liv. XVIII, ch. LXXVII, 4, édit. et traduct. de M. Émile Littré ; Météorologie, liv. II, ch. VI, § 7.)

Ainsi, l’on peut regarder comme démontré que, dès le IIIe siècle avant notre ère, la Météorologie était généralement connue dans le monde grec, et qu’elle ne l’était pas moins dans le monde romain dès le premier siècle de l’ère chrétienne.

C’est à cette même époque à peu près que remonte le plus ancien des Commentaires grecs que nous possédions. Il a été imprimé sous le nom d’Alexandre d’Aphrodisée, ce qui le placerait au IIe siècle ; mais, comme l’auteur parle de son maître Sosigène, et que Sosigène n’a pas été le maître d’Alexandre d’Aphrodisée, on a été porté à penser que ce Commentaire était d’un autre Alexandre, et spécialement d’Alexandre d’Égée, qui vivait sous le règne d’Auguste (voir le Commentaire d’Alexandre, édit. des Aides, 1527, f° 116, recto, lig. 10 ; Météorologie, liv. III, ch. III, § 6.) Il est à remarquer aussi que, dans ce même passage où le commentateur, quel qu’il soit, parle de Sosigène, il rappelle les travaux de Posidonius sur le halo, pour lequel le philosophe stoïcien n’avait fait qu’adopter les explications d’Aristote. Ce témoignage sur Posidonius et à joindre à ceux de Strabon, et il est, selon toute apparence, au moins aussi vieux.

Mais, à quelque auteur qu’on attribue ce Commentaire, qui, d’ailleurs, est un chef-d’œuvre, le texte d’Aristote, par ce fait seul, se trouve consacré dans tous ses détails et tel qu’il est arrivé jusqu’à nos jours, dès le IIe siècle de notre ère au plus tard, et probablement dès le Ier siècle. Je ne dis rien des Commentaires d’Olympiodore et de Philopon, qui ne viennent qu’aux Ve et VIe siècles, et qui ont beaucoup moins d’importance. Voilà pour ce qui concerne la première espèce de preuves que je voulais donner en faveur de l’authenticité de la Météorologie. Je passe aux citations qu’elle contient, et qui peuvent fournir des preuves moins directes, sans doute, mais encore fort concluantes.

D’abord, il n’est pas un des faits rapportés dans la Météorologie qui dépassent les temps où a vécu Aristote. Ainsi, quand elle signale (Liv. I, ch. VI, § 8) la grande comète qui apparut à l’époque du tremblement de terre et de l’inondation maritime en Achaïe, nous savons par Strabon (Liv. VIII, ch. VII, p. 330, ligne 26, édit. de Firmin Didot) que ce phénomène terrible eut lieu deux ans avant la bataille de Leuctres, c’est-à-dire en 373 avant J.-C. Quand la Météorologie parle de l’archontat d’Euclès, fils de Molon, à Athènes, sous lequel parut aussi une comète extraordinaire, ou de l’archontat de Nicomaque, sous lequel eut lieu le fameux ouragan de Corinthe, nous savons que le premier de ces archontes était, en effet, éponyme, en 350, et que l’autre l’était en 340. Un peu plus bas (Liv. I, ch. VI, § 10), elle cite l’archonte Astéius, qui était effectivement en charge en l’an 372. Bien plus, elle mentionne un phénomène astronomique assez curieux, la conjonction de la planète de Jupiter avec une des étoiles des Gémeaux (Liv. 1, ch. VI, § 11) ; et la science moderne a constaté, par l’organe de M. Biot, que ce phénomène avait dû réellement se produire en l’an 350 avant J. -C. (Journal des Savants, mai 1855, p. 278.) Le trop fameux incendie du temple d’Éphèse, que rappelle la Météorologie (Liv. III, ch. 1, § 12), est de l’an 356, le jour même, dit-on, de la naissance d’Alexandre. L’aérolithe d’Ægos Potamos, que cite la Météorologie (liv. I, ch. VII, § 9), et qui causa tant d’étonnement dans le monde grec, que les marbres de Paros en ont conservé le souvenir authentique, est de l’an 467 avant J.-C.

Si des faits historiques, astronomiques ou naturels, on passe aux noms de personnes, le résultat est le même ; et il n’est pas un des philosophes que mentionne la Météorologie, qui ne soit antérieur au siècle d’Aristote, Platon, Hippocrate de Chios, Démocrite, Anaxagore, Empédocle, Anaximène, Ésope, etc., etc. Si la Météorologie était d’une autre main que celle d’Aristote, il est assez probable que cette main étrangère se fût trahie par des citations qu’Aristote n’aurait pu faire, et qui se seraient rapportées à des temps postérieurs.

Les noms de lieux sont absolument dans le même cas que les noms individuels ; il n’en est pas un qui ne fût connu dès le temps d’Aristote. Souvent les notions géographiques de la Météorologie sont bien erronées et bien bizarres ; mais ce sont précisément celles que le monde grec avait à cette époque. On ne connaissait alors qu’une assez faible partie de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique ; et il n’est pas un renseignement donné par la Météorologie qui ne se renferme dans ces étroites limites. On peut la critiquer très souvent et très justement sous le rapport de l’exactitude absolue ; mais relativement, son exactitude est incontestable ; et l’ignorance même qu’elle atteste est une preuve de plus de son authenticité. Dans ces temps reculés, les plus éclairés et les plus curieux parmi les philosophes n’en savaient pas davantage ; et bien qu’il y eût dès lors de très audacieux voyageurs, Aristote, qui se tient fort au courant de toutes les découvertes, n’en croit pas moins que le Danube prend sa source dans les Pyrénées, ainsi qu’un autre fleuve, le Tartesse, dont le cours tout aussi singulier traverse toute l’Espagne, pour aller se jeter dans le Grand-Ocèan non loin des Colonnes d’Hercule (Météorologie, livre I, ch. XIII, § 19.) Sans être allé en Égypte, Aristote connaissait le canal qui joignait le Nil à la mer Érythrée (Livre I, ch. XIV, § 27), et que les Pharaons avaient cessé de construire de peur que la mer Rouge ne submergeât la contrée. Ce canal était bien réel, et des traces immenses s’en retrouvent encore aujourd’hui sur le sol de l’isthme de Suez, où je les ai vues en 1855. Mais c’est qu’au temps d’Aristote, les Grecs avaient des notions assez exactes sur l’Égypte avec laquelle ils entretenaient depuis longtemps des rapports suivis, tandis que la Gaule, sauf Marseille, leur était profondément inconnue, et que c’était sur les plus vagues ouï-dire que l’on parlait du Tartesse et de l’Ister.

Mais il y a dans la Météorologie d’autres citations qui nous intéressent plus particulièrement ; ce sont celles qui se rapportent à d’autres ouvrages d’Aristote. Ainsi, dès le début, l’auteur marque la place de la Météorologie dans le vaste ensemble de ses travaux sur la nature, et il rappelle, sans d’ailleurs énoncer de désignations spéciales, la Physique, le Traité du Ciel, celui De la Génération et de la Corruption, etc., etc. Un peu plus loin, il indique positivement des ouvrages d’astronomie (Livre I, ch. III, § 2, et ch. VIII, § 6), où il avait élucidé certaines questions que la Météorologie doit également toucher : les dimensions de la terre relativement au soleil, infiniment plus grand qu’elle, les distances de la terre au soleil, et les distances des étoiles à la terre encore bien plus considérables. Or, on sait qu’Aristote avait écrit des ouvrages astronomiques. (Diogène de Laêrte, livre V, ch. 1, p. 116, lig. 50, édit. de Firmin Didot), et s’il ne nous en reste aucun, il n’en est pas moins positif qu’il avait fait des recherches de ce genre, dont nous retrouvons souvent la trace dans plusieurs des ouvrages que nous possédons.

Dans deux autres passages, où il est question de la réfraction de la lumière dans l’eau et dans l’air, et de la vivacité plus ou moins forte des couleurs (Météorologie, livre III, ch. II, §§ 10 et 12), l’auteur s’en réfère à ses ouvrages sur là théorie de la vision et de la sensibilité. Ce sont là évidemment des indications exactes du Traité de l’Âme (Livre II, ch. VII, § 6, et II, VIII, pages 214 et 219 de ma traduction), et du Traité de la sensation et des choses sensibles (ch. VI, § 14, page 81 de ma traduction.)

Je ne dis pas que les citations que je viens de rappeler soient les seules que la Météorologie renferme ; et il est plus d’un passage encore où l’on pourrait aisément découvrir des allusions à d’autres ouvrages aristotéliques. Mais il est inutile ici de pousser plus loin.

Après les citations faites par la Météorologie elle-même, je prends les citations en sens inverse, c’est-à-dire celles de la Météorologie dans d’autres ouvrages qui sont indubitablement d’Aristote. Je ne vois guère que deux citations de cette espèce. L’une est au Traité de la génération des animaux (Livre II, ch. VI, page 743, a, 6, édit. de Berlin) : « Les parties similaires, dit Aristote, se solidifient et se constituent tantôt par le froid et tantôt par le chaud ; mais nous avons parlé de cette différence dans d’autres ouvrages. » C’est, en effet, une question traitée dans la Météorologie (Livre IV, ch. XII, § 9), et l’on ne peut douter qu’Aristote n’y veuille faire allusion. La seconde citation de la Météorologie est dans le Traité de la sensation et des choses sensibles (ch. III, § 18, pages 46 et 47 de ma traduction.) Aristote vient de parler du mélange des couleurs, et de l’influence qu’elles ont par leur contraste les unes sur les autres ; puis il ajoute qu’il ne poursuit pas l’examen de ce fait parce qu’il en a parlé ailleurs. Cet Ailleurs, c’est la Météorologie, qui a, en effet, traité ces questions à propos de certaines apparitions célestes, et surtout de l’arc-en-ciel (Météorologie, livre I, ch. V, § 2, et livre III, ch. IV, § 29.)

Enfin le Traité des plantes (Livre II, ch. II, page 822, b, 33, édit. de Berlin), désigne nommément la Météorologie ; mais l’authenticité même de ce traité n’est pas très bien prouvée, quoiqu’il contienne beaucoup de choses qui sont vraiment d’Aristote ; et je laisse son témoignage de côté, comme peu utile après tous ceux qui ont été précédemment allégués.

On le voit donc : des trois ordres de preuves que nous nous proposions de parcourir, il n’en est pas un qui ne mène avec une certitude absolue à cette conclusion que la Météorologie est parfaitement authentique et qu’elle appartient bien à Aristote. Toute l’antiquité l’en a cru l’auteur, non moins certainement qu’il se l’attribue à lui-même. On voit de plus que cette revendication n’a pas coûté beaucoup de peine à mettre en pleine lumière, et il serait à souhaiter qu’il n’y eût pas plus d’obscurité sur tant d’autres ouvrages compris dans le cycle aristotélique.

Aussi me suis-je peut-être trop arrêté sur cette facile recherche ; car à ces intrépides sceptiques qui rejettent aveuglément la tradition, il y a toujours à poser cette question fort embarrassante : « Si cet ouvrage n’est pas d’Aristote, de qui est-il ? Puisque vous le lui refusez, à qui l’attribuez-vous ? Il faut bien cependant que quelqu’un l’ait composé ; et comme cet ouvrage condamné par vous et jugé apocryphe porte la marque d’un très puissant esprit, veuillez bien nous mettre à même de compter un homme de génie de plus. La Grèce en a déjà présenté beaucoup à notre admiration et à notre gratitude ; mais nous ne demandons pas mieux que de lui en devoir encore un. » Patrizzi et Gassendi avec leurs émules seraient assez embarrassés de répondre à cette interpellation si naturelle et si légitime.

Mais j’abandonne ces questions assez frivoles, et je passe à la seule qui mérite un sérieux examen : c’est de savoir si le IVe livre de la Météorologie se lie aux trois autres, ou bien s’il ne doit pas se rattacher à quelque ouvrage différent. À première vue, en effet, le sujet du IVe livre paraît assez étranger à tout ce qui précède ; et ces théories sur l’état des divers corps et sur leurs modifications par l’action de la chaleur et du froid, ne peuvent guère tenir à la météorologie exposée dans les trois livres antérieurs.

Alexandre d’Égée ou d’Aphrodisée n’hésite pas à déclarer que ce IVe. livre est d’Aristote ; mais il l’enlève à la Météorologie, et il le placerait plus volontiers à la suite du Traité de la génération et de la corruption, qui se termine par la discussion de matières tout à fait analogues. Je ne suis qu’en partie de l’avis d’Alexandre : je l’approuve sur un point, et je me sépare de lui sur un autre. Le IVe livre me paraît, comme à lui, tout à fait aristotélique, bien que je n’y sente pas toujours le style même du maître ; mais le fond lui appartient en propre, et quand je me reporte à ces temps, je le trouve tout à fait digne de son génie. Voilà en quoi je suis d’accord avec Alexandre. Mais voici où je m’éloigne de son sentiment, quelque poids cependant qu’il ait à mes yeux : c’est que je laisse le IVe livre à la Météorologie, suivant en cela la tradition qui l’avait transmis au commentateur. Ce IVe livre se lie étroitement aux trois autres, si ce n’est dans le domaine propre de météorologie telle qu’on l’entend aujourd’hui, du moins dans les limites beaucoup plus larges où l’entendait l’antiquité grecque et surtout Aristote, un des fondateurs principaux, si ce n’est le premier, de cette science.

Je transcris d’abord textuellement le début du chapitre septième et dernier du livre III. Après avoir traité de tous les grands phénomènes météorologiques, et en particulier de l’arc-en-ciel, Aristote sent le besoin de se résumer, et il dit :

« Voilà donc à peu près l’ensemble des phénomènes que présente la sécrétion dans les espaces placés au-dessus de la terre ; et nous savons à présent quel est le nombre de ces phénomènes et quelle en est la nature. Reste à expliquer les phénomènes que la sécrétion cause dans le sein même de la terre, quand elle se trouve renfermée dans quelques-unes de ses parties. Elle y produit aussi deux espèces différentes de corps, parce qu’elle-même est naturellement double, ainsi qu’elle les produit dans la région supérieure. En effet, les exhalaisons sont au nombre de deux, la vaporeuse et la fumeuse, comme nous l’avons dit ; et il y a aussi deux espèces pour tous les corps qui sont dans la terre : les minéraux et les métaux. »

Aristote ajoute que l’exhalaison sèche produit tous les minéraux insolubles dans l’eau, et que l’exhalaison vaporeuse produit les métaux fusibles au feu et ductiles. Il n’y a pas à défendre, bien entendu, une pareille théorie, qui rapporte à la même cause la production des métaux et celle des nuages, la production de la foudre et celle des pierres. Mais quel que soit le jugement qu’on doive porter de ces erreurs, il n’en reste pas moins évident, pour le point spécial que nous étudions actuellement, que l’auteur des trois premiers livres de la Météorologie rattache lui-même très étroitement le IVe aux précédents. C’est si bien là sa pensée qu’il va jusqu’à déclarer que c’est la même exhalaison qui fait la rosée dans l’atmosphère, et les corps les plus compacts que la terre recouvre. Il n’y a qu’une différence dans le degré de cohésion où cette exhalaison est arrivée ; et tout de suite après la gelée blanche, il n’hésite pas à nommer l’or et l’airain. Puis il termine le IIIe livre par ces mots :

« Voilà donc ce que tous ces corps ont de commun. Il faut maintenant les étudier en détail et à part, en distinguant d’abord chacune de leurs espèces. »

En effet, le IVe livre reprend tout ce système, et le poursuit en en tirant toutes les conséquences qu’il renferme au point de vue où l’auteur du IIIe livre, c’est-à-dire Aristote, s’est placé. Il y a quatre forces principales dans la nature : le froid, le chaud, le sec et l’humide, qui se localisent dans quatre éléments : la terre et le feu, l’air et l’eau. Deux de ces forces sont surtout actives, c’est le froid et la chaleur ; deux sont passives, c’est le sec et l’humide. Se modifiant perpétuellement, ces forces et ces éléments forment toutes les substances que nous pouvons observer ; elles les combinent, ou elles les dissolvent ; elles les solidifient, ou elles les cuisent à des degrés divers. La solidité, la maturation, la crudité ou la cuisson des corps changent à l’infini, tout aussi bien que leur dureté et leur mollesse, leur sécheresse ou leur humectation, leur aptitude à fondre ou leur résistance à toute action du feu et de l’eau, leur disposition à se vaporiser ou à ne pas se vaporiser, à faire de la flamme ou à brûler sans en faire, à être compressibles ou incompressibles selon la nature de leurs pores, à se plier ou à rester rigides sans la moindre élasticité, à recevoir facilement la chaleur ou à ne la recevoir qu’à peine, etc., etc. C’est grâce à ces transformations que se constituent tous les corps homogènes, non seulement dans la nature inerte, mais aussi dans la nature animée. Les os des animaux, leurs ongles, leur peau, leur chair, leurs nerfs n’ont pas d’autre origine ; et c’est aux quatre éléments et aux quatre forces qu’il faut rapporter tout ce que nous présente la nature dans son inépuisable variété, depuis les substances informes jusqu’à la plante et jusqu’à l’homme.

Tel est le sujet du IVe livre ; et l’on ne peut nier, en face de ces théories si conséquentes et si bien enchaînées, toutes fausses qu’elles sont, que ce livre ne fasse partie d’un ensemble de pensées duquel, on ne peut le détacher, sans méconnaître l’intention manifeste de l’auteur lui-même. Or l’auteur du IIIe livre, c’est Aristote ; et à moins de trancher la question à la manière de Gassendi et de Patrizzi, il y a nécessité d’admettre le IVe livre pour authentique, tout aussi bien que celui qui le précède et qui l’annonce en termes si formels. Nous pouvons bien dire que ce ne sont pas là des matières que la Météorologie doive traiter. Mais il ne faut pas trop presser cet argument ; car dans la Météorologie elle-même, ou plutôt dans ses trois premiers livres, il y a plus d’une théorie que la classification de nos jours pourrait exclure, et qu’elle renvoie soit à la géologie, soit à la géographies soit à l’astronomie. L’étude des corps, à l’état solide, ou, aqueux, leurs changements sous l’action de l’eau et du feu n’appartiennent pas à la météorologie, soit : mais croit-on que la théorie des tremblements de terre ; ou la théorie de la formation des fleuves et de la salure des eaux marines, lui appartiennent davantage ? Non sans doute ; et pourtant, qui oserait retrancher de la Météorologie d’Aristote ces morceaux admirables ? Ces sujets ne rentrent plus aujourd’hui dans les limites de la science, telle que l’ont faite les progrès d’une analyse à la fois plus exacte et plus expérimentée ; mais, au temps d’Aristote, où les sciences n’étaient pas aussi divisées qu’elles le sont devenues depuis trois siècles seulement, il y avait bien des confusions qui peuvent nous étonner à bon droit, mais qu’il ne nous est pas permis de corriger.

Il faut donc accepter le IVe livre de la Météorologie tel qu’il est ; et c’est là ce qui fait que même avec Alexandre d’Égée, auquel je suis prêt d’ailleurs, à déférer sur tant de points, je ne puis séparer ce IVe livre des livres antérieurs. Je me flatte même que, si Alexandre eût examiné la fin du IIIe livre comme je viens de le faire, il n’eût pas été aussi prompt à porter un jugement dont je lui laisse toute la responsabilité. Il est bien vrai, comme il le remarque, que les discussions du IVe livre se rapprochent de celles qui finissent le Traité de la génération et de la corruption ; mais on voit aussi que ce IVe livre tient à l’histoire naturelle, et que les derniers mots par lesquels il s’achève, en feraient assez bien le préambule de cette grande œuvre d’Aristote qu’on appelle l’Histoire des animaux.

C’est qu’en effet tout se suit, tout s’enchaîne, tout s’implique étroitement dans le système immense du philosophe ; mais, s’il a souvent les profondeurs de la nature qu’il étudie, il en a parfois aussi les entrelacements. Nous pouvons bien essayer de les démêler en y appliquant tous les efforts de notre sagacité ; et ce n’est pas d’aujourd’hui que Cicéron nous avertit qu’il faut la plus forte application d’esprit pour bien comprendre Aristote ; mais ce ne serait pas mettre assez de réserve dans cette étude que de se permettre de retrancher tout un livre d’un ouvrage, quand l’auteur a pris soin de nous apprendre lui-même par quels liens il l’y rattache. Vrais ou faux, ces liens sont à respecter religieusement ; et je me garderais bien, même avec l’approbation d’Alexandre d’Égée, de déplacer le IVe livre de la Météorologie, qui renferme d’ailleurs tant de faits curieux et d’observations ingénieuses.

La seule conclusion que nous puissions tirer de la remarque d’Alexandre d’Égée, c’est que, déjà de son temps, le domaine de la science météorologique tendait à se mieux circonscrire. Il était surpris, comme nous le sommes, du sujet du IVe livre, et il entrevoyait déjà, bien que confusément, qu’il y avait dans tous ces faits, si distincts de ceux de la Météorologie, la matière d’une science nouvelle. Mais la physique proprement dite et la chimie devaient attendre encore seize ou dix-huit siècles avant de se constituer à part et régulièrement.

En résumé, j’affirme l’authenticité du IVe livre tout aussi bien que celle des trois autres, auxquels il fait suite et qu’il complète. Galien, qui a nommé expressément ce IVe livre (De natura facultatum, livre III, ch. IX, tome II, p. 167) n’élève pas les mêmes scrupules qu’Alexandre ; il est possible qu’au fond il les partage ; mais il pense comme nous qu’il faut accepter telle quelle l’œuvre d’Aristote ; et cette discrétion de Galien doit d’autant plus nous servir de modèle qu’il ne se fait pas faute, à l’occasion, de critiquer le philosophe avec la plus entière indépendance.

Il me semble qu’après toute la discussion qui précède, on ne peut plus attacher aucune importance à deux arguments qu’on oppose parfois à l’authenticité de la Météorologie : l’un, c’est le silence de Diogène de Laërte ; l’autre, c’est le désaccord de quelques citations anciennes dont l’objet ne se retrouve plus dans l’ouvrage d’Aristote tel que nous l’avons actuellement.

Il est bien vrai que Diogène de Laërte ne mentionne pas la Météorologie dans son catalogue, et il faut avouer que, si ce catalogue était complet, s’il était aussi exact qu’il l’est peu, ce serait une omission des plus significatives et des plus fâcheuses. On en pourrait tirer cette légitime conséquence que, l’annaliste de la philosophie n’ayant pas parlé de cet ouvrage si considérable, cet ouvrage n’est pas d’Aristote. Mais, on sait de reste quelle est la légèreté habituelle de Diogène ; et comme il a oublié une foule d’autres écrits dont l’authenticité ne peut faire question, on ne voit pas pourquoi il n’aurait pas tout aussi bien négligé celui-là. Apparemment que la Physique, la Politique, la Morale valent bien la Météorologie ; Diogène de Laërte ne les a guère mieux traitées ; ou il ne les mentionne pas du tout, ou il ne les mentionne qu’à demi. Doutera-t-on pour cela que la Physique, la Politique, la Morale soient d’Aristote ?

Je ne prétends pas du tout détruire l’autorité qui s’attache au catalogue de Diogène de Laërte ; à mon avis, quelque mutilé et quelque irrégulier qu’il soit, certainement par sa propre faute, c’est un document très précieux, et il serait fort regrettable que le temps nous l’eût ravi. Mais je laisse ce catalogue pour ce qu’il est, et je trouverais excessif de nier l’authenticité d’un livre aristotélique par cela seul qu’un compilateur peu intelligent l’a dédaigné ou n’en a pas eu connaissance. Il n’y a que ces deux alternatives pour Diogène de Laërte, et son silence me touche très peu, quand je vois, plusieurs siècles avant lui, Strabon, Posidonius, Ératosthène, étudier et citer la Météorologie, comme Sénèque et Pline la citent et la traduisent dans un temps très peu antérieur au sien.

Le second argument ne me paraît pas avoir beaucoup plus de force.

Il y a des auteurs, dit-on, qui ont cité certaines théories météorologiques d’Aristote, lesquelles ne se retrouvent plus dans notre Météorologie. Donc il a existé deux rédactions, et il n’est pas très sûr que nous ayons la bonne. Telle est l’objection. Mais je dois déclarer qu’elle me semble faite avec une grande légèreté ; et les allégations par lesquelles on la soutient sont bien peu soutenables. C’est d’abord le passage d’Ératosthène que j’aï rapporté plus haut d’après Proclus ; et l’on se demande quel est l’endroit de la Météorologie où Aristote a parlé des crues du Nil, causées uniquement par les pluies, que des voyageurs ont vues de leurs propres yeux tomber dans les régions placées au sud de l’Égypte. Il est bien vrai qu’Aristote n’a pas donné ces détails, et qu’il se borne à dire avec trop peu de précision que le Nil est formé par des eaux de pluie, comme tous les autres fleuves moins grands que lui. Mais le texte de Proclus, bien interprété, ne signifie pas du tout ce qu’on veut lui faire dire. Proclus se contente de rappeler l’opinion d’Ératosthène ; et il en conclut, ou Ératosthène en conclut, que le système d’Aristote en reçoit une confirmation nouvelle. Évidemment il ne s’agit que du système général de la formation des fleuves par les eaux pluviales ; et ce témoignage de Proclus, loin de porter la moindre atteinte à l’authenticité de la Météorologie, ne fait au contraire que la fortifier. Seulement il fallait le bien entendre, et ne lui pas donner plus de portée qu’il n’en a.

J’en dis autant d’un long fragment d’Aristote conservé par Stobée (Eclogae physicae, liv. I, ch. XLII page 636 et suiv., édit. de Heeren). Ce fragment traite des diverses saveurs qu’offrent les eaux thermales ; et l’on prétend qu’il a dû faire partie anciennement de la Météorologie, parce qu’en effet Aristote y a touché ce sujet en quelques lignes (Météorologie, liv. II, ch. III, §§ 44 et suiv.). Mais pourquoi Aristote n’aurait-il pas traité les mêmes matières dans plusieurs de ses ouvrages. ? La question de la nature des eaux douces ou salées, chaudes ou froides, limpides ou bourbeuses, a dû se présenter cent fois à lui dans le cours de ses recherches. Dans les Problèmes, par exemple, on trouve tout un chapitre sur les vents (Problèmes, ch. XXVI, p. 940, édit. de Berlin), qui ne fait pas partie cependant de la Météorologie, bien qu’elle ait exposé une théorie des vents tout au long (Livre II, ch. IV et suiv.) Le fragment de Stobée n’est pas dans la Météorologie, et il n’est pas davantage dans aucun des ouvrages d’Aristote que le temps nous a laissés ; c’est positif. Mais est-ce à dire que Stobée avait une seconde rédaction de la Météorologie ? La conclusion est excessive, et je crois téméraire de l’admettre.

De même encore, Sénèque émet sur les comètes certaines opinions de détail qu’il attribue à Aristote (Questions naturelles, livre VII, ch. V, et livre VII, ch. XXVIII, trad. de M. E. Littré.) Or, ces opinions ne se retrouvent plus dans la Météorologie. Donc, Sénèque avait déjà, comme plus tard Stobée, une rédaction différente de la nôtre. Ce raisonnement serait assez juste, sans être cependant encore décisif, si Sénèque avait dit expressément qu’il empruntait ces observations à la Météorologie ; mais il ne le dit pas ; et l’on ne voit pas du tout pourquoi Aristote n’aurait pas pu parler encore des comètes dans un autre ouvrage. Il faut ajouter que, dans un de ces deux passages, il est bien probable que Sénèque s’est trompé par une de ces défaillances de mémoire qui arrivent tout le monde. Ainsi, il prétend qu’Aristote regarde l’apparition des comètes comme annonçant des vents et des pluies violentes. Mais Aristote, dans notre Météorologie, avance seulement que les comètes sont un signe ordinaire de vents et de sécheresses (Météorologie, liv. I, ch. VII, § 8.) Comme il y a, en effet, une grande différence entre la sécheresse et la pluie, on imagine que Sénèque avait sous les yeux une autre rédaction de notre ouvrage. Il est beaucoup plus vraisemblable, si on ne veut pas le soupçonner d’inattention, comme je viens de le faire, que son exemplaire de la Météorologie offrait une variante. Notre texte actuel vaut certainement mieux que le sien ; car les comètes sont bien plus souvent accompagnées de grandes sécheresses que de grandes pluies. Mais supposer une seconde rédaction sur un motif aussi frivole, c’est multiplier les êtres sans la moindre nécessité{12}.

J’oppose la même réponse à un passage des Problèmes (section XXVI, ch. XXXVI, p. 944, lig. 12, édit. de Berlin), où Aristote soutient que sur les très hautes montagnes les vents ne se font plus sentir. Il répète la même chose en termes à peu près pareils dans la Météorologie (Liv. I, ch. III, § XVII.) On conclut de ce rapprochement qu’il y avait deux rédactions de ce dernier ouvrage, et que le morceau tiré des Problèmes appartenait à la seconde, attendu que les Problèmes sont cités dans la Météorologie (Liv. II, ch. VI, § 1) J’avoue ici que non seulement cette conclusion me paraît fausse ; mais de plus je ne la comprends pas. On sait ce que c’est que le recueil des Problèmes ; il s’y trouve à l’état d’ébauche et sous forme de questions une foule d’idées qui se représentent ailleurs dans les œuvres d’Aristote. De là, à supposer que chacun de ces ouvrages a été rédigé à deux reprises, il y a une énorme distance ; et je ne me sens pas du tout disposé à la franchir aussi aisément.

Ainsi cette double rédaction viendrait d’Aristote lui-même ; et l’on en découvre, à ce qu’on croit, la trace manifeste dès le temps de Posidonius. En effet, ce philosophe reprochait à Aristote d’avoir mal expliqué le flux et le reflux de la mer en dehors des Colonnes d’Hercule, par la conformation des côtes de l’Ibérie et de la Mau- rousie (Espagne et Mauritanie.) C’est Strabon qui nous fait connaître cette critique de Posidonius (Liv. III, ch. III, p. 126, lig. 50, édit. de Firmin Didot.) Or Aristote dans sa Météorologie aurait eu deux fois l’occasion de parler de ce curieux sujet (Liv. II, chap. I, § 11 ; liv. II, ch. VIII, § 7) ; et il ne l’a pas fait. Donc Posidonius avait une autre rédaction de la Météorologie. A cela je réponds, comme je l’ai fait pour Sénèque, que Posidonius n’a pas dit qu’il empruntât l’explication qu’il réfute à la Météorologie elle-même ; et bien que cette explication pût certainement y figurer au milieu de tant d’autres qu’Aristote donne sur la mer, il n’y a rien d’impossible qu’elle se trouvât aussi dans des ouvrages différents de celui-là. Lesquels ? Nous ne saurions le dire, et il n’y a point à le rechercher ici ; mais c’est faire un abus de la logique que d’induire de là que la Météorologie devait être rédigée au temps de Posidonius et de Cicéron autrement qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Tout cela n’est guère discutable ; et je conclus en repoussant la double rédaction, comme j’ai repoussé tous les arguments contre l’authenticité. En un mot la Météorologie tout entière est d’Aristote ; et jusqu’à preuve contraire il faut penser qu’elle n’a jamais été rédigée que sous la forme qu’elle a encore maintenant.

Après avoir discuté l’authenticité de la Météorologie je passe à celle du petit Traité du monde.

Le Traité du monde est apocryphe ; et il suffit d’y jeter le plus rapide regard pour en être convaincu. La forme et le style ne sont pas d’Aristote, bien que la plupart des idées lui aient été empruntées. Il y a, dans la dédicace à Alexandre, une sorte de familiarité d’un goût assez douteux ; et rien, dans les œuvres du philosophe, ne peut faire soupçonner qu’il ait jamais pris ce ton avec son élève. Sans doute Aristote admirait beaucoup la philosophie ; mais il faut voir dans la Métaphysique comment il en parle, et il n’en fait jamais une annexe de l’astronomie, quelque respect qu’il ressente pour la noble science qui observe les grands corps célestes, et qui parvient à déterminer, d’après leur marche, quelques-unes des lois auxquelles l’univers est soumis. Jamais non plus Aristote, tout grand qu’il est, n’a eu sur Dieu et sur l’action de la Providence dans la nature les opinions que proclame l’auteur du Traité du monde. Le Dieu de la Métaphysique n’a rien de commun avec le Dieu presque chrétien dont cet auteur célèbre les louanges dans un langage tout lyrique.

Il n’y a donc point de doute ; cet opuscule d’ailleurs assez bien fait, n’est pas d’Aristote. Comment a-t-il pu entrer dans ses œuvres ? Et à quelle époque à peu près y a-t-il été introduit ? Ce sont là deux questions auxquelles il serait assez difficile de répondre.
Des idées et de la langue dans laquelle elles sont exprimées, il semble résulter que ce petit ouvrage doit remonter au 1er ou au IIe siècle de notre ère, c’est-à-dire à une époque où, dans bon nombre d’esprits éclairés, les croyances du paganisme encore puissantes tendaient à se concilier avec les croyances chrétiennes, faisant tous les jours d’irrésistibles progrès. C’est bien encore une main païenne qui a écrit ce traité ; c’est de plus une main assez savante ; et l’auteur connaît à la fois la Météorologie d’Aristote qu’il analyse, et les découvertes géographiques qui ont été faites longtemps après lui. Sans être astronome, il est au courant des théories astronomiques. Mais, tout païen qu’il est encore, il ne l’est plus comme on l’était trois ou quatre siècles avant notre ère. Il l’est à la façon de Sénèque et de Marc-Aurèle. Par dessus tout, et indépendamment de ses croyances religieuses, c’est un bel esprit qui se plaît à discuter littérairement sur ces grands sujets, sans chercher à les approfondir.

Je serais donc porté à croire que le petit Traité du monde a été fabriqué à Alexandrie vers l’époque que je viens d’indiquer, avec tant d’autres ouvrages qu’il était de mode alors de mettre sous l’abri des plus grands noms. C’était une invention assez ingénieuse de faire résumer par Aristote, pour l’usage de son illustre élève, ses leçons supposées sur l’ordre universel des choses. Un peu d’astronomie, un peu de météorologie et de géographie, tiré des livres d’Aristote et d’autres sources, le tout entremêlé de quelques citations poétiques et terminé par une belle sentence de Platon ; c’en était assez pour séduire l’imagination de quelque lettré du temps. Aristote, en effet, avait dû donner des enseignements de ce genre au jeune Alexandre. Pourquoi ne les aurait-il pas continués plus tard, quand Alexandre, devenu roi, conquérait l’Asie ? Pourquoi l’ancien précepteur n’aurait-il pas, d’Athènes où il résidait, adressé quelqu’une de ses œuvres au belliqueux prince qui ravageait alors la Perse pour venger la Grèce ? C’est là un de ces thèmes que les sophistes du temps aimaient à se donner ; et notre auteur a traité celui qu’il avait choisi avec une science et une espèce de lucidité dont il faut lui savoir quelque gré.

D’ailleurs nous ne nous laisserons pas tromper comme le Moyen-Âge et une partie de l’antiquité à ce piège assez grossier ; et, sans nier absolument le mérite de cette œuvre, qui n’est pas dénuée d’agrément, nous l’excluons du cycle aristotélique.

Mais encore une fois, par qui y a-t-elle été introduite ? Le hasard peut-être en a seul décidé ; quelque copiste l’aura mise à la suite de la Météorologie, d’abord à cause de l’identité de nom, puisque ce livre était attribué aussi à Aristote, et en second lieu à cause de la ressemblance des matières traitées. Dans les âges suivants, on aura suivi cet exemple sans plus d’examen ; et, au bout de quelques siècles, l’opuscule apocryphe aura pris place dans les œuvres du maître tout aussi bien que s’il eût été authentique.

Voilà ce qu’on peut supposer, et voilà les conjectures assez plausibles qu’on peut se permettre, en lisant le Traité du monde et en ne le considérant qu’en lui-même. Mais il se trouve que ce petit ouvrage est répété mot à mot, et sauf des différences insignifiantes, dans les œuvres d’Apulée. Il y porte le même titre : De mundo. Seulement, au lieu d’être dédié au grand Alexandre, il est dédié à Faustinus, le fils d’Apulée, auquel est adressé aussi un opuscule fort analogue sur le système de Platon (Voir De Dogmate Platonis, liv. II, page 240, édit. et trad. de M. Bétolaud.) Rien, dans Apulée, n’indique qu’il ait fait un plagiat ; et tout semble témoigner, au contraire, que le De mundo est pour lui une œuvre originale. Il ne se cache pas d’emprunter à Aristote et à Théophraste toutes les idées qu’il met en forme (id., page 374) ; c’est un résumé de leurs doctrines sur l’ordonnance générale de l’univers qu’il veut essayer ; et, de même qu’il a fait connaître à son fils les pensées principales de Socrate dans une dissertation intitulée : Du Dieu de Socrate ; de même qu’il lui a fait connaître aussi celles de Platon en physique, en morale et en logique dans trois discours spéciaux ; de même aussi, il veut lui apprendre à connaître le système d’Aristote et celui de Théophraste, qui se sont occupés plus spécialement de l’étude de la nature. De là le traité De mundo, qui fait partie d’un ensemble d’études, et qui ne détone en quoi que ce soit avec les autres travaux du même genre, auxquels il est jointe et qu’il complète.

Pour ma part, je n’hésite pas à croire qu’Apulée est bien l’auteur de ce traité, et qu’il lui a donné sciemment, et selon ses habitudes littéraires, les caractères que nous y avons signalés. Il y est resté tout à fait fidèle à lui-même ; et, quelque jugement qu’on porte de son style, c’est bien le sien. Il ne traduit pas ; il compose, en s’aidant des notes qu’il a prises dans les philosophes dont il se dit l’imitateur, et qu’il ne laisse pas que de reproduire avec élégance, si ce n’est avec beaucoup d’exactitude.

Ainsi, le petit Traité du monde, tel qu’il est dans les œuvres d’Aristote, est une traduction faite en grec sur le latin d’Apulée, comme le croyait Heinsius. Le traducteur s’est contenté de substituer, le nom d’Alexandre à celui de Faustinus, et d’y joindre quelques flatteries qui lui auront paru tout à fait de mise en s’adressant, comme il le supposait, à un aussi grand roi. C’est là à peu près tout le changement qu’il a cru devoir apporter à l’œuvre qu’il faisait passer d’une langue dans l’autre, et qu’il a du reste suivie pas à pas, bien qu’avec une assez grande liberté d’allures dans les détails. Reste à savoir à quelle époque remonte cette traduction. Le premier auteur grec qui semble citer le Traité du monde, c’est Saint Justin le martyr qui, dans son Exhortation aux Gentils (tome. II, page. 30, édit. de J.-C.-Th.. Otto, 1842.) rappelle une opinion qu’Aristote avance dans « l’abrégé fort clair qu’il a fait de sa philosophie pour Alexandre et qui lui est dédié. » C’est bien là certainement notre Traité du monde, quoique la citation qu’en tire Saint Justin ne soit pas très exacte et ne réponde pas absolument au texte grec que nous avons.

Un peu plus loin, Saint Justin en extrait encore un vers d’Homère qui se trouve en effet rapporté dans le ch. VI, § 35. Mais il ne faut pas perdre de vue que cette Exhortation aux Gentils, qui est comprise dans les œuvres de Saint. Justin, est d’une authenticité suspecte, et le dernier éditeur, M. J.-C.-Th. Otto, la considère comme apocryphe. La citation du Traité du monde paraît de nature à confirmer cette opinion ; car la traduction grecque a dû être faite nécessairement après Saint Justin, qui vivait dans le même temps à peu près qu’Apulée et même un peu avant lui. Apulée a vécu de l’an 114 à l’an 190 ; Saint Justin a subi le martyre en 167. Saint Justin n’a pas pu connaître par conséquent le Traité du monde mis sous forme grecque ; et l’Exhortation aux Gentils ne doit pas être de lui.

Ajoutez qu’à la fin du IVe siècle Saint Augustin attribue formellement le traité De mundo à Apulée (De civitate Dei, livre IV, ch. II.) Sans doute, l’autorité de Saint Augustin en ces matières n’est pas décisive, et une question de pure érudition ne l’inquiétait guère. Cependant son témoignage n’est pas sans valeur, et il nous atteste que, deux siècles encore après l’auteur latin, c’est bien à lui qu’on rapportait généralement cet opuscule, comme nous le lui rapportons encore aujourd’hui. D’un autre côté, Proclus, un peu postérieur à Saint Augustin, connaît le Traité du monde en grec ; mais quand il le cite, il a bien soin de faire ses réserves : « Si toutefois, dit-il, cet opuscule Du monde est bien d’Aristote » (Proclus, Commentaire sur le Timée, liv. V, page 322.) Il est vrai que Philopon, en combattant les idées de Proclus sur l’éternité de la matière, s’appuie sur le petit Traité du monde, dont il ne paraît pas suspecter l’authenticité (Philopon, liv. VI, ch. XVIII) ; mais le soupçon de Proclus est très légitime, et la confiance de Philopon est aveugle.

Il résulte de tout ceci que la traduction grecque de la dissertation d’Apulée a dû être faite dans le IIIe ou IVe siècle, et que, dès la fin du Ve elle était déjà reçue dans le canon aristotélique par des commentateurs fort instruits, quoique peu sagaces. C’est la conclusion à laquelle je m’arrête, et qui méritait peut-être moins d’étude que je ne viens de lui en accorder.

Quant à l’ouvrage en lui-même et indépendamment de l’auteur, Apulée ou tout autre, il vaut la peine qu’on le lise ; car il est assez intéressant de voir quelle idée on se faisait du Cosmos à la fin du IIe siècle de l’ère chrétienne. De nos jours, une grande tentative de ce genre a été faite ; et quel qu’en ait été le succès, on peut, en comparant les deux œuvres, s’assurer des immenses progrès que dans l’intervalle a faits l’esprit humain.



LIVRE I.



CHAPITRE PREMIER.

Récapitulation de travaux précédents sur la science de la nature. Objet et étendue de la Météorologie. Indication de travaux ultérieurs sur les animaux et les plantes.


§ 1[1]. Dans des ouvrages antérieurs, nous avons traité des premiers principes de la nature, du mouvement physique dans toutes ses parties, des astres dont la marche si bien ordonnée s’accomplit dans la sphère supérieure, des éléments des corps dont nous avons indiqué le nombre, la qualité et les permutations réciproques, et enfin de la génération et de la destruction des choses considérées dans leur ensemble. § 2[2]. De toute cette étude, il ne nous reste plus qu’à examiner une seule partie, celle que nos devanciers ont ordinairement nommée la météorologie. Elle comprend tous ces phénomènes qui, bien que se produisant suivant des lois naturelles, ont cependant des conditions moins régulières que celles de l’élément premier des corps, et qui ont lieu dans l’espace le plus rapproché de la révolution des astres ; je veux dire, par exemple, la voie lactée, les comètes, les météores ignés et à mouvement rapide, que nous pouvons regarder comme des accidents communs de l’air et de l’eau. Enfin cette science comprend l’étude de toutes les espèces de la terre, de ses parties, ou des propriétés de ces parties, qui nous peuvent servir à expliquer les causes des vents et des tremblements de terre, et de toutes les circonstances qui accompagnent les mouvements qu’ils provoquent. Parmi ces phénomènes, les uns nous sont inexplicables ; les autres nous sont accessibles dans une certaine mesure. Nous traiterons aussi de la chute de la foudre, des ouragans, des tempêtes, et de toute cette série de phénomènes qui par leur combinaison deviennent des modifications de ces mêmes corps.

§ 3[3]. Après avoir parcouru tous ces sujets, nous essayerons, suivant notre méthode habituelle, de traiter des animaux et des plantes, soit en général, soit à part et en détail ; car cette étude une fois faite, nous aurons à peu près achevé la totalité des recherches que dès le début nous nous étions proposé de faire.

Ayant donc ainsi commencé, il nous faut étudier d’abord les phénomènes dont nous venons de parler.


CHAPITRE II.

Principes et éléments généraux du monde terrestre ; ses rapports avec le reste de l’univers.


§ 1[4]. Nous avons antérieurement établi qu’il n’y a qu’un seul principe pour les corps dont se compose la nature des corps soumis au mouvement circulaire. Nous avons établi aussi qu’il y a quatre autres corps formés par les quatre principes, dont le mouvement, avons-nous dit, est double, l’un partant du centre, l’autre se dirigeant vers le centre. Ces quatre éléments sont le feu, l’air, l’eau et la terre. Parmi eux l’un, le feu, est à la surface de tous les autres ; et l’autre, la terre, leur sert de base. Les deux autres ont beaucoup de rapport chacun en soi avec ceux-là ; l’air se rapproche davantage du feu, de même que l’eau se rapproche de la terre. Le monde entier de la terre se compose de ces quatre corps, et c’est pour ce monde ainsi composé que nous devons étudier tous les phénomènes qui y font sentir leur influence. § 2[5]. D’abord, il faut de toute nécessité que ce monde se rattache sans discontinuité de quelque façon que ce puisse être, aux révolutions supérieures, de telle sorte que toute sa puissante ordonnance soit gouvernée par ces révolutions. C’est qu’en effet le principe qui donne le mouvement à toutes choses doit être considéré comme la cause première. De plus, cette cause est éternelle ; elle n’a pas de fin pour le mouvement qui s’accomplit dans l’espace ; mais elle en est éternellement à finir. Quant à tous ces corps, ils ont des lieux séparés les uns des autres et limités, de telle manière qu’il faut regarder comme causes des phénomènes qui se produisent dans le monde, le feu, la terre et les éléments analogues, qui servent à ces phénomènes comme d’une espèce de matière ; car c’est du nom de matière que nous appelons le sujet et ce qui souffre les phénomènes, tandis que ce qui est cause, en ce sens que c’est de là que part le principe du mouvement, doit être regardé comme la puissance propre aux corps dont le mouvement est éternel.


CHAPITRE III.

Arrangement et nature des quatre éléments. — Opinion d’Anaxagore sur l’éther. — De la nature particulière du corps qui remplit l’espace entre la terre et les astres. — Double nature de l’exhalaison. De la formation et de la hauteur des nuages. Des régions supérieures de l’air.


§ 1[6]. Ainsi donc, après avoir rappelé les principes que nous avons posés au début et les définitions antérieurement données, parlons ici de la voie lactée telle qu’elle nous apparaît, des comètes, et de tous les autres phénomènes qui se rapprochent de ceux-là, Nous avons dit que le feu, l’air, l’eau et la terre viennent les uns des autres, et que chacun d’eux étaient en puissance dans chacun des autres, comme il en est d’ailleurs pour toutes les choses qui ont un sujet un et identique dans lequel elles se résolvent en dernière analyse.

§ 2[7]. On pourrait d’abord se demander pour ce corps qu’on appelle l’air, quelle en est au juste la nature dans le monde qui entoure la terre, et quel est son ordre relativement aux autres éléments, nommés les éléments des corps. On sait d’une manière certaine quel est le rapport de la masse terrestre aux grandeurs dont elle est entourée ; car nous avons déjà appris par des observations d’astronomie qu’elle est beaucoup plus petite que certains astres. Quant à la nature de l’eau constituée et limitée comme elle l’est, nous ne l’avons jamais vue et il est impossible de la voir jamais, séparée du corps que forme la terre, tant pour les eaux qui sont à découvert, la mer par exemple et les fleuves, que pour l’eau qui pourrait se dérober à nous par la profondeur où l’eau serait cachée. Or, l’espace compris entre la terre et les plus rapprochés des astres, doit-il être regardé comme un corps unique par sa nature ? Est-ce plusieurs corps ? Et s’il y en a plusieurs, quel en est le nombre, et jusqu’où s’étendent les lieux divers qu’ils occupent ? § 3[8]. Nous avons dit antérieurement, en parlant du premier élément, quelles en sont les propriétés, et nous avons ajouté que le monde des révolutions supérieures était rempli entièrement par ce corps. Nous pouvons dire d’ailleurs que cette opinion ne nous est pas du tout personnelle, et que c’est une vieille idée qu’ont eue même des philosophes fort anciens. § 4[9]. Ainsi ce qu’on appelle l’éther a reçu très anciennement cette dénomination, qu’Anaxagore, ce me semble, a voulu identifier avec celle du feu ; car pour lui les régions supérieures étaient pleines de feu, et il pensa devoir appeler éther la force qui les remplit. En ceci il a bien vu ; car on a pu avec toute raison regarder comme divin le corps qui jouit d’un mouvement éternel et appeler par conséquent ce corps Ether, à cause de cette propriété qui le fait si différent de tous les corps que nous voyons. C’est qu’il faut bien le dire : ce n’est pas une fois, deux fois, ni même un petit nombre de fois que les mêmes opinions se reproduisent périodiquement dans l’humanité ; c’est un nombre de fois infini.

§ 5[10]. Ceux qui prétendent que l’enveloppe du monde est un feu pur, qu’il y a autre chose que les corps lumineux qui circulent, et que tout ce qui est compris entre la terre et les astres est de l’air, ne soutiendraient pas sans doute une opinion si puérile, s’ils examinaient les démonstrations tout à fait incontestables que de notre temps les mathématiques ont données. C’est qu’en effet il serait par trop simple de croire que chacun des corps qui se meuvent dans l’espace a des dimensions aussi petites qu’il nous le paraît, quand nous les considérons d’ici-bas. § 6[11]. Nous avons déjà dit dans nos considérations sur le lieu supérieur, et nous pouvons bien répéter ici dans les mêmes termes, que, si les espaces étaient remplis de feu et que les corps fussent composés de cet élément, c’en serait fait dès longtemps de tous les autres. § 7[12]. Les espaces ne peuvent pas davantage être remplis d’air tout seul ; car ce serait dépasser complètement l’égalité de proportion générale qui doit régner entre des corps de même ordre, si deux éléments suffisaient à remplir tout l’espace compris entre le ciel et la terre. La masse totale de la terre, en y comprenant et toute la terre et la quantité de l’eau qui y est renfermée, n’est rien pour ainsi dire en comparaison de la grandeur qui l’environne. Or nous ne voyons pas qu’il y ait une différence d’une grandeur aussi prodigieuse entre les volumes, lorsque l’air se produit de l’eau sécrétée, ou lorsque le feu se produit de l’air. Il faut donc nécessairement que le même rapport que cette petite quantité d’eau soutient avec l’air qui en est formé, se retrouve aussi de tout l’air à toute l’eau. § 8[13]. D’ailleurs peu importe de dire que ces corps ne sont pas produits les uns par les autres, mais qu’ils ont cependant des propriétés tout à fait égales ; car de cette façon il faut toujours nécessairement que l’égalité de puissance reste à leurs masses, absolument comme s’ils étaient en effet issus les uns des autres. Il est donc évident que ni l’air ni le feu ne remplissent à eux seuls tout l’espace intermédiaire.

§ 9.[14]. Reste une dernière question à se faire : c’est de savoir dans quel ordre sont placés ces deux éléments relativement à la position du premier corps, l’air et le feu j’entends, et par quelle cause la chaleur des astres qui sont en haut descend dans les lieux qui entourent la terre. Ainsi donc, après avoir parlé d’abord de l’air, suivant le plan que nous nous sommes tracé, nous parlerons ensuite des autres éléments de la même façon.

§ 10[15]. Si l’eau vient de l’air, et l’air de l’eau, pourquoi les nuages ne se forment-ils pas dans la région supérieure ? Et ceci semblerait d’autant mieux devoir être que l’espace est plus éloigné que la terre et plus froid qu’elle, par ces deux raisons qu’il n’est point assez voisin des astres qui sont chauds, ni des rayons réfléchis par la terre, lesquels empêchent les nuages de se former dans son voisinage, en divisant par leur chaleur ceux qui se forment. Les nuages ne peuvent donc se condenser que là où cessent les rayons réfléchis, parce qu’ils se dispersent dans l’immensité. § 11[16]. Ainsi donc, ou bien l’eau ne peut pas venir de toute la masse de l’air, ou si elle vient également de toute la masse, il faut que l’air qui environne la terre ne soit pas seulement de l’air, mais comme une espèce de vapeur, ce qui fait qu’il peut ensuite se convertir en eau. Mais si l’air tout entier, tel qu’il est, n’était qu’une vapeur, la quantité de l’air et de l’eau semblerait alors l’emporter de beaucoup sur les autres éléments, si les espaces des régions supérieures sont remplis d’un certain corps, et que ce corps ne puisse être le feu parce qu’alors il dessécherait tout le reste. Reste donc que ces espaces soient pleins d’air et d’eau autour de toute la terre ; car la vapeur n’est pas autre chose qu’une sécrétion de l’eau.

§ 12[17]. Ne poussons pas du reste ces considérations plus loin que nous ne venons de le faire ; mais ajoutons pourtant, afin de bien éclaircir ce qui sera dit plus tard et ce qui vient d’être dit, que pour nous ce qui est au-dessus de la terre et jusqu’à la lune est un corps différent du feu et de l’air, qu’il y a dans ce corps une partie plus pure, et une partie moins subtile, et que ce corps a des différences là surtout où il aboutit à l’air et au monde qui environne la terre.

§ 13[18]. Comme le premier élément et les corps qu’il renferme se meuvent circulairement, la partie du monde inférieur et de l’élément qui lui est éternellement contiguë, se trouvant divisée par le mouvement, s’enflamme et produit la chaleur. Nous devons croire qu’il en est ainsi, en nous appuyant sur ce principe que le corps au-dessous de la révolution supérieure, comme une sorte de matière qui en puissance est chaude, froide, sèche, humide, et douée de toutes les autres propriétés conséquences de celles-là, devient et est tout cela par le mouvement et l’immobilité, dont nous avons ailleurs étudié la cause et le principe. § 14[19]. C’est donc au centre et autour du centre que le plus lourd et le plus froid, la terre et l’eau, se place sécrété comme il l’est ; autour de la terre et de l’eau, et de tout ce qui y tient, se trouve l’air, et ce que par habitude nous appelons le feu, bien que ce ne soit pas du feu ; car le feu est un excès de la chaleur et comme un bouillonnement.

§ 15[20]. Mais il faut distinguer aussi, dans ce que nous appelons l’air, la partie qui environne la terre, laquelle est humide et chaude parce qu’elle renferme les vapeurs et les exhalaisons terrestres, et la partie supérieure à celle-là, laquelle est chaude et sèche. La nature de la vapeur est humide et chaude ; mais celle de l’exhalaison est chaude et sèche. La vapeur est par ses propriétés une sorte d’eau, tandis que l’exhalaison au contraire est par ses propriétés une sorte de feu.

§ 16[21]. Ainsi donc, si les nuages ne se forment pas dans la région supérieure, c’est, il faut le supposer, parce que dans cette région il y a non pas seulement de l’air, mais plutôt une espèce de feu. D’ailleurs il se peut fort bien que ce soit le mouvement circulaire qui empêche la formation des nuages dans les parties supérieures ; car nécessairement l’air circulaire doit s’écouler tout entier, ou du moins toute cette partie de l’air qui n’est pas comprise en dedans de cette circonférence, dont la disposition fait que toute la terre est sphérique. § 17[22]. En effet, comme on le sait bien maintenant, les vents se forment dans les lieux marécageux de la terre, et ils ne soufflent pas au-dessus des montagnes les plus élevées. C’est qu’ils s’écoulent circulairement, parce qu’ils sont emportés avec la révolution de l’univers. Le feu est en effet continu à l’élément supérieur, et l’air est continu au feu, de sorte que c’est le mouvement même qui l’empêche de se convertir en eau. § 18[23]. Mais chaque particule qui vient à s’alourdir, dans l’air pressé qui s’est échappé vers le lieu supérieur de la chaleur, est toujours portée en bas ; et une autre vient à sa place, apportée par l’exhalaison du feu ; et ainsi de suite continuellement, l’une restant pleine d’air, et l’autre pleine de feu, et chacune d’elles changeant perpétuellement de l’un à l’autre état.

§ 19[24]. Voilà donc ce que nous avions à dire pour montrer que les nuages ne se forment pas dans la région supérieure non plus qu’aucune concrétion d’eau, et pour expliquer ce que semble être l’espace compris entre les astres et la terre et de quel corps il doit être rempli.

Quant à la chaleur que produit le soleil, il convient davantage d’en parler spécialement et en détail dans les traités sur la sensation ; car la chaleur n’est qu’une affection de la sensibilité. Mais nous devons dire ici par quelle cause elle est produite, bien que les astres qui la produisent ne soient pas chauds eux-mêmes.

§ 20[25]. Nous voyons certainement que le mouvement peut diviser l’air et l’enflammer, à tel point que les corps emportés par un mouvement rapide paraissent souvent se liquéfier. La révolution seule du soleil suffit donc pour que la sécheresse et la chaleur se produisent ; car il faut que ce mouvement soit rapide et ne soit point éloigné. La révolution des astres est rapide ; mais elle est à grande distance ; celle de la lune est inférieure, mais elle est lente. Celle du soleil réunit les deux caractères en une juste proportion. Ce qui peut nous faire croire avec pleine raison que la chaleur se produit surtout par le soleil même, c’est ce que nous apprend l’observation de phénomènes tout pareils qui se passent près de nous. Ainsi nous voyons sur notre terre que l’air devient très chaud là où il est en contact avec des corps mus très violemment ; et c’est tout simple, puisqu’alors le mouvement du corps solide divise l’air extrêmement.

§ 21[26]. C’est donc encore pour cette cause que la chaleur arrive dans le lieu que nous habitons, et aussi parce que le feu ambiant est déchiré continuellement par le mouvement, et qu’il est violemment projeté en bas. Ce qui prouve de reste que la région supérieure n’est ni chaude ni enflammée, ce sont les courses que les astres fournissent ; car ce n’est pas là qu’ils font leurs révolutions, mais c’est en bas, bien que les corps dont le mouvement est le plus rapide soient aussi les plus prompts à s’enflammer. Il faut ajouter que le soleil qui est surtout chaud paraît être blanc et n’a pas la couleur du feu.


CHAPITRE IV.

Des flammés ardentes, des étoiles filantes et de leur cause.


§ 1[27]. Ceci posé, disons par quelle cause apparaissent dans le ciel les flammes ardentes, les étoiles qui filent et les phénomènes qu’on appelle aussi quelquefois des torches, et des chèvrons. Tous ces phénomènes sont identiques et se produisent par la même cause. Ils ne diffèrent que du plus ou moins. En voici du reste le principe, ainsi que de beaucoup d’autres.

§ 2.[28]. La terre étant échauffée par le soleil, il faut nécessairement que l’exhalaison soit, non pas simple, comme l’affirment quelques-uns, mais double : l’une qui tient plutôt de la vapeur, l’autre qui tient davantage du vent. La première qui vient de l’humide répandu dans la terre et sur la terre, est comme de la vapeur ; la seconde qui vient de la terre même, laquelle est sèche, est comme de la fumée. De ces deux émanations, celle qui se rapproche du vent reste à la surface parce qu’elle est légère, l’autre qui est plus humide reste en dessous par son poids même.

§ 3[29]. C’est là ce qui fait que l’enveloppe est arrangée de cette façon : d’abord au-dessous de la révolution circulaire se trouvent le chaud et le sec que nous appelons le feu ; car nous n’avons pas de terme commun qui exprime toutes les espèces de cette sécrétion fumeuse. Mais comme de tous les corps c’est celui qui naturellement est le plus inflammable, il faut nécessairement se servir pour le désigner des mots reçus. Puis au-dessous de cette nature ignée, se trouve l’air. § 4[30]. Il faut penser que, comme une matière inflammable, ce que nous appelons ici le feu s’étend jusqu’à l’extrémité de la sphère qui entoure la terre, de telle sorte que le moindre mouvement qu’il reçoit lui suffit, comme à la fumée, pour s’enflammer perpétuellement ; car la flamme n’est que l’incandescence d’un air sec. § 5[31]. Quand cette composition se trouve dans les conditions les plus convenables, elle s’enflamme du moment qu’elle vient à être mise en un mouvement quelconque par la circonférence. Il n’y a donc ici de différence que pour la situation et la quantité de la matière inflammable. Si cette matière inflammable a longueur et largeur, on voit souvent la flamme qui brûle comme celle du chaume dans un sillon. Si elle n’a que longueur, on voit alors se produire ce qu’on nomme torches, chèvrons, étoiles filantes. § 6[32]. Si la matière inflammable a plus de longueur que de largeur, et qu’elle jette comme des étincelles en brûlant, ce qui arrive parce qu’elle est consumée à fond bien que petit à petit, c’est ce qu’on nomme une chèvre ou chèvron ; et quand cette circonstance ne se produit pas, c’est une torche. Si au contraire l’exhalaison est divisée dans sa longueur en petites et nombreuses parties et qu’elle soit égale en largeur et profondeur, ce sont alors ces étoiles qui semblent traverser le ciel et filer.

§ 7[33]. Parfois donc l’exhalaison enflammée par le mouvement produit ces phénomènes ; parfois la chaleur est repoussée et chassée par l’air condensé à cause du froid ; et c’est ce qui fait que leur mouvement ressemble plutôt à une chose qu’on jette qu’à une chose qui brûle, à un jet qu’à une combustion.

§ 8[34]. Ici l’on pourrait se faire une question. Une évaporation placée sous des lampes fait descendre la flamme supérieure à la lampe inférieure, qui s’allume sur le champ ; et l’on peut remarquer que la rapidité de ce mouvement est étonnante et ressemble à une sorte de jet, sans que d’ailleurs les choses se passent comme si les feux de l’une et de l’autre étaient différents ; de même, peut-on se demander, les courses des météores ignés ne sont-elles pas des jets d’un même corps ? § 9[35]. Ces phénomènes, à ce qu’il semble, peuvent être produits par ces deux causes. Ainsi, ou il arrive parfois que les choses se passent comme dans le fait de la lampe, ou parfois les phénomènes ignés sont lancés par une sorte de répulsion, comme des noyaux que l’on presse entre les doigts ; et il semble alors qu’ils tombent soit dans la mer, soit sur la terre, de jour, de nuit et par un temps serein. § 10[36]. S’ils sont lancés en bas, c’est parce que la condensation qui les pousse tend toujours à aller en bas. C’est aussi la même cause qui fait que la foudre tombe ; car si tous ces phénomènes se produisent, ce n’est pas une combustion qui les cause, c’est une division par compression, puisque tout ce qui est chaud tend naturellement à se porter en haut.

§ 11[37]. Ainsi donc tous les phénomènes qui se forment dans la région supérieure, plus que partout ailleurs, viennent de ce que l’exhalaison s’enflamme ceux qui se forment plus bas viennent de ce qu’elle se divise, parce que l’exhalaison plus humide se réunit et se refroidit. Se réunissant ainsi et tendant vers le bas, elle pousse par sa condensation la chaleur en bas et la projette en ce sens. § 12[38]. Mais la position de l’exhalaison, selon qu’elle est en largeur ou en profondeur, fait qu’elle est portée, soit en haut, soit en bas, soit obliquement. La plupart du temps la direction est oblique, parce que les directions sont doubles, l’une violente en bas, l’autre naturelle en haut ; car tous ces phénomènes suivent une marche diagonale, et c’est là ce qui fait que la direction des étoiles filantes est presque toujours oblique.

§ 13[39]. On peut donc dire que la cause de tous ces phénomènes, c’est l’exhalaison comme matière ; et que comme moteur, c’est tantôt la révolution supérieure et tantôt la contraction de l’air condensé. Tous d’ailleurs se passent au-dessous de l’orbite de la lune ; et ce qui le prouve bien, c’est leur rapidité, qui nous paraît toute pareille à celle des objets que nous lançons ici-bas, et qui, rapprochés de nous comme ils le sont, nous semblent l’emporter de beaucoup en vitesse sur les étoiles, la lune et le soleil.


CHAPITRE V.

De quelques autres phénomènes célestes et de leurs causes.


§ 1[40]. On voit assez souvent se former dans le ciel pendant les nuits sereines, des apparitions de divers genres, qui ressemblent à des gouffres, à des trous, à des couleurs de sang. La cause en est tout à fait 343 la même ; en effet puisqu’évidemment dans la région supérieure l’air est fait de telle sorte qu’il peut s’enflammer, et que sa combustion ressemble tantôt à une simple flamme tantôt à des torches qu’on agite, tantôt à des étoiles filantes, il n’y a rien d’étonnant que ce même air puisse par sa composition prendre toute espèce de couleurs. § 2[41]. Ainsi la lumière paraît beaucoup plus faible quand elle est vue à travers un corps plus dense ; et l’air, en recevant une réfraction, formera toute espèce de couleurs mais surtout de l’écarlate et du pourpre, couleurs qui naissent le plus ordinairement de la couleur de feu et de celle du blanc, quand on les mêle et qu’on les superpose en les rapprochant l’une de l’autre ; de même que les astres, soit à leur lever soit à leur coucher, paraissent écarlates quand il fait très chaud ou qu’on les regarde à travers la fumée. C’est aussi ce que produira l’air par la réfraction, quand il fait miroir de telle sorte qu’il reçoive non pas la figure mais la couleur. Mais la combinaison est si rapide qu’elle est cause que ces phénomènes ne durent pas longtemps.

§ 3[42]. Quand la lumière vient à se briser par la rupture du bleu et du noir, il se forme comme des abîmes qui semblent avoir une sorte de profondeur. Souvent aussi il sort de ces abîmes des torches, surtout quand la masse se resserre ; et l’abîme semble surtout se former quand elle se rétrécit. En général, le blanc sur le noir produit les effets les plus variés, tout comme la flamme dans la fumée. Durant le jour, le soleil empêche de les voir ; et la nuit, les autres teintes, si l’on en excepte l’écarlate, ne se voient pas à cause de l’uniformité de leur couleur. § 4[43]. Telles sont donc, à ce qu’on peut croire, les causes des étoiles filantes, des météores ignés, et de tous les autres phénomènes analogues qui font de si rapides apparitions.


CHAPITRE VI.

Des comètes. Opinions et explications d’Anaxagore, de Démocrite, d’Hippocrate de Céos, d’Eschyle. Réfutations de ces opinions erronées.


§ 1[44]. Parlons maintenant des comètes et de ce qu’on appelle la voie lactée, après avoir d’abord discuté les opinions de nos devanciers.

Anaxagore et Démocrite prétendent que les comètes sont une conjonction de planètes ou d’astres errants, quand ils semblent se toucher les uns les autres par la proximité où ils sont. § 2[45]. Quelques philosophes Italiques et quelques-uns de ceux qu’on appelle Pythagoriciens assurent que la comète est une des planètes, laquelle n’apparaît qu’à un très long intervalle et dont l’ascension est fort petite ; ce qu’on voit aussi pour la planète de Mercure ; comme elle ne s’élève que fort peu sur l’horizon, elle souffre de très fréquentes éclipses, ce qui fait qu’on ne l’aperçoit que de loin à loin. § 3[46]. Hippocrate de Chios et son disciple Eschyle ont avancé une opinion qui se rapproche beaucoup de celle-là. Seulement, ils ajoutent que la queue ne vient pas de la comète elle-même, mais qu’elle la prend quelquefois dans sa course à travers l’espace, parce que notre vue se réfracte vers le soleil par l’humidité même que la comète a entraînée avec elle. § 4[47]. Suivant eux, c’est parce que sa révolution est très lente qu’elle paraît à de plus grands intervalles de temps que les autres astres ; car lorsqu’elle paraît, c’est que son cercle entier est accompli. Elle l’accomplit soit vers le nord soit vers le sud. Dans l’espace compris entre les tropiques, elle ne peut attirer d’eau vers elle, parce que le mouvement du soleil y a consumé toute l’humidité. Mais quand elle est portée vers le sud, elle y trouve abondance de cette humidité ; et comme la partie supérieure du cercle est petite, et que celle du bas est considérable, la vue des hommes ne peut se porter en se réfractant vers le soleil, ni lorsque le soleil s’approche du sud, ni lorsqu’il est dans les tropiques méridionaux ou le solstice d’été. § 5[48]. C’est là ce qui fait, ajoutent ces philosophes, que la comète ne se montre jamais dans ces lieux. Mais lorsque dans sa course elle se trouve au nord, elle y prend une chevelure, parce qu’alors la circonférence qui est au-dessus de l’horizon est considérable, tandis que la partie inférieure du cercle est petite ; ce qui fait que la vue des hommes peut alors se diriger facilement vers le soleil.

§ 6[49]. Toutes ces opinions présentent des impossibilités, dont quelques-unes sont communes à tous ces systèmes, et dont les autres sont spéciales. Ainsi d’abord ceux-là se trompent qui prétendent que la comète est un des astres errants, c’est-à-dire une planète ; car tous les astres errants accomplissent leur révolution dans le cercle du zodiaque, et l’on a vu beaucoup de comètes en dehors de ce cercle. En outre, on en a vu souvent plus d’une à la fois. § 7[50]. Il faut ajouter que si c’est la réfraction qui produit la chevelure, comme le veulent Eschyle et Hippocrate, il faudrait qu’on vit aussi quelquefois cette espèce d’astre sans chevelure, puisqu’elle parcourt aussi d’autres lieux, et qu’elle ne retient pas une chevelure partout. Or, on ne connaît maintenant que cinq astres ou planètes : et souvent ils ont été visibles tous les cinq au-dessus de l’horizon en même temps ; et soit qu’ils fussent tous visibles, soit que tous étant au-dessus de l’horizon quelques-uns fussent trop près du soleil pour être vus, on a pu observer souvent que les comètes ne s’en montraient pas moins. § 8[51]. Il n’est même pas vrai, comme on le dit, que la comète ne se fasse voir qu’au nord, et quand en même temps le soleil est au tropique d’été. Ainsi la grande comète qui a été vue à l’époque du tremblement de terre en Achaïe, et de l’inondation maritime, commença sa course ascensionnelle à partir du coucher des équinoxes ; et l’on en a déjà observé plusieurs au sud. Sous l’archontat d’Euclès, fils de Molon, à Athènes, une comète parut au nord dans le mois de Gamélion, quand le soleil était au tropique d’hiver ; et pourtant ces mêmes astronomes reconnaissent qu’il est impossible qu’il y ait réfraction à une aussi grande distance. § 9[52]. Ce qu’il y a encore à dire de commun contre eux, et contre ceux qui prétendent que la comète n’est qu’une conjonction d’astres qui se touchent, c’est qu’il y a des étoiles fixes qui parfois prennent une queue. Et ceci, nous n’avons pas à l’affirmer uniquement sur la foi des Égyptiens, qui rendent aussi ce témoignage ; nous l’avons observé nous-même. Une des étoiles placées dans la cuisse du Chien avait une chevelure, peu brillante il est vrai, et l’éclat en devenait peu visible quand on fixait longtemps les regards ; mais elle l’était davantage quand on la regardait un peu de côté.

§ 10[53]. Il faut dire encore que toutes celles que nous avons vues ont disparu sans se coucher, au-dessus de l’horizon, s’éteignant petit à petit, de telle sorte qu’il ne restait le corps ni d’un astre ni de plusieurs ; et c’est ainsi que ce grand astre dont nous venons de parler parut en hiver pendant la gelée et par un temps serein à l’occident, sous l’archontat d’Astéïus. Le premier jour on ne le vit pas, parce qu’il se couchait avant le soleil ; mais on le vit le lendemain. Sa révolution fut aussi courte que possible, et il se coucha sur le champ. Son éclat s’étendait, comme un jet, jusqu’au tiers du ciel, et c’est ce qui fit qu’on l’appela le Chemin. Il monta jusqu’à la ceinture d’Orion, et là il s’évanouit.

§ 11[54]. Pourtant Démocrite n’en défend pas moins avec ardeur et complaisance son opinion. Il prétend qu’on a vu quelques planètes quand les comètes se dissolvent. Mais il faudrait que cette apparition se produisit toujours, et non pas que tantôt elle se produisit et tantôt ne se produisit pas. Les Égyptiens prétendent à ce sujet qu’il y a des planètes qui entrent en conjonction soit entre elles soit aussi avec les étoiles fixes ; et nous-mêmes nous avons vu deux fois déjà la planète de Jupiter entrer en conjonction avec une des étoiles qui sont dans les Gémeaux, et la cacher, sans que d’ailleurs il se formât de comète. § 12[55]. Ceci d’ailleurs est évident rien que par le raisonnement. Les planètes, soit qu’elles paraissent plus grandes, soit qu’elles paraissent plus petites, n’en doivent pas moins être indivisibles en elles-mêmes. De même donc que si elles étaient réellement indivisibles, elles ne formeraient point de grandeur en se touchant et en se réunissant, de même, puisqu’elles ne sont pas indivisibles mais ne font que le paraître, elles ne peuvent pas paraître même en se réunissant avoir une grandeur plus considérable.

§ 13[56]. Ainsi donc que les causes indiquées par les astronomes soient fausses, c’est ce que montre suffisamment ce que nous avons dit, bien qu’on eût pu développer davantage ces objections.


CHAPITRE VII.

De la nature et de la cause des comètes.


§ 1[57]. Comme pour les choses qui échappent à nos sens, nous croyons les avoir démontrées d’une manière suffisante pour notre raison, quand nous sommes arrivés à faire voir qu’elles sont possibles, on doit croire qu’il peut en être surtout ainsi pour les phénomènes que nous étudions maintenant. § 2[58]. En effet, nous avons supposé que pour le monde qui enveloppe la terre et qui est au-dessous de la révolution circulaire, la première partie se compose d’une exhalaison sèche et chaude. Or cette exhalaison elle-même, et une grande partie de l’air inférieur qui lui est continu, sont emportés autour de la terre par la révolution et le mouvement circulaire. Entraînée et mue de cette sorte, là où elle est convenablement mélangée, elle s’enflamme souvent ; et c’est là ce qui nous fait croire aux courses des astres errants. § 3[59]. Lors donc que, par suite du mouvement des substances d’en haut, un principe igné vient à tomber dans une telle condensation, sans que ce principe soit assez considérable pour qu’il cause aussitôt une inflammation rapide et forte, ni tellement faible qu’il s’éteigne rapidement, mais qu’il soit suffisamment puissant et suffisamment étendu et lorsqu’en même temps une exhalaison bien mélangée vient à s’élever d’en bas, alors cette coïncidence produit une comète, un astre chevelu, qui prend d’ailleurs la forme quelle qu’elle soit de cette exhalaison. Si l’exhalaison est partout également répandue, c’est une comète simple ; si elle est étendue en longueur, on l’appelle une comète à queue.

§ 4[60]. De même donc que la révolution de la comète paraît être la révolution d’un astre, de même aussi son état stationnaire semble être tout à fait celui d’un astre également. Ce qui se produit alors est à peu près comme si l’on jetait une torche dans un grand tas de paille, ou si l’on y mettait simplement une petite étincelle de feu. La course de ces astres ressemble absolument à ce phénomène de combustion ; et suivant la bonne disposition des combustibles, l’inflammation s’étend bien vite en longueur. Si le phénomène subsistait et ne s’éteignait pas si tôt dans son passage, la fin de sa course serait le début même de sa révolution, là surtout où le combustible est plus dense. Ainsi une comète est un astre, on pourrait dire la course d’un astre, qui a en soi sa fin et son origine.

§ 5[61]. Lors donc que c’est sous la région inférieure elle-même que se forme la concrétion, la comète apparaît par elle seule. Mais lorsque c’est au-dessous d’un des astres, soit fixe soit planète, que l’exhalaison se condense par le mouvement, alors c’est une de ces étoiles qui devient comète. Car la chevelure ne tient pas aux astres eux-mêmes ; mais elle est pareille aux halos qui paraissent autour du soleil et de la lune et qui les accompagnent, bien que ces astres se déplacent quand l’air est tellement condensé que ce phénomène se forme au-dessous de la marche du soleil. De même aussi la chevelure est pour ces sortes d’étoiles, comme une sorte de halo. § 6[62]. La seule différence, c’est que le halo n’a sa couleur qu’à cause de la réfraction, tandis que pour les comètes la couleur paraît être en elles. Lors donc qu’une semblable concrétion se fait autour d’une étoile, il faut nécessairement que la comète semble animée du même mouvement qu’a cette étoile elle-même. Quand au contraire la comète se forme d’elle seule, alors elle paraît être distancée et rester en arrière. Car telle est la marche du monde qui environne la terre. § 7[63]. Ce qui prouve surtout que la comète n’est pas une réfraction de la lumière, qui comme le halo se produit relativement à l’astre lui-même dans le combustible pur, et que ce n’est pas relativement au soleil, comme le prétend Hippocrate, c’est que la comète se forme souvent toute seule et plus souvent qu’elle ne se forme autour de certains astres spéciaux. Nous nous réservons de dire plus tard la cause du halo.

§ 8[64]. Mais ce qui doit faire croire que la composition des comètes est ignée, c’est que leur apparition annonce le plus souvent des vents et des sécheresses. Il est évident qu’elles se produisent, parce qu’une sécrétion considérable de ce genre a lieu et rend l’air nécessairement plus sec, et que par la quantité même de l’exhalaison chaude, l’humide qui s’évapore, se divise et se dissout à ce point qu’il ne peut plus se convertir facilement en eau. Nous expliquerons d’ailleurs plus clairement ce phénomène, quand le moment sera arrivé de parler aussi des vents. § 9[65]. Lors donc que les comètes sont grosses et fréquentes, les années, comme nous venons de le dire, sont manifestement sèches et venteuses. Quand elles sont plus rares et d’une moindre grandeur, ces changements atmosphériques ne se présentent pas aussi complètement ; mais pourtant il y a toujours une augmentation de vent, soit pour la durée soit pour la violence. Ainsi, la pierre qui tomba de l’air à Aegospotamos avait été enlevée durant le jour par la force du vent ; et une comète apparaissait aussi à l’occident. § 10[66]. Et à l’époque de la grande comète, l’hiver était sec, le vent au nord ; et ce fut la lutte des vents qui causa l’inondation dans le golfe. C’était le vent du nord qui soufflait sans interruption, et hors du golfe c’était un grand vent du sud. Il y a plus : sous l’archontat de Nicomaque, à Athènes, une comète se montra, durant quelques jours, dans le voisinage du cercle équinoxial ; elle ne s’était point levée au couchant ; et elle coïncida avec le fameux vent de Corinthe. § 11[67]. Ce qui fait que les comètes ne sont ni très nombreuses ni très fréquentes entre les tropiques, et qu’elles se montrent en dehors des tropiques plutôt qu’en dedans, c’est le mouvement du soleil et des astres, qui non seulement divise la chaleur, mais qui de plus dissipe celle qui s’est agglomérée. Mais la cause principale, c’est que la plus grande partie va se rassembler dans la voie lactée.


CHAPITRE VIII.

De la voie lactée. — Opinions des Pythagoriciens, d’Anaxagore et de Démocrite : autre explication. Réfutation de ces opinions. — Théorie nouvelle de la voie lactée.


§ 1[68]. C’est ici qu’il faut dire comment se forme la voie lactée, par quelle cause elle se forme et ce qu’elle est. Mais auparavant, parcourons encore pour cette question les explications données par les autres.

§ 2.[69]. Quelques-uns des philosophes appelés Pythagoriciens prétendent, ceux-ci, que c’est la route d’un des astres qui sont tombés suivant la direction appelée la Chute de Phaéton ; ceux-là, que c’est le soleil même qui suivait jadis cette route, tellement que cet espace a été en quelque sorte brûlé et affecté d’une façon analogue par le passage de cet astre.

§ 3[70]. Mais il est absurde de ne pas voir que si c’était là la cause de la voie lactée, il faudrait à bien plus forte raison encore que le cercle du Zodiaque fût en cet état ; car toutes les planètes se meuvent dans ce cercle et non le soleil tout seul. Or, le cercle tout entier nous est visible, puisque dans la nuit nous en voyons toujours la moitié ; pourtant il ne nous présente aucune modification de ce genre, si ce n’est dans sa très-faible partie qui touche le cercle de la voie lactée.

§ 4[71]. Anaxagore et Démocrite assurent que la voie lactée n’est que la lumière de quelques étoiles. Selon eux, le soleil dans sa course sous la terre n’éclaire pas certaines étoiles. Celles qu’il éclaire perdent leur éclat et ne peuvent plus être visibles à cause de ses rayons resplendissants ; celles au contraire qui par suite de l’interposition de la terre ne sont plus éclairées par le soleil, produisent par leur lumière propre ce qu’on appelle la voie lactée.

§ 5[72]. Il est tout aussi évident que cette explication n’est pas plus possible que l’autre. La voie lactée se montre toujours dans les mêmes étoiles et la même, et elle se montre comme un très grand cercle. Mais les astres qui ne sont pas visibles à cause du soleil, sont toujours différents, parce qu’ils ne restent pas dans le même lieu. Il faudrait par conséquent que la voie lactée se déplaçât quand le soleil se déplace ; et nous n’observons rien de pareil. § 6[73]. De plus, si comme on le démontre dans les théorèmes d’astronomie, la grandeur du soleil est beaucoup plus considérable que celle de la terre, et la distance des étoiles à la terre beaucoup plus grande que celle du soleil, de même que celle du soleil à la terre est plus grande que celle de la lune, le cône lumineux qui vient du soleil ne doit pas réunir ses rayons bien loin de la terre, et l’ombre de la terre que l’on appelle la nuit ne peut pas aller jusqu’aux astres. Mais il faut nécessairement dans cette hypothèse que le soleil éclaire tous les astres, et que la terre ne s’interpose pour aucun d’eux.

§ 7[74]. Reste une troisième opinion sur la voie lactée. C’est celle de quelques astronomes qui prétendent que la voie lactée n’est pas autre chose qu’une réfraction de notre vue à l’égard du soleil, tout comme cela est pour la comète.

§ 8[75]. Cette explication est tout aussi insoutenable que les autres. En effet, si l’on suppose en repos et l’œil qui voit, et le miroir et l’objet lui-même qui est vu, il faut que la même partie de l’image se montre dans le même point du miroir. Mais si le miroir et l’objet visible viennent à se mouvoir, en restant toujours à la même distance de l’œil qui demeure en place, et que le miroir et l’objet ne se meuvent point l’un par rapport à l’autre avec la même vitesse ni avec le même intervalle, il est impossible que la même image paraisse dans la même partie du miroir. § 9[76]. Or les astres qui font leurs révolutions dans le cercle de la voie lactée, sont en mouvement, comme y est le soleil, relativement auquel a lieu la réfraction de notre œil qui reste immobile. Ces astres restent toujours également et semblablement éloignés de nous, bien qu’ils ne conservent pas entre eux une distance toujours égale. Ainsi c’est tantôt au milieu de la nuit, et tantôt le matin que le Dauphin se lève, et les diverses parties de la voie lactée restent les mêmes à chacun de ses levers. Et cependant c’est ce qui ne devrait point arriver, si la voie lactée n’était qu’une image et une apparence, et si ce phénomène n’était pas quelque modification propre aux lieux eux-mêmes. Il faut ajouter que durant la nuit on peut observer la voie lactée se réfléchissant dans l’eau et dans d’autres miroirs de ce genre ; et comment est-il possible alors que la vue se réfracte vers le soleil ?

§ 10[77]. Tout ceci prouve donc que la voie lactée n’est ni la route d’aucune planète, ni la lumière d’astres que nous ne verrions pas, ni une réfraction. Ce sont à peu près là toutes les opinions qui jusqu’ici ont été émises par les autres philosophes.

§ 11[78]. Maintenant exposons la nôtre, en reprenant le principe que nous avons posé antérieurement, à savoir, que l’extrémité de ce qu’on appelle l’air a la puissance et la propriété du feu, de sorte que par le mouvement de l’air divisé se forme cette combinaison séparée que nous nommons les comètes. § 12[79]. On doit supposer que ce qui arrive pour les comètes, se représente aussi lorsque cette division ne se produit pas par elle seule, mais qu’elle est causée par quelqu’un des astres soit fixes soit errants. C’est alors que se forment les comètes, parce qu’elles viennent à la suite du mouvement des astres, comme à la suite du soleil se produit cette combinaison d’où vient par réfraction le halo, ainsi que nous l’avons dit, toutes les fois que l’air est ainsi mélangé. § 13[80]. Or, ce qui se passe pour un seul astre, a lieu aussi, du moins on peut le supposer, pour le ciel tout entier et pour toute la révolution supérieure ; car il est rationnel de croire que si le mouvement d’un seul astre peut amener ce phénomène, à plus forte raison le mouvement de tous peut-il causer cet effet, et produire de la flamme, et très particulièrement dans ce lieu où se trouvent réunis les plus grands des astres, les plus pressés et les plus nombreux. § 14[81]. Le lieu du Zodiaque par le mouvement du soleil et des planètes dissout cette combinaison ; et voilà pourquoi la plupart des comètes se forment en dehors des tropiques. C’est là aussi ce qui fait que le soleil et la lune n’ont jamais de chevelure ; car ils dissolvent la combinaison avant que la concrétion n’ait pu se former.

§ 15[82]. Mais le cercle dans lequel se montre à nos observations la voie lactée est immense ; et sa position est telle qu’il dépasse de beaucoup les tropiques. § 16[83]. De plus ce lieu est rempli des astres les plus grands et les plus brillants, et de ceux qu’on appelle parsemés ou errants, et cela même est parfaitement visible à nos yeux, de telle sorte que c’est à cause de ces astres que continûment et toujours s’accumule toute cette combinaison. § 17[84]. En voici la preuve. La plus vive lumière de ce cercle se montre dans celle des deux demi-circonférences qui contient la bifurcation ; or dans cette partie, il y a beaucoup plus d’astres, et ils sont plus pressés que dans l’autre, comme si le mouvement même des astres était peut-être la seule cause de l’éclat de la voie lactée ; car si cet éclat est dans le cercle où se présente le plus grand nombre des astres, et dans cette partie même du cercle où les astres les plus grands et les plus nombreux se réunissent et se condensent, il est naturel de supposer que c’est là la cause la plus probable et la plus directe du phénomène.

§ 18[85]. On peut étudier ce cercle et les astres qu’il renferme d’après le dessin ci-joint ; mais quant aux astres qu’on appelle parsemés ou errants, on n’a pu les marquer ainsi dans la sphère, parce qu’aucun d’eux n’a une place parfaitement évidente et définitive ; mais les choses sont de toute évidence pour peu qu’on jette les yeux sur le ciel.

§ 19[86]. C’est dans ce cercle tout seul en effet que les espaces intermédiaires sont remplis d’astres de ce genre, tandis que dans les autres cercles ces astres manquent évidemment ; et par conséquent, si nous admettons comme suffisante la cause que nous avons assignée à la formation des comètes, nous devons aussi penser que les choses se passent à peu près de même pour la voie lactée.

§ 20[87]. En effet le phénomène que la chevelure produit pour un seul astre, se répète, nous pouvons le croire, de la même façon pour tout un cercle ; et la voie lactée, est, pour en donner une sorte de définition, la chevelure d’un très grand cercle causée par la sécrétion. C’est là ce qui fait, ainsi que nous l’avons dit antérieurement, que les comètes ne sont ni nombreuses ni fréquentes, parce que la combinaison qui les forme a été séparée continûment et est toujours séparée à chaque période dans cette partie du ciel.

§ 21[88]. Nous avons donc traité des phénomènes qui se manifestent dans le monde qui entoure la terre et qui fait suite aux révolutions supérieures, c’est-à-dire de la marche des étoiles, de la flamme qui y brûle, des comètes, et de ce qu’on nomme la voie lactée ; car ce sont là tous les phénomènes à peu près qui se passent dans ce lieu.


CHAPITRE IX.

De la formation des nages, et du brouillard.


§ 1[89]. Parlons maintenant du lieu qui par sa position est le second après celui-là, mais qui est le premier autour de la terre.

C’est le lieu commun de l’eau et de l’air et des phénomènes qui accompagnent la formation de l’air et de l’eau dans la région supérieure. Il faut chercher également les principes et les causes de tous ces phénomènes.

§ 2[90]. Le premier de ces principes, comme moteur et comme supérieur, c’est le cercle dans lequel évidemment la révolution du soleil, divisant et réunissant selon qu’il est plus rapproché ou plus loin, est cause de la génération et de la destruction des choses. La terre étant immobile, le liquide qui l’entoure vaporisé par les rayons du soleil et par toute la chaleur qui vient d’en haut, est porté vers le haut. § 3[91]. Quand la chaleur qui l’a élevé vient à manquer, soit qu’elle se disperse dans la région supérieure, soit même qu’elle s’éteigne parce qu’elle est emportée plus loin dans l’air qui est au-dessus de la terre, la vapeur refroidie par la disparition de la chaleur et par le lieu se réunit de nouveau, et redevient eau, d’air qu’elle était ; l’eau ainsi reformée est portée de rechef vers la terre. § 4[92]. L’exhalaison qui vient de l’eau est de la vapeur ; et l’exhalaison de l’air changée en eau, est un nuage. Le brouillard est le résidu de la conversion du nuage en eau ; et c’est là ce qui fait qu’il annonce du beau temps plutôt que de la pluie ; car le brouillard est comme une sorte de nuage qui n’est pas formé. § 5[93]. Du reste le cercle de ces phénomènes imite le cercle du soleil ; car en même temps que le soleil poursuit sa course oblique et changeante, en même temps l’autre cercle va aussi tour à tour en haut et en bas : et il faut le regarder comme un fleuve qui coule en haut et en bas circulairement, et qui est tout à la fois composé d’eau et d’air. § 6[94]. Ainsi quand le soleil est proche, le fleuve de la vapeur coule en haut ; quand il est éloigné, le fleuve de l’eau coule en bas ; et cela semble se faire sans interruption avec une certaine régularité, de telle sorte que cet Océan dont les anciens ont dit quelques mots, pourrait bien être pris pour ce fleuve qui circule autour de la terre. § 7[95]. Le liquide étant toujours élevé par la puissance de la chaleur, et étant précipité de nouveau par le refroidissement vers la terre, on a donné des noms fort convenables à ces phénomènes et à quelques-unes de leurs variétés ; quand les parties qui tombent sont très ténues, on les appelle ondée, et quand les parties sont plus grosses, on les appelle de la pluie.


CHAPITRE X.

De la rosée et de la gelée blanche.


§ 1[96]. Cette partie de la vapeur qui se forme dans le jour, mais qui n’étant pas portée dans les hautes régions, parce qu’il y a une trop petite quantité de feu pour l’enlever comparée à la masse de l’eau qu’il enlève, retombe sur la terre de nouveau durant la nuit après s’être refroidie, est ce qu’on appelle la rosée et la gelée blanche. § 2[97]. C’est de la gelée blanche, quand la vapeur se gèle avant d’être changée en eau ; et elle se produit surtout l’hiver et dans les lieux froids. C’est de la rosée, quand la vapeur se convertit en eau, et qu’il ne fait ni assez chaud pour qu’elle se sèche dans son ascension, ni assez froid, pour que la vapeur elle-même se gèle, parce que le lieu ou bien la température est plus chaude. § 3[98]. La rosée se produit dans les temps sereins et les lieux calmes ; la gelée blanche tout au contraire, comme je viens de le dire ; car il est évident que la vapeur est plus chaude que l’eau, puisqu’elle contient encore le feu qui l’a élevée, et qu’il faut plus de froid pour la faire geler. § 4[99]. Toutes les deux se forment par un temps pur et quand il n’y a pas de vent ; car si le temps n’était pas pur, elles ne pourraient s’élever en l’air, et elles ne pourraient se former si le vent soufflait ; et ce qui prouve bien qu’elles se produisent parce que la vapeur n’a pas été élevée très haut, c’est qu’on ne voit jamais la gelée blanche sur les montagnes. § 5[100]. Une première cause de ce phénomène, c’est que la vapeur s’élève des lieux profonds et humides, de telle sorte que la chaleur qui la transporte, comme si elle se chargeait d’un fardeau au-dessus de ses forces, ne peut l’élever à une grande hauteur, mais la laisse bientôt retomber. Une seconde cause, c’est que l’air qui s’écoule et qui détruit cette espèce de combinaison, s’écoule surtout dans les lieux élevés. § 6[101]. La rosée se forme en tous lieux par les vents du sud et jamais par les vents du nord, si ce n’est dans le Pont, où le phénomène se passe à l’inverse : toujours avec les vents du nord, jamais avec les vents du midi. C’est absolument la même cause qui fait qu’elle se produit par le beau temps et non par le mauvais ; car le vent du sud amène le beau temps, et le vent du nord le mauvais ; et ce dernier vent est assez froid pour éteindre par le mauvais temps la chaleur de l’exhalaison. § 7[102]. Dans le Pont au contraire, le vent du midi ne produit pas assez décidément le beau temps pour que la vapeur se forme ; et le vent du nord par sa froideur accumule la chaleur qu’il enveloppe, de manière à former bien plutôt davantage d’évaporation. § 8[103]. C’est ce qu’on peut voir aussi dans les contrées en dehors du Pont. Les puits exhalent plus de vapeur par les vents du nord que par les vents du sud. Mais les vents du nord éteignent la chaleur avant qu’il ne s’en soit accumulé une grande quantité ; les vents du sud, au contraire, laissent l’évaporation s’accumuler tant qu’elle veut.


CHAPITRE XI.

De la pluie, de la neige, de la grêle et de leurs rapports à la gelée blanche.


§ 1[104]. L’eau elle-même ne se congèle pas sur la terre, comme dans la région des nuages ; car c’est de cette région que nous viennent trois corps composés par le refroidissement : la pluie, la neige et la grêle. Deux de ces corps sont tout à fait analogues à ceux d’ici-bas et se forment par les mêmes causes ; et ils n’en diffèrent que du plus au moins, et par la grandeur ou la petitesse. § 2[105]. Ainsi la neige et la gelée blanche sont la même chose, comme le sont la pluie et la rosée ; mais l’une est considérable, et l’autre est en petite quantité. La pluie vient d’une masse de vapeur refroidie ; et la cause en est et l’étendue du lieu et la durée du temps dans lesquels elle s’accumule, et l’élément dont elle se forme. La rosée, au contraire, est peu considérable ; sa composition ne dure qu’un jour, et le lieu où elle se forme est très petit, et ce qui le prouve, c’est la rapidité même avec laquelle elle se forme, et sa petite quantité. § 3[106]. Mêmes rapports de la neige à la gelée blanche. Ainsi, quand c’est un nuage qui se gèle, c’est de la neige ; quand c’est une vapeur, c’est seulement de la gelée blanche. Aussi est-ce toujours l’indice soit d’une température soit d’une région froide. En effet la congélation ne se serait pas faite, puisqu’il y a encore beaucoup de chaleur dans l’évaporation, si le froid ne l’eût emporté. C’est qu’en effet dans le nuage, il reste encore beaucoup de la chaleur venant du feu qui a vaporisé le liquide enlevé de la terre. § 4[107]. C’est dans la région des nuages que se forme la grêle, et elle ne se forme jamais dans ce qui se vaporise près de la terre. Car, ainsi que nous l’avons dit, de même que dans le nuage se forme la neige, et qu’à terre se produit la gelée blanche, de même la pluie se produit dans le nuage aussi, et la rosée se produit à terre ; mais si la grêle se forme dans les nuages, il n’y a pas sur terre de corps analogue à lui opposer. La cause en sera évidente quand nous aurons parlé de la grêle.


CHAPITRE XII.

De la grêle ; phénomènes singuliers qui l’accompagnent. — Opinion d’Anaxagore réfutée par les faits.


§ 1[108]. En même temps qu’on étudie les circonstances qui accompagnent la formation de la grêle, il faut tenir compte aussi de faits parfaitement certains et qui paraissent répugner à la raison. La grêle est de la glace, et l’eau ne gèle qu’en hiver. Or, la grêle est surtout fréquente au printemps et à l’automne, puis ensuite à la fin de l’été, elle est rare en hiver ; et même alors, c’est toujours quand il fait moins froid. § 2[109]. En général aussi, les grêles se produisent dans les lieux plus tempérés ; les neiges, dans les lieux plus froids. En outre, il semble étrange que l’eau se congèle dans la région supérieure ; car il n’est pas possible qu’il y ait de la gelée avant qu’il n’y ait de l’eau ; et il n’est pas possible que de l’eau reste, un seul instant, à la hauteur où elle serait alors élevée. § 3[110]. Ce n’est pas non plus comme les gouttelettes des ondées, qui, grâce à leur ténuité, flottent en haut et reposent sur l’air ; car de même qu’on voit souvent de la terre et de l’or, réduits en très petites parcelles, nager aussi sur l’eau, de même dans ce cas l’eau est portée sur l’air ; mais quand beaucoup de petits particules se sont réunies, elles tombent en fortes ondées. § 4[111]. Or, cela ne peut pas se passer ainsi pour la grêle ; car les corps gelés ne se combinent pas et ne se réunissent pas entre eux comme les liquides. Il faut donc évidemment que toute cette eau soit restée en haut ; car une si grande quantité n’aurait pu se geler.

§ 5[112]. Aussi quelques-uns ont expliqué de la manière suivante la cause de ce phénomène et de sa production. Quand le nuage s’est retiré dans la région supérieure, qui est plus froide, parce que là cesse la réfraction des rayons solaires renvoyés de la terre, l’eau qui y parvient s’y congèle ; et ils ajoutent que ce qui fait que la grêle est plus fréquente en été et dans les lieux chauds, c’est que la chaleur repousse alors les nuages plus loin de la terre. § 6[113]. Un fait certain, c’est qu’il n’y a jamais de grêle dans les lieux très élevés ; or, il le faudrait cependant d’après cette théorie, de même que nous voyons la neige tomber surtout sur les lieux les plus hauts. § 7[114]. De plus, on a vu souvent des nuées portées près de la terre, produire un tel bruit qu’elles épouvantaient ceux qui les entendaient et les voyaient, par la crainte de quelque malheur plus grand. § 8[115]. Parfois même sans que les nuées de ce genre fassent de bruit, on a vu la grêle tomber en abondance, et incroyablement grosse, et sans avoir du tout les formes arrondies, parce qu’elle n’avait pas été portée beaucoup de temps ; on aurait dit que la congélation s’était faite près de la terre, et non point du tout comme le prétendent les philosophes dont nous parlons.

§ 9[116]. Il n’en est pas moins nécessaire que ce qui est cause d’une plus forte gelée, produise aussi des grêles considérables ; car la grêle est de la glace, ce qui ne peut faire évidemment de doute pour personne. Les fortes grêles sont celles qui n’ont pas du tout la forme ronde ; et cette disposition même prouve que la congélation s’est faite non loin de la terre ; car les grêles qui sont apportées de grandes distances, et précisément parce qu’elles ont été longtemps fracassées de mille manières, prennent une forme arrondie et des dimensions moindres.

§ 10[117]. Ainsi donc, il est parfaitement certain que la congélation ne se forme pas parce le nuage est poussé dans la région supérieure et froide.

§ 11[118]. Mais de même que nous voyons qu’il y a une répercussion réciproque du chaud et froid, l’un par l’autre, puisque dans les temps chauds, les excavations souterraines paraissent froides, et chaudes au contraire dans les temps froids, de même nous devons croire que les choses se passent semblablement dans la région supérieure ; là aussi, durant les saisons plus chaudes, le froid répercuté en dedans par la chaleur circulaire, fait sortir vivement du nuage tantôt de la pluie et tantôt de la grêle. § 12[119]. C’est là encore ce qui fait que les ondées sont beaucoup plus considérables dans les jours chauds qu’en hiver, et les pluies, beaucoup plus violentes ; car on dit qu’elles sont plus violentes quand elles sont plus épaisses, et ce qui les rend plus épaisses c’est la rapidité de la condensation.

§ 13[120]. Or, c’est là une circonstance tout à fait contraire à l’explication d’Anaxagore ; car il prétend que ce phénomène se produit quand le nuage monte dans l’air froid ; et nous, nous soutenons que c’est quand il descend dans l’air chaud, et que ce phénomène est d’autant plus fort que l’air est plus chaud. Lorsque le froid est encore davantage répercuté en dedans par la chaleur du dehors, il gèle l’eau qu’il vient de produire et la grêle se forme ; et c’est ce qui a lieu toutes les fois que la congélation est plus rapide que la chute de l’eau en bas. § 14[121]. Car quelque court que soit le temps de cette chute, si le froid, par sa violence, la congèle encore plus vite, il se peut fort bien que l’eau soit gelée en l’air ; alors la congélation est plus rapide que le mouvement de descente. § 15[122]. Il faut dire encore que plus la congélation est proche de la terre et épaisse, et les pluies violentes, ainsi que les ondées, plus les grêles sont considérables, parce que l’espace où elles sont portées est très petit. Et c’est aussi la même cause qui fait que les larges gouttes des ondées ne tombent pas serrées.

§ 16[123]. La grêle se produit moins en été qu’au printemps et à l’automne, plus cependant qu’en hiver, parce que l’air est plus sec en été ; au printemps, il est humide encore, et à l’automne il le redevient. § 17[124]. C’est là ce qui fait encore, comme on l’a dit, que les grêles ont lieu quelquefois à la fin de l’été. Ce qui contribue alors à la rapidité de la congélation, c’est que l’eau a été antérieurement échauffée ; et cela fait aussi qu’elle se refroidit plus vite. § 18[125]. Voilà pourquoi bien des gens, quand ils veulent avoir promptement de l’eau fraîche, la mettent d’abord au soleil. C’est encore ainsi que les habitants du Pont, quand ils établissent leurs tentes sur la glace, pour se livrer à la chasse aux poissons, car ils les chassent en brisant la glace, versent de l’eau chaude autour des perches pour qu’elle gèle plus vite ; et la glace leur sert comme de plomb pour consolider et arrêter leurs pieux. § 19[126]. L’eau qui se forme dans les pays chauds et dans les saisons chaudes, devient bien vite tiède elle-même. C’est ainsi qu’en Arabie et en Éthiopie, les pluies tombent l’été et non point l’hiver ; elles y tombent par torrents et plusieurs fois le jour, et la cause en est la même. C’est que le froid se produit très vite par la répercussion, qui est d’autant plus violente que le pays est excessivement chaud.

§ 20[127]. Voilà ce que nous avions à dire sur la pluie, la rosée, la neige, la gelée blanche et la grêle, pour en expliquer la cause et la nature.


CHAPITRE XIII.

Des vents. Opinions erronées sur ce sujet. — De la formation des rivières ; réfutation des théories fausses. Théorie vraie de la formation des rivières ; détails géographiques.


§ 1[128]. Parlons maintenant des vents et de tous les souffles, puis des fleuves et de la mer. Ici aussi nous proposerons d’abord nos propres doutes ; car, pour ces matières, pas plus que pour les autres, nous n’avons rien trouvé dans tout ce qui a été dit avant nous, que ne pourrait dire tout aussi bien le vulgaire et le premier venu.

§ 2[129]. Quelques philosophes prétendent que ce qu’on nomme l’air, quand il est en mouvement et qu’il s’écoule est le vent, et que, quand ce même air se condense, il forme le nuage et l’eau, de sorte que l’eau et le vent sont de même nature, et que le vent n’est que le mouvement de l’air. § 3[130]. C’est là aussi ce qui fait dire à ceux qui veulent parler doctement, que tous les vents ne sont qu’un seul et même vent, parce que l’air bien qu’en mouvement n’est tout entier qu’un seul et même air, et que s’il paraît avoir quelque différence, ce n’est qu’à cause de la différence des lieux d’où il s’écoule en tout sens. Cette théorie vaut bien celle qui soutiendrait que toutes les rivières ne sont qu’une seule rivière. § 4[131]. Aussi l’opinion du vulgaire qui parle de ces choses sans aucune étude, semble-t-elle de beaucoup préférable à celle des gens qui en parlent d’après des études pareilles. § 5[132]. Car si tous les fleuves coulent réellement d’une même source, et que les vents soient soumis à la même uniformité, ceux qui avancent ce système disent quelque chose de spécieux ; mais s’il en est pour les vents, comme nous voyons qu’il en est pour les fleuves, cette belle explication n’est évidemment qu’une erreur ; et il nous reste toujours à savoir ce qu’est le vent, comment il se forme, quel est son moteur et quelle en est la cause originelle. Faut-il croire que le vent s’écoule comme d’un vase, et qu’il s’écoule jusqu’à ce que le vase soit vide, comme s’il sortait d’une outre ? Ou bien faut-il croire, comme nous les représentent les peintres, que les vents tirent leur principe d’eux-mêmes ?

§ 6[133]. Quelques-uns se font sur la formation des fleuves des idées tout à fait analogues. Selon eux, l’eau soulevée par le soleil et retombée en pluie se réunit sous la terre, d’où elle s’écoule comme d’un grand trou, unique pour tous les fleuves, ou de divers trous pour chacun d’eux ; dans le sein de la terre il ne se forme pas d’eau ; mais c’est l’eau qui, réunie par suite du mauvais temps dans ces réservoirs, forme la foule nombreuse des fleuves. § 7[134]. C’est là aussi ce qui fait, ajoutent-ils, que les rivières sont toujours plus abondantes l’hiver que l’été, que les unes sont continuelles et les autres non continuelles. Celles pour qui la grandeur du trou a réuni une grande masse d’eau, qui suffit à les alimenter et à les entretenir jusqu’à ce que les pluies d’hiver reviennent, sont perpétuelles et coulent sans fin ; celles dont les réservoirs sont moindres, sont bientôt mises à sec à cause de la petite quantité d’eau, avant que la pluie du ciel n’arrive de nouveau, comme si le vase s’était vidé.

§ 8[135]. Pourtant si quelqu’un veut, en faisant sous ses propres yeux comme un réservoir à l’eau qui tombe tous les jours continuellement, en connaître au juste la quantité, il est évident que cette quantité surpasserait la masse entière de la terre, ou du moins que toute l’eau reçue dans le cours de l’année ne serait pas loin de l’égaler. § 9[136]. Or il est clair aussi que ce phénomène se reproduit sur bien des points de la terre à la fois ; et il n’en serait pas moins absurde de croire que ce n’est pas la même cause qui produit l’eau venant de l’air et celle qui est sur la terre et dans la terre. Par conséquent, si dans l’atmosphère en effet c’est le froid qui change l’air vaporisé en eau, il faut bien aussi penser que c’est encore le froid renfermé dans la terre qui sous la terre produit le même effet, et que non seulement l’eau qui est divisée s’y infiltre et y coule, mais encore que ce phénomène a lieu sans interruption. § 10[137]. Sans même que l’eau arrive dans la terre chaque jour, et en supposant qu’elle y est toute faite, l’origine des fleuves ne peut pas être telle qu’il y ait sous terre des lacs qui y ont filtré, comme le prétendent quelques-uns ; mais de même que dans l’espace au-dessus de la terre de petites gouttes se réunissant entre elles, puis celles-là à d’autres, il en résulte à la fin une quantité considérable d’eau de pluie, de même aussi sous terre ce sont d’abord de petites parcelles qui se réunissent, et puis la terre s’égouttant en un seul point pour ainsi dire, c’est de là que sortent les fleuves.

§ 11[138]. Le fait d’ailleurs le prouve bien. Quand on fait des conduites d’eau, c’est par des fossés et des excavations qu’on la réunit, comme si la terre suait, à partir des points les plus élevés. Voilà pourquoi aussi les eaux des fleuves découlent des montagnes comme on le voit ; la plupart des fleuves, et les plus grands fleuves descendent des montagnes les plus grandes ; de même encore que la plupart des sources sont dans le voisinage des montagnes et des lieux élevés. § 12[139]. Il n’y en a presque pas dans les plaines qui n’ont pas de fleuves ; car les lieux montagneux et élevés, comme une énorme éponge suspendue, filtrent et réunissent l’eau peu à peu, mais sur une foule de points à la fois. § 13[140]. Les montagnes reçoivent une grande quantité d’eau qui descend ; car qu’importe que la circonférence de la terre soit creuse et plane ou inclinée et convexe ? Des deux façons, elle n’en recevra pas moins la même masse dans l’épaisseur du corps qu’elle forme. De plus, les montagnes refroidissent la vapeur qui s’élève, et la convertissent de nouveau en eau. § 14[141]. C’est ce qui fait, ainsi que nous venons de le dire, qu’on voit toujours les plus grands fleuves descendre des plus grandes montagnes ; et c’est ce qui est parfaitement évident, quand on regarde les descriptions de la terre que l’on a tracées d’après les récits des autres, quand ceux qui en parlent n’ont pas pu observer les choses de leurs propres yeux. § 15[142]. C’est ainsi qu’en Asie la plupart des fleuves et les plus grands descendent de la montagne qu’on appelle le Parnase, et qui est, comme tout le monde en convient, la plus haute de toutes les montagnes qui sont situées à l’orient d’hiver ; en effet quand on l’a franchie, on découvre enfin la mer extérieure dont les limites ne sont pas très-connues aux habitants de ce pays. § 16[143]. C’est de cette montagne aussi que découlent, entre autres fleuves, le Bactre, le Choaspe et l’Araxe, dont le Tanaïs n’est qu’une branche qui va se jeter dans le Palus Méotide. C’est de là aussi que sort l’Indus, qui est le plus considérable de tous les fleuves.

§ 17[144]. Du Caucase sortent aussi beaucoup de fleuves d’une grandeur et d’une abondance énormes, et le Phase particulièrement. Le Caucase est de toutes les montagnes qui sont à l’orient d’été la plus importante par son étendue et sa hauteur. § 18[145]. Ce qui prouve bien cette hauteur, c’est qu’on la découvre même du lieu appelé les Creux ou les gouffres, quand on navigue vers le Palus Méotide, et que les sommets sont éclairés par les rayons du soleil jusqu’au tiers de la nuit tant le matin que le soir ; et ce qui prouve son étendue, c’est qu’ayant sur ses flancs beaucoup de contrées où habitent des nations nombreuses, et ayant, dit-on aussi, de vastes lacs, on peut encore jusqu’au dernier sommet apercevoir toutes ces contrées.

§ 19[146]. De la Pyrène (des monts Pyrénées), qui est la plus haute montagne dans la Celtique à l’occident équinoxial, découlent l’Ister et le Tartesse. Ce dernier se jette en dehors des colonnes d’Hercule ; mais l’Ister, après avoir traversé toute l’Europe, vient se jeter dans le Pont-Euxin. § 20[147]. La plupart des autres fleuves qui sont au nord descendent des monts Arcyniens, qui dans ce lieu sont les plus hautes et les plus vastes des montagnes. Sous la constellation même de l’Ourse, au-delà de l’externe Scythie, sont les monts appelés Rhipées, dont nous ne connaissons la grandeur que par des récits trop évidemment fabuleux. Et c’est aussi de ces monts que sortent la majeure partie et les plus grands de tous les fleuves après l’Ister, à ce qu’on assure.

§ 21[148]. Il en est tout à fait de même en Libye, où l’Aegon et le Nysès sortent des montagnes de l’Éthiopie ; et les plus grands cours d’eau parmi ceux qui ont reçu des noms, celui qu’on appelle le Chrémétés, qui se jette dans la mer extérieure, et en premier lieu le fleuve du Nil, sortent de la montagne appelée Argyre. § 22[149]. Parmi les fleuves des contrées Helléniques, l’Achéloüs descend du Pinde, ainsi que l’Inachus. Le Strymon, le Nestus et l’Hèbre descendent tous les trois du Scombros ; il y a aussi beaucoup de cours d’eau qui viennent du Rhodope.

§. 23[150]. On pourrait se convaincre que tous les autres fleuves ont une origine toute pareille, et nous n’avons nommé ceux-là que comme exemples à l’appui de notre opinion. Quant aux rivières qui sortent de lacs, il faut dire que ces lacs se sont presque tous formés par degrés successifs au-dessous des montagnes et des lieux élevés.

§ 24[151]. On voit donc bien clairement qu’il ne faut pas croire que les fleuves se forment à leur origine en sortant de certains creux ; car l’espace de la terre n’y suffirait pas, pour ainsi dire, pas plus que l’espace même des nuages, s’il fallait que l’eau qui y est, fût seule à couler, sans qu’une partie s’en allât tandis qu’une autre se reforme, et qu’elle dût toujours sortir tout entière comme d’une source inépuisable. § 25[152]. Cette circonstance que les fleuves ont leurs sources sous les montagnes, prouve bien que l’eau s’y réunit, et que le lieu l’accumule peu à peu par une multitude de rigoles ; et c’est ainsi que se forment les sources des rivières. § 26[153]. Il n’y a rien d’ailleurs d’absurde à supposer qu’il existe aussi certains lieux qui, comme des lacs, renferment d’immenses quantités d’eau ; seulement il ne faut pas croire que ces lacs soient assez considérables pour alimenter des fleuves, pas plus qu’il ne faut prendre pour les sources totales des fleuves celles qu’on leur voit ; car la masse la plus forte des fleuves sort de sources. Cela reviendrait absolument à croire que ces lacs et ces sources forment à elles seules la masse totale de l’eau.

§ 27[154]. Ce qui prouve qu’il y a bien des cavernes et des trous de ce genre dans la terre, c’est l’absorption de certains fleuves. C’est un fait qu’on voit dans plusieurs parties de la terre, et l’on en trouve plus d’un exemple dans l’Arcadie du Péloponnèse. § 28[155]. La cause de ce phénomène particulier, c’est que le pays qui est montagneux ne peut pas faire écouler les eaux des bas-fonds vers la mer. La contrée se remplit d’eau qui, n’ayant pas d’écoulement, se fraie un passage dans le sein de la terre, par la violence même de la masse liquide qui survient d’en haut. § 29[156]. Il y a d’ailleurs peu de faits de ce genre dans toute la Grèce. Mais le lac qui est au pied du Caucase et que les habitants du lieu appellent la Mer, en offre des exemples évidents. En effet il reçoit des fleuves nombreux et considérables ; et comme il n’a pas d’écoulement, il est clair qu’il s’épanche sous terre par les Coraxes, aux environs des lieux appelés les Gouffres du Pont. Dans ces gouffres, la mer a une immense profondeur ; et la sonde n’a jamais pu en trouver le fond. § 30[157]. Ce lac, à trois cents stades à peu près de la terre, donne de l’eau potable sur une vaste étendue qui n’est pas toute continue, mais qui se reproduit en trois endroits. § 31[158]. Dans la Ligystique, un certain fleuve qui n’est pas moindre que le Rhône, est absorbé en terre, et il reparaît en un autre lieu ; or le fleuve du Rhône est navigable aux vaisseaux.


CHAPITRE XIV.

Changements perpétuels et révolutions réciproques des mers et des continents par l’attérissement des fleuves. Exemples divers et particulièrement de l’Égypte. — Considérations générales sur les émigrations des peuples. — Cataclysmes périodiques.


§ 1[159]. Les mêmes lieux de la terre ne sont pas toujours humides ou secs ; mais leur constitution varie selon la formation ou la disparition des cours d’eau. C’est là ce qui fait que le continent et la mer changent aussi de rapport, et que les mêmes lieux ne sont pas toujours de la terre ou toujours de la mer. La mer vient là où était jadis la terre ferme ; et la terre reviendra là où nous voyons la mer aujourd’hui. § 2[160]. Il faut croire d’ailleurs que ces phénomènes se succèdent, selon un certain ordre et une certaine périodicité. Le principe et la cause de ces mouvements, c’est que l’intérieur de la terre, tout comme les corps des plantes et des animaux, a ses époques de vigueur et de dépérissement. § 3[161]. La seule différence c’est que dans les plantes et les animaux ces changements n’ont pas lieu en partie seulement, mais c’est l’être tout entier qui par une loi nécessaire fleurit, ou se meurt, tandis qu’au contraire pour la terre, ces changements ne se font que partiellement par le froid et par la chaleur. § 4[162]. Le froid et la chaleur eux-mêmes s’accroissent ou diminuent par le soleil, et par le mouvement de révolution ; et c’est par le chaud et le froid que les diverses régions de la terre prennent une propriété différente, pouvant, durant un certain temps, rester humides, puis se desséchant et vieillissant ensuite. D’autres lieux revivent et redeviennent par portions successivement humides § 5[163]. Or il y a nécessité, quand les lieux se dessèchent, que les sources en disparaissent, qu’à la suite de ce changement les fleuves de grands qu’ils étaient deviennent d’abord petits, puis, qu’ils finissent par se dessécher tout à fait, et par conséquent que ce déplacement des fleuves, disparaissant ici pour aller se reproduire proportionnellement ailleurs, change aussi la mer elle-même. § 6[164]. En effet, là où gonflée par les fleuves, elle était toute pleine, il faut bien nécessairement quand elle se retire qu’elle laisse la terre à sec ; et là où remplie par les cours d’eau, elle s’était desséchée, il faut bien quand elle revient qu’il se forme de nouveau des lacs.

§ 7[165]. Ce qui fait que ces phénomènes nous échappent, c’est que toute cette formation naturelle de la terre ne se fait que par additions successives et dans des temps immensément longs, si on les compare à notre existence ; des nations tout entières disparaissent et périssent avant qu’on ne puisse conserver le souvenir de ces grands changements, de l’origine jusqu’à la fin. § 8[166]. Les destructions des peuples sont les plus considérables et les plus rapides dans les guerres ; d’autres tiennent à des épidémies, d’autres à des famines ; et ces causes tantôt détruisent les peuples tout à coup, tantôt petit à petit. Aussi ne se rend-on pas compte des transmigrations de ces populations ; car tandis que les uns abandonnent la contrée, d’autres persistent à y rester jusqu’à ce que le sol ne puisse plus absolument y nourrir personne. § 9[167]. Entre la première observation et la dernière, on doit croire qu’il s’est écoulé des temps si considérables que personne n’en a conservé le souvenir, et que ceux qui avaient pu être sauvés et qui sont restés ont tout oublié par la longueur même du temps. C’est de la même façon que nous échappe, à ce qu’on doit croire, l’époque du premier établissement des nations sur ces terrains qui changent et qui deviennent secs après avoir été marécageux et inondés.

§ 10[168]. C’est qu’en effet cet accroissement du sol habitable, ne se fait que petit à petit et après de longs siècles, de sorte qu’on ne sait plus ni quels ont été les premiers occupants, ni à quelle époque ils sont venus, ni quel était l’état de la contrée quand ils y vinrent. § 11[169]. C’est là justement ce qui est arrivé pour l’Égypte. Cette contrée semble avoir été toujours sèche, et le sol tout entier ne paraît qu’une alluvion du Nil ; mais comme ce n’est qu’après le dessèchement successif des marais que les peuples voisins ont pu les habiter, l’éloignement des temps a fait perdre tout souvenir de l’origine. § 12[170]. Aussi toutes les bouches du fleuve, si l’on en excepte une seule, celle de Canobe, paraissent-elles faites de main d’homme et non par le fleuve lui-même. Autrefois l’Égypte était ce qu’on appelle Thèbes aujourd’hui ; et c’est ce que prouve bien le témoignage d’Homère, qui était un témoin assez rapproché de ces changements. Il parle de ce lieu comme si Memphis n’y existait point encore, ou du moins comme n’ayant point alors le développement qu’elle eut depuis. Et les choses doivent s’être vraisemblablement passées ainsi ; car les contrées du bas n’ont dû être habitées qu’après les contrées du haut. § 13[171]. En effet les lieux plus rapprochés de l’alluvion ont dû nécessairement rester marécageux plus longtemps, parce que les eaux séjournent toujours davantage dans les lieux les plus bas. Puis cette disposition change, et le sol se rétablit ensuite. § 14[172]. Car les lieux qui se sont séchés deviennent de plus en plus commodes, et les lieux qui jadis étaient les plus habitables, se desséchant outre mesure, le deviennent d’autant moins.

§ 15[173]. C’est ce qui s’est produit dans la Grèce pour le pays des Argiens et celui des Mycéniens. En effet à l’époque de la guerre de Troie, la terre des Argiens qui était toute marécageuse, ne pouvait nourrir qu’un petit nombre d’habitants ; la Mycénie au contraire était alors en excellent état ; et c’est là ce qui lui assurait plus de gloire. Aujourd’hui il en est précisément tout le contraire, par la cause que nous venons de dire. La Mycénie est devenue tout à fait stérile et sèche ; et les parties de l’Argolide qui jadis étaient stérilisées par l’inondation sont devenues extrêmement fertiles. § 16[174]. Or ce qui est arrivé pour ce petit coin de terre, arrive précisément de la même façon, selon toute apparence, pour des lieux très étendus et pour des contrées tout entières.

§ 17[175]. Ceux donc qui n’observent qu’imparfaitement, croient que la cause de ces phénomènes et de ces modifications réside dans le changement de l’univers et du ciel entier. Aussi affirment-ils que la mer diminue parce qu’elle se dessèche, et qu’on voit aujourd’hui plus de lieux ainsi changés qu’on n’en voyait autrefois. § 18[176]. Il y a dans ces assenions du vrai et du faux. Il est bien vrai que plus de lieux sont à découvert aujourd’hui et changés en terre ferme, qui jadis étaient couverts par les eaux ; mais le contraire arrive aussi ; et en y regardant bien, on trouvera beaucoup de lieux que la mer a envahis. § 19[177]. Ce n’est pas au principe même du monde qu’il convient d’attribuer ces phénomènes ; car il serait ridicule de croire que l’univers se meut par des changements si petits et si mesquins. La masse de la terre et sa grandeur est nulle si on la compare au ciel tout entier, absolument nulle.

§ 20[178]. La cause que l’on pourrait peut-être assigner à tous ces faits, c’est que de même qu’à certaines époques fixes, l’hiver se produit dans les saisons de l’année, de même aussi se produit un grand hiver qui relève de quelque immense période, et qui amène une excessive abondance de pluies. § 21[179]. Ce n’est pas du reste toujours dans les mêmes contrées que ce phénomène se manifeste, et c’est comme ce qu’on appelle le déluge de Deucalion. Ce déluge s’est étendu surtout sur les contrées helléniques, et parmi elles sur la vieille Hellade. § 22[180]. La vieille Hellade est près de Dodone et de l’Achéloüs ; car ce fleuve a souvent changé son cours. Les peuples qui habitaient jadis ces lieux étaient les Selles, et ceux qu’on appelait alors Grecs et que l’on nomme aujourd’hui Hellènes.

§ 23[181]. Lors donc qu’arrivent ces pluies énormes, il faut croire qu’elles suffisent pour très longtemps. C’est quelque chose d’analogue à ce qu’on observe pour les fleuves dans l’état présent des choses. Si les uns sont perpétuels et si les autres ne le sont pas, la cause en est, selon quelques philosophes, la dimension des cavernes souterraines, et selon nous, la grandeur des lieux élevés, leur densité et leur température froide, qui fait qu’ils reçoivent, gardent et produisent beaucoup d’eau, tandis que les pays qui n’ont au-dessus d’eux que de petits systèmes de montagnes, spongieuses, pleines de pierres et d’argile, sont les premiers desséchés. De même aussi il faut croire que les lieux qui reçoivent cet énorme amas d’eau en conservent comme une sorte d’humidité perpétuelle. § 24[182]. Avec le temps, tel lieu se dessèche davantage, tel autre se dessèche moins, quand il a été bien inondé, jusqu’à ce qu’arrive de nouveau la révolution de cette grande période.

§ 25[183]. Comme il y a nécessairement quelque changement de l’univers, sans qu’il y ait cependant pour lui ni naissance ni destruction, puisqu’il subsiste toujours, il y a une nécessité égale, ainsi que nous le soutenons, que les mêmes lieux ne soient pas toujours inondés par la mer ou les fleuves, et que les mêmes lieux ne soient pas toujours secs. Les faits sont là pour le prouver. § 26[184]. Ainsi les Égyptiens, que nous reconnaissons pour les plus anciens des peuples, occupent un pays qui paraît être et qui est tout entier l’œuvre du fleuve. C’est ce dont on peut se convaincre en observant leur contrée ; et les bords de la Mer Rouge en sont un témoignage incontestable. § 27[185]. Un de leurs rois essaya de creuser un canal ; car si toute la contrée était devenue navigable, les avantages qu’elle en aurait tirés eussent été considérables ; et c’est Sésostris, dit-on, qui le premier parmi les anciens rois tenta cette entreprise. Mais il trouva que la mer était plus haute que la terre. Il cessa donc de faire creuser le canal, comme dut le faire plus tard aussi Darius, de peur que la mer, en venant à se mêler au fleuve, n’en supprimât complètement le cours. § 28[186]. Il est donc évident que tous ces lieux n’étaient jadis qu’une mer continue. Et c’est là ce qui fait que la Libye et la contrée d’Ammon paraissent plus basses et plus creuses qu’elles ne devraient l’être relativement à la contrée inférieure. Mais il est clair que l’alluvion se formant, il y a eu stagnation des eaux et terre ferme, et qu’avec le temps l’eau qui était restée et qui avait fait marais, est venue à se dessécher entièrement.

§ 29[187]. Dans le Marais Méotide, les alluvions des fleuves ont été si considérables que les navires dont on s’y sert aujourd’hui, sont beaucoup plus petits qu’il y a soixante ans. De là, on peut aisément conclure que dans l’origine ce marais a été comme beaucoup d’autres le produit des rivières, et qu’à la fin il deviendra sec tout entier. § 30[188]. De plus, le Bosphore a toujours un courant à cause des alluvions ; et l’on peut observer sans peine de ses propres yeux la façon dont les choses se passent. Lorsque le courant avait fait un rivage à partir de l’Asie, ce qui restait derrière devenait d’abord un petit marais, et ensuite se desséchait ; puis il se formait un autre rivage après celui-ci, et encore un autre marais après le premier. Et les choses ont eu lieu perpétuellement de la même manière. Ceci se répétant plusieurs fois, il a bien fallu qu’avec le temps, il se formât une sorte de fleuve, qui lui-même finira par se dessécher. § 31[189]. Il est clair par conséquent, comme le temps ne s’arrête pas et que l’Univers est éternel, que le Tanaïs et le Nil n’ont pas toujours coulé, et que le lieu où coulent aujourd’hui leurs eaux a jadis été sec ; car leur action a une fin et le temps n’en a pas, et l’on peut appliquer cette même observation à tous les autres fleuves. § 32[190]. Mais si les fleuves naissent et périssent, et si les mêmes lieux de la terre ne sont pas toujours couverts par les eaux, il faut nécessairement que la mer subisse les mêmes changements. Du moment que la mer abandonne certains lieux, et qu’elle revient en certains autres, il est bien clair que sur la terre ce ne sont pas toujours les mêmes contrées qui sont mers, ou qui sont continents, mais que toutes changent d’état avec les siècles.

§ 33[191]. Ainsi donc nous avons prouvé que ce ne sont pas toujours les mêmes parties de la terre qui sont à sec, les mêmes qui sont navigables, et nous avons dit la cause de ces phénomènes. Enfin nous avons dit aussi pourquoi parmi les fleuves les uns sont perpétuels, et les autres ne le sont pas.

LIVRE IΙ


FIN DU LIVRE I DU TRAITÉ DE LA MÉTÉOROLOGIE.



LIVRE II.



CHAPITRE PREMIER.

De la mer : réfutation de cette opinion qui la fait venir de sources naturelles. — Division générale des eaux : détails géographiques.


§ 1[192]. Parlons maintenant de la mer ; et disons quelle en est la nature et par quelle cause une si grande masse d’eau est salée. Disons aussi comment elle s’est formée dès l’origine.

§ 2. Les anciens et ceux qui s’occupent de théologie supposent qu’elle a des sources ; et c’est un moyen pour eux d’expliquer les principes et les racines de la terre et de la mer. Ils se sont peut-être imaginé que c’était là une manière de donner quelque chose de plus relevé et de plus tragique à leurs explications, sur cette partie de l’univers si considérable à leurs yeux ; et ils ont cru que le ciel tout entier n’était composé qu’en faveur de ce point au tour duquel il était constitué, et qui serait le plus important et le principe de tout le reste. § 3[193]. Mais des gens plus sages, au sens d’une sagesse purement humaine, expliquent la formation de la mer en disant que dans le principe, la terre tout entière et ce qui l’environne était liquide, et qu’une partie desséchée par le soleil, et se vaporisant, a causé les vents et les mouvements divers du soleil et de la lune, et que l’autre partie qui resta devint la mer. Aussi ajoutent-ils que la mer en se desséchant diminue de volume, et qu’à la fin elle se desséchera tout entière. § 4[194]. Quelques-uns de ces philosophes disent aussi que la terre échauffée par le soleil produit une sorte de sueur, et que c’est là ce qui rend la mer salée ; car la sueur, à les entendre, est salée. § 5[195]. D’autres prétendent que c’est la terre qui est cause de la salure de la mer ; car de même que l’eau qui filtre à travers la cendre devient salée, de même aussi la mer le devient, parce que la terre se mêle à elle avec des propriétés analogues.

§ 6.[196]. Mais sans aller plus loin, il faut faire voir qu’il est impossible, d’après les faits, que la mer ait des sources. Parmi les eaux que nous voyons à la surface de la terre, les unes sont courantes, les autres sont stagnantes. Toutes celles qui coulent viennent de sources ; et nous avons dit antérieurement qu’il faut entendre par source non pas une sorte de vase d’où s’écoulerait l’eau qui y aurait été conservée d’abord, mais qu’il faut entendre un premier point où se réunit toujours l’eau qui s’accumule. § 7.[197]. Parmi les eaux stagnantes, les unes ne sont que des amas, des dépôts, comme les étangs par exemple et les marais, ne différant d’ailleurs que du plus au moins ; d’autres proviennent de sources ; et celles-là sont toutes obtenues par le travail de l’homme, comme ce qu’on appelle les eaux de puits ; car pour celles qui coulent, il faut toujours que la source soit plus élevée que le lit du courant. § 8[198]. Ainsi donc il y a des eaux qui coulent toutes seules, ce sont celles des sources naturelles et des fleuves ; les autres au contraire ont besoin des travaux de l’art, qui les crée. Telles sont les différences des eaux, et il n’y en a pas d’autres.

§ 9.[199]. Ces points une fois fixés, nous disons qu’il est impossible que la mer ait des sources. On ne saurait en effet la ranger dans aucune des espèces que nous venons d’indiquer. Elle ne coule pas ; elle n’est pas non plus faite de main d’homme. Mais toutes les eaux provenant de sources sont de l’une ou l’autre façon ; et nous ne pouvons jamais voir une aussi grande masse d’eau stagnante par elle-même qui vienne de source. § 10.[200]. Il faut ajouter qu’il y a plusieurs mers qui n’ont entre elles aucune communication. Si la Mer Rouge paraît communiquer de proche en proche avec la mer qui est en dehors des Colonnes, la mer d’Hyrcanie, et la mer Caspienne en sont tout à fait isolées ; tout le tour en est habité, et si ces deux mers avaient leurs sources quelque part, on les aurait certainement découvertes.

§ 11[201]. La mer, il est vrai, paraît couler quand les lieux sont rétrécis, là où la terre environnante resserre tout-à-coup dans un petit espace une vaste étendue d’eau ; et ce qui le fait croire, c’est l’agitation en sens divers qu’elle a toujours dans ces endroits. Mais on ne voit jamais rien de pareil en pleine mer, tandis que dans les lieux où la mer n’occupe plus qu’un petit espace à cause du rapprochement des terres, il faut nécessairement que l’agitation y paraisse considérable, bien qu’elle soit fort petite en haute mer. § 12.[202]. La mer qui est en dedans des Colonnes d’Hercule coule à cause de la concavité de la terre et aussi à cause de la multitude des fleuves ; car le Palus Méotide coule dans le Pont, comme celui-ci coule dans la Mer Égée. Mais dans toutes les autres mers en dehors de celles-là, le phénomène est beaucoup moins sensible. § 13.[203]. S’il est plus apparent dans ces mers, c’est d’abord qu’elles reçoivent beaucoup de fleuves ; car il coule plus de fleuves dans le Pont-Euxin et le Palus Méotide que sur tout autre surface beaucoup plus grande de terre ; et c’est aussi que la profondeur de l’eau y est moindre. En effet, la mer paraît de plus en plus profonde. Le Pont l’est plus que le Palus Méotide, la mer Égée plus que le Pont, la mer de Sicile plus que la mer Égée ; et ce sont la mer de Sicile et la mer de Tyrrhénie qui sont les plus profondes de toutes. § 14.[204]. Au contraire, les parties qui sont en dehors des Colonnes sont peu profondes à cause de la boue qui s’y rassemble, et le vent n’y souffle pas, sans doute parce que la mer y est comme dans un fond.

§ 15.[205]. De même donc qu’en particulier les fleuves coulent des lieux hauts, de même aussi en général pour toute la terre, le cours le plus abondant des eaux vient surtout des parties les plus élevées, qui sont au nord. Il en résulte que parmi les mers les unes sont peu profondes à cause du déversement qui s’y produit, mais que les mers extérieures le sont davantage. § 16.[206]. Ce qui paraîtrait prouver aussi que les parties hautes de la terre sont bien au nord, c’est que la plupart des anciens météorologistes ont cru que le soleil se retirait non pas sous la terre, mais derrière la terre, en ce lieu où il disparaissait, et faisait la nuit à cause de l’élévation même de la terre dans le nord.

§ 17.[207]. Voilà ce que nous avions à dire pour montrer qu’il n’est pas possible que la mer ait des sources, et comment il se fait qu’elle semble quelquefois couler.


CHAPITRE II.

De la salure de la mer : réfutation de l’opinion de quelques astronomes qui croyaient que le soleil se nourrit d’eau. — La mer est le lieu des eaux. — Réfutation de l’opinion de Platon dans le Phédon.


§ 1[208]. Il faut traiter maintenant de la formation de la mer, si toutefois elle a jamais été formée, et de la cause qui donne à son goût cette salure et cette amertume. § 2.[209]. Ce qui a fait que les anciens ont imaginé que la mer est le principe et le corps de la masse des eaux tout entière, le voici : c’est que de même que pour tous les autres éléments, il y a une masse réunie et un principe qui est principe par sa quantité même et dont les parties divisées se modifient et se mêlent au reste des éléments, par exemple la masse du feu étant dans les régions supérieures, celle de l’air venant après la région du feu, et enfin le corps de la terre, autour duquel tous ces éléments sont évidemment placés ; de même il parut fort naturel de croire que les recherches sur l’eau devaient être faites tout à fait dans la même voie. § 3.[210]. Or il ne semble pas que pour l’eau, il y ait un corps réuni en masse comme pour les autres éléments, autre que la masse immense de la mer. La masse des fleuves en effet n’est pas réunie ; de plus elle n’est pas stable, et elle semble en quelque sorte se produire tous les jours.

§ 4.[211]. C’est donc en discutant ce doute qu’on a été amené à croire que la mer est le principe de tous les liquides et de l’eau tout entière. C’est là aussi ce qui a fait dire à quelques philosophes que non seulement les fleuves coulaient dans la mer, mais aussi qu’ils découlaient d’elle ; car l’eau salée en se filtrant devient potable et douce. A cette théorie, on peut opposer une question qui la détruit, et demander comment il se fait que cet amas d’eau n’est pas potable, s’il est vrai que toute l’eau en vienne, et comment il est salé ? La cause de cette question en sera du même coup la solution ; et pour la résoudre, il faut reprendre avec soin la première Opinion qui vient d’être indiquée sur la mer.

§ 5.[212]. L’eau est répandue autour de la terre qu’elle enveloppe, de même qu’autour de l’eau, il y a la sphère de l’air, et autour de l’air, la sphère dite du feu. Cette sphère est le dernier des éléments, suivant les opinions les plus généralement reçues et suivant la nôtre. Le soleil faisant sa révolution de la manière qu’on sait, et ces causes produisant le changement des choses, leur génération et leur destruction, il arrive que la partie la plus légère et la plus douce est enlevée chaque jour, et est portée, divisée et vaporisée dans la région supérieure ; et là, se condensant par le froid, elle est ramenée de nouveau sur la terre. § 6.[213]. C’est là ce que la nature se propose toujours de faire, ainsi qu’on l’a dit antérieurement. Aussi, se moque-t-on aujourd’hui de ces anciens philosophes qui croyaient que le soleil se nourrit d’humidité. § 7.[214]. Quelques-uns même soutiennent que c’est là aussi ce qui produit les mouvements du soleil, attendu que les mêmes lieux ne peuvent pas toujours lui fournir sa nourriture ; et que sans ces déplacements indispensables, il courrait risque de périr. § 8.[215]. Ainsi le feu que nous voyons ici-bas, ajoutent-ils, vit tant qu’on l’alimente ; et l’humide seul peut servir d’aliment au feu ; de même la partie soulevée de l’humide va jusqu’au soleil, ainsi qu’elle se rend par une marche pareille à la flamme qui se produit sous nos yeux ; et l’on a transporté ce phénomène au soleil, en se laissant guider par la vraisemblance.

§ 9.[216]. Mais ici il n’y a point une similitude réelle. La flamme n’est qu’une perpétuelle succession de l’humide et du sec ; elle se produit ; mais elle ne se nourrit pas ; car elle ne reste pas pour ainsi dire un seul instant la même. Mais ceci est tout à fait impossible pour le soleil, puisque nourri de la façon que nos philosophes prétendent, le soleil serait neuf non seulement tous les jours suivant l’opinion d’Héraclite, mais encore il serait à tout instant et continuellement nouveau. § 10.[217]. De plus, cette attraction de l’humide par le soleil est semblable à l’eau que le feu échauffe. Puis donc que le feu qui brûle sous cette eau n’est pas nourri par elle, il était naturel de supposer que le soleil ne se nourrit pas davantage, quand même en échauffant l’eau en masse il viendrait à la vaporiser tout entière. § 11.[218]. Il est absurde en outre de supposer que le soleil songe à sa propre conservation, et que tous les autres astres négligent la leur, eux qui sont à la fois si nombreux et si immenses. Ces philosophes commettent ici la même erreur que ceux qui prétendant que, dans le principe, la terre elle-même étant liquide et le monde qui l’entoure venant à être échauffé par le soleil, l’air se forma, que le ciel tout entier se développa, et que le soleil causa les vents et commença les révolutions qui lui sont propres. § 12.[219]. Car il est de toute évidence que toujours nous voyons retomber l’eau qui a été élevée. Si ce n’est pas dans l’année même, si ce n’est pas dans le même pays, cependant tout ce qui a été pris revient dans certaines périodes fixes, de telle sorte que les sphères supérieures n’en sont pas nourries, comme on le dit, et que certaine partie de l’air ne subsiste pas après sa formation, tandis qu’une autre partie retournerait en eau pour se dissoudre ; mais qu’au contraire c’est la massé entière de l’air qui se dissout toujours également et se transforme en eau.

§ 13.[220]. La partie potable et douce est donc enlevée tout entière à cause de sa légèreté ; la partie salée demeure à cause de son poids, mais non point dans le lieu qui lui est propre. C’est du reste avec raison qu’on a élevé des doutes sur ce point, et c’en est bien là la solution ; car il serait peu rationnel de penser que l’eau n’a pas aussi son lieu comme les autres éléments. En effet, le lieu que nous voyons occupé par la mer est bien plutôt le lieu de l’eau que de la mer elle-même. § 14.[221]. Ce qui fait qu’il semble être le lieu de la mer, c’est que la partie salée y demeure à cause de son poids, tandis que la partie douce et potable s’élève à cause de sa légèreté. Il en est de même dans le corps des animaux ; car bien que la nourriture qui y est ingérée soit douce, toutefois le dépôt de la nourriture liquide et l’excrément paraissent amers et salés, parce que la partie douce et potable est attirée dans les chairs par la chaleur naturelle, aussi bien que dans toutes les autres parties, suivant la composition de chacune d’elles. § 15.[222]. De même donc que pour le corps des animaux, il serait absurde de croire que l’intestin n’est pas le lieu de la nourriture potable, parce qu’elle y disparaît vite, mais qu’il est le lieu de l’excrément, parce que l’excrément y reste, et que ce serait là se tromper grossièrement, de même aussi dans les faits qui nous occupent. Par conséquent, la mer est bien, comme nous le disons, le lieu de l’eau.

§ 16.[223]. Ce qui fait aussi que tous les fleuves se jettent dans la mer, ainsi que toute l’eau qui existe dans le monde, c’est que l’écoulement a lieu vers la partie la plus creuse ; et c’est la mer qui occupe cette place de la terre. Mais une partie de l’eau est bien vite entièrement enlevée par le soleil ; une autre partie demeure par la cause que j’ai indiquée. § 17.[224]. Quant à la vieille question de savoir ce que devient cette prodigieuse masse d’eau, des fleuves innombrables et intarissables s’écoulant chaque jour dans la mer, sans qu’elle en paraisse augmenter, rien d’étonnant qu’on se soit posé cette question ; rien de difficile à la résoudre en observant les faits. § 18.[225]. Une masse d’eau, soit étendue sur une vaste surface, soit accumulée, ne se dessèche pas en un temps égal ; mais il y a ces différences que tantôt elle demeure le jour tout entier, tandis que d’autres fois, comme l’eau d’une coupe répandue sur une large table, elle vient à disparaître aussi vite que la pensée. § 19.[226]. C’est là précisément ce qui arrive aussi pour les fleuves ; comme ils coulent perpétuellement et d’une manière continue, tout ce qui arrive dans un lieu vaste et étendu se dessèche vite et insensiblement.

§ 20.[227]. Mais ce qui est dit des fleuves et de la mer dans le Phédon est absolument impossible. Il y est affirmé en effet que tous les fleuves se réunissent sous la terre et se mêlent les uns aux autres ; que le principe et la source de toutes les eaux, c’est ce qu’on appelle le Tartare, grande masse d’eau placée au centre et de laquelle proviennent toutes les eaux, tant celles qui courent que celles qui ne courent pas ; que cette masse d’eau fait l’écoulement de chacun des fleuves, parce que ce principe ou cette cause est dans une perpétuelle agitation ; qu’elle n’a pas de situation fixe et qu’elle tourne sans cesse autour du centre ; § 21[228]. que c’est par son mouvement en haut et en bas qu’elle remplit tous les cours d’eau ; qu’il y a des eaux qui sont stagnantes dans bien des lieux, comme la mer que nous voyons sur notre terre, mais que toutes les eaux sont ramenées circulairement à l’origine d’où elles ont commencé à couler, plusieurs y revenant par le même lieu, d’autres y revenant par le lieu opposé à leur effusion, et par exemple revenant d’en haut après être parties d’en bas ; que les eaux ne descendent que jusqu’au centre ; que le reste de leur course se dirige toujours en haut, et qu’enfin l’eau retient toujours le goût et la couleur de la terre par laquelle elle a passé.

§ 22.[229]. Mais alors les fleuves ne coulent pas toujours de la même façon d’après cette théorie. En effet, puisqu’il retournent vers le centre d’où ils sont sortis, ils ne couleront pas plus d’en haut que d’en bas ; ils couleront uniquement de la partie où le Tartare écumant portera ses flots ; et si cela arrivait, il faudrait alors que, selon le proverbe, les fleuves remontassent leur cours ; ce qui est tout à fait impossible. § 23.[230]. De plus, d’où viendra cette eau qui arrive et qui est entraînée tour à tour ? Il faut nécessairement qu’elle soit déplacée tout entière, puisque la masse doit rester toujours égale, et qu’il doit en retourner au principe tout autant qu’il en sort. Cependant nous voyons tous les fleuves qui ne se jettent pas les uns dans les autres, aller finir à la mer. Aucun ne se jette dans la terre ; et si quelques-uns y disparaissent, c’est pour se remontrer bientôt. § 24[231]. Les grands fleuves sont ceux qui coulent longtemps dans une vallée, parce qu’ils y reçoivent beaucoup de cours d’eau et que leur marche se trouve retardée par le lieu et par sa longueur. C’est là ce qui fait que l’Ister et le Nil sont les deux plus grands fleuves qui se jettent dans cette mer.

§ 25.[232]. D’autres auteurs ont donné encore bien d’autres explications sur les sources de chacun des fleuves, qui se réunissent pour ne former qu’un seul cours d’eau. Mais toutes ces explications sont insoutenables, surtout si l’on prétend faire sortir la mer du Tartare.

§ 26.[233]. Nous en avons assez dit pour faire voir que la mer est le lieu de l’eau et non pas de la mer elle-même, pour expliquer comment on ne voit la partie de l’eau qui est potable que sous forme d’eau courante, comment l’autre partie de l’eau stationne, et comment la mer est plutôt la fin que le principe de l’eau, de même que dans les corps organisés l’excrément vient de toute la nourriture et particulièrement de la nourriture liquide.


CHAPITRE III.

Suite de l’explication de la salure de la mer. Réfutation de l’opinion de Démocrite, qui croyait à une diminution progressive de la mer ; réfutation de quelques opinions sur la salure, et particulièrement de celle d’Empédocle, qui soutenait que le sel vient de la sueur de la terre. — Théorie personnelle de l’auteur. — Considérations diverses sur les sources d’eau salée et d’eau chaude.


§ 1.[234]. Il faut maintenant traiter de la salure de la mer, et nous demander si la mer est toujours la même, ou bien si à une certaine époque elle n’existait pas, et si à une autre époque elle ne cessera point d’exister, opinion que soutiennent quelques philosophes. § 2.[235]. D’abord un point sur lequel tous sont d’accord, c’est que la mer a eu un commencement, si l’on admet que le monde entier a commencé ; car tous semblent reconnaître qu’elle a dû être formée en même temps que le monde ; et la conséquence évidente de ceci, c’est que si le monde est éternel, il faut croire que la mer l’est tout aussi bien que lui. § 3.[236]. Mais s’imaginer, comme le fait Démocrite, que la mer diminue sans cesse de quantité et qu’à la fin elle disparaîtra, c’est là une opinion qui paraît tout à fait à la hauteur des fables d’Ésope. Car c’est ainsi qu’Ésope nous raconte que Charybde ayant deux fois englouti les eaux dans son gouffre, d’abord fit apparaître les montagnes, puis ensuite les îles, et qu’à la fin elle desséchera la terre tout entière par une troisième absorption. § 4.[237]. Il convenait parfaitement au fabuliste de nous débiter ce conte pour se venger du nocher contre lequel il était irrité ; mais ce procédé convient moins à ceux qui cherchent la vérité ; car quelle que soit la cause qui dans le principe a fait demeurer la mer telle qu’elle est, soit le poids de ses eaux, comme quelques-uns le soutiennent, explication qui se présente tout d’abord pour peu que l’on observe, soit toute autre, il est évident que la même loi doit nécessairement être cause que la mer demeurera de la même manière pendant tout le reste des temps. § 5.[238]. De deux choses l’une en effet : ou bien il faut soutenir que l’eau enlevée par le soleil ne reviendra pas sur la terre ; ou si elle revient, il faut reconnaître nécessairement que ce phénomène aura lieu toujours, ou du moins jusqu’à ce que la mer ait diminué de cette quantité, et que la portion potable qui a été antérieurement enlevée reviendra aussi de nouveau. Ainsi la mer ne se dessèche jamais ; car cette partie qui s’est d’abord en allée, se hâtera de redescendre en masse égale ; et ce qu’on dit pour une fois seulement se répète évidemment autant de fois qu’on voudra.

§ 6.[239]. Que si l’on prétend arrêter le soleil dans sa course, quel sera dès lors le corps qui desséchera la mer ? Mais si on le laisse poursuivre sa révolution circulaire, il est clair, comme nous l’avons exposé, qu’en s’approchant il enlèvera toujours la partie potable, et qu’en s’éloignant il la laissera retomber de nouveau. § 7.[240]. Ce qui peut avoir donné naissance à cette opinion sur la mer, c’est qu’on a pu observer que bien des lieux sont aujourd’hui plus secs qu’ils ne l’étaient jadis. Mais nous avons dit quelle est la cause de ce phénomène, et qu’une abondance excessive d’eau survenant à certaines époques, ce n’était là qu’une modification de l’eau et de ses parties, et non pas du tout un changement dans la masse totale qu’elle forme.

§ 8.[241]. Puis ensuite il arrivera tout le contraire ; et après que l’eau se sera produite, elle se desséchera de nouveau, de telle façon que nécessairement le phénomène se répète en un cercle perpétuel. C’est qu’en effet il est plus rationnel de supposer que les choses se passent ainsi, plutôt que de croire que c’est le ciel entier qui vient à être bouleversé par ces phénomènes. Mais vraiment déjà notre discussion s’est arrêtée sur ces points plus longtemps qu’ils ne le méritent.

§ 9.[242]. Quant à la salure de la mer, ceux qui la font naître tout d’un coup, et d’une manière générale ceux qui la font naître, sont dans l’impossibilité d’expliquer comment la mer est salée. En effet, soit que de toute l’eau répandue sur la terre et enlevée par le soleil, ce qui reste soit devenu la mer, soit qu’il y ait eu dans cette masse énorme d’eau, qui d’abord était douce, un suc particulier qui vint du mélange d’une terre ayant ce goût, il n’est pas moins certain que la mer a dû être salée dès le principe, l’eau vaporisée revenant ensuite et en quantité égale. Ou bien, si la mer n’a pas été salée dès le principe, elle n’a pas pu l’être plus tard davantage. § 10.[243]. Or, si elle l’était également dès l’origine, il reste toujours à en dire la cause, et en même temps à expliquer, si alors elle n’a pas été vaporisée aussi, comment il se fait qu’elle n’éprouve plus aujourd’hui la même action. De plus, quand on attribue la salure de la mer à la terre qui y est mêlée, ou parce que, dit-on, la terre a des saveurs de tous genres, et qu’apportée par les fleuves dans la mer elle la rend salée en s’y mêlant, quand, dis-je, on soutient cette opinion, on devrait bien voir qu’il est alors impossible de comprendre que les fleuves ne soient pas salés comme la mer. § 11.[244]. Comment serait-il possible en effet que dans une grande masse d’eau le mélange de cette terre fût si parfaitement sensible, et qu’il ne le fût pas dans chaque partie de cette même eau ? Car, évidemment, la mer n’est que toute l’eau fluviale ; elle ne diffère absolument des fleuves qu’en ce qu’elle est salée, et cette salure n’affecte les fleuves que dans le lieu où tous se réunissent en masse.

§ 12.[245]. Il n’est pas moins ridicule de s’imaginer qu’on dise quelque chose de clair, en soutenant, comme Empédocle, que la mer est la sueur de la terre. En poésie, des explications de cette sorte peuvent bien sembler suffisantes ; car la métaphore est éminemment poétique ; mais elles sont évidemment insuffisantes pour faire connaître la nature. § 13.[246]. On ne fait pas même voir, par cette théorie, comment d’une boisson douce provient une sueur salée, et si c’est seulement par la disparition de la partie la plus douce, ou si c’est par le mélange de quelque autre corps, comme il arrive pour les eaux qui ont filtré dans la cendre. La cause paraît être ici tout à fait la même que pour la sécrétion qui se forme dans la vessie ; elle est amère et salée, bien que la boisson ingérée et le liquide qui se trouve dans les aliments, soient doux. § 14.[247]. Si donc, de même que l’eau filtrée dans la cendre devient amère, de même les deux matières le deviennent aussi, l’urine, parce qu’elle reçoit, par le mouvement descendant des liquides et par leur agglomération, une propriété analogue à celle de la saumure qui se dépose au fond des vases, et la sueur, cette même propriété, qui est extraite des chairs, comme si l’humide qui sort entraînait hors du corps quelque chose de pareil en le lavant, il est clair aussi que la portion de terre qui vient se mêler au liquide est cause de la salure de la mer. § 15.[248]. Dans le corps, cette matière n’est que le résidu de la nourriture qui n’a pas été digérée. Mais il reste à dire comment elle se trouve dans la terre.

§ 16.[249]. D’abord, et d’une manière générale, comment est-il possible que, de la terre desséchée et échauffée, une si grande masse d’eau ait pu être sécrétée ? Car il faudrait que ce ne fût qu’une très petite partie de ce qui a été laissé dans la terre. De plus, pourquoi aujourd’hui lorsque la terre vient à se dessécher, soit en grand soit en petit, ne sue-t-elle pas encore ? Car l’humidité et la sueur sont toujours amères ; et si la terre suait jadis, il faudrait qu’elle suât encore aujourd’hui. § 17.[250]. Or ce n’est pas là du tout ce qu’on observe. Quand la terre est sèche, elle s’humidifie ; et quand elle est humide, elle n’éprouve rien de pareil. Comment est-il donc possible qu’à l’époque de la première formation, la terre étant humide, elle soit venue à suer lorsqu’elle a séché ? § 18.[251]. Il est beaucoup plus probable, comme quelques-uns le soutiennent, que la plus grande partie de l’humide ayant disparu et étant vaporisée par le soleil, ce qui resta fut la mer ; mais il est impossible que la terre sue quand elle est humide.

§ 19.[252]. Ainsi donc tout ce qu’on a dit sur la salure de la mer semble aller tout à fait au rebours de la raison ; mais pour nous, nous traiterons cette question en reprenant le même principe qu’au début.

§ 20.[253]. Nous avons établi que l’exhalaison est double, l’une humide, l’autre sèche ; et l’on doit évidemment penser que tel est aussi le principe de ces phénomènes. C’est de là encore que nous partirons pour résoudre cette question qu’il nous faut nécessairement discuter avant tout, à savoir si la mer subsiste en gardant ses parties toujours les mêmes en nombre, ou bien si ses parties sont dans un continuel changement d’espèce et de quantité, comme le sont les parties de l’air, de l’eau potable et du feu. § 21.[254]. Chacun de ces éléments en effet change perpétuellement ; mais l’espèce de la masse totale de chacun subsiste, comme le flux des eaux qui coulent et le flux de la flamme. Or il est évident et l’on doit parfaitement admettre qu’il est impossible que la loi de tous ces éléments ne soit pas la même. Évidemment ils ne diffèrent que par la lenteur ou la rapidité du changement ; mais il y a pour tous production et destruction, et le changement s’applique régulièrement à tous sans exception. § 22.[255]. Ceci posé, il faut essayer d’expliquer aussi la salure de la mer. Il est clair d’après beaucoup d’indices que ce goût doit provenir du mélange d’une certaine matière. Ainsi dans les corps, la partie la moins digérée est salée et amère, comme nous l’avons dit, et c’est la sécrétion de la nourriture liquide qui est la moins digérée ; or, tout résidu a cette qualité ; mais c’est surtout celui qui se fait dans la vessie. § 23.[256]. La preuve, c’est que ce résidu est très léger, tandis que toutes les choses cuites s’épaississent naturellement. Le résidu qui est ensuite le plus léger, c’est la sueur ; et dans tous les cas, c’est le même corps sécrété qui produit ce goût de salure. Il en est de même dans les objets qui sont brûlés ; car la partie que ne consume pas la chaleur, devient ici le résidu dans les corps organisés, et là de la cendre, dans les substances brûlées. § 24.[257]. C’est là ce qui a porté quelques philosophes à faire venir la mer de la combustion de la terre. Il est absurde de s’exprimer ainsi ; mais il est bien vrai que la salure de la mer vient réellement de cette espèce de terre. Ce qui se passe en effet dans les cas que nous venons de citer, doit se passer aussi pour le monde entier ; et d’après ce qu’on voit pour les phénomènes que la nature produit et qui s’accomplissent suivant la nature, il faut croire que, de même que pour les corps comburés le résidu est une terre de ce genre, de même aussi pour l’exhalaison totale dans l’exhalaison sèche. § 25.[258]. C’est elle en effet qui fournit également la plus grande partie de cette masse immense. Or, l’exhalaison humide et l’exhalaison sèche venant à se mêler, ainsi que nous l’avons dit, lorsqu’elles se changent en nuages et en eau, il faut nécessairement qu’elles renferment en elles quelque partie de cette propriété. Alors cette propriété se trouve transportée dans les pluies, et descend avec elles ; et tous ces phénomènes se passent suivant un certain ordre, autant du moins que l’ordre peut intervenir dans ces faits-là, voilà donc quelle est l’origine de la salure dans l’eau de la mer.

§ 26.[259]. C’est là aussi ce qui fait que les pluies du sud et les premières pluies d’automne sont plus salées ; car le vent du sud, par son étendue et sa force, est le vent le plus brûlant ; il souffle de lieux secs et chauds, et par conséquent avec peu de vapeur, ce qui le rend chaud également. § 27.[260]. Car bien qu’il ne soit pas tel de sa nature, et qu’il soit froid là où il commence à souiller, néanmoins à mesure qu’il s’avance, comme il ramasse avec lui une grande quantité d’exhalaison sèche des lieux voisins, il devient chaud. Le vent du nord qui souffle de lieux humides est chargé de vapeurs, ce qui le rend froid ; mais parce qu’il repousse les nuages, il est serein dans ces lieux, tandis qu’il amène la pluie dans les lieux contraires. C’est de même aussi que le vent du midi est très serein dans les contrées de la Libye.

§ 28.[261]. Il y a donc beaucoup de cette substance dans la pluie qui tombe, et les eaux de l’automne sont salées ; car il faut nécessairement que les parties les plus lourdes tombent les premières, de sorte que celles où il y a une forte quantité de cette espèce de terre, tombent aussi le plus vite. § 29.[262]. C’est là en outre ce qui fait que la mer est chaude ; car tous les corps qui ont été comburés recèlent en eux de la chaleur en puissance. On peut vérifier ceci sur la poussière, sur la cendre et sur l’excrétion des animaux, sèche ou humide ; et l’excrétion des animaux dont l’estomac est le plus chaud, est aussi la plus chaude. § 30.[263]. C’est encore par cette cause que la mer devient toujours plus salée. Avec l’eau douce, une certaine partie de la mer est sans cesse enlevée ; mais cette partie est d’autant plus petite que dans la pluie la portion salée et amère est moindre que la portion douce ; et c’est ce qui fait qu’en somme il s’établit toujours une sorte d’égalité. § 31.[264]. C’est d’après l’expérience que nous soutenons qu’en se vaporisant l’eau devient potable, et que la partie vaporisée ne se résout pas en eau de mer lorsqu’elle se condense de nouveau. Il y a bien d’autres phénomènes du même genre. Ainsi le vin et toutes les autres liqueurs, lorsque après s’être vaporisés ils redeviennent liquides, sont de l’eau ; car toutes ces substances ne sont que des modifications de l’eau produites par un certain mélange ; et quelle que soit la chose ainsi mélangée, elle donne au résultat son goût particulier. § 32.[265]. Du reste, nous reviendrons sur ce sujet dans une occasion qui sera plus convenable. Qu’il nous suffise de dire ici qu’une fois la mer étant telle qu’elle est, il y a toujours une partie enlevée en haut qui devient potable, et qui, après s’être modifiée en une autre substance, retombe d’en haut sous forme de pluie, qui n’est plus ce qui a été d’abord enlevé, et que cette substance, par sa pesanteur, reste placée en dessous de la partie potable. § 33.[266]. C’est là ce qui fait que la mer ne disparaît jamais non plus que les fleuves, si ce n’est dans certains lieux particuliers ; et ce déplacement doit nécessairement arriver pour la mer aussi bien que pour la terre ; car les parties de la terre, ni celles de la mer ne restent pas toujours dans le même état. Mais c’est seulement la masse totale de l’une et de l’autre qui demeure ; et c’est là ce qu’il faut également supposer pour la terre. § 34.[267]. Ainsi donc, telle partie de la mer s’élève, telle autre au contraire redescend avec la pluie ; et les substances qui surnagent à la surface et celles qui s’enfoncent de nouveau, changent sans cesse réciproquement de place.

§ 35.[268]. Ce qui prouve bien que la salure de la mer tient à la mixtion de quelque substance, c’est tout ce que nous venons de dire d’abord, et ensuite l’expérience suivante. Si l’on place dans la mer un vase de cire modelé à cet usage, en en bouchant l’ouverture avec des matières que la mer ne puisse pénétrer, ce qui passe au travers des cloisons de la cire est de l’eau potable. § 36.[269]. La partie terreuse est repoussée comme par un crible, ainsi que ce qui par son mélange doit produire la salure. C’est cette partie aussi qui fait le poids et l’épaisseur de l’eau de mer, laquelle est plus lourde que l’eau bonne à boire. § 37.[270]. Son épaisseur est assez considérable pour que des navires qui, avec le même poids de chargement, sont presque submergés dans les fleuves, n’ont, une fois sur mer, que le chargement convenable pour bien naviguer. Aussi l’ignorance de ce fait a-t-elle souvent causé bien des dommages, parce que des navires étaient trop pleins en arrivant dans les fleuves. § 38.[271]. Ce qui prouve bien que l’épaississement de la mer tient au mélange de quelque substance particulière, c’est l’expérience qui suit. Si l’on rend de l’eau saumâtre en y mêlant beaucoup de sel, on voit que les œufs peuvent y surnager quoiqu’ils soient pleins ; car l’eau alors devient une espèce de boue. La mer a, dans sa masse, quelque chose d’également corporel ; et c’est là aussi ce qu’on fait dans les saumures. § 39.[272]. S’il est vrai, comme quelques-uns le racontent, qu’il y a dans la Palestine un lac de telle nature que si l’on y jette un animal ou un homme garrotté, il y surnage et ne s’enfonce pas sous l’eau, ce serait un témoignage de plus de ce que nous disons ici ; car on assure que l’eau de ce lac est tellement amère et tellement salée qu’aucun poisson n’y peut vivre, et qu’il suffit d’y agiter les vêtements en les y trempant pour les nettoyer.

§ 40.[273]. Tous ces faits ne font que confirmer ce que nous avons avancé en disant que c’est un corps spécial qui produit la salure, et que le principe qui compose ce corps est terreux. § 41.[274]. Ainsi, dans la Chaonie, il y a une source d’eau assez fortement salée qui s’écoule dans un fleuve voisin, dont l’eau est douce, mais qui n’a pas de poissons. Les habitants du lieu, comme leurs descendants le rapportent, préférèrent que la source leur produisit du sel plutôt que des poissons, quand Hercule, revenant de conduire les bœufs d’Érysthée, leur permit de choisir l’un ou l’autre. En effet, il suffit de faire chauffer cette eau et de la laisser reposer pour qu’après qu’elle est refroidie, et que la partie liquide s’est évaporée avec la chaleur, il se forme du sel, qui n’est point compact, mais qui est mou et léger comme de la neige. § 42.[275]. Ces sels sont plus faibles que les autres ; car il en faut une plus grande quantité pour saler, et ils n’ont pas une couleur aussi blanche. § 43.[276]. Il se présente un autre fait de ce genre dans l’Ombrie. En effet, il s’y trouve un lieu où poussent une sorte de roseau et de jonc, que l’on brûle et dont on jette la cendre dans l’eau qu’on fait bouillir ; lorsqu’elle est bien réduite par le feu, elle donne une quantité de sel assez notable.

§ 44.[277]. Tous les cours d’eau de fleuves ou de sources qui sont salés, ont dû, pour la plupart, être chauds autrefois, selon toute probabilité ; puis ensuite le principe du feu s’est éteint ; mais la terre au travers de laquelle ils filtrent est comme de la poussière et de la cendre. § 45.[278]. Il y a dans bien des endroits des sources et des cours d’eau qui ont toute espèce de goûts ; et il faut pour toutes en rapporter la cause à la force du feu qui y est ou qui y a été. Car la terre, selon qu’elle est plus ou moins brûlée, prend toutes les couleurs et toute sorte de goûts. § 46.[279]. La terre en effet s’imprègne des qualités de l’alun, de la chaux et de bien des corps semblables ; ces qualités diverses changent la nature des eaux douces qui les traversent en filtrant, et les rendent acides comme dans la Sicanie de Sicile. Il se forme en effet dans ce lieu une saumure dont on se sert en guise de vinaigre pour certains mets. § 47[280]. Il y a encore une source d’eau acide près de Lyncus ; et en Scythie on a trouvé une source saumâtre ; l’eau qui s’en écoule donne de l’amertume à tout le fleuve dans lequel elle se jette. Ces causes de la différence des eaux sont parfaitement évidentes. Mais nous avons traité dans un autre ouvrage spécial des différents goûts qui se forment suivant les différents mélanges.

§ 48.[281]. Voilà donc à peu près tout ce que nous avions à dire sur les eaux, et sur la mer, pour faire connaître par quelles causes elles se maintiennent telles qu’elles sont, ou viennent à changer. Nous avons expliqué aussi quelle en est la nature, et nous avons dit quels sont les phénomènes naturels qu’elles produisent ou qu’elles souffrent.


CHAPITRE IV.

Théorie générale des vents. — Des deux exhalaisons, l’humide et la sèche, c’est la sèche qui forme les vents. — Rapports des vents, de la pluie et de la sécheresse ; variations du temps. — Division des vents, en vents du nord et vents du midi ; leur marche.


§ 1.[282]. Parlons des vents en partant de ce principe que nous avons antérieurement énoncé, à savoir qu’il y a, ainsi que nous le disions, deux espèces d’exhalaisons : l’une humide, et l’autre sèche. La première est appelée vapeur ; l’autre dans sa totalité n’a pas reçu de nom. Mais en considérant les phénomènes particuliers, il sera nécessaire de l’appeler d’une manière générale une sorte de fumée. § 2.[283]. L’humide n’existe point sans le sec, ni le sec sans l’humide. Tous ces termes s’adressent d’ailleurs à l’état le plus élevé du phénomène. § 3.[284]. Le soleil marche circulairement, et quand il s’approche de la terre, il attire par sa chaleur l’humidité ; mais quand il s’éloigne, la vapeur qui a été enlevée se condense derechef en eau par le refroidissement. Aussi y a-t-il plus de pluie en hiver qu’en été, plus dans la nuit que dans le jour. Mais on ne s’en aperçoit pas, parce qu’on remarque moins les pluies nocturnes que les pluies qui ont lieu dans le jour. L’eau qui tombe se répartit et filtre tout entière dans la terre. § 4.[285]. Or il y a dans la terre beaucoup de feu et une grande chaleur ; et le soleil attire, non seulement l’humide qui est à la surface, mais aussi il dessèche par sa chaleur la terre elle-même. § 5.[286]. Or l’exhalaison étant double, ainsi que je viens de le dire, l’une de vapeur, l’autre de fumée, il faut nécessairement que les deux se produisent. De ces deux exhalaisons, l’une qui a plus d’humide est l’origine de l’eau qui tombe en pluie, comme on l’a vu plus haut ; l’autre qui est sèche est le principe et l’élément naturel de tous les vents.

§ 6.[287]. On peut voir par l’observation même des faits qu’il faut nécessairement que les choses se passent ainsi. D’abord il faut de toute nécessité que l’exhalaison diffère ; et de plus, le soleil et la chaleur qui est dans la terre peuvent non seulement produire tous ces phénomènes, mais doivent nécessairement les produire. § 7.[288]. Puisque l’espèce de l’une et de l’autre exhalaison est distincte, il faut qu’elles diffèrent ; et la nature du vent et celle de l’eau de pluie ne sont pas identiques, comme quelques-uns l’affirment, en soutenant que c’est le même air qui, en mouvement, est le vent, et qui, en se condensant de nouveau, fait la pluie. § 8.[289]. Ainsi l’air, comme nous l’avons dit dans nos recherches antérieures à celle-ci, se forme de ces divers éléments. La vapeur est humide et froide. D’abord il est facile de comprendre qu’elle soit humide, puisque venant de l’eau, elle est froide par sa propre nature, comme l’est aussi l’eau non échauffée. Quant à la fumée, elle est chaude et sèche. Ainsi donc l’air est composé de deux parties qui, en quelque sorte, se rejoignent ; et il est à la fois humide et chaud. § 9.[290]. Mais il est absurde de supposer que cet air répandu autour de chacun de nous est du vent quand il est agité, et qu’il y a du vent selon le côté d’où il se trouve mis en mouvement, au lieu de croire qu’il en est ici comme pour les fleuves. Ainsi de même que nous n’admettons pas qu’il y ait fleuve par cela seul qu’il y a de l’eau qui coule, même en grande quantité, mais qu’il faut en outre que cette eau qui coule vienne d’une source, de même aussi pour les vents, puisqu’une grande quantité d’air qui n’a ni principe ni source pourrait recevoir un mouvement par une puissante impulsion.

§ 10.[291]. Les faits témoignent de la vérité de cette théorie. Comme il y a perpétuellement une exhalaison plus ou moins forte, plus ou moins grande, il y a perpétuellement aussi dans chaque saison des nuages et des vents, selon des changements naturels. Mais comme parfois c’est l’exhalaison vaporeuse qui est plus considérable, parfois la sèche et la fumeuse, il en résulte que les années sont tantôt pluvieuses et humides, et tantôt venteuses et sèches. § 11.[292]. Il arrive donc quelquefois que les sécheresses et les pluies sont tout ensemble abondantes et répandues dans toute la continuité d’un pays ; parfois elles n’ont lieu que dans des parties seulement ; souvent une contrée reçoit tout alentour les pluies ordinaires de la saison ou même davantage ; et pourtant dans une de ses parties, il y a sécheresse.

§ 12.[293]. Souvent au contraire, toute la contrée environnante n’ayant reçu que peu de pluie, ou plutôt même étant à sec, il arrive que telle partie reçoit à elle seule une masse d’eau considérable. En voici la cause : il semble bien en effet qu’un même phénomène devrait affecter d’ordinaire la plus grande partie du pays, puisque les lieux qui se touchent sont dans une même position par rapport au soleil ; mais c’est qu’ils ont quelque différence spéciale. § 13.[294]. Parfois cependant c’est dans cette partie même que l’exhalaison sèche a été la plus considérable, tandis que l’exhalaison vaporeuse l’était davantage dans une autre ; ou bien, à l’inverse. § 14.[295]. Ce qui peut encore produire ce phénomène, c’est que l’une et l’autre exhalaison tombent, en se déplaçant, sur l’exhalaison de la région qui est contiguë ; et par exemple l’exhalaison sèche s’écoule dans la région qui lui est propre, tandis que l’humidité s’écoule vers la région voisine ; ou bien même elle est poussée par les vents dans quelque place éloignée. Parfois l’une des exhalaisons demeure en place, et l’exhalaison contraire en fait autant. § 15.[296]. Cela se répète plusieurs fois ; et de même que pour le corps, la cavité supérieure étant sèche, celle d’en bas est dans un état contraire, ou celle-ci étant sèche, celle d’en haut est humide et froide, de même les exhalaisons se permutent et changent de place.

§ 16.[297]. On peut remarquer encore qu’après les pluies, le vent souffle le plus souvent dans les lieux où tombe la pluie, et que les vents cessent dès que la pluie vient à tomber. § 17.[298]. Ces phénomènes se produisent nécessairement d’après les principes qui viennent d’être indiqués. Ainsi, quand il a plu, la terre, séchée par la chaleur qui est en elle et par la chaleur qui vient d’en haut, transpire des vapeurs, c’est là le corps du vent ; et quand cette sécrétion a lieu, les vents soufflent. Puis quand ils cessent, parce que la chaleur, qui se sécrète toujours, est portée dans la région supérieure, la vapeur refroidie se condense et devient de l’eau. § 18.[299]. Lorsque les nuages sont rassemblés dans un même lieu, et que le froid environnant les pénètre, l’eau se forme et refroidit l’exhalaison sèche. Ainsi les pluies en tombant abattent les vents ; et quand les vents s’apaisent, les pluies se produisent par des causes semblables.

§ 19.[300]. C’est encore cette même cause qui fait que les vents viennent le plus souvent du plein nord et du midi, parce qu’en effet la plupart des vents viennent de l’un ou l’autre point. § 20.[301]. C’est que ce sont là les seuls lieux que le soleil ne parcourt pas ; mais il s’en approche ou il s’en éloigne, toujours porté vers le couchant ou vers l’orient. Aussi les nuages se forment sur les côtés ; et quand le soleil s’approche il y a évaporation de l’humide ; et quand il s’éloigne vers le lieu contraire, il y a des pluies et des frimas.

§ 21.[302]. C’est par le mouvement qui porte le soleil vers les Tropiques, et qui l’en écarte, que se forment l’été et l’hiver ; et que l’eau est enlevée en haut et revient ensuite. § 22.[303]. Comme il tombe la plus grande quantité de pluie dans les lieux vers lesquels marche le soleil et desquels il s’éloigne, c’est-à-dire le nord et le sud, il faut nécessairement que là où la terre reçoit le plus d’eau, là aussi l’exhalaison soit la plus considérable, à peu près comme il sort plus de fumée des bois verts. Or, comme cette exhalaison même est le vent, il est tout naturel que ce soit aussi de là que soufflent les vents les plus fréquents et les plus forts. § 23.[304]. On appelle ceux qui viennent du nord des aquilons, et ceux qui viennent du midi, des austers. Leur direction est oblique ; car ils soufflent autour de la terre, tandis que l’exhalaison se produit en ligne droite, parce que tout l’air circulaire suit en masse cette direction.

§ 24.[305]. C’est là ce qui fait qu’on peut être en doute sur l’origine des vents et se demander si c’est d’en haut ou d’en bas qu’ils viennent ; car le mouvement vient d’en haut, et il a lieu avant qu’ils ne soufflent ; l’air alors s’éclaircit, s’il y a des nuages ou du brouillard. Cela prouve en effet que le principe du vent est mis en mouvement avant même que le vent proprement dit ne soit parfaitement sensible, comme si les vents tiraient leur origine d’en haut. § 25[306]. Mais comme le vent n’est qu’une certaine quantité de l’exhalaison sortie de la terre sèche, et qui se meut autour de la terre, il est évident que le principe du mouvement vient d’en haut, et que celui de la matière du vent et de sa génération vient d’en bas ; car là où s’écoulera ce qui s’élève, de là viendra la cause, puisque c’est la révolution des matières plus éloignées qui domine la terre. Mais en même temps le mouvement d’ascension d’en bas se fait en ligne droite ; et toute chose a d’autant plus de force qu’elle est plus proche ; mais évidemment le principe de la génération des vents vient de la terre.

§ 26.[307]. On peut du reste se convaincre par l’observation des faits que les vents se forment de plusieurs exhalaisons réunies peu à peu, de même que les sources des fleuves se forment par les suintements de la terre ; car à leur point de départ les vents sont toujours les plus faibles ; mais à mesure qu’ils avancent en prolongeant leur course, ils soufflent avec plus d’éclat et de force. § 27.[308]. De plus les régions septentrionales sont en hiver calmes et sans aucun vent sur les lieux mêmes ; mais le vent qui en souffle d’abord faiblement et sans qu’on le sente, à mesure qu’il s’avance en dehors de ces lieux devient un vent de plus en plus éclatant et sensible.

§ 28.[309]. Nous avons donc expliqué quelle est la nature du vent, et comment il se forme ; nous avons parlé des sécheresses et de inondations de pluies. Nous avons dit encore pourquoi les vents s’apaisent et se forment après les pluies, et pourquoi la plupart des vents sont ou du nord ou du midi ; enfin nous avons traité de leur marche.


CHAPITRE V.

Influence du soleil et des astres sur les vents ; régime des vents étésiens du nord et du midi. — Rapports des vents à la configuration de la terre ; détails géographiques ; voyages et descriptions ; Pôles arctiques et antarctiques ; étendue des vents du nord et du midi ; les moussons.


§ 1.[310]. Le soleil apaise tout à la fois les vents et les fait lever. Ainsi il dissipe les exhalaisons qui sont faibles et peu nombreuses, et il dissout par la chaleur plus forte qu’il possède, la chaleur moindre qui est dans l’exhalaison. De plus, en desséchant la terre, il prévient la sécrétion avant qu’elle ne s’accumule, de même que, si dans un feu violent on jette une petite quantité de combustible, il peut souvent y être consumé avant de faire la moindre fumée. § 2.[311]. C’est donc par ces causes que le soleil abat les vents, et qu’il les empêche de se former, les abattant parce qu’il consume l’exhalaison, et les empêchant de se former par la rapidité de la dessiccation. C’est là ce qui fait qu’il y a absence de vent d’ordinaire au lever d’Orion, et jusqu’à l’époque des vents étésiens et des précessions. § 3[312]. En général, les calmes tiennent à deux causes : ou bien c’est que l’exhalaison est éteinte par le froid, comme lorsqu’il y a une forte gelée, ou bien c’est qu’elle est dissipée par la chaleur. La plupart des calmes ont lieu dans les saisons intermédiaires, soit que l’exhalaison ne soit pas encore formée, soit que l’exhalaison qui s’est faite soit déjà dissipée, et qu’une autre ne soit pas encore venue prendre sa place. § 4.[313]. Mais Orion, quand il se couche, comme lorsqu’il se lève, semble être incertain et défavorable, parce que sa disparition ou son apparition tombe à l’époque du changement de saison, soit en été, soit en hiver ; et la grandeur de l’astre fait que cette indécision dure plusieurs jours. Mais les changements en toutes choses sont accompagnés de désordres, à cause de leur indétermination. § 5.[314]. Les vents étésiens soufflent après les solstices et le lever du Chien ; et ils ne soufflent point autant, ni lorsque le soleil est le plus rapproché ni lorsqu’il est le plus éloigné de nous. Ils soufflent le jour et s’apaisent la nuit ; et la cause en est que le soleil, lorsqu’il est proche, sèche rapidement l’exhalaison avant même qu’elle ne se forme. § 6.[315]. Mais pour peu qu’il s’éloigne, la chaleur et l’exhalaison deviennent alors modérées, de sorte que les matières coagulées se liquéfient, et que la terre desséchée, et par sa chaleur propre et par celle du soleil, fume et s’évapore ; à la nuit ils tombent, parce que les coagulations cessent de fondre à cause du froid des nuits. Or, un corps coagulé et tout corps qui n’a pas quelque chose de sec, ne s’évapore pas ; mais lorsqu’un corps sec a de l’humidité, il s’échauffe et se vaporise.

§ 7.[316]. Quelques-uns se sont demandé pourquoi les vents du nord sont continus, ceux du moins que nous appelons étésiens, après le solstice d’été, et pourquoi les vents du midi ne le sont pas de même, après le solstice d’hiver. Il n’y a rien là qui ne soit parfaitement explicable. Les vents qu’on appelle les vents blancs du midi (sud-sud-ouest) viennent bien dans la saison opposée. Mais ils ne sont pas aussi continus ; et dès lors comme on les sent à peine, c’est ce qui peut donner lieu au doute. § 8.[317]. La cause en est que le vent du nord souffle des contrées placées sous la grande Ourse, lesquelles sont pleines d’eau et d’une masse de neige ; et quand ces masses sont fondues par le soleil, les vents étésiens soufflent plus violemment après les solstices d’été qu’à l’époque même du solstice. C’est aussi de cette même façon que se manifestent les fortes chaleurs, qui ont lieu non pas lorsque le soleil est le plus rapproché du nord, mais lorsqu’il y a plus de temps qu’il échauffe et qu’il en est encore assez proche. § 9.[318]. C’est encore par la même cause que les vents Ornithies soufflent après le solstice d’hiver ; car ces espèces de vents ne sont que des étésiens affaiblis ; or ils soufflent plus tard et moins fort que les vents étésiens ordinaires. Ce n’est que le soixante-dixième jour qu’ils commencent à souffler, parce que le soleil qui est alors éloigné a moins de force. S’ils ne soufflent pas non plus d’une manière continue, c’est que les matières qui sont à la surface et qui sont faibles, sont plus dissoutes, et que les matières qui sont alors coagulées ont besoin de plus de chaleur pour se fondre. Aussi ne soufflent-ils que par intervalles, jusqu’à ce que de nouveau les vents étésiens ordinaires soufflent au solstice d’été ; car c’est surtout à partir de cette époque que le vent souffle sans aucune interruption.

§ 10.[319]. Le vent du midi souffle du solstice d’été ; mais il ne vient pas de l’autre pôle ; car on peut faire deux sections de la terre habitable, l’une tournée vers le pôle supérieur qui est le nôtre, la seconde vers l’autre pôle et vers le midi, et qui a la forme d’un tambour. Les lignes menées du centre de la terre lui donnent cette figure en la coupant, et forment deux cônes, dont l’un a pour base le tropique, et dont l’autre a pour base la ligne qui est constamment visible, leur sommet étant au centre de la terre. § 11.[320]. Tout de même vers le pôle inférieur, deux autres cônes forment les sections de la terre. Ce sont les seules parties qui puissent être habitées, et elles ne sont pas au-delà des tropiques ; car l’ombre ne serait plus tournée vers le nord ; et maintenant ces lieux deviennent inhabitables, avant même que l’ombre ne manque ou ne tourne au midi. Du reste, c’est le froid qui rend inhabitables les régions placées sous la grande Ourse. § 12.[321]. La Couronne va aussi jusque dans ce lieu ; car elle semble être au-dessus de nos têtes, quand elle est dans le cercle méridien. § 13.[322]. C’est pourquoi les dessins qu’on fait aujourd’hui des grandes régions de la terre sont vraiment ridicules. On représente la partie de la terre habitée comme ronde ; et cela est impossible, et d’après les faits observés et d’après le simple raisonnement. La raison démontre que la partie habitable est limitée en latitude, et cette partie peut être regardée comme circulaire par la température mélangée qui y règne. En effet la chaleur et le froid ne sont pas excessifs en longitude ; mais ils le sont en latitude, de sorte qu’on peut la parcourir tout entière en ce premier sens, si l’immensité de la mer n’en empêche pas quelque part. C’est ce que prouvent les faits observés dans les voyages par mer et par terre. § 14.[323]. La longitude en effet l’emporte de beaucoup en longueur sur la latitude ; et la ligne qui s’étend des colonnes d’Hercule jusqu’à l’Inde, est en longueur dans la proportion de plus de cinq à trois relativement à la ligne qui va de l’Éthiopie au Palus Méotide et aux dernières contrées de la Scythie, si l’on calcule les navigations et les voyages terrestres, avec la sorte d’exactitude que comportent les faits de ce genre. § 15.[324]. Cependant nous savons qu’en latitude nous connaissons la terre habitable jusqu’aux parties qui ne le sont plus. D’une part, elle ne peut être habitée à cause du froid ; et d’autre part, à cause de la chaleur. Mais les parties qui sont en dehors de l’Inde et des Colonnes d’Hercule ne semblent pas, à cause de la mer, pouvoir se rejoindre de telle sorte que toute la terre habitable soit absolument continue.

§ 16.[325]. Il n’en est pas moins nécessaire qu’il y ait un certain lieu qui soit, par rapport à l’autre pôle, comme le lieu que nous habitons est par rapport au pôle qui est au dessus de nous ; et il est évident que la situation des vents, ainsi que tout le reste, y sera déterminée d’une manière analogue. Ainsi, de même qu’il y a ici un vent du nord, de même il doit y avoir pour ces lieux aussi un certain vent qui vient de l’Ourse, qui y est aussi placée ; mais ce vent ne peut venir jusqu’ici, puisque notre vent du nord ne parcourt même pas toute la partie de la terre habitable où nous sommes. § 17[326]. Le vent du nord en effet est comme une émanation locale [jusqu’à ce que l’aquilon souffle sur la partie de la terre que nous habitons ]. Mais comme cette partie de la terre habitable est située vers le nord, ce sont presque toujours les vents du nord qui y soufflent. § 18.[327]. Et pourtant, même dans cette région, le vent du nord faiblit et ne peut pas aller bien loin, puisque dans la mer méridionale, qui est en dehors de la Libye, soufflent toujours, en se succédant sans cesse les uns aux autres, les vents d’est et les vents d’ouest, comme soufflent pour nous les vents du nord et les vents du sud. § 19.[328]. Il est donc évident que notre vent du midi n’est pas le vent qui souffle de l’autre pôle ; et si le vent du sud n’est pas ce vent-là, ce n’est pas non plus celui qui souffle du solstice d’hiver ; car il faudrait qu’il y en eût un autre qui soufflât du solstice d’été, ce qui rétablirait alors l’équilibre ; mais il n’en est point ainsi. Il n’y a en effet qu’un seul vent évidemment qui souffle de ces lieux, de sorte qu’il faut nécessairement que le vent du midi soit le vent qui souffle de la région brûlante. § 20.[329]. Ce lieu à cause de la proximité du soleil n’a pas d’eaux et d’éléments qui, par leur condensation, paraissent produire les vents étésiens. Mais comme ce lieu est beaucoup plus vaste et plus étendu, le vent du midi qui en vient est beaucoup plus fort, beaucoup plus fréquent, en même temps que plus desséchant que le vent du nord ; et il s’étend plus ici que ce dernier ne s’étend là-bas.

§ 21[330]. Nous avons dit quelle est la cause de ces vents, et quels sont les rapports des uns aux autres.


CHAPITRE VI.

Position générale des vents ; leur nombre, leurs dénominations. Réduction de tous les vents à deux espèces principales. — Influence des vents sur les variations du temps ; leurs actions diverses.


§ 1.[331]. Il nous faut expliquer maintenant quelle est la position des vents divers, quels sont les vents qui sont contraires entre eux, quels sont ceux qui peuvent souffler à la fois, et ceux qui ne le peuvent pas, quelle est la nature des vents et quel en est le nombre ; et nous traiterons en outre de tous les détails qui n’ont pu être exposés dans les Questions particulières.

§ 2.[332]. Pour bien comprendre ce que nous dirons de leur position, il faut nous suivre sur le dessin ci-joint. Afin de rendre ceci plus clair, nous avons tracé le cercle de l’horizon ; et voilà pourquoi nous le faisons rond. Mais il faut se figurer en outre qu’il ne s’agit ici que d’une seule de ses sections, celle qui est habitée par nous ; car on pourra la diviser de la même façon. § 3.[333]. Rappelons-nous d’abord que les choses contraires par le lieu sont celles qui, par le lieu qu’elles occupent, sont les plus éloignées l’une de l’autre, de même que les choses contraires en espèce sont les plus éloignées en espèce aussi. Or les choses les plus éloignées suivant le lieu sont celles qui sont entre elles opposées diamétralement. § 4.[334]. Soit donc A pour l’occident équinoxial ; et le lieu contraire, B, l’orient équinoxial. Sur un autre diamètre coupant celui-ci à angle droit, soit G le nord ; et le point contraire en sens contraire, H, le midi. F sera l’orient d’été, comme E sera l’occident d’été, D l’orient d’hiver, et C l’occident d’hiver. De F, menez un diamètre en C, et de D en E


§ 5.[335]. Puisque les points les plus éloignés suivant le lieu sont ce qu’on appelle les contraires suivant le lieu, et que les points les plus éloignés le sont suivant le diamètre, il en résulte nécessairement que les vents sont contraires les uns aux autres, quand c’est suivant le diamètre qu’ils sont opposés entre eux. § 6.[336]. Voici les noms que l’on donne aux vents selon la position des lieux : vent d’ouest, zéphyre, celui qui vient de A ; c’est l’occident équinoxial. Le contraire de celui-là, l’Aphéliote, souffle de B ; car B est l’orient équinoxial. Le Borée et le vent de l’Ourse soufflent de G ; car c’est là qu’est la grande Ourse. Le vent contraire à celui-là, le vent du midi, souffle de H. C’est du midi qu’il souffle, et H est contraire à G ; car il lui est diamétralement opposé. § 7[337]. De F, c’est le Cæcias qui souffle, (le vent du nord-est) ; car c’est l’orient d’été. Le contraire du Cæcias n’est pas celui qui souffle de E, mais celui qui souffle de C, le Lips, (le vent du sud-ouest) ; car il souffle de l’occident d’hiver, et il lui est contraire, puisqu’il lui est diamétralement opposé. De D vient l’Eurus (vent du sud-est) ; car il souffle de l’orient d’hiver, et il se rapproche du vent du sud ; et c’est là ce qui fait qu’on dit que les vents du sud-sud-est soufflent souvent. Le contraire de celui-là n’est pas le vent qui souffle de C, le Lips (vent du sud-ouest), mais celui qui vient de E, et que l’on appelle tantôt Argeste, tantôt Olympias, tantôt Sciron ; car ce veut souffle de l’occident d’été, et c’est le seul qui soit diamétralement opposé au vent de sud-est.

§ 8.[338]. Tels sont donc les vents qui sont opposés les uns aux autres diamétralement, et qui ont des contraires. Il y en a encore d’autres où les directions ne sont pas contraires aussi précisément. Ainsi de I, souffle le vent qu’on appelle Thrascias, et qui tient le milieu entre l’Argeste et le vent du nord. De K souffle celui qu’on appelle le Mésés ou Moyen, et qui l’est en effet entre le Ceecias (le nord-est) et le nord. Le diamètre IK est à peu près suivant le cercle qui est toujours visible ; mais il n’y est pas tout à fait exactement. § 9.[339]. Or il n’y a pas de contraires pour ces vents, ni pour le Thrascias ni pour le Moyen ; car il faudrait pour le Moyen qu’il en soufflât un de M, qui est le point diamétralement opposé ; ni pour I, le Thrascias ; car il faudrait qu’il en soufflât un du point N, qui lui est opposé diamétralement. Toutefois, s’il n’en souffle pas un de ce point précisément, il y en a un qui souffle d’un point très voisin et que les habitants de ces contrées nomment le Phénicias.

§ 10.[340]. Tels sont donc les principaux vents qui ont été déterminés, et telle est leur disposition générale. S’il y a plus de vents venant des lieux du nord qu’il n’y en a venant des lieux du midi, c’est que la terre habitée est située sous ces premières régions, et qu’aussi il y a beaucoup plus d’eau et de neige repoussées dans ces régions, parce qu’elles sont sous le soleil et sous son cours. L’eau et la neige venant à fondre et à s’infiltrer dans la terre, et étant échauffées par le soleil et par la terre, il faut nécessairement par cette cause que l’évaporation soit plus considérable, et se produise sur une beaucoup plus vaste étendue.

§ 11.[341]. De tous les vents qu’on vient de nommer, le plus distinct est le Borée, qu’on appelle aussi le vent de l’Ourse. Le Thrascias participe de l’Argeste et du Moyen ; le Cæcias, de l’Aphéliote et du Borée. On appelle vent du midi à la fois celui qui vient directement du midi, et celui du sud-ouest, le Lips. On appelle Aphéliote à la fois et celui qui vient de l’orient équinoxial, et l’Eurus ou vent de sud-est. Le nom de Phénicias est commun à plusieurs vents ; et l’on appelle vent d’ouest à la fois et celui qui vient réellement de l’ouest, et celui qu’on nomme Argeste. § 12.[342]. D’une manière générale, on peut diviser les vents en vents du nord et vents du midi. On met les vents d’ouest avec ceux du nord ; car ils sont plus froids, parce qu’ils soufflent de l’occident ; et l’on met avec le vent du midi tous ceux qui viennent de l’est, parce qu’ils sont plus chauds, attendu qu’ils soufflent de l’orient. § 13.[343]. C’est donc en déterminant les vents par le froid et la chaleur et par la douceur de température, qu’on les a dénommés, comme on vient de le voir. Ceux qui soufflent de l’est sont plus chauds que ceux qui soufflent de l’ouest, parce que ceux qui viennent de l’est sont plus longtemps sous le soleil. Quant à ceux qui viennent de l’ouest, le soleil cesse plus vite ; et il ne se rapproche que plus tard du lieu d’où ils soufflent.

§ 14.[344]. Les vents étant donc ainsi rangés, il est évident que les vents contraires ne peuvent pas souffler en même temps ; en effet, puisqu’ils sont diamétralement opposés, il faudrait que l’un des deux cessât forcément de souffler. Mais ceux qui ne sont pas disposés de cette façon, les uns par rapport aux autres, peuvent parfaitement souffler à la fois. Ainsi F et D. C’est là ce qui fait que parfois deux vents favorables soufflent ensemble pour pousser un navire vers le même lieu, et ils ne viennent pas du même point de l’horizon et ne se confondent pas en un seul vent. § 15.[345]. Ce sont, pour les saisons contraires, les vents contraires qui soufflent le plus. Ainsi à l’équinoxe de printemps, c’est le Cæcias, et en général tous les vents posés au-delà du tropique d’été ; et à l’équinoxe d’automne, ce sont les vents du sud-ouest ; au solstice d’été, le vent d’ouest ; et celui de sud-est, au solstice d’hiver.

§ 16.[346]. Ce sont le plus généralement les vents du nord, les Thrascias et les Argestes, qui surviennent après les autres vents et les font cesser ; car s’ils sont si fréquents et s’ils soufflent si violemment, c’est que leur point de départ est très proche. Aussi sont-ils les plus sereins de tous les vents. Soufflant de près, ils ont d’autant plus de force et ils suppriment les autres vents ; et dispersant les nuages condensés, ils amènent le beau temps, à moins qu’en même temps ils ne soient très froids. § 17.[347]. Alors en effet ils ne sont pas sereins ; car s’ils sont plus froids que forts, ils déterminent la condensation avant d’avoir chassé les nuages. Le Cæcias n’est pas serein, parce qu’il les ramène sur lui-même, d’où vient le proverbe populaire : « Il tire tout à lui, comme le Cæcias attire le nuage » § 18.[348]. Lorsque les vents viennent à cesser, les changements dans ceux qui les suivent ont lieu suivant le déplacement du soleil, parce que c’est ce qui touche le principe qui reçoit le mouvement le plus fort ; et le principe des vents est mis en mouvement juste comme le soleil lui-même.

§ 19.[349]. Les vents contraires, produisent, ou le même effet que leurs opposés, ou un effet contraire. Ainsi le Lips, le vent du sud-ouest, et le Cæcias, que l’on appelle aussi Hellespontin, sont humides, ainsi que le vent d’est, l’Eurus, qu’on appelle aussi Aphéliote. L’Argeste et le vent d’est sont secs ; et ce dernier est sec au début, et aqueux à la fin. Le Moyen, et surtout le vent du nord, sont neigeux ; car ils sont les plus froids de tous. Le vent du nord amène de la grêle, ainsi que le Thrascias et l’Argeste. Le vent du midi, le vent d’ouest et le vent d’est sont chauds. § 20.[350]. Le Cæcias charge le ciel de nuages épais. Avec le Lips, vent du sud-ouest, les nuages sont moins condensés ; et pour le Cæcias, c’est parce qu’il les fait revenir sur lui-même et qu’il participe du vent du nord et du vent d’est, de telle sorte que, par son froid, condensant l’air qui s’évapore, il le forme en nuages ; et comme par sa place il se rapproche des vents d’est, il amène beaucoup de matières et de vapeurs qu’il chasse devant lui. Le vent du nord, le Thrascias et l’Argeste sont sereins ; et nous en avons dit antérieurement la cause. § 21.[351]. Ce sont ces derniers et le Moyen qui amènent le plus souvent les éclairs. Ils sont froids, parce qu’ils soufflent de près ; et c’est par le froid que se forme l’éclair ; car il est expulsé des nuages, quand ils se réunissent. C’est là ce qui fait aussi que quelques-uns de ces vents amènent la grêle, parce qu’ils produisent une rapide congélation. § 22[352]. Ils deviennent tempétueux surtout à l’automne, puis au printemps ; et ce sont particulièrement les vents du nord, le Thrascias et l’Argeste. Ce qui rend les vents tempétueux, c’est surtout quand des vents surviennent au milieu d’autres vents qui soufrent ; et ce sont spécialement les vents que je viens de désigner qui surviennent ainsi. Nous en avons encore dit antérieurement la cause.

§ 23.[353]. Les vents étésiens oscillent, pour ceux qui habitent vers l’occident, de vents du nord en vents Thrascias, Argestes, et Zéphyres ; car le Zéphyre (vent d’ouest) tient aussi du nord ; et les vents étésiens commencent par le nord et finissent dans les vents éloignés de ce point. Pour ceux qui habitent l’est, les vents étésiens oscillent et s’étendent jusqu’à l’Aphéliote.

§ 24.[354]. Voilà tout ce que nous avions à dire sur les vents, sur leur production à partir de leur origine, sur leur nature, sur leurs caractères généraux et sur le caractère particulier de chacun d’entre eux.


CHAPITRE VII.

Des tremblements de terre. Théories erronées d’Anaxagore, de Démocrite et d’Anaximène ; quelques objections.


§ 1[355]. Après ce qui précède, il faut traiter du tremblement de terre et du mouvement de la terre ; car la cause de ce phénomène est d’une espèce fort voisine de celles qu’on vient d’expliquer. Jusqu’à présent, il y en a trois explications, qui ont été données par trois auteurs différents. Anaxagore de Clazomènes, et avant lui Anaximène de Milet, en avaient proposé chacun une ; et après eux, Démocrite d’Abdère a proposé la sienne.

§ 2[356]. Anaxagore dit donc que l’éther, qui par sa nature se porte en haut, venant à tomber en bas dans les profondeurs de la terre, la remue jusque dans ses entrailles. Les parties supérieures, suivant lui, sont imprégnées par les pluies qui les enduisent ; et tout en admettant que par sa nature la terre est partout également spongieuse, il croit que la sphère a dans sa totalité un haut et un bas, le haut étant la partie que nous habitons, et le bas étant l’autre partie. § 3[357]. Contre cette explication, il n’y a rien à dire, précisément parce qu’elle est par trop naïve. Comprendre le haut et le bas de telle façon que tous les corps qui ont du poids ne seraient pas de tous côtés portés vers la terre, et les corps légers et le feu portés vers le haut, c’est par trop simple ; c’est aller contre le témoignage de nos yeux, qui nous font voir que le cercle qui borne la terre habitable, aussi loin que nous la connaissons, varie sans cesse à mesure que nous changeons nous-mêmes de place, la terre étant convexe et sphérique. § 4[358]. Dire qu’à cause de sa masse elle demeure dans l’air, et soutenir que le tremblement de terre vient de ce qu’elle est frappée de bas en haut dans sa totalité, ce n’est pas moins étrange. De plus dans cette théorie, Anaxagore ne rend compte d’aucune des circonstances qui accompagnent les tremblements de terre ; car tous les pays, toutes les saisons ne participent pas à cette commotion au hasard et indistinctement.

§ 5[359]. Quant à Démocrite, il soutient que la terre est pleine d’eau, et que quand elle en reçoit encore une quantité nouvelle par la pluie, elle est ébranlée par toute cette masse liquide. En effet devenant trop considérable pour que les entrailles de la terre la puissent contenir, elle produit, en sortant violemment, le tremblement de terre ; puis, la terre étant desséchée et attirant dans les lieux vides l’eau qui vient des lieux trop pleins, l’eau qui change de place cause en tombant cette grande commotion.

§ 6[360]. Pour Anaximène, il soutient que la terre d’abord imbibée, et se desséchant ensuite, se brise, et que le tremblement est causé par ces montagnes brisées qui tombent ainsi sur la terre par fragments. Selon lui, voilà pourquoi les tremblements de terre ont lieu dans les sécheresses et aussi durant les pluies excessives ; dans les sécheresses, la terre se fend comme on l’a dit ; et elle s’éboule lorsqu’elle est par trop imbibée d’eau. § 7[361]. Si cela se passait comme le vent Anaximène, il faudrait qu’on observât dans bien des lieux la terre revenir sur elle-même. Et de plus comment alors se fait-il que ce phénomène se reproduise fréquemment dans certains lieux qui, d’ailleurs, n’ont pas le moins du monde cette surélévation dont on parle, comparativement aux autres ? Et pourtant, il le faudrait d’après cette théorie.

§ 8[362]. Toute cette explication suppose nécessairement que les tremblements de terre doivent toujours devenir de moins en moins forts et qu’enfin la terre cessera de trembler ; car tout ce qui se tasse en doit arriver là naturellement. Par conséquent, si cela est impossible, il est bien évident aussi qu’il est impossible que ce soit là la vraie cause du phénomène.


CHAPITRE VIII.

Théorie nouvelle des tremblements de terre : c’est l’air renfermé dans la terre qui les produit. — Circonstances qui accompagnent les tremblements de terre. — Observations diverses.


§ 1. Mais puisque évidemment il y a nécessité que l’exhalaison se forme tout à la fois, ainsi que nous l’avons dit antérieurement, et de l’humide et du sec, de même il y a nécessité que, du moment que ces phénomènes se produisent, il y ait des tremblements de terre. Par elle-même, la terre est sèche ; mais par les pluies, elle acquiert beaucoup d’humidité intérieure. Il en résulte qu’échauffée par le soleil et par le feu qu’elle a dans son sein, il se forme tant au dehors qu’au dedans d’elle beaucoup de souffle ou de vent. Tantôt ce souffle s’échappe tout entier au dehors d’une manière continue ; tantôt il s’écoule tout entier en dedans ; et d’autres fois, il se partage. § 2. Si donc il est impossible qu’il en soit autrement, il ne resterait plus après cela qu’à rechercher quel est, entre tous les corps, celui qui est le plus capable de donner le mouvement. C’est nécessairement celui qui par sa nature va le plus loin, et qui est le plus violent. § 3. Le plus violent est de toute nécessité celui qui dans sa course est animé de plus de vitesse ; car c’est celui dont le choc est le plus fort, à cause de sa rapidité. Or le corps qui naturellement va le plus loin est celui qui peut le plus aisément traverser toutes choses ; et c’est le corps le plus léger qui remplit cette condition. Par conséquent, si la nature du vent est bien telle en effet, c’est le vent qui est le plus moteur de tous les corps ; car le feu, lorsqu’il est réuni avec le vent, devient de la flamme, et il a un mouvement rapide. § 4. Ce n’est donc ni l’eau ni la terre qui est cause du tremblement ; ce serait le vent, lorsque celui qui s’est évaporé au dehors se trouve refluer en dedans. Voilà pourquoi la plupart des tremblements de terre, et les plus violents, se produisent quand les vents ne soufflent pas. C’est que l’exhalaison, qui est continue, suit la plupart du temps l’impulsion du principe, de telle sorte qu’elle se précipite tout entière en masse, soit en dedans, soit en dehors. § 5. Du reste, il n’y a rien d’étonnant que parfois les tremblements de terre se produisent en même temps que les vents règnent. Nous voyons en effet quelquefois plusieurs vents souffler ensemble, et lorsque l’un d’eux vient à s’élancer dans la terre, le tremblement de terre avoir lieu pendant que le vent souffle. Mais ces tremblements sont beaucoup plus faibles, parce que leur principe et leur cause se trouvent alors divisés.

§ 6.C’est pendant la nuit que se produisent le plus souvent les tremblements de terre, et qu’ils sont les plus forts ; et ceux de jour ont lieu vers le milieu du jour ; car le midi est en général l’heure du jour à laquelle il y a le moins de vent. C’est que le soleil, quand il a le plus de force, refoule et renferme l’exhalaison dans la terre ; or c’est vers midi qu’il a le plus de force ; et les nuits sont plus calmes et ont moins de vent que les jours, à cause de l’absence même du soleil. § 7. Il en résulte que le flot revient en dedans comme le reflux de la mer, en sens contraire du flux et du plein qui est à l’extérieur. Le phénomène se produit surtout vers le lever du soleil ; car c’est à ce moment que les vents commencent d’ordinaire à souffler. Si donc leur principe se trouve revenir en dedans comme l’Euripe il fait un tremblement de terre plus violent à cause de la masse. § 8. Les tremblements sont le plus violents dans les lieux où le mouvement de la mer est le plus rapide, et où la terre est spongieuse et pleine de cavernes souterraines. § 9[363]. C’est pour cela qu’ils se produisent surtout sur les côtes de l’Hellespont, en Achaïe, en Sicile, et dans les lieux analogues qu’offre l’Eubée ; car la mer semble filtrer sous la terre par des conduits ; et c’est aussi cette même cause qui produit les eaux chaudes d’Ædepse. § 10[364]. C’est le resserrement des lieux que nous venons de citer qui fait que les tremblements y sont plus fréquents ; car le flot du vent, qui souffle ordinairement de la terre, s’y trouve refoulé par la masse de la mer, qui se porte en ces lieux avec violence.

§ 11[365]. Ce sont les contrées dont les parties inférieures sont spongieuses qui, recevant beaucoup de vent, sont le plus exposées aux tremblements de terre. C’est aussi la même cause qui fait qu’ils se produisent surtout au printemps et à l’automne, dans les grandes pluies et les grandes sécheresses ; car ces saisons sont celles où il y a le plus de vent. § 12[366]. L’été et l’hiver, celui-ci par la gelée, celui-là par la chaleur, produisent les calmes, l’un étant trop froid et l’autre étant trop sec. § 13[367]. L’air du reste est très venteux dans les sécheresses ; car la sécheresse se produit précisément quand l’exhalaison sèche est plus considérable que l’humide. § 14[368]. Dans les pluies excessives, l’exhalaison intérieure s’accroît ; et comme cette sécrétion se trouve alors interceptée dans des lieux trop étroits, et qu’elle se trouve violemment resserrée dans un lieu moins large parce que les creux sont pleins d’eau, le flot du vent qui survient commence à acquérir de la force, par la compression même de sa masse dans ce lieu trop peu vaste ; et il produit un violent tremblement de terre. § 15[369]. En effet, de même que dans nos corps la force du souffle interceptée à l’intérieur produit des frissons et des étouffements, de même il faut présumer que le vent dans le sein de la terre produit des effets à peu près semblables ; et que des tremblements de terre, les uns sont comme des frissons, les autres sont comme des étouffements. De même encore qu’après l’urination il y a souvent dans tout le corps des espèces de frissons, tremblement qui tient à ce que l’air du dehors rentre tout à coup en masse à l’intérieur, de même un phénomène analogue se produit pour la terre.

§ 16[370]. Afin de se bien rendre compte de toute la force qu’a le souffle, il ne faut pas seulement observer ce qui se passe dans l’air ; car on pourrait croire qu’il n’y est si puissant que par l’étendue même de sa masse ; mais il faut voir en outre ce qu’il fait dans le corps des animaux. § 17[371]. Les convulsions et les spasmes ne sont que des mouvements du souffle ; et leur violence est si considérable que souvent plusieurs personnes, en réunissant toutes leurs forces, ne peuvent venir à bout de maîtriser les mouvements des malades. On peut bien supposer qu’il se passe quelque chose de pareil dans la terre, si toutefois l’on peut assimiler une si grande chose à une petite.

§ 18[372]. Nos sens suffisent souvent pour nous avertir de ces phénomènes et de leurs effets. On a déjà observé, en certains lieux, un tremblement de terre ne cesser que quand le vent qui le causait sortit, au vu de tout le monde, en s’élançant dans la région supérieure à la terre, sous forme de tempête. C’est ce qui s’est passé tout récemment à Héraclée, sur le Pont-Euxin, et antérieurement à l’Île-Sainte, qui est une des îles appelées les îles d’Éole. § 19[373]. La terre s’y souleva en effet dans un certain lieu, et s’éleva avec bruit, comme la masse d’une colline ; et cette masse étant venue à se briser, il en sortit beaucoup de vent ; elle lança des étincelles et de la cendre et ensevelit sous cette cendre toute la ville des Lipariens, qui n’est pas éloignée, se faisant sentir dans quelques-unes des villes d’Italie. Aujourd’hui, l’on peut voir encore l’endroit où se forma cette boursouflure.

§ 20[374]. Le feu qui se produit dans la terre ne peut avoir que cette cause, à savoir que l’air se soit enflammé par le choc, du moment même qu’il a été réduit en parties minimes. De plus, ce qui s’est passé dans ces îles est encore une preuve que les vents circulent sous la terre. § 21[375]. En effet, quand le vent du midi doit y souffler, on en a des signes précurseurs. Les lieux où sortent les boursouflures retentissent, parce que la mer est déjà poussée de loin, et qu’elle refoule en dedans de la terre la boursouflure qui va en sortir dans le sens même où la mer survient. Elle fait alors du bruit sans causer de tremblements de terre, soit parce que les lieux sont très vastes, car au dehors elle se répand dans l’immensité, soit parce que l’air expulsé est en petite quantité.

§ 22[376]. De plus, le changement du soleil, qui devient brumeux et moins ardent, même sans nuages, et quelquefois aussi le calme profond et le froid rigoureux qui précèdent les tremblements de terre du matin, sont de nouveaux témoignages en faveur de la cause que nous avons assignée. § 23[377]. Car il faut nécessairement que le soleil devienne brumeux et terne, quand le vent commence à rentrer dans la terre, en dissolvant l’air et en le dispersant. § 24[378]. Il faut aussi que le vent cesse et que le froid se produise vers l’aurore et l’aube du jour ; car nécessairement le vent cesse de souffler dans la plupart des cas, ainsi qu’on l’a déjà dit plus haut, parce qu’il se fait comme un reflux du souffle en dedans, et surtout avant les plus grands tremblements de terre. Et cela se conçoit puisque du moment que le souffle ne se dissipe plus, soit celui du dehors soit celui du dedans, il faut bien qu’en s’accumulant il prenne aussi plus de force. § 25[379]. Quant au froid, ce qui le produit c’est que l’exhalaison se précipite en dedans, avec toute la chaleur qu’elle porte naturellement en elle. Si les vents ne semblent pas chauds, c’est qu’ils meuvent un air rempli d’une vapeur froide et considérable, absolument comme l’haleine qui sort de notre bouche. § 26[380]. En effet l’haleine est chaude de près, comme cela arrive lorsque nous soupirons, bien que cette chaleur soit moins sensible, parce que la quantité d’air est ici fort petite ; mais de loin l’haleine est froide par la même cause que le sont les vents. § 27[381]. Du moment donc que cette force se retire dans la terre, le flux de vapeur réuni par l’humidité produit le froid, dans les lieux où se présente ce phénomène.

§ 28[382]. Telle est aussi la cause de cette circonstance, qui d’ordinaire annonce les tremblements de terre. Ainsi, soit après le jour, soit peu de temps après le coucher du soleil, par un temps serein, un petit nuage léger paraît s’étendant et s’allongeant, comme une ligne parfaitement droite, le vent s’apaisant par le déplacement même du nuage. § 29[383]. La même chose arrive aussi pour la mer, sur les côtes, Lorsque la mer lance violemment ses vagues, les flots qui se brisent sur le rivage sont énormes et obliques ; et lorsqu’au contraire la mer est calme, ils sont minces et tout droits, parce que la rupture est fort petite, § 30[384]. Ce que la mer fait sur la terre, le vent le fait sur la brume qui est dans l’air, de manière que quand le vent tombe, le nuage qui reste est tout à fait en ligne droite et ténu, comme si c’était un flot d’air brisé.

§ 31[385]. C’est encore là ce qui fait que le tremblement de terre a parfois lieu pendant les éclipses de lune. Ainsi, lorsque déjà l’interposition de la terre est proche, et que la lumière et la chaleur qui viennent du soleil ne sont pas encore tout à fait disparues de l’air, Mais seulement amoindries, le calme se fait, le vent se précipitant dans la terre ; ce qui fait les tremblements avant les éclipses. § 32[386]. Les vents se produisent en effet fréquemment avant les éclipses, au début de la nuit, quand c’est avant les éclipses de minuit ; et au milieu de la nuit, quand c’est avant les éclipses du matin. Ce phénomène vient de ce que la chaleur qui émane de la lune s’est éteinte, lorsque déjà s’approche la sphère où doit se produire l’éclipse, dès que les corps y seront. Ce qui retenait l’air et le calmait ayant disparu, il est agité de nouveau ; et le vent se produit même avant l’éclipse, qui n’a lieu que plus tard. § 33[387]. Lorsque le tremblement de terre est violent, il ne cesse pas aussitôt et après une seule secousse ; mais quelquefois, il dure d’abord jusqu’à une quarantaine de jours ; et ensuite, il se manifeste de nouveau dans les mêmes lieux pendant une année ou deux. § 34[388]. Ce qui lui donne sa violence, c’est la quantité d’air, et aussi la forme des lieux dans lesquels cet air s’écoule. Là où il est répercuté et où il ne flue pas aisément, il cause un tremblement d’autant plus fort ; et il s’agite nécessairement dans les lieux resserrés, absolument comme de l’eau qui ne peut pas s’échapper. § 35[389]. Aussi de même que dans le corps les pulsations ne cessent ni tout à coup, ni vite, mais seulement peu à peu, en même temps que l’affection qui les a provoquées diminue petit à petit, de même le principe qui a produit l’exhalaison, et l’impulsion de l’air n’ont pas consommé sur le champ toute cette matière de laquelle ils ont fait cette espèce de vent que nous nommons tremblement de terre. § 36[390]. Jusqu’à ce que les restes de ces éléments soient consommés, le tremblement a lieu nécessairement ; mais il devient de plus en plus faible, et il cesse quand l’exhalaison est devenue trop peu considérable pour causer un mouvement qui soit encore sensible.

§ 37[391]. C’est aussi le vent qui produit les bruits souterrains et les bruits qui précèdent les tremblements de terre ; et il y a eu souvent de ces bruits intérieurs sans qu’il y eût de tremblement de terre ; car de même que l’air quand on le frappe et qu’on le déchire produit des sons fort divers, de même aussi il en produit quand c’est lui qui frappe ; et il n’y a ici aucune différence, puisque du moment que quelque chose frappe, cette chose est aussi elle-même frappée tout entière.

§ 38[392]. Le bruit précède la commotion, parce que le son a des parties plus ténues que le vent et qu’il pénètre mieux que le vent au travers de tous les corps. Comme il n’est pas assez fort pour faire trembler la terre à cause de sa légèreté même, il est certain que, précisément parce qu’il s’infiltre sans peine, il ne la fait pas trembler ; mais aussi comme il tombe sur des masses solides et creuses et ayant les formes les plus diverses, il produit aussi des sons très divers ; et il semble alors, comme le prétendent les conteurs de choses merveilleuses, que la terre fasse entendre un mugissement.

§ 39[393]. Parfois on a vu à la suite de tremblements de terre les eaux jaillir du sol. Mais on ne peut pas dire pour cela que ce soit l’eau qui cause la commotion ; au contraire c’est toujours le vent qui soit de la surface, soit d’en bas, fait violence, et c’est lui qui est le moteur. C’est de même qu’on doit dire que ce sont les vents qui causent les flots, et non pas les flots qui causent les vents ; car alors on pourrait aussi bien dire que c’est la terre elle-même qui est cause du phénomène ; elle serait retournée par le tremblement qui l’agite, tout aussi bien que la mer elle-même est retournée, puisque l’effusion est pour l’eau une sorte de retournement. § 40[394]. Ces deux éléments, l’eau et la terre, ne sont cause du phénomène que comme matière ; car ils souffrent et n’agissent pas ; mais c’est le vent qui en est cause comme principe réel. Aussi lorsqu’une inondation coïncide avec un tremblement de terre, la cause en est qu’il y a des vents contraires. § 41[395]. C’est ce qui arrive lorsque le vent qui agite la terre, impuissant à repousser complètement la mer que pousse un autre vent, parvient cependant, en la combattant et en la resserrant à l’accumuler en masse sur un même point. § 42[396]. Nécessairement alors le vent intérieur ne pouvant plus résister ; la mer pressée par le vent contraire déborde et produit un cataclysme. § 43[397]. C’est précisément ce qui est arrivé en Achaïe ; au dehors soufflait le vent du sud, et là soufflait celui du nord ; puis, le calme s’étant établi, et le vent intérieur s’écoulant, il y eut tout à la fois inondation et tremblement de terre ; et ce qui en accrut la violence, c’est que la mer ne donna point passage au vent qui s’était élevé souterrainement, mais qu’au contraire elle l’intercepta. Par cette violence et cette résistance mutuelle, le vent causa le tremblement de terre, et cet obstacle opposé au flot causa le cataclysme.

§ 44[398]. Les tremblements de terre sont partiels et n’atteignent en général qu’une petite surface ; mais les vents ne sont jamais partiels. Les tremblements sont partiels, quand les exhalaisons qui sont dans le lieu même et dans les environs viennent à se réunir, comme nous avons dit que se forment les sécheresses partielles, et les pluies excessives sur un point donné. § 45[399]. Les tremblements de terre se produisent également de cette façon ; mais il n’en est pas de même pour les vents ; car tous ces phénomènes (des tremblements de terre, des sécheresses et des pluies) ont leur origine dans la terre, de sorte que tous tendent à se réunir dans une seule action. Mais l’influence du soleil n’est pas semblable, et il agit surtout sur les exhalaisons les plus élevées, de telle sorte que du moment qu’elles ont reçu l’impulsion par la marche du soleil, selon la différence des lieux, elles se réunissent toutes ensemble.

§ 46[400]. Lors donc que le vent est en quantité considérable, il fait trembler la terre comme une sorte de frisson, en largeur ; et il ne se produit que fort rarement et seulement en quelques lieux, comme une pulsation, de bas en haut. Aussi les tremblements de terre en ce sens sont-ils bien moins forts ; car il n’est pas facile qu’une masse du principe se réunisse de cette manière, parce que la sécrétion qui se fait en long est beaucoup plus importante que celle qui vient de la profondeur. § 47[401]. , Partout où a lieu un tremblement de ce genre, on trouvé à la surface de la terre une grande quantité de pierres, dispersées comme elles le seraient par le vent. En effet un tremblement de terre de ce genre ayant eu lieu, toutes les contrées environnantes de Sipyle, et ce qu’on appelle la plaine Phlégréenne, et la Ligystique, furent bouleversées de cette façon. § 48[402]. Dans les îles de la pleine mer, les tremblements de terre se produisent moins souvent que dans les îles voisines du continent. L’immensité de la mer refroidit les exhalaisons ; elle les empêche et les arrête par le poids qu’elle leur donne. De plus, même quand les vents la dominent et la soulèvent, elle coule toujours et n’est point exposée à être ébranlée. Comme elle occupe un énorme espace, ce n’est pas en elle que vont les exhalaisons ; mais c’est d’elle qu’elles sortent ; et les exhalaisons de la terre accompagnent et suivent les exhalaisons marines. § 49[403]. Les îles voisines du continent ne sont qu’une portion du continent lui-même, et l’espace intermédiaire a une trop petite dimension pour exercer aucune influence. Mais les îles qui sont en pleine mer ne pourraient être ébranlées qu’avec la mer entière dont elles sont environnées.

§ 50[404]. Nous avons donc traité des tremblements de terre ; nous avons dit quelle en est la nature et la cause ; nous avons étudié toutes les circonstances qui les concernent, et nous avons indiqué presque toutes les plus importantes de ces circonstances.


CHAPITRE IX.

De l’éclair, du tonnerre et des météores analogues. Théorie particulière de l’auteur ; c’est le vent probablement qui est la cause de tous ces phénomènes — Théorie d’Empédocle, d’Anaxagore, de Clidème et de quelques autres philosophes ; réfutation de ces théories.


§ 1[405]. Parlons maintenant de l’éclair, du tonnerre, de la trombe, de l’ouragan et des foudres, tous phénomènes dont la cause est très probablement la même. § 2[406]. En effet l’exhalaison étant double, ainsi que nous l’avons dit, l’une humide, l’autre sèche, la combinaison a aussi ces deux qualités en puissance, soit qu’elle se constitue en nuages, comme on l’a montré antérieurement, soit qu’à l’extrémité dernière la constitution des nuages soit encore plus dense. § 3[407]. Car là où manque la chaleur, qui s’est dispersée dans la région supérieure, il faut nécessairement que la composition du nuage soit plus dense et plus froide. § 4[408]. C’est là ce qui fait que les foudres, et les éclairs sortis des nuages, et tous les phénomènes de ce genre, sont portés en bas, bien que toute chaleur se porte naturellement en haut. Mais il faut nécessairement que le jaillissement de la densité soit porté en sens contraire, comme les noyaux qu’on lance en les pressant entre les doigts, et qui, malgré leur poids, sont portés en haut. § 5[409]. Ainsi donc la chaleur qui est sécrétée se disperse dans la région supérieure ; mais toute cette partie de l’exhalaison sèche qui est englobée dans cette mutation de l’air refroidi, est rejetée quand les nuages se réunissent, et lancée avec force ; puis alors, tombant sur les nuages environnants, elle y fait coup, et le bruit qu’elle y produit s’appelle le tonnerre. § 6[410]. Ce coup ressemble tout à fait, si l’on peut comparer un très petit phénomène à un grand, au bruit qui se produit dans la flamme, qu’on nomme tantôt le Sourire de Vulcain, ou le Sourire de Vesta, ou bien encore la Menace de tous les deux. Le pétillement a lieu, lorsque l’exhalaison condensée est projetée dans la flamme, les bois étant brisés et séchés. § 7[411]. C’est également ainsi que la sécrétion du vent produite dans les nuages, venant à tomber contre la densité de ces nuages, forme le tonnerre. Ces bruits d’ailleurs sont fort divers et à cause des inégalités des nuages et à cause des creux intermédiaires, où la densité cesse d’être continue. C’est donc là ce qu’est le tonnerre, et telle en est la cause.

§ 8[412]. L’air chassé ainsi s’allume le plus ordinairement d’une ignition faible et légère ; et c’est ce qu’on appelle l’éclair, dans cette partie du ciel où le souffle en sortant se colore à nos yeux de diverses nuances. § 9[413]. L’éclair d’ailleurs ne vient qu’après le coup, et après le tonnerre. Mais il semble le devancer, parce que la vue est plus prompte que l’ouïe. C’est ce dont on peut se convaincre en observant les coups de rames des galères. Déjà les rameurs frappent un second coup de rame, quand le bruit du premier arrive à nos oreilles.

§ 10[414]. Quelques philosophes prétendent toutefois qu’il y a une sorte de feu dans les nuages. Empédocle assure que c’est la partie interceptée des rayons du soleil. Anaxagore soutient que c’est une partie de l’éther supérieur, que ce philosophe appelle aussi du feu, et qui a été portée de haut en bas. § 11[415]. Il ajoute que l’éclat de ce feu est l’éclair, que le bruit qu’il fait en s’éteignant et son sifflement c’est le tonnerre, qu’il se produit réellement comme il semble se produire, et que l’éclair est antérieur au tonnerre. § 12[416]. Mais cette interruption du feu ne paraît pas très raisonnable, de l’une et l’autre façon ; et cet éther, qui d’en haut est attiré en bas, le paraît encore bien moins ; car lorsqu’une chose qui naturellement tend à monter vient à descendre, il faut en dire la cause. De plus il faut expliquer comment ce phénomène se produit seulement quand le ciel est couvert de nuages, et comment cela ne se produit pas constamment. Quand le ciel est serein, il n’y a pas d’éclair. § 13[417]. Ainsi donc cette assertion d’Anaxagore est bien hasardée de tous points. Mais il n’est pas plus probable que la cause de ces phénomènes soit, ainsi qu’Empédocle le prétend, la chaleur des rayons du soleil interceptée dans les nuages. § 14[418]. C’est là une explication beaucoup trop éloignée des faits ; car alors il faudrait nécessairement que la cause du tonnerre, de l’éclair, et des autres météores de ce genre fût toujours sécrétée et qu’elle fût constante, et par conséquent qu’ils se produisissent régulièrement ; mais il s’en faut de beaucoup.

§ 15[419]. C’est comme si l’on s’imaginait que l’eau, la neige et la grêle existent toutes faites antérieurement, et qu’ensuite elles sont expulsées, mais qu’elles ne sont pas produites instantanément. On dirait que la combinaison les a toujours là sous la main pour lancer à son gré chacune d’elles. § 16[420]. Car, puisque de ces phénomènes les uns ne sont que des combinaisons très probablement, de même que les autres sont des divisions, il s’en suit que si l’un d’eux ne se forme pas tout à coup mais existe antérieurement, on pourra en dire tout autant des deux côtés. Quant à l’interception du feu dans les nuages, c’est donner une explication trop singulière pour qu’elle puisse s’accorder avec ce qu’on observe pour des corps plus denses. § 17[421]. L’eau en effet s’échauffe et par le soleil et par le feu. Cependant lorsque l’eau se condense de nouveau et se refroidit en se coagulant, il n’y a pas du tout cette explosion dont parlent ces philosophes. Et pourtant il faudrait que l’air introduit par le feu fit aussi un bouillonnement proportionnel à sa quantité ; mais ce bouillonnement ne peut exister antérieurement, et ils reconnaissent eux-mêmes que ce n’est pas le bouillonnement qui fait du bruit, mais que c’est le frémissement d’un corps qui se refroidit dans l’eau. Ce frémissement d’ailleurs est bien un petit bouillonnement ; car autant le corps plongé dans l’eau a de force en s’éteignant, autant le bouillonnement qu’il cause détermine de bruit.

§ 18[422]. Il y a encore quelques philosophes qui, comme Clidème, prétendent que l’éclair n’existe pas réellement, et que c’est une simple apparence, assimilant ce phénomène à celui qui se produit dans la mer quand on la frappe avec un bâton. L’eau qui rejaillit paraît toute brillante dans l’obscurité. Et de même, d’après cette théorie, l’humide étant violemment frappé dans la nue, l’éclair prend l’apparence de la clarté. § 19[423]. Ces philosophes n’étaient pas encore familiarisés avec les théories sur la réfraction, qui paraît être la vraie cause de ce phénomène. L’eau frappée paraît briller, parce que la vue est réfractée par elle vers quelque corps lumineux ; et c’est là ce qui fait que cette apparence se montre surtout dans la nuit. Dans le jour on ne la voit pas, parce que l’éclat de la lumière, qui est plus vif qu’elle, la fait disparaître.

§ 20[424]. Voilà ce que les autres ont dit sur l’éclair et le tonnerre : ceux-ci prétendent que l’éclair n’est qu’une réfraction ; ceux-là, que l’éclair est l’éclat du feu, comme le tonnerre en est l’extinction, le feu se trouvant préalablement dans chacun de ces phénomènes et n’ayant pas besoin d’y venir du dehors. § 21[425]. Quant à nous, nous soutenons que le vent sur la surface de la terre, le tremblement de terre dans ses entrailles, et le tonnerre dans les nuages, sont une seule et même chose. Au fond, et essentiellement, ces phénomènes sont identiques ; c’est toujours l’exhalaison sèche qui, en s’écoulant d’une certaine façon est le vent, qui en s’écoulant de telle autre manière produit les tremblements de terre, et qui par la sécrétion et les changements qu’elle subit dans les nuages, quand ils se réunissent et se fondent en eau, produit les tonnerres, les éclairs et tous les autres météores de nature semblable. § 22[426]. Et voilà ce que nous avions à dire sur le tonnerre et l’éclair.


LIVRE III.



CHAPITRE PREMIER.

Du tonnerre ; des éclairs ; des trombes ou typhons ; des foudres. Explication commune de tous ces météores : c’est l’air qui en est toujours la cause. — Observation de l’auteur sur les effets de la flamme dans l’incendie du temple d’Éphèse.


§ 1.[427]. Parlons maintenant des autres effets de cette sécrétion, en suivant notre méthode habituelle. C’est l’air qui, sécrété petit à petit et s’écoulant çà et là, se renouvelant sans cesse, et soufflant en rendant ses parties toujours plus légères, produit le tonnerre et les éclairs. S’il est accumulé et plus dense, et que la sécrétion se réduise en parties moins ténues, il devient le vent d’ouragan ; il est alors très violent ; car c’est la rapidité de la sécrétion qui fait sa force. § 2.[428]. Lors donc que la sécrétion est considérable et continue, elle produit le même effet que lorsqu’elle s’élance en sens contraire ; car alors il se manifeste une grande abondance de pluie et d’eau : Ces deux phénomènes sont en puissance identiques, quant à la matière ; mais lorsque le principe de l’une ou de l’autre puissance vient à agir, il en sort sécrété de cette manière celui des deux phénomènes dont la quantité a été la plus grande, ici la pluie, et là, c’est-à-dire de l’autre exhalaison, le vent d’ouragan.

§ 3.[429]. Le tourbillon de vent se forme lorsque l’air sécrété et sortant d’un nuage, repousse l’air qui est dans l’autre nuage, comme on le voit lorsque le vent est forcé de passer d’un endroit plus large dans un plus étroit, par exemple entre les portes ou les défilés. Il arrive en effet fréquemment dans ces cas que la première partie du corps qui s’écoule ayant été repoussée, soit parce que l’espace ne cède pas devant elle, soit parce que le lieu est trop étroit, soit parce qu’il y a un courant d’air opposé, il se forme un cercle et un tourbillon d’air. Ce qui est en avant empêche le reste d’avancer ; ce qui est en arrière pousse toujours, de sorte que l’air est forcé de prendre une direction oblique et de se porter là où il ne se rencontre pas d’obstacle. Et ceci se fait d’une manière continue jusqu’à ce qu’il se forme une seule masse, c’est-à-dire qu’il se fasse un cercle ; car toute figure qui n’a qu’un seul et unique mouvement de translation ne peut être nécessairement qu’un cercle. C’est donc ainsi que se forment les tourbillons sur la terre, et c’est aussi le même principe qui les forme dans les nuages. Seulement, de même que dans l’ouragan le nuage se résout toujours et que le vent devient continu, de même ici la partie continue du nuage est toujours entraînée à la suite. § 4.[430]. Mais quand le vent ne peut avoir d’issue, à cause de sa densité, il tourne d’abord circulairement par la cause que nous venons d’indiquer, et il est porté en bas, parce que toujours les nuages s’épaississent dans cette partie d’où la chaleur s’échappe. § 5.[431]. Ce phénomène, s’il est sans couleur, est appelé Typhon ; c’est du vent, et pour ainsi dire une tempête incomplète. Le Typhon ou la trombe ne se produit jamais quand il fait froid, pas plus que le vent de nuages ne se produit jamais quand il neige, parce que ces deux météores sont des vents, et que le vent est une exhalaison sèche et chaude ; or la gelée et le froid, lorsqu’ils ont une force supérieure, éteignent aussitôt le principe, qui tendrait encore à se produire. § 6[432]. Mais il est évident que la gelée et le froid ont une force prédominante ; car autrement il n’y aurait pas de neige, et les météores humides ne seraient pas congelés, puisqu’ils ne le sont que quand le froid l’emporte.

§ 7.[433]. La trombe ou Typhon se forme donc quand la tempête ne peut se dégager du nuage où elle est enfermée. Cela tient à la résistance du tourbillon, lorsque la spirale entraîne avec elle sur la terre le nuage dont elle ne peut se débarrasser. Là où elle souffle en droite ligne, elle ébranle par le vent qui s’échappe, fait tourner dans un mouvement circulaire, et enlève avec violence, tout objet sur lequel elle s’abat. § 8.[434]. Lorsque déchiré vivement le phénomène prend feu, et ceci arrive quand l’air devient plus léger, on l’appelle un météore brûlant, un Prester ; car il enflamme et brûle l’air, qu’il colore par son ignition.

§ 9.[435]. S’il y a dans le nuage lui-même une grande quantité d’air de chassé et que cet air soit léger, c’est alors une foudre. Si l’air est tout à fait léger, mais qu’il ne brûle pas à cause de sa légèreté même, alors les poètes lui donnent le surnom d’Étincelant ; s’il est moins léger et moins brûlant, c’est ce qu’ils nomment un météore enfumé. § 10.[436]. L’un est emporté par sa légèreté même ; et dans le mouvement rapide qui l’anime, il passe et s’écoule avant de s’enflammer et de noircir, en s’arrêtant quelques instants. L’autre au contraire, qui est plus lent, a le temps de prendre couleur, mais sans brûler ; et il passe tout à coup avec rapidité, avant d’agir. § 11[437]. C’est là ce qui fait aussi que les corps qui résistent à la percussion qu’ils reçoivent de la foudre, en conservent quelque trace ; ceux qui ne résistent pas n’en éprouvent aucun effet. Par exemple dans un bouclier, le revêtement de bronze a pu être fondu par la foudre, tandis que le bois n’avait rien ressenti ; c’est que le bois étant plus rare, l’air s’écoule et s’échappe en le traversant avec rapidité. Et de même, la foudre ne brûle pas en traversant des étoffes ; elle y fait simplement comme un trou. Ce qui précède prouve bien que ces phénomènes sont tous des vents. § 12.[438]. Mais on peut quelquefois s’en convaincre par des observations directes. C’est ce que l’on a pu remarquer naguère dans l’incendie du temple d’Éphèse. La flamme y fit à plusieurs reprises des tourbillons compacts et tout à fait séparés. Il est donc évident que la fumée est un vent et que la fumée se brûle, ainsi qu’on l’a démontré antérieurement ailleurs. Mais c’est surtout quand elle est très épaisse qu’on voit bien clairement qu’elle n’est qu’un vent. § 13.[439]. Ce qui se passe dans les petits foyers, se manifestait avec bien plus de force dans l’incendie d’Éphèse, parce que c’était toute une grande masse de combustible qui brûlait. Les bois où le vent trouvait son origine étant une fois rompus, le vent sortait en masses énormes dans le sens où il soufrait ; et il s’élevait fort haut en se consumant. On voyait bien alors la flamme s’enlever et retomber sur les maisons.

§ 14.[440]. Ainsi il faut croire que toujours le vent précède et accompagne la foudre ; et si on ne le voit pas, c’est qu’il est sans couleur. Voilà pourquoi tous les objets qu’elle doit atteindre sont agités avant même d’être frappés, comme si le principe du vent se faisait sentir à l’avance. C’est ainsi également que les tonnerres et les éclairs fendent les objets, non par le bruit, mais parce que le vent qui a produit le coup et le bruit, vient à se sécréter et à sortir du nuage dans le même moment ; et alors si le vent vient à frapper les objets, il les divise ; mais pourtant il ne les brûle pas.

§ 15.[441]. Voilà ce qu’on avait à dire du tonnerre, de l’éclair et du nuage orageux, et aussi des ouragans, des trombes et des foudres. On voit que ce ne sont là qu’un seul et même phénomène, et l’on voit aussi quelle est la différence de tous ces météores.


CHAPITRE II.

Du halo et de l’arc-en-ciel ; des parhélies et des verges ou bâtons lumineux ; description de ces phénomènes ; circonstances où ils se produisent ; variétés. — La cause de tous ces phénomènes est la réfraction de la lumière. — Erreur des anciens sur l’arc-en-ciel lunaire ; observations personnelles de l’auteur. — Effets généraux des miroirs. Citation d’un ouvrage sur les perceptions des sens.


§ 1.[442]. Parlons maintenant du halo et de l’arc-en-ciel ; disons ce qu’ils sont l’un et l’autre, et quelle cause les produit. Parlons aussi des parhélies et des verges ou bâtons lumineux ; car tous ces phénomènes se produisent par des causes qui sont identiques. Il faut d’abord bien connaître les circonstances et les faits relatifs à chacun d’eux.

§ 2.[443]. Pour le halo, on en voit fréquemment le cercle tout entier, et il se forme soit autour du soleil, soit autour de la lune et des astres les plus brillants. Il se montre la nuit tout aussi bien que le jour, à midi tout aussi bien que le soir. Il est plus rare au lever du soleil ou près de son coucher.

§ 3.[444]. L’arc-en-ciel au contraire ne forme jamais un cercle complet, et sa section n’est jamais plus grande qu’une demi-circonférence. C’est au coucher ou au lever du soleil que, pour le plus petit cercle, la corde est la plus grande ; mais quand le soleil est plus haut sur l’horizon, la corde est d’autant plus petite que le cercle est plus grand. Après l’équinoxe d’automne, quand les jours se raccourcissent, il se forme à toute heure du jour. Dans l’été, il ne se montre guère vers midi. Il n’y a jamais plus de deux arcs-en-ciel à la fois. § 4.[445]. Chacun d’eux a trois couleurs ; les couleurs sont identiques dans tous deux, et elles sont en nombre égal, moins vives dans l’arc extérieur et disposées dans un sens contraire. L’arc intérieur a sa première et plus grande circonférence écarlate ; l’arc extérieur a sa plus petite circonférence de cette couleur et la plus rapprochée de celle-là, les autres étant posées d’une façon analogue. § 5.[446]. Ces couleurs sont à peu près les seules que les peintres ne puissent point reproduire. Ils essayent d’en obtenir quelques-unes par des mélanges divers. Mais l’écarlate, le vert et le violet ne peuvent jamais être le résultat d’un mélange, et ce sont-là les couleurs que présente l’arc-en-ciel. La couleur qui est entre l’écarlate et le vert semble assez souvent être fauve.

§ 6.[447]. Les parhélies et les verges ou bâtons lumineux ne se forment jamais qu’obliquement et de côté. Ces phénomènes ne viennent point d’en haut ni près de la terre, ni du côté opposé au soleil. On ne les voit donc jamais la nuit ; et ils apparaissent toujours pendant que le soleil est au-dessus de l’horizon, soit qu’il s’élève, soit qu’il s’abaisse. Le plus fréquemment, c’est au moment du coucher. Lorsque le soleil est au milieu du ciel, le phénomène est plus rare. C’est ainsi qu’il se produisit sur le Bosphore. Durant tout le jour, deux parhélies qui s’étaient levés avec le soleil l’accompagnèrent, et persistèrent jusqu’à son coucher.

§ 7,[448]. Voilà les circonstances qui accompagnent chacun de ces phénomènes. Quant à la cause qui les produit, elle est la même pour tous : ils ne sont qu’une réfraction. La différence tient uniquement à la manière dont la réfraction a lieu, et aux corps d’où elle vient, selon qu’elle part du soleil et de quelqu’autre corps lumineux. § 8.[449]. L’arc-en-ciel se produit le jour ; mais dans l’opinion des anciens il ne se produisait jamais la nuit par l’effet de la lune. Ce qui induisait les anciens en erreur, c’est que ce phénomène nocturne est très rare ; et voilà comment il leur échappait ; mais il se produit réellement, bien qu’il ne se produise pas souvent. § 9.[450]. La cause en est que les couleurs disparaissent dans l’obscurité, et qu’il faut en outre le concours de plusieurs conditions, lesquelles doivent toutes se réunir pour un seul et même jour du mois. Ainsi il faut nécessairement, pour que le phénomène ait lieu, qu’il y ait pleine lune ; et même alors il ne peut se former qu’à son lever ou à son coucher. Mais en plus de cinquante ans, nous n’avons pu l’observer que deux fois.

§ 10.[451]. Il faut d’abord bien savoir que le rayon lumineux, qui est réfracté par l’eau, l’est également par l’air, et par tous les objets qui ont une surface polie. C’est ce que prouvent les démonstrations que nous avons établies en parlant de la vue, et les phénomènes des miroirs, dont quelques-uns reproduisent aussi les formes des objets, tandis que d’autres n’en reproduisent que les couleurs. § 11.[452]. Ces miroirs sont ceux qui sont tout petits, et qui n’offrent aucune dimension sensible. Dans ces miroirs en effet, il est impossible que la forme paraisse ; car elle paraîtrait avec une dimension quelconque, puisque toute forme en même temps qu’elle est forme a aussi une dimension ; mais comme alors il faut nécessairement que quelque chose paraisse, et que la forme ne peut pas paraître, reste la couleur seule qui peut se montrer. § 12.[453]. Parfois la couleur des corps brillants paraît brillante ; parfois aussi, soit qu’elle se mêle à celle du miroir, soit que la vision soit trop faible, elle produit l’apparence d’une autre couleur.

Du reste, nous avons déjà présenté ces théories dans ce que nous avons démontré relativement aux sens ; ici donc complétons-les, en nous servant des principes qui ont été déjà posés par nous.


CHAPITRE III.

Explication du halo : c’est aussi une réfraction ; signe de beau temps ou de pluie. Démonstration graphique de la forme nécessairement circulaire du halo ; il se forme plus souvent autour de la lune qu’autour du soleil ; et pourquoi.


§ 1.[454]. Occupons-nous d’abord de la forme du halo ; et disons pourquoi il est circulaire, et aussi pourquoi il se produit soit autour du soleil, soit autour de la lune, soit même autour de quelques autres astres. L’explication sera la même pour tous ces cas.

§ 2.[455]. C’est une réfraction de la vision, lorsque l’air et la vapeur se condensent en nuage, la vapeur étant fort égale et réduite en parties très ténues. § 3.[456]. Voilà comment la condensation des vapeurs est un signe de pluie ; leur dispersion et leur disparition sont des signes aussi, celle-ci de beau temps, et celle-là de vent. Quand la vapeur ne disparaît pas ou qu’elle ne se disperse point, et qu’au contraire elle peut arriver à prendre toute sa consistance naturelle, c’est un signe très probable de pluie. § 4.[457]. Car alors c’est la preuve qu’il s’est formé cette condensation qui, donnant à l’épaississement une sorte de continuité, doit nécessairement finir par se tourner en eau. Voilà pourquoi ces condensations de vapeurs sont en général plus noires que toutes les autres. § 5.[458]. Quand au contraire la vapeur se disperse, c’est signe de vent ; car cette dispersion ne peut être causée que par le vent qui souffle déjà, bien qu’on ne le sente pas encore. Ce qui le prouve bien, c’est que le vent vient du côté où la dispersion est la plus forte. § 6.[459]. Quand la vapeur se dissipe et disparaît, c’est signe de beau temps ; car si l’air n’est pas encore en état de dominer la chaleur qui y est contenue, ni de passer à l’épaississement aqueux, il est clair que la vapeur n’est pas encore dégagée de l’exhalaison sèche et ignée ; et c’est là ce qui fait le beau temps.

Voilà donc dans quelles conditions se trouve l’air, quand la réfraction a lieu.

§ 7.[460]. La vision se réfracte de la nuée qui est condensée, soit autour du soleil, soit autour de la lune ; et voilà pourquoi le halo ne se montre pas en sens contraire comme l’arc-en-ciel. Comme la vision est partout également réfractée, il faut nécessairement qu’il se forme un cercle ou une partie de cercle ; car des lignes menées d’un même point vers un même point seront toujours des lignes égales, qui se briseront sur la circonférence d’un cercle.


§ 8.[461]. Soit d’un point A, vers le point B, la ligne réfractée ACB ; puis, AFB ; puis, ADB. Les lignes AC, AF, AD sont égales entr’elles, ainsi que les lignes menées à B, CB, FB, DB. Joignons la ligne AEB. Ainsi les triangles sont égaux ; car ils sont tous à angle droit sur une même ligne AEB. § 9.[462]. Soient menées des perpendiculaires sur AEB, à partir des angles ; de C, la perpendiculaire CE ; de F, FE ; de D, DE. Elles sont égales ; car elles sont dans des triangles égaux ; elles sont toutes sur un seul plan, puisque toutes se réunissent à angles droits sur la ligne AEB, et en un seul point E. La ligne décrite sera donc un cercle, et E sera le centre. Soit B, le soleil ; et A, la vue ; la circonférence CFD, le nuage, d’où la vision est réfractée vers le soleil.

§ 10.[463]. Il faut supposer qu’ici les miroirs se touchent ; mais par leur petitesse même, chacun à part est invisible ; et de la réunion de tous, il semble ne s’en former qu’un seul par la continuité. § 11.[464]. C’est la couleur blanche qui se montre, parce que le soleil paraît en un cercle continu dans chacun des miroirs, et qu’il n’y présente aucune dimension appréciable. C’est surtout du côté de la terre que le halo se forme, parce qu’il y a moins de vent ; car du moment que le vent souffle, il est clair qu’il ne peut y avoir d’accumulation visible. Le pourtour qui touche la partie blanche paraît noir ; et il le paraît d’autant plus que la blancheur voisine le fait ressortir. § 12.[465]. Les halos se forment plus souvent autour de la lune qu’autour du soleil, parce que le soleil, étant plus chaud qu’elle, dissout plus vite les concrétions de l’air. C’est par les mêmes causes que le halo se forme autour des astres ; mais les signes qu’ils donnent ne sont pas les mêmes, parce qu’ils ne révèlent que des concrétions excessivement petites, qui ne sont pas encore en état de rien produire.


CHAPITRE IV.

Explication détaillée de l’arc-en-ciel ; aberrations diverses de la vision ; réfraction de la lumière du soleil dans les gouttes de pluie ; effet analogue de la lumière des lampes. De l’arc-en-ciel dans l’eau que font jaillir les rames des bateaux ; les corps noirs. Opposition des couleurs ; changements que produisent les contrastes. Observations des brodeurs ; nuances imperceptibles. — Des trois couleurs de l’arc-en-ciel ; renversement de l’ordre des couleurs dans le second arc-en-ciel, toujours plus pâle que le premier. Pourquoi il n’y a jamais plus de deux arcs-en-ciel.


§ 1.[466]. Nous avons déjà dit que l’arc-en-ciel n’est qu’une réfraction ; reste à savoir quelle est au juste cette réfraction, comment elle se forme, et quelle est la cause de toutes les circonstances qui l’accompagnent. C’est ce que nous allons expliquer.

§ 2.[467]. La vision semble se réfracter de tous les corps lisses ; l’air ainsi que l’eau sont rangés parmi ces corps. Elle vient de l’air, quand il se trouve condensé. La faiblesse seule de la vue suffit pour qu’il produise souvent une réfraction, même sans condensation ni épaississement, comme il arrivait à un malade qu’on cite et qui avait la vue mauvaise et peu perçante. § 3.[468]. Il lui semblait toujours voir sa propre image qui le précédait et qui le regardait en sens contraire de lui. Cet effet venait de ce que la vision était réfractée de l’individu à l’individu lui-même. La vision était dans cet homme tellement faible et tellement légère par suite de la maladie, que l’air qui était tout près de lui et qu’il ne pouvait repousser, devenait un miroir, comme l’air qui est loin et épais. § 4.[469]. C’est là aussi ce qui fait qu’en mer, les cimes des promontoires paraissent plus élevées, et que les dimensions de tous les objets augmentent quand souffle le vent du sud-est. C’est encore ce qui se produit pour les objets qui paraissent à travers des brouillards ; par exemple, le soleil et les étoiles, quand ils se lèvent ou qu’ils se couchent, semblent plus grands que quand ils sont au milieu du ciel. § 5.[470]. C’est surtout l’eau dans les nuages qui cause les réfractions les plus fortes, et elle en produit quand elle commence à se former plus encore que n’en produit l’air lui-même ; car chacune des parties dont la réunion compose la goutte, est plus encore un miroir que la nuée ne peut l’être.

§ 6.[471]. Comme il est évident, ainsi que d’ailleurs on l’a dit plus haut, que dans les miroirs de ce genre il n’y a que la couleur seule qui paraisse et que la forme des objets ne se reproduit pas, voici ce qui arrive nécessairement. Quand il va commencer à pleuvoir et que l’air qui est dans les nuages se condense déjà en gouttelettes, sans qu’il pleuve encore, s’il y a à l’opposite le soleil ou quelqu’autre corps assez brillant pour que le nuage fasse miroir et que la réfraction se produise à l’opposé du corps qui brille, il faut de toute nécessité qu’il y ait reproduction apparente de la couleur, mais non de la forme. § 7.[472]. Or chacun des miroirs étant petit et imperceptible, et la continuité de grandeur qu’on aperçoit ne venant que d’eux tous réunis, il est inévitable que cette grandeur continue paraisse être de la même couleur. § 8.[473]. Car chacun des miroirs fournit la même couleur au continu ; et comme ces circonstances ne se présentent que quand le soleil et le nuage sont dans cette position, et que nous sommes placés entre deux, il faut qu’il se forme une apparence par suite de la réfraction.

§ 9.[474]. C’est dans ces conditions, et dans ces conditions toutes seules à l’exclusion des autres, que se produit l’arc-en-ciel. Il est donc évident que l’arc-en-ciel est une réfraction de la vision relativement au soleil ; et c’est là ce qui fait qu’il se produit toujours à l’opposé du soleil tandis que le halo se produit autour de cet astre. Tous deux ne sont pourtant que des réfractions ; mais la variété des couleurs fait une différence pour l’arc-en-ciel. § 10.[475]. L’une de ces réfractions vient de l’eau et du noir, et elle part de loin ; l’autre au contraire se fait de près, et elle vient de l’air qui de sa nature est plus blanc. Mais la partie brillante paraît écarlate à cause du noir, ou en se réfractant dans le noir ; ce qui revient tout à fait au même. § 11.[476]. On peut voir quand on fait du feu avec des bois verts combien la flamme en est rouge, parce que le feu, qui, par lui-même est brillant et de couleur blanche, se mêle à beaucoup de fumée ; et le soleil vu à travers le brouillard ou de la fumée paraît aussi rougeâtre et écarlate. § 12.[477]. C’est ainsi que la réfraction de l’arc-en-ciel, du moins la première, paraît avoir cette couleur, parce que la réfraction se forme de très petites gouttelettes, et que celle du halo ne l’a pas. Nous parlerons plus tard des autres couleurs. § 13.[478]. Du reste, la condensation où se forme le halo, ne peut pas durer longtemps autour du soleil ; ou il pleut, ou elle se dissout. Mais quand l’astre et le nuage sont diamétralement opposés, il faut un certain intervalle de temps avant que l’eau ne se produise ; et sans cette circonstance, les halos seraient colorés tout comme l’arc-en-ciel.

§ 14.[479]. Les météores qu’on appelle verges ou bâtons lumineux n’ont pas cette apparence dans toute leur étendue, et ils ne l’ont pas non plus circulairement ; ils ne l’ont qu’en partie et faiblement ; car s’il y avait un brouillard pareil à celui que formerait l’eau ou tel autre corps noir, ainsi que nous l’avons dit, l’arc-en-ciel se montrerait tout entier, comme celui qu’on voit aux lampes. § 15.[480]. On peut observer en effet que c’est le plus habituellement quand le vent du midi souffle en hiver, que se montre autour des lampes l’arc-en-ciel ; et il est surtout apparent pour ceux qui ont les yeux humides, parce que leur vue est bien vite réfractée à cause de sa faiblesse. § 16.[481]. Dans ce cas, grâce à l’humidité de l’air et à la suie qui s’échappe de la flamme et s’y mêle, il se forme un miroir qui tient aussi à la couleur noire de la suie ; car la suie est une sorte de fumée. En effet la lumière de la lampe n’est pas blanche ; elle paraît rougeâtre tout autour et irisée. Mais elle n’est pas rouge, parce que la vision, qui est réfractée, est courte, et que le miroir est noir.

§ 17.[482]. L’arc-en-ciel qui se forme sous les rames qu’on retire de la mer est, quant à la position, tout à fait pareil à celui qui se forme dans le ciel ; mais la couleur le rapproche davantage de celui qui se forme aux lampes ; il n’est pas précisément rouge ; mais il semble avoir une couleur de pourpre. La réfraction vient des gouttelettes très petites, mais continues. Elles sont déjà tout à fait de l’eau divisée. § 18.[483]. Il se forme également un arc-en-ciel, lorsque l’on jette des gouttelettes d’eau légères dans un endroit qui est placé, relativement au soleil, de telle façon que le soleil éclaire d’un côté et qu’il y ait ombre de l’autre. § 19.[484]. Dans un lieu ainsi disposé, si étant en dedans on jette quelques gouttes d’eau dans le lieu qui est en dehors, là où les rayons cessent et font ombre, l’arc-en-ciel se montre aussitôt. Le mode de formation, la couleur et la cause de cet arc-en-ciel sont identiquement les mêmes que pour celui qui est formé par l’effet des rames ; car la personne qui jette les gouttes dans ce cas, fait avec sa main ce que la rame peut faire.

§ 20.[485]. Que ce soit bien là comment se produit la couleur de l’arc-en-ciel, c’est ce qu’on verra sans peine par les remarques suivantes, qui s’appliqueront également aux autres couleurs du phénomène. Il faut d’abord, ainsi que je viens de le dire, se bien figurer et admettre que la lumière sur un corps noir, ou à travers un corps noir, produit la couleur rouge ; en second lieu, que la vue en s’étendant devient plus faible et moins sûre ; enfin et en troisième lieu, que le noir est une sorte de négation de la couleur ; car le noir ne se produit que parce que la vision vient à manquer. Aussi, c’est là ce qui fait que tous les objets éloignés paraissent plus noirs, parce que la vision ne peut pénétrer jusqu’à eux. § 21.[486]. On peut voir du reste tout cela d’après ce qui se passe pour les sens ; car c’est à eux que se rapportent proprement les études sur ces matières. Nous n’en parlerons ici qu’autant qu’il en sera besoin pour notre sujet. C’est donc pour cette cause que les objets plus éloignés semblent plus noirs, plus petite et plus unis, ainsi que les objets qui sont vus dans les miroirs ; de même que les nuages paraissent plus noirs dans l’eau que quand on regarde les nuages eux-mêmes. § 22.[487]. Et la raison en est bien évidente : c’est qu’à cause de la réfraction, ces objets ne sont aperçus que très faiblement. Il importe peu d’ailleurs que ce soit l’objet vu ou bien la vue elle-même qui change ; le résultat, quoi qu’il en soit, est toujours le même en définitive, § 23.[488]. A tout ceci, il faut avoir bien soin d’ajouter encore cette considération. Quand le nuage est près du soleil, si on le regarde, on n’y voit rien de coloré ; mais il semble tout blanc ; tandis que, si l’on regarde ce même nuage dans l’eau, il a quelque couleur de l’arc-en-ciel. Il est donc évident que de même que la vue, brisée à cause de sa faiblesse, fait paraître le noir plus noir qu’il n’est, de même aussi elle fait paraître le blanc moins blanc, et le fait tirer sur le noir.

§ 24.[489]. La vision plus forte passe au rouge ; la vision qui suit passe au vert, et la plus faible encore passe au violet. Plus loin il n’y a plus de vision possible ; il n’y en a que dans ces trois couleurs ; et tout finit ici après trois, comme dans la plupart des autres choses. Le changement des autres couleurs devient imperceptible à nos sens, voilà pourquoi aussi l’arc-en-ciel ne paraît que de trois couleurs. § 25.[490]. Les deux arcs qui se forment les ont également, mais en sens contraire. Le premier arc-en-ciel a la couleur rouge extérieurement ; car c’est de la circonférence la plus grande que la plus forte vision tombe vers le soleil ; et la plus grande circonférence est celle du dehors. Celle qui suit et la troisième sont dans des rapports proportionnels. Si donc nous ne nous sommes pas trompés en décrivant l’apparence des couleurs, il faut nécessairement que l’arc-en-ciel en ait trois, et qu’il n’ait absolument que ces trois seules couleurs. § 26.[491]. Si le jaune se montre aussi, c’est à cause de la proximité même des couleurs. Ainsi, le rouge près du vert paraît blanc ; et ce qui le prouve bien, c’est que plus le nuage est noir, moins les couleurs de l’arc-en-ciel sont mêlées. Or c’est dans ce cas que le rouge paraît le plus jaune. Dans l’arc-en-ciel, le jaune se produit entre la couleur rouge et la couleur verte. C’est donc à cause de la noirceur du nuage circulaire que toute la partie rouge de ce nuage paraît si blanche ; et en effet, elle est blanche en comparaison du reste. § 27[492]. Et réciproquement, quand l’arc-en-ciel s’efface et s’éteint, la couleur rouge se rapproche beaucoup du blanc, parce que le rouge se dissipe ; car la nuée, qui est blanche, tombant à côté du vert, passe au jaune.

§ 28.[493]. La meilleure preuve de tout cela, c’est l’arc-en-ciel qui est formé par la lune. Il semble tout à fait blanc ; et ce phénomène tient à ce qu’il paraît dans un nuage qui est noir, et durant la nuit. C’est absolument comme du feu sur du feu ; du noir près du noir fait que ce qui est un peu blanc paraît tout à fait blanc ; et ici, c’est la couleur rouge qui est dans ce cas. § 29.[494]. C’est encore là un phénomène qu’on peut bien observer sur les nuances des fleurs. Ainsi, dans les tissus et dans les broderies, on ne saurait dire combien les nuances de certaines couleurs mises tout près d’autres couleurs diffèrent d’apparence ; par exemple, des laines rouges mêlées à des laines blanches ou noires, ou bien placées sous tel ou tel jour. Aussi, les brodeurs disent-ils qu’ils se trompent bien souvent sur les nuances, quand ils travaillent à la lampe et qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils prennent les unes pour les autres.

§ 30.[495]. Ainsi donc, on a expliqué comment l’arc-en-ciel a trois couleurs et pourquoi il n’a que ces trois-là. C’est par une seule et même cause que l’arc-en-ciel double, qui enveloppe le premier, a tout à la fois des couleurs plus pâles, et qu’elles y sont placées dans une disposition inverse. § 31.[496]. La vue en effet s’élargissant davantage voit l’objet comme s’il était plus éloigné ; et dans le phénomène du second arc-en-ciel, il en est tout à fait de même.


Ainsi la réfraction qui vient de l’arc-en-ciel intérieur est plus faible, parce que cette réfraction même se produit de plus loin, de telle sorte que, venant plus petite à l’œil, elle fait paraître les couleurs moins vives. § 32[497]. Et si les couleurs sont renversées, c’est qu’il tombe vers le soleil davantage de réfractions de la circonférence la plus petite, qui est la circonférence intérieure ; car étant plus près de la vue, elle est réfractée de la circonférence du premier arc-en-ciel, qui est la plus rapprochée. Or, dans l’arc-en-ciel extérieur, la circonférence la plus rapprochée, c’est la plus petite. Ainsi, elle aura la couleur rouge, tandis que la circonférence qui suit et la troisième seront dans des rapports proportionnels. Soit l’arc-en-ciel extérieur, B ; l’arc intérieur, A ; les couleurs : C le rouge, D le vert, E le violet. Le jaune paraîtra en F. § 33.[498]. Il n’y a pas trois arcs-en-ciel, et encore moins davantage, parce que déjà le second est très pâle ; de telle sorte que la troisième réfraction serait excessivement faible, et qu’elle ne pourrait pas aller jusqu’au soleil.


CHAPITRE V.

Démonstration graphique de l’arc-en-ciel ; positions diverses du soleil ; construction des figures géométriques propres à expliquer la réfraction des rayons solaires. — Arcs-en-ciel lunaires. — Époques de l’année où peut se produire l’arc-en-ciel.


§ 1.[499]. Que l’arc-en-ciel ne puisse pas être entièrement circulaire, que la section ne puisse pas aller au-delà de la demi-circonférence, et que toutes les conditions du phénomène soient bien telles que nous les avons dites, c’est ce dont on peut se convaincre sans peine en étudiant la figure ci-jointe.


§ 2.[500]. Un hémisphère au-dessus de l’horizon est représenté par A ; son centre est C ; et tel autre point s’élevant sur l’horizon est représenté par S. Si les lignes tombant de C, en forme de cône, font de la ligne SC une sorte d’axe, et que les lignes menées de C vers N se brisent à partir de la demi-circonférence vers S, c’est-à-dire sur le plus grand angle, les lignes menées de C formeront en tombant une circonférence de cercle. § 3.[501]. Et si la réfraction a lieu, soit au lever soit au coucher de l’astre, la partie qui est au-dessus de la terre sera une demi-circonférence de cercle coupé par l’horizon. Mais quand l’astre sera en ascension, la portion de cercle interceptée sera toujours moindre que la demi-circonférence elle sera la plus petite possible, lorsque l’astre est au méridien.



§ 4.[502]. Supposons d’abord que l’astre soit à son lever représenté par S. Supposons aussi que la ligne CN soit réfractée sur S, et que le plan représenté par A soit mené en passant par le triangle SCN. La section de la sphère sera donc un cercle. Prenons le plus grand possible, celui qui est représenté par A. Il n’y a en effet aucune différence à choisir des plans quelconques qui, de la ligne SC, peuvent être menés suivant le triangle CNS. Ainsi donc, les lignes menées des points SC ne pourront pas se rencontrer, dans ce rapport, sur tel ou tel autre point du demi-cercle représenté par A.

§ 5.[503]. En effet, puisque les points S et C sont donnés, la ligne SC le sera aussi, et la ligne NS le sera également, tout comme le rapport de NS à NC. Par conséquent, le point N touchera une périphérie donnée, que nous représentons par MN. Par suite, la section des périphéries sera donnée. Mais je dis que sur toute autre partie de la périphérie MN, le même rapport ne subsistera pas entre les mêmes points dans le même plan.

§ 6.[504]. Soit donc une ligne prise en dehors, DB, et que D soit coupé par rapport à B dans la proportion de NS à NC. NS est plus grand que NC, puisque la réfraction du cône se fait sur le plus grand angle ; et qu’en effet, NS sous-tend le plus grand angle du triangle NCS. Ainsi D est plus grand que B. § 7.[505]. Que l’on ajoute à B la ligne F, de telle sorte que BF soit à D ce que D est à B. Ensuite, supposons que B soit à une autre ligne, CP, comme F est à CS, et que de P à N soit menée la ligne PN. § 8.[506]. P sera donc le pôle du cercle sur lequel tombent les lignes menées de C. Ainsi, ce que F est à CS, B le sera à CP et D à PN. En effet on peut supposer aussi que cela n’est pas, et que le rapport a lieu avec une ligne plus petite ou plus grande que PN, parce qu’en effet il n’y aurait aucune différence. § 9.[507]. Que ce soit par exemple relativement à PR. Ainsi les lignes SC, CP et PR seront entr’elles dans le même rapport que FBD. Mais FBD étaient proportionnellement comme D est à B, comme FB est à D. Ainsi PR est à PC comme PS est à PR. § 10.[508]. Si donc des points CS, les lignes SR et CR sont jointes à R, les lignes jointes auront le même rapport que SP à PR. En effet, c’est à un même angle P que se rapportent proportionnellement les angles du triangle SPR et du triangle CRP. Ainsi, PR est à CR dans le même rapport que SP est à PR. § 11.[509]. De plus, NS est à NC dans le même rapport que D est à B. Ainsi, en partant des points SC, des lignes ayant le même rapport iront coïncider non seulement à la périphérie NM, mais encore sur tout autre point. Or c’est là ce qui est impossible.

§ 12.[510]. Puis donc que D ne peut se rapporter ni à une ligne plus petite que NP, ni à une ligne plus grande, car on le démontrerait de même, il faut nécessairement qu’il se rapporte à la ligne NP. Ainsi ce que NP est à PC, PS l’est à NP, et l’autre ligne NS l’est à NC. § 13.[511]. Si donc en prenant le pôle P, et la distance NP, on décrit un cercle, il touchera tous les angles que forment, en se brisant, les lignes menées du cercle NS. Si non, on démontrerait également que les lignes menées de l’un et l’autre côté du demi-cercle ont le même rapport ; ce qui a été démontré impossible. § 14.[512]. Si donc on trace le demi-cercle A autour du diamètre SCP, les lignes menées de SC et se réfractant vers N, seront également dans tous les plans et feront l’angle égal CNS ; et l’angle que feront les lignes SP et NP sur SP sera toujours égal. § 15.[513]. Ainsi, les triangles sur SP et CP sont égaux à SNP et CNP. Leurs perpendiculaires tomberont sur le même point de SP et seront égales. Qu’elles tombent en O, le centre du cercle sera donc O ; et le demi-cercle, c’est-à-dire NM, est enlevé de l’horizon. § 16.[514]. Car on sait que le soleil ne domine pas les parties supérieures de l’atmosphère et qu’il ne domine que les matières qui sont transportées près de la terre, et qu’il fait écouler l’air. C’est là ce qui est cause que l’arc-en-ciel n’est jamais un cercle complet. Il arrive aussi, mais rarement, qu’il se produit dans la nuit par l’effet de la lune. C’est qu’elle n’est pas toujours pleine, et naturellement elle est trop faible pour dominer l’air. L’arc-en-ciel se forme surtout là où le soleil domine le plus ; car là aussi il se forme dans l’arc-en-ciel le plus de gouttelettes.

§ 17.[515]. Soit donc encore l’horizon représenté par ABC. Que l’on élève S et que l’axe soit ici représenté par SP, on fera tout le reste de la démonstration, comme auparavant. Mais ce pôle du cercle, P, sera au-dessous de l’horizon AC, quand le point S s’y sera élevé. § 18.[516]. Or le pôle, le centre du cercle et celui du nouvel horizon qui termine le lever de l’astre, seront sur la même ligne ; car le cercle est représenté par SP. § 19.[517]. Mais comme CS est au-dessus du diamètre AC, le centre serait d’abord au-dessous de l’horizon AC, sur la ligne CP, et au point O. Ainsi la section supérieure du demi-cercle, représentée par XYZ, est plus petite ; car XYZ est un demi-cercle. Mais maintenant il est coupé par AC, l’horizon. YZ sera invisible, pour peu que le soleil lui-même s’élève vers le méridien. Plus S est élevé, plus le pôle est bas, ainsi que le centre du cercle.

§ 20.[518]. Si dans les jours plus courts qui viennent après l’équinoxe d’automne, il se peut que l’arc-en-ciel se produise toujours, et si dans les jours plus longs qui sont compris entre l’un et l’autre équinoxe, l’arc-en-ciel ne se produit jamais à midi, la cause en est que toutes les sections du côté de l’Ourse sont plus grandes que la demi circonférence, et qu’elles deviennent toujours de plus en plus grandes, à mesure que la partie qu’on ne voit pas continue à se rapetisser. Mais les sections qui sont vers le méridien de l’équinoxe sont, l’une, la section supérieure, très petite, et l’autre, qui est au-dessous de la terre, fort grande. Et toujours à mesure que le soleil s’éloigne, les sections sont de plus en plus grandes.

§ 21.[519]. Par conséquent, dans les jours qui avoisinent le solstice d’été, à cause de la grandeur des jours, avant que S n’arrive au milieu de la section et qu’il ne soit au méridien, P est déjà tout à fait en bas, parce que le méridien est fort loin de la terre, par suite de la grandeur de la section.

§ 22.[520]. Mais dans les jours qui avoisinent le solstice d’hiver, comme les sections des cercles ne sont pas très élevées au-dessus de la terre, il faut nécessairement que le phénomène se passe tout à l’inverse ; car il n’y a pas besoin alors que le point S soit fort élevé, pour que le soleil arrive au méridien.


CHAPITRE VI.

Du parhélie. Des verges lumineuses. Explication de ces deux phénomènes ; moments où ils se produisent ; positions qu’ils prennent. Du halo.


§ 1[521]. Il faut croire que ce sont des causes semblables à celles qu’on vient d’exposer qui produisent le parhélie et les verges ou bâtons lumineux. Ainsi, le parhélie se forme par la vision réfractée d’un certain point vers le soleil ; et les verges se forment, parce que la vision tombe sur un nuage, étant telle que nous avons dit qu’elle est toujours, lorsque les nuages étant près du soleil, elle est réfractée de quelque corps aqueux vers le nuage. § 2.[522]. Les nuages eux-mêmes paraissent incolores, quand on les regarde directement ; mais, vu dans l’eau, le nuage apparaît plein de verges. La seule différence, c’est que, pour ce dernier cas, la couleur du nuage semble être dans l’eau, tandis que dans les verges on la voit sur le nuage lui-même.

§ 3.[523]. Ce phénomène des verges a lieu lorsque la composition du nuage est inégale, rare dans telle partie, et dense dans telle autre ; ici plus aqueuse, et là moins aqueuse. La vue alors étant réfractée vers le soleil, la forme du soleil ne s’aperçoit pas à cause de la petitesse des miroirs ; et quant à la couleur, comme le soleil, qui est brillant et blanc, se réfléchit sur une surface irrégulière, et que la vue est réfractée vers lui, une partie de la couleur paraît rouge, et l’autre paraît verte ou jaune. § 4.[524]. Il n’y a d’ailleurs aucune différence à ce que la vue passe à travers ces corps, ou que la vue soit réfractée par eux. Dans l’un et l’autre cas, la couleur paraît être la même, de telle sorte que si dans l’un il du rouges il y en a également dans l’autre. Ainsi donc, les verges sont produites par l’irrégularité du miroir, qui ne réfléchit pas la figure, mais seulement la couleur.

§ 5.[525]. Quant au parhélie, il a lieu lorsque l’air est aussi homogène que possible, et qu’il est également dense partout, de manière à paraître blanc. La régularité du miroir fait qu’il n’y a qu’une seule couleur dans l’apparition. Mais la réfraction de la vision totale, en tombant tout entière sur le soleil, réfléchie par un brouillard qui est épais, et qui, sans être déjà, de l’eau, est tout proche d’en être, fait paraître la couleur propre du soleil comme elle serait réfractée par un airain poli ; et c’est à cause de son épaisseur. § 6.[526]. Ainsi donc, la lumière du soleil étant blanche, le parhélie paraît blanc tout comme lui. C’est là aussi ce qui fait que le parhélie est un signe de pluie bien plutôt que ne le sont les verges ; car alors l’air est bien mieux disposé pour produire de l’eau. L’air du midi en produit plus que celui du nord, parce que l’air du midi se change plus facilement en pluie que l’air du nord.

§ 7.[527]. Ces phénomènes se produisent ainsi que nous l’avons dit, au coucher et au lever du soleil ; et ils ne viennent ni d’en haut ni d’en bas, mais de côté, les verges aussi bien que les parhélies. Ils ne sont placés non plus ni trop près ni trop loin du soleil ; car si le soleil est près, il dissout l’agglomération ; et si elle est trop éloignée, la vue ne se réfracte pas ; car plus elle s’éloigne d’un si petit miroir, plus elle s’affaiblit.

§ 8.[528]. Voilà pourquoi les halos non plus ne se forment jamais à l’opposé du soleil. Si le halo se produit en haut et près du soleil, le soleil le dissout ; s’il est loin, la vue étant plus faible qu’il ne faut pour faire réfraction, elle ne tombera plus sur le soleil. Mais si le halo est placé obliquement et au-dessous de l’astre, il est possible que le miroir soit assez éloigné pour que, d’une part, le soleil ne puisse dissoudre l’agglomération, et que d’autre part, la vision reste assez compacte et entière pour que, portée vers la terre, elle ne s’égare pas comme si elle était portée au travers du vide. § 9.[529]. Le phénomène n’a pas lieu au-dessous du soleil, parce que près de la terre, il serait dissous par l’astre ; mais quand il est en haut dans le milieu du ciel, la vision se disperse et s’éteint. Et même, il ne se produit pas du tout obliquement quand le soleil est au milieu du ciel ; car la vision n’est pas portée sous la terre, de telle sorte qu’elle vient très peu vers le miroir, et que la partie réfractée devient absolument faible et impuissante.


CHAPITRE VII.

Résumé et fin des théories antérieures. — Énoncé d’un nouveau sujet, suite des précédents ; action de l’exhalaison fumeuse et de l’exhalaison vaporeuse dans le sein de la terre ; Idée générale de la formation des métaux.


§ 1.[530]. Voilà donc à peu près l’ensemble des phénomènes que présente la sécrétion dans les espaces placés au-dessus de la terre ; et nous savons à présent quel est le nombre de ces phénomènes et quelle en est la nature. Reste à expliquer les phénomènes qu’elle cause dans le sein même de la terre, quand elle se trouve renfermée dans quelques unes de ses parties. Elle y produit aussi deux espèces différentes de corps, parce qu’elle-même est naturellement double, ainsi qu’elle les produit dans la région supérieure. § 2.[531]. En effet, les exhalaisons sont au nombre de deux, la vaporeuse et la fumeuse, comme nous l’avons dit ; et il y a aussi deux espèces pour tous les corps qui sont dans la terre : les minéraux et les métaux. § 3.[532]. L’exhalaison sèche, en brûlant les matières, produit tous les minéraux, et par exemple toutes les espèces diverses de pierres qui ne se dissolvent pas dans l’eau : la sandaraque, l’ocre, le minium, le soufre, et tant d’autres substances pareilles. La plupart des minéraux ne sont que de la poussière colorée, ou de la pierre formée de cette composition, comme par exemple le cinabre. § 4.[533]. L’exhalaison vaporeuse produit les métaux, qui sont ou fusibles ou ductiles, comme le fer, l’or, l’airain. C’est l’exhalaison vaporeuse qui, en étant renfermée dans la terre, y produit tous ces corps. Et l’exhalaison agit surtout dans les pierres, lorsqu’elle est pressée en un tout compact, à cause de leur sécheresse même, et qu’elle s’y coagule, comme elle se change en rosée, ou en gelée après qu’elle a été sécrétée ; seulement tous ces corps naissent avant que l’exhalaison ne soit sécrétée en eau, § 5.[534]. Aussi sont-ils tantôt liquéfiables comme de l’eau, et tantôt ne le sont-ils pas. La matière de l’eau y était jadis en puissance ; mais elle n’y est plus, et ils ne viennent même pas d’une eau qui aurait subi déjà quelque modification, comme en viennent les sucs ; car ce n’est pas ainsi que se forme ici de l’airain, là de l’or. Mais chacun de ces corps existent avant qu’ils ne se forment par l’action de l’exhalaison coagulée. § 6.[535]. C’est là ce qui fait que tous ces corps sont combustibles et que tous ont de la terre, parce qu’ils ont tous de l’exhalaison sèche ; l’or seul est incombustible au feu.

§ 7.[536]. Voilà donc ce que tous ces corps ont de commun. Maintenant il faut les étudier en détail et à part, en distinguant d’abord chacune de leurs espèces.


LIVRE IV.



CHAPITRE PREMIER.

Théorie des quatre éléments : deux actifs, le froid et le chaud ; deux passifs, le sec et l’humide. Actions diverses de ces éléments ; génération et changement. La putréfaction ; son rôle considérable dans la nature ; différence de son action selon les corps


§ 1.[537]. Comme on a établi qu’il y a quatre causes des éléments, il résulte que, suivant les combinaisons de ces causes, les éléments sont aussi au nombre de quatre, dont deux sont actifs, le chaud et le froid, et dont deux sont passifs, le sec et l’humide. § 2.[538]. On peut se convaincre de l’exactitude de ces principes par l’induction. En toutes choses, on voit la chaleur et le froid, déterminant, combinant, changeant les corps homogènes et les corps non homogènes ; humectant et séchant, durcissant et amollissant, tandis que les corps secs et humides sont déterminés par le chaud et le froid, et qu’ils subissent toutes les autres modifications dont on vient de parler, les souffrant d’abord eux-mêmes tels qu’ils sont, comme les souffrent aussi tous les corps qui se forment, en parties communes, par la combinaison de ces deux éléments. § 3.[539]. On peut s’en convaincre encore par les définitions que nous donnons de la nature de ces éléments ; car pour le chaud et le froid, nous les appelons actifs, attendu que ce qui coagule les corps est bien quelque chose d’actif. L’humide et le sec sont quelque chose de passif ; car ils sont faciles ou difficiles à délimiter, selon que leur nature vient à souffrir quelque modification.

§ 4.[540]. Il est donc évident que de ces quatre éléments les uns sont actifs, et les autres passifs. Ceci posé, il faut énumérer les effets par lesquels opèrent ainsi les éléments actifs, et rechercher les diverses espèces des éléments passifs.

§ 5.[541]. D’abord donc d’une manière générale, la génération absolue des choses et leur changement naturel sont l’œuvre de ces puissances, ainsi que la destruction naturelle, qui est opposée à la génération et au changement. Ces puissances se retrouvent également dans les plantes et dans les animaux, et dans leurs parties. § 6.[542]. Mais la génération absolue et naturelle n’est qu’un changement causé par l’action de ces puissances, lorsqu’elles sont en un rapport convenable avec la matière qui est propre à chaque nature de corps. Ce sont alors les puissances que l’on vient d’indiquer, et qu’on appelle passives. C’est le froid et le chaud qui, en maîtrisant la matière, engendrent les choses. Mais lorsqu’ils ne dominent pas, il y a alors, même dans une simple partie, crudité et indigestion. § 7.[543]. La génération absolue a pour son contraire le plus ordinaire la putréfaction. En effet toute destruction naturelle est un acheminement vers cet état, comme par exemple la vieillesse et la dessiccation. La fin de tous ces phénomènes, c’est la décomposition, toutes les fois que quelqu’un des composés naturels n’est pas détruit violemment ; et par exemple, une destruction violente c’est de brûler de la chair, de l’os, ou telle autre chose de ce genre, dont la fin suivant leur destruction naturelle devrait être la putréfaction.

§ 8.[544]. Voilà pourquoi les choses qui se putréfient sont d’abord humides, et sèches à la fin ; car c’est de là qu’elles sont d’abord venues, et le sec a été délimité par l’humide, quand les éléments actifs ont opéré. La destruction a lieu quand le délimité l’emporte sur le délimitant, par l’action de ce qui l’entoure. § 9.[545]. Cependant à proprement parler, la putréfaction se dit pour les choses qui se détruisent successivement, quand elles s’éloignent de leur nature. Aussi toutes choses se putréfient, le feu excepté ; la terre, l’eau, l’air se putréfient ; car toutes ces choses sont matière et aliment pour le feu. § 10.[546]. La putréfaction est, dans tout corps humide, la destruction de sa chaleur propre et naturelle, par le fait d’une chaleur étrangère ; et cette chaleur étrangère ne peut être que celle du corps environnant. § 11.[547]. Puis donc que le corps souffre dans ce cas par le manque de chaleur, et que tout ce qui manque de cette puissance est froid, tous deux seraient cause de la putréfaction ; et la putréfaction serait la modification commune, et du froid propre au corps, et de la chaleur étrangère. § 12.[548]. C’est pour cela que toutes les choses qui se pourrissent deviennent aussi plus sèches, et qu’enfin elles deviennent terre et fumier. En effet, la chaleur propre du corps venant à sortir, l’humide naturel s’en évapore aussi ; et ce qui retient et attire l’humidité n’existe plus, puisque c’est la chaleur propre qui l’y attire et l’y fait entrer.

§ 13.[549]. Durant les froids, il y a moins de putréfaction que durant les chaleurs. C’est qu’en hiver, il y a peu de chaleur dans l’air et dans l’eau qui environnent les corps, de sorte que cette chaleur n’a aucune influence ; mais elle en a davantage en été. § 14.[550]. Ce qui est gelé ne peut pas non plus se putréfier ; car la glace est plus froide que l’air n’est chaud. L’air est donc dominé, et c’est le principe moteur qui domine. Ce qui bout ou ce qui est chaud ne se putréfie pas non plus ; car la chaleur qui est dans l’air, est moins forte que celle qui est dans la chose, de telle sorte qu’elle ne domine pas et qu’elle n’amène aucun changement. § 15.[551]. De même encore, ce qui est en mouvement et ce qui coule se putréfie moins que ce qui reste en place ; car le mouvement causé par la chaleur qui est dans l’air est plus faible que la chaleur qui préexiste dans la chose ; et par conséquent, elle ne produit aucun changement d’état. § 16.[552]. C’est la même cause qui fait que ce qui est en grande quantité se putréfie moins que ce qui est en petite quantité. Dans la grande quantité, il y a trop de feu propre et de froid, pour que les forces environnantes puissent l’emporter. § 17.[553]. Aussi l’eau de la mer, si on la divise par portions, se putréfie très vite, tandis que dans sa masse totale elle ne se putréfie pas ; et il en est de même pour toutes les autres eaux. § 18.[554]. Et les animaux naissent dans les choses putréfiées, parce que la chaleur naturelle qui s’en dégage recompose et rassemble les parties sécrétées et divisées.

Voilà donc ce que c’est que la génération, et aussi la destruction des choses.


CHAPITRE II.

Modifications successives des corps par l’action des quatre éléments, modifications causées par la chaleur et le froid : digestion, maturation, coction, cuisson ; modifications contraires causées par le froid. Résultats divers de la digestion, selon les corps et les circonstances.


§ 1.[555]. Il nous reste à dire quelles sont les modifications consécutives que déterminent les forces dont nous venons de parler, en agissant sur les objets déjà formés par la nature elle-même. La chaleur cause la digestion, et les espèces de la digestion sont : la maturation, la coction, la cuisson. Le froid cause l’indigestion, et l’indigestion a pour espèces : la crudité, le ramollissement et la coction imparfaite. § 2.[556]. Il faut bien remarquer que ces expressions ne correspondent pas très convenablement aux choses ; mais pourtant elles ne s’appliquent pas d’une manière générale à des phénomènes identiques. Par conséquent, il faut bien se dire que toutes ces espèces ne sont pas absolument, mais seulement à peu près, ce qu’on vient de dire. Nous allons les reprendre chacune à leur tour.

§ 3.[557]. La digestion est donc un achèvement par la chaleur naturelle et propre, agissant sur les opposés passifs. Et par ces opposés, j’entends la matière propre à chaque corps, puisque, quand elle est digérée, l’opération est achevée, et qu’elle est devenue tout ce qu’elle doit être. § 4.[558]. Le principe de cet achèvement vient de la chaleur propre, bien que cette chaleur puisse être aidée et complétée par quelque secours extérieur. C’est ainsi, par exemple, que la digestion des aliments est aidée par des lotions et par d’autres moyens analogues. Mais le principe, c’est la chaleur qui est dans le corps même. § 5.[559]. Le but de la digestion, c’est tantôt la nature même de l’être, la nature qui pour nous est forme et substance ; tantôt la fin de la digestion aboutit à une certaine configuration, lorsque le corps humide qui est ou cuit, ou rôti, ou putréfié, ou échauffé de toute autre manière, acquiert telle qualité ou telle dimension ; car alors il peut être mis en usage, et nous disons qu’il est digéré, comme le moût et les liquides qui sont dans les tumeurs, lorsqu’ils se convertissent en pus, et comme la larme quand elle devient chassie. Et de même pour une foule d’autres choses. § 6.[560]. C’est là du reste ce qui arrive à tous les corps, quand la matière et l’humidité sont dominées et vaincues ; car c’est elle qui est déterminée par la chaleur qui est dans la nature de l’objet ; et tant que la définition lui convient, c’est sa nature. C’est là ce qui fait aussi que ce sont des objets de ce genre, urines, selles, et en général toutes les excrétions, qui sont des signes de la santé. On dit qu’elles sont digérés, parce qu’elles montrent que la chaleur propre l’emporte sur l’indéterminé. § 7.[561]. Il faut nécessairement que les choses digérées soient plus épaisses et plus chaudes ; car la chaleur rend la chose sur laquelle elle agit plus renflées plus épaisse et plus sèche.

§ 8[562]. Voilà donc ce que c’est que la digestion. Quant à l’indigestion, elle est l’inaccomplissement de ces phénomènes par défaut de chaleur propre. Le défaut de chaleur, c’est le froid. L’inaccomplissement vient des opposés passifs, selon la matière spéciale de chaque objet, d’après sa nature.

Voilà ce que nous avions à dire de la digestion et de l’indigestion.


CHAPITRE III.

Des différentes espèces de digestion : la maturation et la crudité ; cuisson complète, et cuisson insuffisante par bouillie ; explication de ces deux états des corps susceptibles de bouillir ; cuisson par rôtissage. Génération d’animaux dans la putréfaction de la cavité inférieure. Cuisson incomplète par rôtissage.


§ 1.[563]. La maturation est une sorte de digestion ; car la digestion de la nourriture qui est dans les péricarpes, c’est ce qu’on appelle la maturation. Comme la digestion est une sorte d’achèvement, la maturation est achevée quand les semences, qui sont dans le péricarpe, sont en état de produire un fruit tout pareil à ce qu’elles sont ; et c’est bien en ce sens aussi que, pour toutes les autres choses, nous entendons leur achèvement. § 2.[564]. La maturation s’applique donc précisément au péricarpe. C’est d’après la même idée que beaucoup de choses sont appelées mûres, quand elles sont digérées ; mais ce n’est que par métaphore, parce qu’il n’y a pas, ainsi qu’on l’a dit plus haut, de noms particuliers pour chaque achèvement spécial, dans les choses déterminées par la chaleur et le froid naturels. § 3.[565]. La maturation des tumeurs et du flegme, ainsi que de toutes les choses analogues, n’est que la digestion par l’humide intrinsèque de la chaleur naturelle qui est dans l’objet ; car ce qui ne domine pas ne peut pas déterminer.

§ 4.[566]. Ainsi donc, de la forme aérienne les corps passent à l’état aqueux par la maturation, et les corps aqueux deviennent terreux. Toutes les choses qui se mûrissent deviennent toujours plus lourdes, de légères qu’elles étaient ; et c’est pour atteindre ce résultat que la nature tantôt attire à elle certaines matières, et tantôt en rejette certaines autres.

§ 5.[567]. Voilà donc ce que c’est que la maturation. La crudité est le contraire ; et la non-digestion de la nourriture qui est dans le péricarpe est le contraire de la maturation. Elle est précisément l’humidité sans limite déterminée. Voilà pourquoi la crudité provient de l’air ou de l’eau, ou même est composée des deux à la fois. § 6.[568]. Mais si la maturation est une sorte d’achèvement, la crudité est un inachèvement. L’inachèvement tient au défaut de chaleur naturelle, et à sa disproportion relativement à l’humide digéré. § 7.[569]. Rien en effet de ce qui est humide ne peut se mûrir par soi-même, sans qu’il n’y ait aussi du sec ; car l’eau est le seul des corps liquides qui ne s’épaississe pas. Et ce phénomène a lieu, soit parce que la chaleur y est en petite quantité, soit parce que le défini, c’est-à-dire l’humide, y est en grande quantité. Voilà encore pourquoi les sucs des choses crues sont légers, plutôt froids que chauds ; et qu’on ne peut ni les manger ni les boire. § 8.[570]. Du reste, le mot de crudité a plusieurs sens tout comme le mot de maturation. De là vient qu’on dit que les urines et les selles et les cathares sont crus et c’est par la même raison ; car on dit de toutes choses qu’elles sont crues, parce qu’elles ne sont pas dominées par la chaleur et qu’elles n’ont pas été constituées définitivement par elle. § 9.[571]. En poussant les choses un peu plus loin, on dit aussi de l’argile qu’elle est crue, du lait qu’il est cru, et d’une foule d’autres substances, si pouvant changer et se constituer sous l’influence de la chaleur, elles restent cependant sans éprouver cette influence. Et ce qui fait qu’on dit de l’eau qu’elle est bouillie, et qu’on ne dit jamais d’elle qu’elle est crue, c’est qu’elle n’épaissit pas.

On a donc expliqué ce que c’est que la maturation et la crudité, et quelles sont les causes de chacune d’elles.

§ 10.[572]. Quant à l’ébullition, c’est d’une manière générale la digestion ou coction produite par la chaleur humide de l’indéterminé que l’humide renferme. Le mot d’ailleurs ne s’emploie proprement que pour les choses qui peuvent bouillir ; et cet indéterminé peut être, ainsi qu’on l’a déjà dit, ou de l’air ou de l’eau. § 11.[573]. La digestion ou coction se produit alors par le feu qui est dans l’humide ; car les choses que l’on met sur le gril ne sont que rôties ; et elles sont affectées de cette manière par la chaleur extérieure. Or le feu rend l’humide dans lequel il est, d’autant plus sec, en l’absorbant en lui-même. § 12.[574]. Mais l’objet qui est bouilli fait tout le contraire ; car l’humide qu’il contient s’en trouve excrété par la chaleur qui est dans le liquide extérieur. Voilà pourquoi les choses bouillies sont plus sèches que les choses grillées ; car les choses bouillies n’absorbent pas en elles l’humide, attendu que la chaleur du dehors l’emporte sur celle du dedans ; et si celle du dedans l’emportait, elle attirerait l’autre entièrement à elle. § 13.[575]. Tout corps du reste n’est pas susceptible d’être bouilli. Ainsi, un corps ne peut pas se bouillir quand il ne contient pas du tout d’humide, comme les pierres ; ou bien lorsque, tout en contenant de l’humide, cet humide ne peut pas être dominé, à cause de la densité de la matière, comme dans le bois. Mais les seuls corps qui puissent se bouillir, ce sont ceux qui ont de l’humidité susceptible d’être modifiée par la combustion qui se fait dans l’humide.

§ 14.[576]. On dit bien parfois que l’or bout, le bois et beaucoup d’autres corps ; mais ce n’est pas d’après la même idée ; c’est uniquement par métaphore, parce qu’il n’y a pas de mot qui réponde directement à ces différences. § 15.[577]. On dit aussi, en parlant des liquides, qu’ils sont bouillis, le lait, par exemple et le sirop, quand le suc qui est dans le liquide vient à être changé en quelqu’espèce nouvelle par le feu qui l’échauffe tout à l’entour, et de dehors, de manière à produire un état à peu près analogue à la cuisson bouillie dont il vient d’être parlé.

§ 16.[578]. Du reste, tout ce qu’on fait bouillir, ou qu’on cuit, n’a pas la même destination ; ici c’est pour manger, là pour boire, ou pour tel autre usage, puisqu’on dit aussi que les remèdes se cuisent en bouillant. § 17[579]. Ainsi, les corps susceptibles d’être bouillis sont tous ceux qui pourront devenir plus épais, ou se réduire, ou se condenser, soit qu’ils restent identiques, soit qu’ils passent aux contraires, parce qu’en se sécrétant les uns deviennent plus épais et les autres plus légers, comme le lait qui peut devenir ou petit-lait ou crème. Quant à l’huile, on ne peut pas dire qu’en elle-même elle soit bouillie ; car elle n’éprouve aucune des modifications qu’on vient d’indiquer.

§ 18.[580]. La digestion, ou coction qui se fait dans la cuisson bouillie, est ce que nous venons de dire ; et elle est la même, soit qu’elle se produise par des instruments factices, ou dans des organes et instruments naturels ; car au fond, c’est toujours la même cause qui agit.

§ 19.[581]. La non-cuisson est l’indigestion contraire à la cuisson bouillie ; mais la cuisson bouillie peut avoir aussi pour contraire cette indigestion, qu’on appelle primitive, de l’élément indéterminé du corps, par suite de l’insuffisance de la chaleur contenue dans le liquide environnant. § 20.[582]. On a dit que cette insuffisance de chaleur est accompagnée de froid ; mais elle a lieu par un autre mouvement que le froid ; car la chaleur qui a fait la cuisson est éliminée, et l’insuffisance de chaleur vient, soit de la quantité de froid qui est dans le liquide, soit de celle qui est dans l’objet et à bouillir ; car alors il arrive que la chaleur qui est dans le liquide est trop grande pour n’y pas causer quelque mouvement, mais trop petite pour qu’elle puisse s’égaliser et avoir la force de digérer complètement. Aussi les choses à demi-cuites sont plus dures que les choses bouillies ; et les liquides sont plus déterminés qu’elles.

Voilà donc ce que c’est que la cuisson et la non-cuisson, et comment elles se produisent.

§ 21.[583]. Le rôtissage est une sorte de digestion au moyen de la chaleur sèche et étrangère ; aussi quand on fait rôtir quelque chose et qu’on amène ainsi un changement et une coction, non par la chaleur de l’humide, mais par celle du feu, l’objet, quand l’opération est achevée, est grillé et non bouilli, et l’on dit qu’il est brûlé, s’il y a excès. C’est par la chaleur sèche que cette combustion se forme, quand, à la fin, le corps devient plus sec qu’il ne faut. § 22.[584]. Voilà aussi pourquoi le dehors est dans ce cas plus sec que le dedans, tandis que c’est tout le contraire pour les choses bouillies ; et pourquoi encore c’est une œuvre plus difficile pour les chefs de cuisine de rôtir que de bouillir ; car il est difficile d’échauffer également les parties du dedans et celles du dehors ; les parties les plus proches du feu, sèchent toujours aussi le plus vite ; et c’est là ce qui fait qu’elles sèchent bien davantage. § 23.[585]. Les pores du dehors venant à se resserrer, l’humide qui est au dedans ne peut être excrété ; mais il y est emprisonné, dès que les pores viennent à se fermer.

§ 24.[586]. Le rôtissage et la cuisson bouillie se produisent artificiellement ; mais, ainsi que nous venons de le dire, il y a des actions tout à fait identiques même dans la nature. Les modifications produites sont pareilles de part et d’autre ; mais elles n’ont pas reçu de nom spécial. L’art ne fait qu’imiter la nature en ceci ; car la digestion des aliments dans le corps des animaux est tout à fait analogue à la cuisson bouillie, puisque la digestion se produit, dans l’humide et dans le chaud, par la chaleur, que renferme le corps ; et il y a parfois des indigestions qui ressemblent à la cuisson imparfaite. § 25.[587]. Il n’y a pas d’animal qui se produise dans la digestion, comme quelques auteurs le prétendent ; mais il s’en produit au milieu de la sécrétion qui se putréfie dans la cavité inférieure, et ensuite l’animal remonte quelquefois en haut ; car la digestion se fait dans la cavité supérieure ; mais l’excrément ne se putréfie que dans l’inférieure. Du reste, c’est dans d’autres ouvrages que nous avons dit quelle est la cause de ce phénomène.

§ 26.[588]. Ainsi donc, la dureté par l’incuisson est contraire à la cuisson bouillie. Il y a bien aussi quelque chose d’également opposé à cette digestion, qui est considéré comme une sorte de rôtissage ; mais ce quelque chose a encore moins de nom. Ce reviendrait à dire qu’il y avait mitonnage et non point rôtissage, par un manque de chaleur, qui tiendrait, soit à la petite quantité du feu extérieur, soit à la trop grande quantité d’eau dans la chose, rôtie. Alors il y a trop de chaleur pour qu’elle ne cause pas de mouvement, et il n’y en a pas assez pour digérer.

§ 27.[589]. Voilà donc ce que c’est que la digestion et l’indigestion, la maturation et la crudité, la cuisson bouillie et le rôtissage ; et voilà quels sont les états contraires à ceux-là.


CHAPITRE IV.

Des éléments passifs des corps, le sec et l’humide ; leurs rapports ; vers d’Empédocle ; la terre représente le sec, et l’eau représente l’humide. Il n’y a d’animaux que dans la terre et dans l’eau. Dureté et mollesse absolues et relatives des corps ; manière dont nous la percevons et la jugeons.


§ 1.[590]. Maintenant, il faut étudier les transformations des éléments passifs, de l’humide et du sec. Les principes passifs des corps sont l’humide et le sec ; et les autres états ne sont qu’un mélange de ceux-là. Là où l’un des deux domine le plus, le corps est davantage de sa nature. Ainsi ; tels corps tiennent plus du sec ; tels autres tiennent davantage de l’humide. § 2.[591]. D’ailleurs, tous peuvent être ou actuellement et en réalité, ou être dans l’état opposé, c’est-à-dire en puissance. C’est là le rapport de la dessiccation à l’objet desséchable. § 3.[592]. Mais comme l’humide est facile à délimiter, et le sec difficile, le sec et l’humide éprouvent relativement l’un à l’autre quelque chose d’analogue aux rapports des mets et des assaisonnements. L’humide est pour le sec une cause de détermination ; et ils sont l’un pour l’autre comme la farine et l’eau, quand on fait de la colle. C’est l’explication que donne Empédocle dans ses vers sur la nature

« Ayant collé la farine avec l’eau. »

Et voilà, comment le nouveau corps se forme de la réunion des deux. § 4.[593]. Parmi les éléments, le sec s’applique le plus spécialement à la terre, et l’humide à l’eau ; et voilà pourquoi tous les corps qui ici-bas sont déterminés, ne peuvent l’être sans terre ni eau. Et selon que l’un des deux l’emporte, chaque corps se montre suivant la prédominance de celui-là. § 5.[594]. C’est seulement de terre et d’eau que se composent les animaux ; il n’y en a point qui consistent d’air ni de feu, parce que ces deux premiers éléments sont la matière des corps.

§ 6.[595]. Parmi les modifications que les corps peuvent présenter, celles qui, nécessairement, appartiennent les premières à un corps déterminé, sont la dureté ou la mollesse ; car, nécessairement, ce qui est composé de sec et d’humide doit être dur ou mou. § 7.[596]. On appelle dur ce qui ne cède pas en rentrant en soi à sa surface, et mou ce qui cède sans se disperser tout à l’entour. Ainsi, on ne peut pas dire de l’eau qu’elle est molle ; car la surface ne cède pas en profondeur, quand on la presse ; mais elle se disperse tout autour. § 8.[597]. On peut donc dire absolument d’une chose qu’elle est dure ou molle, quand elle est dans cet état d’une manière absolue ; mais on peut l’appeler dure ou molle relativement à une autre, quand elle est dure ou molle par rapport à cette autre chose. Le dur et le mou sont toujours indéterminés, l’un relativement à l’autre, parce qu’ils présentent toujours du plus ou du moins. § 9.[598]. Mais jugeons toujours les choses sensibles par l’impression qu’elles causent à nos sens. Il est évident que nous déterminons d’une manière absolue la dureté et la mollesse par rapport au toucher ; le toucher devient pour nous une sorte de mesure moyenne ; et alors ce qui l’emporte sur lui est dur ; ce qui reste au-dessous de lui est considéré comme mou.


CHAPITRE V.

De la cohésion des corps, cause de la dureté et de la mollesse. Principe actif et principe passif des corps. Action de la chaleur et du froid, pouvant l’une et l’autre dessécher les corps. De la dessiccation.


§ 1.[599]. Il est de toute nécessité que le corps déterminé dans sa propre limite, soit dur ou mou, parce qu’il doit ou céder ou ne pas céder. Il faut encore qu’il soit cohérent ; car c’est là la vraie détermination des corps. Ainsi, tout corps déterminé ou composé étant mou ou sec, et ces deux qualités ne pouvant exister que par la cohésion, on peut dire que les corps composés et déterminés ne pourraient jamais être sans la cohésion. C’est donc de la cohésion qu’il faut traiter.

§ 2.[600]. Il y a dans la matière deux causes : ce qui agit et ce qui souffre. Le principe qui agit, c’est ce dont vient le mouvement ; celui qui souffre, c’est la forme. Par suite, ce sont là les causes de la cohésion et de la diffluence ; les causes qui font que les corps sont secs ou qu’ils sont liquides. § 3.[601]. Le principe actif agit par deux forces ; le principe passif souffre par deux modifications, ainsi qu’on l’a dit. L’action se produit par le chaud et le froid ; la souffrance a lieu par la présence ou l’absence du chaud ou du froid. § 4.[602]. Comme la cohésion est une sorte de dessèchement, parlons d’elle en premier lieu. Ainsi donc, ce qui souffre est ou humide ou sec, ou est un composé des deux. Nous posons en fait que le corps de l’humide c’est l’eau, et que le corps du sec c’est la terre ; car ce sont là les éléments passifs dans les corps humides et secs. Aussi, le froid appartient-il davantage aux éléments passifs, puisqu’il est en eux, et qu’en effet la terre et l’eau sont froides.§ 5.[603]. Mais le froid est actif aussi, en tant qu’il détruit les choses ou qu’il agit de toute autre manière accidentelle, ainsi qu’on l’a dit antérieurement. Quelquefois en effet on dit aussi que le froid brûle ou qu’il échauffe, non pas précisément comme la chaleur elle-même, mais parce qu’il rassemble la chaleur ou la répercute tout à l’entour. § 6.[604]. Tout corps qui est de l’eau, ou une espèce d’eau, peut se dessécher ; ou bien, s’il contient de l’eau, soit d’une manière adventice, soit naturellement. J’entends par eau adventice, celle, par exemple, qui est dans de la laine, et par eau naturelle celle qui est dans le lait. § 7.[605]. Les espèces de l’eau, ce sont par exemple le vin, l’urine, le petit lait, et en général toutes les substances qui ne laissent aucun dépôt ou qui ne laissent qu’un résidu passager, sans que ce soit à cause de leur viscosité ; car il y a des substances qui ne laissent jamais le moindre résidu, à cause de leur nature visqueuse, telles que l’huile et la poix. § 8.[606]. Toutes les substances se sèchent, soit par la chaleur soit par le froid ; mais c’est toujours par la chaleur ; et le phénomène a lieu tout à la fois, soit par la chaleur du dedans, soit par celle du dehors. Les choses que sèche le refroidissement, comme un manteau, par exemple, qui est séché lorsque l’humide effectif qu’il contient est isolé, se sèchent par la chaleur intérieure qui fait évaporer l’humide ; et si l’humide y est en petite quantité, elles se sèchent, parce que la chaleur sort à cause du froid environnant. § 9.[607]. Ainsi donc, je le répète, tous les corps se sèchent, soit par la chaleur, soit par le froid ; tous se sèchent par la chaleur, soit du dedans soit du dehors, qui fait évaporer l’humide. J’entends par la chaleur extérieure celle qui s’applique, par exemple, aux choses que l’on fait bouillir ; et celle du dedans agit, quand l’humide disparaît et est détruit par la chaleur propre du corps qui transpire. Voilà ce qu’est la dessiccation.


CHAPITRE VI.

Liquéfaction des corps solides ; ses causes diverses. Solidification des corps liquéfiés ; action alternative du chaud et du froid ; exemples du miel, de l’argile, du lait, du fer converti en acier, de la pierre pyrimaque, des pierres ponces, du nitre et des sels.


§ 1.[608]. Devenir humide, peut signifier deux choses : tantôt cela veut dire qu’il se forme effectivement de l’eau ; tantôt cela signifie que le corps qui était coagulé se fond et se dissout. Ainsi, l’air en se refroidissant peut prendre la consistance de l’eau, et ce que nous allons dire expliquera clairement tout à la fois, et la dissolution et la coagulation. § 2.[609]. Toutes les choses qui se coagulent se coagulent, ou par ce qu’elles sont de l’eau, ou parce qu’elles sont de terre et d’eau ; et elles se coagulent, ou par la chaleur sèche, ou par le froid. Aussi, se dissolvent-elles par les contraires, dans tous les cas où elles ont été coagulées ou par la chaleur ou par le froid. Ainsi, toutes les choses qui ont été coagulées par la chaleur sèche se dissolvent par l’eau, qui est l’humidité froide ; celles qui ont été coagulées par le froid sont dissoutes par le feu, qui est le chaud. Il y a des choses aussi qui semblent se coaguler par l’action de l’eau, comme le miel qu’on a fait bouillir ; mais en réalité il ne se coagule pas par l’eau ; il se coagule par le froid qui est dans l’eau. § 3.[610]. Toutes les choses qui sont de l’eau ne se coagulent pas par le feu ; car elles sont dissoutes par le feu, et le même objet ne peut pas être, pour un même objet et dans les mêmes conditions, cause d’un effet contraire. De plus, la coagulation n’a lieu que par l’absence du chaud ; et par suite évidemment, la dissolution vient de ce que la chaleur entre dans la chose, de telle sorte que c’est bien le froid qui fait que le corps se coagule. § 4.[611]. Aussi, les corps de ce genre en se coagulant ne s’épaississent pas ; car l’épaississement des corps n’a lieu que quand l’humide s’en va et que le sec se condense. Parmi les corps humides, l’eau est le seul qui ne s’épaississe pas.

§ 5.[612]. Tous les corps qui participent à la fois de la terre et de l’eau, se coagulent, soit par le feu, soit par le froid. Ils s’épaississent par tous les deux, en partie de la même manière, en partie d’une manière différente : par la chaleur, qui chasse l’humide ; car, l’humide s’évaporant, le sec se coagule et se condense ; par le froid, qui chasse le chaud, avec lequel s’en va aussi l’humide qui s’évapore. § 6. Les corps mous qui ne sont pas humides ne s’épaississent pas ; mais ils se coagulent, quand l’humide en sort, comme l’argile que l’on fait cuire. Tous les mixtes qui sont humides s’épaississent aussi, comme le lait. § 7.[613]. Il y a beaucoup de ces corps qui même s’humidifient d’abord ; et ce sont ceux qui auparavant étaient ou épais ou durs par l’effet du froid. C’est ainsi que l’argile que l’on cuit se vaporise tout d’abord ; puis elle devient plus molle ; et voilà aussi ce qui fait qu’elle peut se déjeter dans les fours.

§ 8.[614]. Parmi les choses qui participent à la fois de la terre et de l’eau, mais qui ayant plus de terre se coagulent par le froid, les unes, qui se sont coagulées parce que la chaleur en est sortie, se dissolvent aussi par la chaleur quand la chaleur y rentre, comme la boue quand elle s’est coagulée et gelée. Celles au contraire qui se coagulent par le refroidissement, et parce que toute la chaleur s’est évaporée, celles-là sont indissolubles par la chaleur, tant que cette chaleur n’est pas excessive ; mais elles s’amollissent, comme le fer et la corne. § 9.[615]. Le fer, quand on le travaille, se dissout même jusqu’au point de devenir liquide et de se coaguler de nouveau. Et c’est comme cela que l’on fait les aciers ; le métal dépose, et la scorie s’épure en bas. Quand le métal a été traité plusieurs fois ainsi et qu’il est devenu pur, c’est alors qu’il devient de l’acier. § 10.[616]. On ne renouvelle pas du reste cette opération souvent, parce qu’il y a une grande perte, et que le poids devient beaucoup moindre quand on purifie de cette façon le métal. Le fer d’ailleurs est préférable, quand il a une moins grande pureté.

§ 11.[617]. La pierre appelée pyrimaque se dissout aussi de façon à tomber en gouttes et à couler ; mais le liquide, quand il s’est coagulé de nouveau, reprend sa dureté. Les pierres ponces se dissolvent aussi jusqu’au point de couler ; et la partie qui coule, quand elle s’est figée, prend une couleur noire, et le corps devient à peu près pareil à de la chaux. La boue se dissout également, et se liquéfie ainsi que la terre.

§ 12.[618]. Quant aux choses qui se coagulent par la chaleur sèche, les unes sont indissolubles, et les autres sont solubles par l’humide. L’argile et quelques espèces de pierres qui se forment par le feu dans la combustion de la terre, comme les ponces, ne se dissolvent plus dans l’eau ; mais le nitre et les sels sont dissous par l’humide, non par tout humide quelconque, mais par l’humidité froide. § 13.[619]. C’est de même que toutes les espèces d’eau se dissolvent aussi dans l’eau, tandis qu’elles ne se dissolvent pas dans l’huile ; car l’humide froid est le contraire de la chaleur sèche. Si donc c’est l’un des deux qui a coagulé le corps, c’est l’autre qui le dissoudra ; car c’est ainsi que les contraires seront causes d’effets contraires.


CHAPITRE VII.

De la coagulation et de la fusion des corps ; difficulté d’expliquer la nature de l’huile ; corps mixtes composés de terre et d’eau. Épaississement, liquéfaction ; le petit-lait et la crème ; le sang et la fibrine à l’état de santé et d’inflammation ; le nitre, l’argile, les sels, la pierre. Solubilité et insolubilité des corps ; fusion du fer ; les bois ; l’ébène noir.


§ 1.[620]. Toutes les choses qui ont plus d’eau que de terre ne font que s’épaissir par le feu ; mais celles qui ont plus de terre se coagulent. C’est ainsi que le nitre et les sels ont plus de terre, de même que l’argile et la pierre. § 2.[621]. La nature de l’huile est très difficile à classer ; car si elle avait plus d’eau, il faudrait qu’elle se coagulât par le froid, comme les glaces ; et si elle avait plus de terre, ce serait par le feu, comme l’argile. Mais au contraire elle ne se coagule ni par l’un ni par l’autre, et elle s’épaissit par l’action des deux. § 3.[622]. La cause en est qu’elle est pleine d’air ; aussi surnage-t-elle sur l’eau, parce que l’air est porté en haut. Le froid, en convertissant en eau l’air qui y est contenu, l’épaissit ; car toujours, quand on mêle de l’eau et de l’huile, le mélange est plus épais que l’une ou l’autre. § 4.[623]. Par l’effet du feu, et avec le temps, l’huile s’épaissit et blanchit ; elle blanchit parce que l’eau, s’il y en avait, vient à s’évaporer ; elle s’épaissit parce que l’air forme de l’eau, quand la chaleur vient à diminuer et à disparaître. § 5.[624]. Des deux façons, c’est donc la même modification qui a lieu, et par la même cause, mais non pas de la même manière. L’huile s’épaissit par les deux : l’action du temps et celle du chaud. Mais elle ne se dessèche ni par l’un ni par l’autre ; car ni le soleil ni le froid ne la dessèche, non seulement parce qu’elle est visqueuse, mais encore parce qu’elle contient de l’air. L’eau que l’huile contient ne se dessèche pas, et ne bout pas par l’action du feu, parce qu’elle ne se vaporise pas à cause de la viscosité de l’huile.

§ 6.[625]. Tous les corps mixtes composés d’eau et de terre doivent être classifiés d’après la quantité qu’ils renferment de l’un et de l’autre ; et par exemple, il y a un vin qui tout à la fois se coagule et peut bouillir : c’est le vin doux. § 7.[626]. L’eau est expulsée de tous les corps, quand ils se dessèchent. La preuve que c’est bien de l’eau, c’est que la vapeur se condense sous forme aqueuse, si l’on se donne la peine de la recueillir. Et toutes les fois qu’il reste quelque résidu d’un corps, c’est qu’il est de la terre.

§ 8.[627]. Quelques-uns, parmi ces corps, s’épaississent et se dessèchent aussi par le froid, ainsi qu’on l’a dit. C’est qu’en effet le froid, non seulement coagule et dessèche ; mais de plus, il épaissit. Il coagule et dessèche l’eau ; et il épaissit l’air, en en faisant de l’eau. La coagulation a été appelée une sorte de dessiccation. § 9.[628]. Ainsi donc, toutes les substances qui n’épaississent pas par le froid, mais qui se coagulent, ont plus d’eau que de terre, comme le vin, l’urine, le vinaigre, la lessive et le petit-lait. Toutes les substances qui s’épaississent par le feu sans s’évaporer, sont, les unes de terre, et les autres, mélangées d’eau et d’air ; ainsi le miel est de terre ; l’huile est d’air et d’eau.

§ 10.[629]. Le lait et le sang participent à la fois des deux, de l’eau et de la terre ; mais la plupart du temps, ils tiennent davantage de la terre, comme tous les corps humides d’où viennent le nitre et les sels. § 11.[630]. Il y a même des pierres qui se forment de quelques-unes de ces substances. Aussi, quand on n’isole pas le petit-lait, il est brûlé par le feu qui le fait bouillir ; mais la partie terreuse se forme aussi par la présure, pour peu qu’on fasse bouillir le lait comme les médecins, quand ils font tourner le lait pour quelque médicament. § 12.[631]. C’est ainsi que le petit-lait et la crème se séparent, et le petit-lait une fois séparé ne s’épaissit plus ; mais il est consumé comme de l’eau. Quand le lait n’a plus du tout de crème, ou s’il en a peu, il a plus d’eau, et il nourrit moins. § 13.[632]. Il en est de même du sang ; il se coagule, parce qu’il se dessèche en se refroidissant. Tous les sangs qui ne se coagulent pas, comme celui du cerf, ont plus d’eau que de terre et sont les plus froids. Aussi, n’ont-ils pas de fibres ; car les fibres sont de la terre et sont solides ; de telle sorte que si elles manquent, le sang ne peut plus se coaguler. § 14.[633]. Et cela vient alors de ce qu’il ne se dessèche pas ; car dans ce cas, c’est de l’eau qui reste, comme pour le lait quand la crème a été enlevée. La preuve, c’est que les sangs qui sont malades ne veulent pas se coaguler ; car ils sont pleins d’humeur et de pus ; or l’humeur est du flegme et de l’eau, parce qu’alors le sang n’est pas cuit et qu’il résiste à la coction naturelle.

§ 15.[634]. De plus, il y a des corps qui sont solubles comme le nitre ; d’autres qui sont insolubles comme l’argile et la pierre ; et parmi ces substances, les unes peuvent s’amollir par le feu comme la corne ; les autres ne peuvent pas s’amollir, par exemple l’argile et la pierre. § 16.[635]. La raison en est que les contraires causent les contraires ; et par conséquent, si les corps se coagulent par deux causes, le froid et le sec, il faut nécessairement qu’ils se dissolvent aussi par le chaud et l’humide. § 17.[636]. Voilà pourquoi ils se dissolvent par le feu et par l’eau, qui sont des contraires : par l’eau, toutes les fois que c’est par le feu seul qu’ils se coagulent ; par le feu, toutes les fois que c’est par le froid seul qu’ils ont été coagulés. De sorte que les corps qui peuvent se coaguler par les deux, sont les plus insolubles de tous.

§ 18.[637]. Ce sont les corps qui, après avoir été échauffés, se coagulent par le froid. En effet, quand la chaleur sort et suinte, il arrive que la plus grande partie de l’humide est chassée de nouveau en dedans par le froid, de sorte qu’il ne laisse plus de passage pour l’humide. § 19.[638]. C’est là aussi ce qui fait que la chaleur ne dissout pas ces corps, tandis qu’elle dissout ceux qui ne sont exclusivement coagulés que par le froid ; et ces corps ne sont pas dissous non plus par l’eau ; car les corps qui sont coagulés par le froid ne sont pas dissous par l’eau ; mais elle ne dissout que ceux qui sont coagulés uniquement par la chaleur sèche.

§ 20.[639]. Le fer fondu par la chaleur se coagule de nouveau par le froid, de sorte qu’il a besoin des deux pour arriver à la coagulation ; aussi est-il insoluble à l’eau. Quant aux bois, comme ils sont de terre et d’air, ils sont combustibles ; mais ils ne sont ni fusibles ni susceptibles d’être amollis ; ils surnagent sur l’eau, si l’on en excepte l’ébène. § 21.[640]. Mais l’ébène ne surnage pas. C’est que tous les autres bois contiennent plus d’air que celui-là ; l’air a transpiré hors de l’ébène noir ; et il reste en lui plus de terre. § 22.[641]. L’argile n’est que de la terre, parce qu’elle se coagule peu à peu en se séchant ; car l’eau n’a plus les entrées par lesquelles l’air seul est sorti ; le feu n’en a pas non plus, puisque c’est lui qui a coagulé l’argile.

§ 23.[642]. Nous avons donc expliqué ce que c’est que la coagulation et la fusion, par quelles causes et dans quels corps elles se produisent.


CHAPITRE VIII.

Analyse de quelques unes des propriétés que l’action de la chaleur et du froid produit dans les corps ; énumération des propriétés principales, positives et négatives. — Nouveaux détails sur la coagulation et la non-coagulation des corps ; exemples de différents corps fusibles et infusibles.


§ 1[643]. Il est évident, d’après les détails qui précèdent, que les corps se forment par le chaud et par le froid, et que c’est en épaississant, et en coagulant les corps que les éléments accomplissent leur fonction propre. Mais comme ce sont eux qui produisent tous les corps et les façonnent, il y a de la chaleur dans tous les corps ; et il n’y a aussi du froid que dans les corps, en petit nombre, où la chaleur fait défaut. D’autre part, comme ces éléments sont actifs, tandis que l’humide et le sec sont simplement passifs, les corps qui sont en partie formés des uns et des autres participent d’eux tous. § 2.[644]. C’est donc d’eau et de terre que sont composés les corps à parties similaires, soit dans les plantes soit dans les animaux ; et aussi les corps métalliques, comme l’or, l’argent et tous les corps analogues, ils sont formés de ces deux éléments et aussi de l’exhalaison qui est renfermée dans tous les deux, ainsi qu’on l’a dit ailleurs. § 3.[645]. Ces corps diffèrent entre eux, d’abord par les modifications spéciales qu’ils causent sur nos sens, et parce qu’ils peuvent tous produire un certain effet sur nous. Ainsi, le blanc, l’odorant, le sonore, le doux, le chaud, le froid, ne sont ce qu’ils sont que parce qu’ils peuvent agir d’une certaine façon sur notre sensibilité. Mais les corps diffèrent entre eux par d’autres modifications plus spéciales qui viennent de ce qu’ils peuvent éprouver aussi quelque effet, et, par là, j’entends la fusion, la coagulation, la flexibilité et tant d’autres propriétés du même genre ; car ce sont là des propriétés toutes passives, tout aussi bien que l’humide et le sec. § 4.[646]. C’est là ce qui fait la différence entre l’os et la chair, le nerf et le bois, la feuille et la pierre, et chacun des autres corps naturels formés de parties similaires.

§ 5.[647]. D’abord, indiquons le nombre des propriétés des corps qui sont dénommés selon qu’ils peuvent ou ne peuvent pas telle ou telle chose. § 6.[648]. Voici ces modifications coagulable, incoagulable ; fusible, infusible ; ductile, non ductile ; malléable, non malléable ; flexible, non flexible ; amollissable, non amollissable ; friable, non friable ; cassant, non cassant ; modelable, non modelable ; compressible, incompressible ; étirable, inétirable ; extensible, inextensible ; fendable, infendable ; sécable, insécable ; visqueux, sec ; aplatissable, non aplatissable ; combustible, incombustible ; vaporisable, invaporisable.

§ 7.[649]. C’est par ces modifications que diffèrent entre eux la plupart des corps. Maintenant, expliquons quelle propriété ont chacune de ces modifications. Nous avons déjà, parlé antérieurement, d’une manière générale, de la coagulation et de la non-coagulation, de la fusion et de la non-fusion ; revenons-y cependant encore. § 8.[650]. Tous les corps qui se coagulent et qui se durcissent éprouvent ce changement, ceux-ci par le chaud, ceux-là par le froid : par la chaleur, qui dessèche l’humide, et par le froid, qui chasse la chaleur. § 9.[651]. Ainsi, les uns éprouvent cet effet par l’absence de l’humide ; les autres, par l’absence du chaud. Pour ceux qui sont d’eau, c’est l’absence du chaud ; pour ceux qui sont de terre, c’est l’absence de l’humide. Les corps qui se coagulent par l’absence de l’humide sont dissous par l’humide, pourvu que leur cohésion ne soit pas telle que les pores qui leur restent ne soient pas plus petits que les globules de l’eau, comme par exemple l’argile. Les corps qui ne sont pas dans cette disposition sont dissous par l’humide, comme le nitre, les sels, et la terre qui vient de la boue. § 10.[652]. Ceux qui se coagulent par privation de chaleur sont dissous par la chaleur, comme la glace, le plomb, l’airain. § 11[653]. Voilà donc quels sont les corps coagulables et fusibles, et ceux qui ne sont pas fusibles. Sont incoagulables tous ceux qui n’ont pas d’humidité aqueuse, et qui ne sont pas d’eau, mais qui ont plus de chaleur et de terre, comme le miel et le vin doux ; car ils sont en quelque sorte bouillants. Sont aussi non coagulables tous les corps qui ont bien de l’eau, mais qui toutefois ont plus d’air, comme l’huile, le vif-argent et les substances visqueuses, telles que la glu et la poix.


CHAPITRE IX.

Des corps fusibles ; leurs variétés. Des corps humectables et susceptibles de s’imbiber ; des corps flexibles et rigides ; des corps fragiles et friables ; des corps susceptibles de recevoir et de garder des empreintes ; des corps compressibles et incompressibles. Rôle des pores. Des corps extensibles et ductiles ; des corps fendables et susceptibles d’être coupés ; des corps combustibles et incombustibles ; des corps vaporisables. Citation d’Empédocle. Des corps inflammables et ininflammables. Des diverses vaporisations des corps, selon leur nature.


§ 1.[654]. Parmi les substances coagulées, on appelle amollissables celles qui ne sont pas d’eau comme est la glace, car toute glace vient d’eau, mais qui sont plutôt de terre, et d’où l’humide tout entier n’est pas sorti, comme sont le nitre et les sels, et enfin qui ne sont pas de composition irrégulière, comme l’argile, mais qui sont étirables sans être détrempées, qui sont ductiles sans être de l’eau, et qui sont amollies par le feu, comme le fer, la corne et les bois. § 2.[655]. Parmi les choses qui fondent et ne fondent pas, les unes sont humectables ; les autres ne le sont point, comme l’airain, qui est inhumectable, bien qu’on puisse le fondre, tandis que la laine et la terre sont humectables, parce qu’elles s’imbibent. Quant à l’airain, il peut se fondre bien ; mais ce n’est pas par l’eau qu’il se fond. § 3.[656]. Parmi les corps qui se fondent dans l’eau, il y en a aussi quelques-uns qui sont inhumectables, comme le nitre et les sels ; car il n’y a point de corps fondable qui ne devienne aussi plus mou en s’imbibant d’eau. Il y a quelques corps qui, étant humectables, ne sont pas néanmoins fondants, comme la laine et les fruits. § 4. [657]. On appelle humectables tous les corps qui, étant de la terre, ont les pores plus grands que les particules aqueuses, mais qui sont plus dures que l’eau. Sont liquéfiés par l’eau tous les corps qui sont entièrement percés par elle. § 5.[658]. Mais comment se fait-il que la terre soit tout à la fois liquéfiable et humectable par l’humide ? Et pourquoi le nitre est-il seulement fondu et n’est-il pas humecté ? C’est que dans le nitre les pores traversent de part en part, de sorte que ses parties sont sur-le-champ divisées par l’eau, tandis que dans la terre les pores sont tout disjoints et ne se correspondent pas, de telle sorte que, de quelque façon qu’elle reçoive l’eau, la modification qu’elle subit est différente.

§ 6.[659]. Il y a aussi des corps qui sont flexibles, et qui sont tout droits, comme le roseau et l’osier ; et il y a des corps qui ne plient pas, comme l’argile et la pierre. § 7.[660]. Les corps qui sont tout à la fois flexibles et droits, sont ceux dont la longueur peut changer de la ligne circulaire à la ligne droite, et revenir de la ligne droite à la ligne circulaire. Se fléchir et redevenir droit, c’est changer ou être mu, selon la ligne droite ou la ligne circulaire ; car ce qui se courbe soit en haut soit en bas, n’en est pas moins courbe. § 8.[661]. Ainsi, le mouvement, soit en sens convexe, soit en sens concave, est ce qu’on appelle la flexion, l’étendue de l’objet restant toujours la même ; car si la flexion s’appliquait aussi à la ligne droite, le corps serait à la fois courbé et droit ; ce qui est impossible ; je veux dire que le droit ne peut pas être courbe. § 9.[662]. Si tout objet courbe doit être courbé soit en dedans soit en dehors, et si ces deux courbures ne sont que des déviations, l’une au concave l’autre au convexe, il n’y a pas de courbure possible en ligne droite ; mais la courbure et la ligne droite sont des choses toutes différentes l’une de l’autre. C’est donc là ce qu’on appelle les corps flexibles ou rigides, non flexibles et non rigides.

§ 10.[663]. Il y a des corps qui sont frangibles et friables, soit l’un ou l’autre, soit tous deux à la fois. Ainsi, le bois, qui est frangible, n’est pas friable ; la glace et la pierre sont friables, mais ne sont pas frangibles ; l’argile est à la fois frangible et friable. § 11.[664]. Il y a cette différence cependant que la frangibilité est la séparation et la division de l’objet en grands morceaux, tandis que la friabilité est la séparation en un nombre de morceaux quelconque, pourvu que ce soit plus de deux. § 12.[665]. Tous les corps donc qui se sont coagulés de telle façon qu’ils aient beaucoup de pores qui ne se répondent pas entre eux, sont friables ; car les pores sont assez éloignés pour que cet effet se produise ; mais ceux où les pores sont très pénétrants sont frangibles ; et ceux qui présentent les deux espèces de composition ont aussi les deux propriétés.

§ 13.[666]. Certains corps sont capables de garder des empreintes, comme l’airain et la cire ; d’autres n’en sont pas susceptibles, comme l’argile et l’eau. L’empreinte est le déplacement partiel de la surface qui se renfonce, soit par une pression, soit par un coup, et d’une manière générale, par un contact quelconque. Il y a aussi des corps de ce genre qui sont mous, comme la cire, qui change en partie, bien que le reste de la surface demeure ce qu’elle est. Il y en a d’autres qui sont durs, comme l’airain. D’autres ne peuvent pas recevoir d’empreinte, et sont durs, comme l’argile ; car leur surface ne cède pas en profondeur. Il y en a d’autres encore qui sont liquides, comme l’eau, et qui cèdent, mais non par parties, et qui se déplacent tout entiers.

§ 14.[667]. Parmi les corps susceptibles d’empreinte, ceux qui demeurent empreints et sont impressibles à la simple action de la main, sont ceux qu’on peut modeler. Il y en a d’autres qui ne sont pas faciles à empreindre, par exemple la pierre et le bois. Il y en a aussi qu’on empreint aisément, mais où l’impression ne subsiste pas, comme la laine et l’éponge. Mais à vrai dire ceux-ci ne sont pas modelables ; ils sont seulement compressibles. § 15.[668]. On appelle compressibles tous les corps qui serrés peuvent rentrer sur eux-mêmes, la surface s’enfonçant en profondeur, sans se diviser, et sans qu’une molécule se mette à la place d’une autre, comme il arrive pour l’eau qui se déplace tout entière.

§ 16.[669]. La pression est le mouvement qui, venu du corps moteur, se produit par le contact ; c’est un coup, quand ce mouvement est accompagné de translation. § 17.[670]. On peut comprimer tous les corps qui ont des pores vides de matières homogènes ; et l’on appelle compressibles tous les corps qui peuvent rentrer dans leurs propres vides, ou dans leurs propres pores ; car quelquefois les pores où le corps se contracte ne sont pas vides, par exemple l’éponge mouillée, dont les pores en effet sont pleins. Mais ce sont les substances sont les pores sont pleins de parties plus molles que le corps même qui naturellement entre en eux. C’est ainsi que l’éponge, la cire, la chair sont compressibles. § 18.[671]. On appelle incompressibles les corps qui naturellement ne peuvent pas revenir par pression dans leurs propres pores, ou parce qu’ils n’en ont pas, ou parce que ces pores sont pleins de matières plus dures. C’est de cette façon que le fer est incompressible, ainsi que la pierre, et l’eau, et tout ce qui est liquide.

§ 19.[672]. On appelle extensibles tous les corps dont la surface peut se déplacer obliquement ; car étendre un corps, c’est faire que la surface, sans cesser d’être continue, puisse s’allonger vers le corps qui cause le mouvement. C’est ainsi que sont extensibles les cheveux, le cuir, le nerf, la pâte, la glu, tandis que l’eau et la pierre sont inextensibles. § 20.[673]. Il y a des corps qui sont tout à la fois extensibles et compressibles, et telle est la laine par exemple. Il y en a qui ne sont pas les deux à la fois, comme le flegme, qui n’est pas compressible, mais qui est extensible ; tandis que l’éponge est au contraire compressible ; mais elle ne s’allonge pas. § 21.[674]. Il y a des corps qui sont ductiles, comme l’airain ; d’autres qui ne le sont pas, comme la pierre et le bois. Les corps sont ductiles, quand la surface peut tout à la fois et du même coup, se déplacer partiellement en largeur et en profondeur. Ils ne sont pas ductiles quand ils ne peuvent pas subir cet effet. § 22.[675]. Tous les corps ductiles, sont susceptibles d’empreinte ; mais tous les corps susceptibles d’empreintes ne sont pas toujours ductiles, par exemple le bois. Toutefois, on peut dire d’une manière générale que ces deux qualités sont réciproques. Parmi les corps compressibles, les uns sont ductiles, les autres ne le sont pas. La cire et la boue, par exemple, sont ductiles, tandis que la laine et l’eau ne le sont point.

§ 23.[676]. Il y a des corps qui se fendent, comme le bois ; d’autres, qui ne se fendent pas, comme l’argile. § 24.[677]. On dit d’une chose qu’elle peut se fendre, quand elle peut se diviser au-delà du point où l’instrument divisant la divise ; car elle ne se fend que quand elle est divisée au-delà de l’espace où l’instrument divisant la divise, et quand la division gagne de l’avant, effet qui n’a pas lieu dans la coupure. On dit des corps qu’ils ne se fendent pas, quand ils n’éprouvent pas cet effet. § 25.[678]. Rien de ce qui est mou n’est fendable ; j’entends parler des choses qui sont absolument molles par elles-mêmes, et non de celles qui ne sont molles que relativement à d’autres ; car en ce dernier sens, le fer lui-même pourrait être considéré comme mou. Mais, du reste, tous les corps durs ne sont pas non plus fendables, et il n’y a que ceux qui ne sont ni liquides, ni impressibles, ni friables. Ce sont tous les corps qui ont des pores allongés, par lesquels les parties peuvent adhérer naturellement les unes aux autres, et qui n’ont pas de pores en large.

§ 26.[679]. Parmi les corps durs ou mous, ceux-là sont susceptibles d’être coupés, où la division n’anticipe pas nécessairement, et qui ne sont pas friables, quand on les divise Ceux qui sont liquides, ou à peu près liquides, ne peuvent pas être coupés. § 27.[680]. Il y a des corps qui sont tout à la fois susceptibles d’être coupés et fendables, comme le bois. Mais le plus souvent, tout ce qui est fendable, l’est dans sa longueur ; et ce qui est susceptible d’être coupé, l’est dans sa largeur. En effet, comme chaque corps peut avoir une foule de divisions, là où plusieurs longueurs se réunissent en une seule, le corps est fendable en ce sens ; mais là où plusieurs largeurs se réunissent en une seule, il est susceptible d’être coupé en ce sens.

§ 28.[681]. On dit d’un corps qu’il est visqueux, lorsque étant humide ou mou il est extensible. Un corps peut devenir visqueux, par le déplacement de ses parties, quand il est composé d’anneaux, comme les chaînes ; car les corps peuvent beaucoup s’étendre et se resserrer beaucoup. Les corps qui ne sont pas visqueux sont secs. § 29.[682]. On appelle aplatissables tous les corps qui, étant compressibles, gardent leur compression d’une manière durable ; non aplatissables, ceux qui sont tout à fait incompressibles, ou qui ne gardent pas leur compression d’une manière permanente.

§ 30.[683]. Il y a des corps qui sont combustibles ; d’autres, qui sont incombustibles. Ainsi, le bois est combustible ; la laine et l’os, le sont aussi. Mais la pierre et la glace sont incombustibles. Sont combustibles tous les corps qui ont des pores capables de recevoir le feu, et qui ont dans leurs pores, disposés en ligne droite, une humidité plus faible que le feu. Ceux au contraire qui n’ont pas d’humidité ou qui l’ont plus forte que le feu, comme la glace et les végétaux très verts, sont incombustibles.

§ 31.[684]. Sont vaporisables les corps qui contiennent de l’humidité, mais qui l’ont de telle sorte qu’elle ne peut pas s’exhaler, à elle toute seule, sans le secours des combustibles ; car la vapeur n’est que la transformation en air ou en vent, sous l’action de la chaleur brûlante, de la sécrétion venant de l’humide et étant humide elle-même. § 32.[685]. Les substances vaporisables se sécrètent à la longue et se changent en air. Quelques-unes disparaissent tout à fait en se desséchant ; les autres deviennent de la terre. Mais cette sécrétion a cela de particulier qu’elle n’humecte pas, et qu’elle ne devient pas non plus du vent. § 33.[686]. Le vent est un écoulement continu de l’air en longueur. La vaporisation est la sécrétion commune du sec et de l’humide, mêlés ensemble par l’action de la chaleur brûlante. Aussi ne mouille-t-elle pas ; mais elle colore plutôt les choses qu’elle touche. § 34.[687]. La vaporisation d’un corps ligneux est la fumée. Je comprends aussi dans ce genre les os, les poils et tout ce qui s’en rapproche ; je les confonds, car s’il n’y a pas de nom général pour la fumée de toutes ces choses, cependant elles sont comprises dans ce même genre, chacune selon leur analogie, comme le dit aussi Empédocle :

« Les feuilles, les cheveux, les ailes des oiseaux,

« Les écailles couvrant des membres colossaux,

« Tout cela se ressemble. »

La vapeur d’un corps gras s’appelle lignys, et celle d’un corps huileux s’appelle cnisse.

§ 35.[688]. Ce qui fait que l’huile ne bort pas et n’épaissit pas, c’est qu’elle est fumeuse, et qu’elle ne se vaporise pas. L’eau au contraire n’est pas fumeuse ; mais elle se vaporise. Le vin aussi, quand il est doux, est fumeux ; car il est gras, et il se comporte comme l’huile, puisqu’il ne gèle pas par le froid et qu’il ne se brûle pas. On lui donne le nom de vin ; mais de fait ce n’est pas du vin ; son suc n’est pas vineux, et voilà comment il ne grise pas. Le vin ordinaire n’a qu’une faible évaporation ; et c’est ce qui fait qu’il peut produire de la flamme.

§ 36.[689]. Il semble que tous les corps qui se résolvent en cendre sont combustibles. C’est ce qu’éprouvent tous les corps qui se coagulent, soit par la chaleur, soit tout ensemble par le chaud et le froid ; car ces corps sont, comme on peut le voir, dominés par le feu ; mais, parmi les pierres, la pierre à cachets, qu’on appelle spécialement charbon ou escarboucle, est celle que le feu modifie le moins. § 37.[690]. Parmi les combustibles, les uns s’enflamment ; les autres ne s’enflamment pas. Il y a quelques-uns de ces derniers qui sont susceptibles de faire du charbon. Tous ceux qui peuvent donner de la flamme sont dits inflammables ; ceux qui ne peuvent pas en donner sont ininflammables. § 38.[691]. On appelle inflammables tous les corps qui, n’étant pas liquides, peuvent cependant se vaporiser. La poix, l’huile, la cire sont plus inflammables, quand on les mêle avec d’autres corps, que quand elles sont seules. Les corps qui le sont le plus sont ceux qui font de la fumée. Parmi ces derniers corps, on appelle charbonneux ceux qui ont plus de terre que de fumée.

§ 39.[692]. Il y a des corps qui, étant fusibles, ne sont pas inflammables, par exemple l’airain ; et il y en a qui, étant inflammables, ne sont pas fusibles, comme le bois. Il y en a qui sont l’un et l’autre, comme l’encens. § 40.[693]. La cause en est que le bois a l’humide en quantité considérable et continu dans toutes ses parties, de manière qu’il est absolument consumé, tandis que l’airain, qui en a bien dans chacune de ses parties, ne l’y a pas continu ; et l’humide y est en trop petite quantité pour produire de la flamme. L’encens, au contraire, est composé en partie d’une façon, et en partie de l’autre. § 41.[694]. Parmi les corps qui se vaporisent, ceux-là sont inflammables qui ne sont pas fusibles, parce qu’ils contiennent trop de terre ; car ces corps ont le sec qui est commun aussi au feu. Si donc le sec s’échauffe, il devient du feu. Aussi, la flamme est-elle de l’air, ou de la fumée qui brûle. § 42.[695]. L’évaporation des bois est la fumée ; pour la cire, l’encens, et les corps analogues, pour la poix et tous les corps qui contiennent ou de la poix ou des substances pareilles, l’évaporation est de la lignys. Quant à l’huile et à tous les corps huileux, l’évaporation est de la cnisse ainsi que pour tous les corps qui ne peuvent pas du tout brûler, quand ils sont seuls, parce qu’ils ont peu d’humide, et que c’est par l’humide que la transformation se fait, mais qui brûlent très vite quand ils sont mêlés à d’autres substances ; car le gras sec est ce qu’on appelle onctueux. § 43.[696]. Les corps humides qui se vaporisent se rapportent davantage à l’humide (comme l’huile et la poix). Les corps humides qui brûlent tiennent plus du sec.


CHAPITRE X.

Des corps homogènes ; leur composition ; ils sont formés de terre et d’eau ; variétés des combinaisons de ces deux éléments. Action du froid et de la chaleur sur les différents composés ; exemples nombreux de corps diversement formés.


§ 1.[697]. C’est par ces propriétés et par ces différences que les corps homogènes diffèrent les uns des autres, ainsi que nous l’avons dit, soit au toucher, soit aussi par l’odeur, le goût et la couleur. § 2.[698]. J’entends par corps homogènes les corps métalloïdes, comme l’or, l’airain, l’argent, le plomb, le fer, la pierre, et les autres corps de ce genre, et même tous les corps qui ont la sécrétion de ceux-là. J’entends aussi par corps homogènes les éléments qui sont dans les plantes et les animaux, la chair, les os, le nerf, la peau, le viscère, les poils, les muscles, les veines. C’est de ces éléments que se composent les parties non homogènes, comme le visage, la main, le pied et plusieurs autres organes du même genre ; et dans les plantes, le bois, la feuille, la racine et toutes les parties analogues à celles-là. § 3.[699]. Comme ces corps homogènes sont formés par l’action d’une autre cause, mais comme la substance d’où ils viennent est, en tant que matière, le sec et l’humide, c’est-à-dire l’eau et la terre, les deux éléments dont les corps portent le plus évidemment la puissante empreinte ; et comme les éléments actifs qui font ces corps homogènes sont le chaud et le froid, puisque c’est avec le sec et l’humide que le froid et le chaud constituent et coagulent les corps, il nous faut étudier, parmi les corps homogènes et les parties similaires, quelles sont les espèces qui sont de terre, quelles sont celles qui sont d’eau, et quelles sont celles qui participent de toutes deux.

§ 4.[700]. Parmi les corps qui ont été formés par la nature, les uns sont humides ; les autres sont mous ; les autres sont durs. On a dit antérieurement quels sont, parmi ces corps, ceux qui sont mous ou durs par la coagulation. § 5.[701]. Parmi les corps humides, ceux qui se vaporisent sont d’eau ; ceux qui ne se vaporisent pas sont de terre, ou à la fois de terre et d’eau, comme le lait ; ou de terre et d’air, comme le bois ; ou enfin d’eau et d’air, comme l’huile. § 6.[702]. Tous les corps qui sont épaissis par la chaleur sont à la fois de terre et d’eau. On peut avoir quelques doutes pour le vin, parmi les corps humides ; car il peut tout à la fois se vaporiser, et pourtant il s’épaissit, témoin le vin nouveau. § 7.[703]. Cela tient à ce que le vin n’a pas une espèce unique, et qu’il varie beaucoup selon les espèces diverses ; car le vin nouveau a plus de terre que le vin vieux. Aussi, s’épaissit-il bien davantage par la chaleur, et gèle-t-il moins par le froid, parce qu’il contient beaucoup de chaleur et de terre. C’est ainsi qu’en Arcadie, il se dessèche tellement par la fumée, dans les outres où il est renfermé, qu’il faut le racler pour le boire. Mais si toute espèce de vin a de la lie, il est à la fois des deux éléments, de la terre et de l’eau, selon qu’il contient de la lie en plus ou moins grande quantité.

§ 8.[704]. Tous les corps qui s’épaississent par le froid sont de la terre ; tous ceux qui s’épaississent par le froid et la chaleur sont composés aussi de plusieurs éléments, comme l’huile, le miel et le vin doux. § 9.[705]. Parmi les corps solides, ceux qui se coagulent par le froid sont de l’eau, comme la glace, la neige, la grêle, le givre. Ceux qui se coagulent par la chaleur sont de la terre, comme l’argile, la crème, le nitre, les sels. Les corps qui se coagulent par les deux sont les deux ensemble. Ce sont tous les corps coagulés par le refroidissement ; et ces corps sont aussi ceux qui se coagulent par la privation des deux, c’est-à-dire la privation du chaud et celle de l’humide, sortant à la fois par l’action de la chaleur. Les sels en effet se coagulent par la seule privation de l’humide, ainsi que toutes les espèces de terre épurées. Mais la glace ne se coagule que par la seule privation de la chaleur. Aussi, les corps sont coagulés par les deux, et ils contiennent ces deux éléments. § 10.[706]. Les corps d’où l’humidité tout entière est sortie, sont de terre, comme l’argile ou l’ambre. Ainsi, l’ambre et les corps qui se distillent en larmes viennent de refroidissement, par exemple, la myrrhe, l’encens, la gomme. § 11.[707]. L’ambre paraît aussi de cette famille ; car il se coagule ; et de là vient qu’on y voit souvent des animaux qui s’y sont trouvés enveloppés. La chaleur, sortant par l’action de l’eau du fleuve, comme elle sort du miel bouillant, quand on le jette dans de l’eau, fait vaporiser l’humide de l’ambre. Tous les corps qu’on vient de nommer sont de la terre.

§ 12.[708]. Parmi ces corps, il y en a qui ne peuvent ni se fondre ni s’amollir, comme l’ambre ou certaines pierres, par exemple, les stalactites que l’on trouve dans les cavernes ; car ces stalactites se forment comme les pierres, non pas parce que la chaleur en sort sous l’action du feu, mais sous l’action du froid ; alors l’humide en sort en même temps, par la chaleur même qui en sort, tandis que dans les autres corps cet effet ne se produit que par le feu extérieur. Les corps qui ne sont pas desséchés tout entiers sont plutôt de la terre que de l’eau ; mais ils sont fusibles, comme le fer et la corne. Quant à l’encens et aux corps analogues, il se vaporise à peu près comme les bois.

§ 13.[709]. Comme il faut mettre au rang des corps liquéfiables, tous ceux qui se liquéfient et se fondent par le feu, il faut considérer ces corps plutôt comme aqueux. Il y en a quelques-uns aussi qui participent des deux, de l’eau et de la terre, comme la cire. Ceux qui sont dissous par l’eau sont de la terre ; ceux qui ne le sont ni par le feu, ni par l’eau, sont de la terre ou un mélange des deux. § 14.[710]. Si donc tous les corps sans exception sont humides ou solides, et s’il faut y comprendre les corps qui présentent les propriétés que nous avons dites, sans parler des propriétés intermédiaires, tous les caractères indiqués par nous feront reconnaître si les corps sont de terre ou d’eau ou composés de plusieurs éléments, et si c’est par le feu qu’ils se sont solidifiés, ou par le froid, ou par tous les deux ensemble. § 15.[711]. L’or, l’argent, le cuivre, le plomb, l’étain, le verre, et beaucoup de pierres qui n’ont pas de nom contiennent de l’eau ; car toutes ces substances fondent par la chaleur. Quelques vins aussi, puis l’urine, le vinaigre, la lessive, le petit-lait, et le pus, sont de l’eau, puisque tous ces corps se congèlent par le froid. § 16.[712]. Le fer, la corne, l’ongle, l’os, le nerf, le bois, les cheveux, les feuilles, l’écorce, sont plutôt de la terre. § 17.[713]. L’ambre, la myrrhe, l’encens et tous ces corps qu’on appelle des larmes, la pierre de tuf, et les fruits tels que les légumes et le blé, tous ces corps sont aussi de la terre, quoique les uns le soient plus, et les autres moins. Les uns peuvent mollir, d’autres se vaporiser, et être produits par le refroidissement. § 18.[714]. Le nitre, les sels, et certaines espèces de pierres qui ne viennent pas de refroidissement, et qui ne sont pas fusibles, sont également de la terre. Le sang et le sperme sont à la fois, de terre, d’eau et d’air. Le sang qui a plus de fibres a plus de terre ; aussi se gèle-t-il par le froid, et se fond-il par l’humide. Les sangs qui n’ont pas de fibres sont d’eau ; aussi ne se coagulent-ils pas. Le sperme se gèle par le froid, parce que l’humide en sort avec la chaleur.


CHAPITRE XI.

De la température des corps, selon qu’ils sont formés de terre ou d’eau ; action de la chaleur étrangère ; froideur naturelle de la matière ; capacité différente des corps pour la chaleur.


§ 1. D’après ce qu’on vient de dire, il faut poursuivre l’examen des corps, et indiquer quels sont ceux qui, parmi les solides ou les liquides, sont chauds ou froids. § 2.[715]. Ceux donc qui sont d’eau, sont froids en général, s’ils n’ont pas une chaleur étrangère, comme la lessive, l’urine, le vin. Ceux qui sont de terre, en général sont chauds, par suite de l’action de la chaleur qui les a formés, comme la chaux et la cendre. § 3.[716]. Il faut supposer que la matière est une sorte de froid ; car, comme le sec et l’humide sont de la matière, puisque ce sont des éléments passifs, comme aussi les corps de ces éléments sont principalement de la terre et de l’eau, et, comme la terre et l’eau sont caractérisées par la froideur, il en résulte évidemment que tous les corps qui sont absolument d’un seul de ces deux éléments, sont plutôt froids, s’ils ne reçoivent pas une chaleur étrangère, comme en reçoit l’eau qui bout, ou celle qui est échauffée en filtrant dans les cendres, cette eau tirant alors sa chaleur des cendres qu’elle a traversées, attendu que, dans tous les corps qui ont été soumis au feu, il reste toujours de la chaleur en plus ou moins grande quantité. § 4.[717]. C’est pour cela aussi qu’il se forme des animaux dans les substances qui pourrissent ; car il se produit alors dans ces substances une chaleur qui détruit la chaleur particulière de chacune d’elles. § 5.[718]. Les corps qui sont tout à la fois de terre et d’eau, ont de la chaleur ; car ils se sont presque tous formés par la chaleur qui les a cuits. Il y a de ces corps qui ne sont que de la pourriture, comme les corps qui se décomposent en se liquéfiant. Ainsi, tant qu’ils gardent leur nature propre, ils sont chauds, comme le sang, le sperme, la mœlle, l’humeur, et tous les corps analogues. Mais quand ils sont corrompus, et qu’ils sortent de leur nature, ils ne sont plus chauds ; car il ne leur reste plus que la matière, qui est terre ou eau. § 6.[719]. Voilà pourquoi on a pu bien souvent les prendre pour l’une ou pour l’autre. Les uns ont prétendu que ces corps sont chauds ; d’autres ont soutenu qu’ils sont froids, en les voyant chauds tant qu’ils restent dans leur nature, et coagulés quand ils en sortent. § 7.[720]. Il en est donc comme on vient de le dire ; mais cependant, ainsi qu’on l’a expliqué, les corps dans lesquels la matière est surtout de l’eau, sont froids ; car c’est l’eau qui est la plus opposée au feu ; mais ceux où dominent la terre ou l’air, sont plus chauds. § 8.[721]. Il est possible, du reste, quelquefois, que les mêmes corps soient très froids et qu’ils deviennent très chauds par l’action d’une chaleur étrangère ; car ceux qui se resserrent le plus, et qui sont les plus solides, sont en même temps les plus froids, s’ils sont privés de chaleur ; et sont les plus brûlants, si on les met au feu, comme l’eau qui brûle plus que la fumée, et la pierre plus que l’eau.


CHAPITRE XII.

De la composition des substances homogènes ; elles viennent des éléments et de leurs combinaisons proportionnelles. Rapports de l’organisme aux fonctions. — De la composition des corps non homogènes ; cette composition répond toujours à une certaine fin, soit dans la nature, soit dans l’art. — Fin de la Météorologie ; Indication de traités de zoologie et de botanique.


§ 1.[722]. Après ces développements généraux, il faut en venir aux détails, et expliquer en particulier ce que sont la chair, l’os, et tous les autres corps à parties homogènes ; car nous connaissons maintenant de quels éléments se compose la nature de ces corps homogènes, quelles sont leurs espèces, et à quelle espèce se rapporte chacun d’eux, selon son origine. § 2.[723]. Les corps à parties homogènes viennent donc des éléments, et c’est d’eux, comme matière, que sortent toutes les œuvres de la nature. Ainsi, tous les êtres naturels viennent des éléments qu’on a indiqués, comme de leur matière ; mais, quant à leur essence, elle découle de leur définition. § 3.[724]. C’est ce qu’on voit de plus en plus évidemment à mesure qu’on s’élève dans l’ordre des choses, et, en général, quand on observe celles qui sont des instruments, et qui sont employées en vue de quelque fin. Si, en effet, il est évident, par exemple, que le cadavre ne peut être appelé un homme que par simple homonymie, il ne l’est plus autant tout à fait que la main de ce mort n’est une main que par une homonymie pareille, de même que des flûtes de pierre ne seraient flûtes que de nom. En effet, il y a des choses dans la nature qui, comme celles-là, ne sont que des instruments. § 4.[725]. Mais ceci devient un peu moins évident pour la chair et pour l’os, et moins encore pour le feu, pour l’eau, pour la terre. Le but poursuivi est de moins en moins sensible dans ces cas, en proportion que la matière domine davantage. De même, en effet, que si l’on prend les choses dernières, la matière n’y est plus rien absolument qu’elle-même, et que l’essence y est tout à fait réduite à la définition, de même les intermédiaires ne sont ce qu’ils sont que dans la proportion où chacun d’eux se rapproche ; car chacun d’eux n’existe qu’en vue d’une fin ; et il n’est pas simplement de l’eau ou du feu, de même qu’il n’est pas non plus simplement, soit chair, soit intestin. Mais on peut le dire bien plus évidemment encore de la main ou du visage. § 5.[726]. Tous les corps sont ainsi déterminés par leur fonction ; car ceux qui peuvent accomplir comme il faut leur fonction propre, sont véritablement chacun ce qu’ils doivent être. Ainsi, l’œil quand il voit, est vraiment œil ; mais celui qui ne peut pas voir n’est œil que par homonymie, comme le serait un œil mort, ou un œil de pierre. De même encore, une scie de pierre n’est pas une scie, si ce n’est comme l’est une simple image de scie. § 6.[727]. C’est bien encore ainsi qu’est la chair ; mais sa destination est moins évidente que celle de la langue, par exemple. Il en est de même aussi du feu. Mais physiquement, sa fonction est moins évidente encore que celle de la chair. § 7.[728]. On en peut dire autant pour les parties des plantes, et aussi pour les objets inanimés, comme l’airain et l’argent ; car toutes ces choses ont une puissance quelconque, soit pour agir, soit pour souffrir, comme la chair et le nerf ; mais leurs raisons d’être ne sont pas parfaitement distinctes. § 8.[729]. Aussi, n’est-il pas facile de discerner quand la fonction existe et quand elle n’existe pas, à moins qu’elle ne soit tout à fait détruite, et qu’il ne reste que les formes seules, comme ces cadavres déjà anciens qui deviennent tout à coup de la cendre, quand on veut les toucher dans leurs tombeaux. C’est ainsi que les fruits, quand ils sont très vieux, ne sont fruits que par la mine, et ne le sont plus quand on les goûte, de même que ces vaines représentations qui sont faits avec du lait coagulé.

§ 9.[730]. Il se peut donc que les parties homogènes se forment par la chaleur, par le froid, et par les mouvements de tous deux, et qu’elles soient solidifiées, soit par le chaud, soit par le froid ; je veux parler des corps à parties homogènes, telles que la chair, l’os, les poils, les nerfs et tous les corps de cette espèce. § 10.[731]. Tous diffèrent en effet entre eux par les différences qu’on a dites antérieurement : l’extension, la traction, la friabilité, la dureté, la mollesse, et toutes les autres qualités analogues ; et ils se forment par le mélange du froid et du chaud, et par les mouvements qui en résultent.

§ 11.[732]. Mais les corps à parties non homogènes, quoique composés de ces éléments, ne paraissent pas présenter entre eux de ces différences, comme la tête, la main, le pied. Mais de même que la cause qui fait naître le cuivre et l’argent, c’est le froid et la chaleur, et le mouvement qu’ils produisent, et que ce n’est plus ce simple mouvement qui produit des choses telles que la scie, la burette, le coffre ; de même, d’un côté c’est l’art qui agit ; et de l’autre, c’est la nature, ou telle autre cause.

§ 12.[733]. Maintenant que nous savons d’une manière générale ce que sont tous les corps à parties homogènes, il faut rechercher ce que sont chacun d’eux particulièrement, comme le sang, la chair, le sperme, et tous les autres corps analogues ; car c’est ainsi que nous saurons, pour chacun d’eux, quelle est sa destination et quelle est sa nature, soit que nous en connaissions la matière, ou seulement la définition ; et surtout, si nous savons tout à la fois les causes de la génération et de la destruction pour les corps, et le principe d’où leur vient le mouvement.

§ 13.[734]. Ceci étant éclairci, il faudra étudier également les corps à parties non homogènes ; et enfin les êtres qui en sont composés, tels que l’homme, la plante, et tous les êtres de même ordre.


FIN DU LIVRE IV ET DU TRAITÉ DE LA MÉTÉOROLOGIE.
  1. Dans des ouvrages antérieurs, d’après les explications qui suivent et d’après les commentateurs grecs, Alexandre d’Aphrodisée ou d’Égée, Olympiodore et Philopon, les ouvrages antérieurs dont il est ici question sont au nombre de trois : La Physique, Le Traité du ciel et Le Traité de la génération et de la corruption. — Des premiers principes de la nature, ce sujet a été traité dans la Physique. — Du mouvement physique dans toutes ses parties, id. ibid. — Des astres, dans le Traité du ciel. — Des éléments des corps, au second livre du Traité de la génération et de la corruption. — Et les permutations réciproques, ceci semblerait se rapporter plus particulièrement au IVe livre de la Météorologie elle-même. — De la génération et de la destruction des choses, dans le traité de ce nom, et spécialement dans le premier livre de et traité.
  2. De toute cette étude, c’est-à-dire l’étude générale de la nature. — Nos devanciers, les commentateurs grecs n’indiquent pas à qui s’applique précisément cette désignation. Elle prouve qu’avant le temps d’Aristote, on avait essayé de réunir en une science régulière l’étude de certains phénomènes qui se passent dans l’atmosphère ; et Aristote lui-même cite dans son ouvrage une foule de théories antérieures aux siennes. — L’élément premier des corps, selon Alexandre, l’élément premier signifie ici le corps éthéré, qui enveloppe tous les astres, et qui se meut circulairement. Dans les théories d’Aristote et de l’antiquité, ce cinquième élément a une marche plus régulière qu’aucun des quatre autres. — Le plus rapproché de la révolution des astres, ceci n’est pas exact si on l’applique même aux planètes ; ce l’est bien moins encore si on l’applique aux étoiles fixes. Mais aujourd’hui même on ne sait pas précisément à quelle distance de la terre se passent les phénomènes météorologiques. — La voie lactée, l’étude de la voie lactée ne fait plus partie de la météorologie depuis qu’on sait que c’est un amas innombrables d’étoiles fixes très rapprochées entre elles. Aristote lui-même s’occupe plus loin de la voie lactée, dans le ch. 8 du premier livre. — Les comètes, l’étude des comètes fait aujourd’hui partie de l’astronomie. Au XVIIe siècle, Roberval les compte encore parmi les météores, et Descartes le lui reproche, tome IX, p. 557, édit. de V. Cousin. — Les météores ignés, par exemple, les aurores boréales, les étoiles filantes, les bolides etc. — Des accidents communs de l’air et de l’eau, c’est ce qui ressortira des explications et des théories qui seront exposées plus loin. L’air et l’eau exercent une action constante l’un sur l’autre, soit pour la vaporisation des liquides, soit pour la rétraction de la lumière ; et c’est à l’aide de l’air et de l’eau combinés avec la chaleur et le froid qu’Aristote essaiera d’expliquer tous les phénomènes de la météorologie. — De toutes les espèces de la terre, la géologie forme maintenant une science à part. — Les causes des vents, on verra plus loin que les vents sont très étroitement rattachés aux tremblements de terre. Aujourd’hui ces phénomènes sont parfaitement distingués les uns des autres ; au temps d’Aristote, il étaient encore confondus. — Les uns nous sont inexplicables, de nos jours même et malgré les progrès de la science, la météorologie est bien loin de pouvoir expliquer tout ce qu’elle observe ; et il faut ajouter qu’elle ne s’en flatte pas. — Dans une certaine mesure, cet aveu est plein de modestie et de justesse. — La foudre, des ouragans, des tempêtes, ce sont toujours là des sujets traités par la météorologie.
  3. Des animaux et des plantes, pour les animaux, il reste d’Aristote plusieurs traités admirables qui font une des meilleures parts de sa gloire ; mais quant aux plantes, si Aristote a fait réellement quelque ouvrage, il ne nous en est rien parvenu, la traité Des Plantes compris dans ses œuvres étant apocryphe. Les commentateurs grecs ne citent aucun ouvrage spécial de lui sur cette matière. Diogène Laërce, dans son catalogue, mentionne deux livres sur les plantes (livre V, ch. 1, p. 116, ligne 49, édit. Firmin Didot) Mais si Aristote n’a pas écrit personnellement sur la botanique, il n’y a pas de doute que c’est lui qui a inspiré et guidé Théophraste, son disciple. Voir plus loin le IVe livre, ch. 12, § 13, où il est encore question des études sur les animaux et les plantes. — Dès le début, c’est-à-dire quand il a commencé l’étude générale de la nature. — Dont nous venons de parler, c’est-à-dire des phénomènes particuliers dont l’étude constitue la météorologie. On voit d’ailleurs que dans ce assumé ne figure que très obscurément l’indication des théories qui forment le IVe livre de la Météorologie. Voir la Dissertation préliminaire sur la composition de cet ouvrage d’Aristote.
  4. Antérieurement établi, dans le Traité du Ciel, et dans le Traité de la génération et de la corruption. — Pour les corps… la nature des corps, la répétition est dans le texte, et je n’ai pas cru devoir l’éviter. — Soumis au mouvement circulaire, c’est l’éther, qui est considéré à la fois comme étant un cinquième élément, et comme l’élément supérieur et premier. — Nous avons établi, dans les deux traités qui viennent d’être cités au début de ce paragraphe. — Est double, ce sont les deux forces appelées plus tard chez les modernes centrifuge et centripète. Le feu et l’air semblaient aux anciens obéir à la première ; la terre et l’eau, obéir à la seconde. — Le feu, est à la surface de tous les autres, si l’on excepte l’éther, qui est encore au-dessus du feu. — La terre, leur sert de base, c’est vrai dans le sens restreint où l’on peut entendre ceci ; mais cette opinion est fausse si l’on fait de la terre le centre du monde, comme l’a toujours fait Aristote. — Le monde entier de la terre, on verra plus loin dans le IVe livre que l’auteur essaie d’expliquer la formation de toutes les substances que la terre renferme par la combinaison des quatre éléments primitifs.
  5. Ce monde se rattache, cette assertion est vraie, si on la prend dans toute sa généralité ; mais ceci ne veut pas dire que notre monde soit soumis aux influences chimériques qu’avait imaginées l’astrologie. — Le principe… la cause première, il semble qu’il y a ici quelque redondance. La cause première est unique ; dès lors l’ordonnance de l’univers entier relève de cette cause, et l’ensemble du système, quelque immense qu’il soit, atteste l’unité du plan. Voir le VIIIe livre de la Physique, dernier chapitre. — Pour le mouvement qui s’accomplit dans l’espace, c’est le sens que donne Alexandre, et qui est en effet le plus acceptable. — Elle en est éternellement à finir, et à commencer, à cause du mouvement circulaire, où l’on ne saurait trouver ni commencement ni fin, contrairement au mouvement en ligne droite, qui part d’un point pour aboutir à un autre. — Tous ces corps, la terre, l’eau, l’air, le feu. — Dans le monde, ou plutôt dans notre atmosphère. — D’une espèce de matière, ceci est vrai en ce sens que dans les quatre éléments les phénomènes météorologiques ne pourraient avoir lieu. — Que nous appelons le sujet, la substance, quelle qu’elle soit, dont les modifications nous frappent par les phénomènes qu’elles causent. — Le principe du mouvement, en termes plus simples, la cause motrice. — Dont le mouvement est éternel, les corps célestes.
  6. Posés au début, il serait plus exact de dire : « Les ouvrages cités plus haut au début du chapitre premier. » — Les définitions antérieurement données, dans d’autres ouvrages, plutôt que dans celui-ci, où l’auteur n’a pu encore donner de longues définitions. Celles dont il est question ici se rapportent surtout au cinquième élément, l’éther, dont la translation est éternelle et circulaire. — La voie lactée, Voir plus haut, ch. 1, § 8. Cette phrase, qui interrompt la série des pensées, n’est peut-être qu’une interpolation ; car malgré : cette assertion, il ne sera question de la voie lactée que dans le chapitre 8, après la théorie des comètes. — Nous avons dit, Traité du ciel, livre 1, ch. 8, édit. de Berlin. — En puissance, ceci se comprend assez bien pour trois des éléments : l’eau se change en air par la vaporisation ; l’air se change en feu ; mais on comprend moins que la terre se change en eau, et il faudrait faire exception pour ce quatrième élément.
  7. Dans le monde qui entoure la terre, il faut entendre par là notre atmosphère et l’espace qui s’étend fort au-delà. — On sait d’une manière certaine, ceci ne veut pas dire que dès le temps d’Aristote on eût essayé de mesurer des degrés terrestres. — Nous avons déjà appris, les observations astronomiques dont il est ici question sont résumées dans le Traité du ciel, livre, II, ch. 13, p. 297, b, 32, éd. de Berlin. Voir plus loin, ch. 8 § 6, une expression pareille. — Certains astres, le soleil, par exemple, et peut-être aussi quelques planètes et même les étoiles fixes. — Constituée et limitée comme elle l’est, c’est-à-dire formant une partie considérable du globe de la terre, dont elle ne peut être séparée. — L’eau qui pourrait se dérober, ce sont les nappes d’eau qui gisent et circulent sous la terre ; au temps d’Aristote, on en pouvait très bien soupçonner l’existence, quoique la géologie fût alors très peu avancée. Une foule de phénomènes naturels et aisément observables attestaient la présence de l’eau dans le sein de la terre. — Comme un corps unique, aujourd’hui la question est encore posée d’une manière analogue ; et en admettant que tout l’espace entre la terre et les plantes les plus rapprochées soit rempli d’air, les diverses couches de cet air ne sont pas homogènes, puisqu’il y a plus de pression dans les unes que dans les autres. — Jusqu’où s’étendent les lieux divers qu’ils occupent, c’est une question à laquelle la science ne pourrait guère mieux répondre de nos jours que du temps d’Aristote.
  8. Nous avons dit antérieurement, Voir le Traité du ciel, livre II, ch. 4, p. 287, a, 3, édit. de Berlin, et aussi, a, 33. — Des philosophes fort anciens, il faut lire pour tout ce passage le Traité du ciel, loc. cit.
  9. Ce qu’on appelle l’éther, si cette expression n’avait été employée plus haut en parlant de l’air, on pourrait croire qu’elle s’applique très spécialement à l’éther, élément qu’on suppose bien plutôt qu’on ne l’observe comme les quatre autres éléments. — Anaxagore, Voir sur une opinion toute pareille prêtée à Anaxagore le Traité du ciel, livre 1, ch. 3, p. 270, b, 21, édition de Berlin. — Le corps qui jouit d’un mouvement éternel, l’étymologie du met Éther, telle qu’Aristote semble l’accepter ici, signifie : « Qui court éternellement. » Elle est déjà donnée par Platon dans le Cratyle, p. 77, trad. de M. V. Cousin ; mais elle n’en est pas meilleure, et l’on voit qu’on peut la faire remonter jusqu’au temps d’Anaxagore tout au moins. — Ce n’est pas une fois, la même pensée est reproduite presque dans les mêmes termes, Traité du ciel, livre I, ch. 3, p. 270, b, 19, édition de Berlin.
  10. L’enveloppe du monde, l’expression grecque est aussi vague. — Est un feu pur, c’est l’opinion d’Anaxagore et d’Héraclite. — Est de l’air, c’est un point qui est encore aujourd’hui fort douteux, et l’on ne sait pas précisément quel est le corps qui remplit les espaces célestes. — C’est qu’en effet, ces idées ne semblent pas très bien se suivre, quoique d’ailleurs elles soient fort juste. — Des dimensions aussi petites, ces opinions n’étaient pas seulement admises par le vulgaire, et des philosophes les avaient soutenues.
  11. Nous avons déjà dit, Traité du ciel, livre II, ch. 7, a, 10-35, édit. de Berlin. Mais dans le Traité du ciel, la pensée n’est pas aussi précise qu’elle l’est dans le résumé donné ici.
  12. Si deux éléments suffisaient, en y ajoutant l’éther, ce serait trois éléments au lieu de deux ; mais il semble que la raison qu’Aristote allègue n’en est pas meilleure. Il est certain du reste que l’espace entre le ciel et la terre n’est pas rempli du même air que celui que nous respirons. — N’est rien pour ainsi dire, idée fort juste et très avancée pour le temps d’Aristote. — Or nous ne voyons pas, la pensée est un peu embarrassée dans le texte aussi bien que dans la traduction. La voici sous terme plus simple : « Lorsque nous voyons l’eau se changer en air et l’air se changer en feu, il y a bien une différence de volume, causée par ces transformations ; mais cette différence de volume n’est pas aussi grande qu’elle devrait l’être si l’on suppose qu’il n’y a que de l’air entre l’air et le ciel. Donc il y a autre chose dans cet immense espace. » — Il faut donc nécessairement, cet argument est purement logique. — De tout l’air à toute l’eau, il faut entendre la masse d’air qui environne la terre, et la masse d’eau qui entre dans la composition de la masse terrestre.
  13. Produits les uns par les autres, c’était une opinion soutenue par Empédocle et par d’autres philosophes, qui essayaient de démontrer par là l’homogénéité de la matière. — Il est donc évident, cette conclusion n’est pas aussi évidente que l’auteur semble le croire. — L’espace intermédiaire, entre la terre et le ciel.
  14. Du premier corps, c’est-à-dire de l’éther, si l’on prend le terme employé par Anaxagore ; ou l’enveloppe du monde, pour prendre le terme péripatéticien. — La chaleur des astres, et spécialement celle du soleil, qui est à peu près la seule que nous sentions. — Suivant le plan que nous nous sommes tracé, pour la présente étude aussi bien que pour les études antérieures.
  15. Si l’eau vient de l’air, c’est sans doute le phénomène de la pluie qui aura inspiré cette théorie ; l’air en effet semble produire de l’eau, par la condensation des vapeurs qui s’y trouvent. — Et l’air de l’eau, l’air semble tenir de l’eau par le phénomène de la vaporisation. — Dans la région supérieure, c’est-à-dire la partie de l’espace où l’on suppose qu’est l’éther. Les nuages se forment en effet à une assez petite distance de la terre, comme on le voit très nettement quand ils circulent sur le flanc des montagnes. — Plus éloigné que la terre, par rapport aux nuages. — Assez voisin des astres qui sont chauds, c’est-à-dire assez voisin du soleil pour en éprouver la chaleur. — Des rayons réfléchis par la terre, c’est en effet la réflexion sur la terre, qui rend les rayons solaires plus chauds et capables d’échauffer fortement notre atmosphère. Plus on s’élève dans les airs, plus le froid est intense. — Empêchent les nuages de se former, cette explication est vraie. — Les rayons réfléchis, j’ai ajouté ce dernier mot que le contexte semble autoriser. — Dans l’immensité, il semble que les rayons parlant du soleil, devraient se perdre dans l’immensité plus encore que les rayons réfléchis par la terre. Seulement il est vrai que les rayons solaires ne sont chauds qu’en traversant notre atmosphère ; et renvoyés par la terre, ils perdent bien vite la chaleur qu’ils ont contractée en s’en approchant.
  16. De toute la masse de l’air, en supposant qu’il n’y a que de l’air dans l’espace entre la terre et les astres. — Mais comme une espèce de vapeur, cette observation est vraie, puisque cette vapeur se résout souvent en eau, ainsi que l’ajoute le texte. — N’était qu’une vapeur, on distingue aujourd’hui les gaz des vapeurs ; et cette distinction n’était que soupçonnée très vaguement en temps d’Aristote. — L’emporter de beaucoup, cette nécessité de l’équilibre entre les quatre éléments n’a rien de réel ; et c’est une simple hypothèse que ne démontrent pas les phénomènes. — D’un certain corps, qui serait l’éther selon Anaxagore, ou l’enveloppe du monde selon Aristote. — Pleins d’air et d’eau, ceci semble contredire ce qui précède.
  17. Au-dessus de la terre, il faut entendre sans doute non seulement la terre, mais aussi l’atmosphère dont elle est entourée. — Différent du feu et de l’air, la science actuelle pourrait approuver cette théorie. Seulement de la terre jusqu’à la lune, il y a de grandes différences de densité dans le corps, quel qu’il soit, qui remplit cet espace. — Une partie plus pure, c’est-à-dire moins dense. — Des différences, ce corps est plus épais là où il confine à l’air qui compose notre atmosphère.
  18. Le premier élément, éther ou enveloppe du monde. — Les corps qu’il renferme, le soleil, les étoiles fixes et sans doute aussi les planètes. — Et de l’élément…. contiguë, c’est la partie supérieure de notre atmosphère. — S’enflamme et produit la chaleur, explication fausse, mais qui était assez ingénieuse à l’époque où elle s’est produite. — Au-dessous de la révolution supérieure, celle qui se fait dans l’éther. — Devient et est tout cela, c’est-à-dire, chaud, froid, sec et humide. — Par le mouvement et l’immobilité, le mouvement produisant la chaleur, et le repos produisant le froid. — Nous avons ailleurs étudié, Voir la Physique, et spécialement le livre VIII, pp. 453 et suiv. de ma traduction.
  19. C’est donc au centre, on voit par quelle méthode Aristote est arrivé à placer la terre au centre du monde ; c’est surtout en la considérant comme un élément dont la densité était plus grande que celle de tous les autres. Ceci est vrai dans une certaine mesure ; et la terre est en effet plus lourde que l’eau, et la plus forte raison que l’air et le feu ; mais il ne s’ensuit pas que la terre comparée aux corps célestes, par rapport auxquels elle est si peu de chose, comme le reconnaît Aristote, soit le centre entour duquel ils se meuvent. — Se trouve l’air, ceci est vrai encore si l’on prend l’air pour l’atmosphère. Nous appelons le feu, Aristote semble bien douter qu’au-delà de l’air il y ait une région ignée ; mais il se conforme au langage ordinaire et aux opinions reçues. — Un excès de la chaleur et comme un bouillonnement, il vaudrait mieux dire : « un résultat de la combustion. »
  20. Il faut distinguer, la distinction très juste qu’Aristote ne fait qu’entrevoir, est celle des gaz et des vapeurs. Les vapeurs sont en effet plus humides et plus froides que les gaz, à cause de l’eau quelles renferment. On peut dire des gaz qu’ils sont plus secs et plus chauds. — La partie qui environne la terre, c’est l’atmosphère proprement dite. — Celle de l’exhalaison, ou pour parler plus exactement : « du gaz. » — Une sorte d’eau… une sorte de feu, c’est une distinction qu’il ne faut pas perdre de vue, parce qu’elle se représentera souvent dans les théories qui vent suivre.
  21. Les nuages ne se forment pas dans la région supérieure, le phénomène est vrai ; mais l’explication qu’on en donne ici n’est pas bonne. La vapeur est plus légère que l’air, et une fois qu’elle est arrivée à une certaine hauteur où l’air ambiant n’est pas plus lourd qu’elle, elle s’arrête ; mais il y a si peu de feu dans la région supérieure, comme le dit le texte, qu’au contraire il y fait froid, et que ce froid condense les vapeurs qui retombent sous forme de pluie. — Le mouvement circulaire, est aussi bien à la surface de la terre, même en la supposant immobile, que dans la région supérieure. — L’air circulaire, il faut entendre par là non pas l’air qui repose directement sur la terre et ses inégalités, mais celui qui est assez haut pour former un cercle régulier auteur de la terre, qui est elle-même sphérique. — En dedans de cette circonférence, et qui subit toutes les irrégularités que présente la surface de la terre. — Dont la disposition fait, l’expression du texte n’est pas plus claire que ma traduction ; mais la pensée se comprend d’après les explications précédentes, qui sont fidèlement empruntées au commentaire excellent d’Alexandre d’Aphrodisée ou d’Egée.
  22. Comme on le sait bien maintenant, il paraît donc que cette théorie avait été antérieurement contestée. — Dans les lieux marécageux, c’est à-dire dans les lieux bas. — Ils ne soufflent pas au-dessus des montagnes, le phénomène n’est pas exact. Depuis les expériences des ballons, on sait que les vents soufflent fort au-dessus des montagnes les plus élevées qu’on connaissait du temps d’Aristote. — Ils s’écoulent circulairement, explication inadmissible. — Continu à l’élément supérieur, ou l’éther. — C’est le mouvement même qui l’empêche de se convertir en eau, il faut admettre alors que le mouvement circulaire n’atteint pas jusqu’à la région des nuages ; car dans cette région, l’air se convertit en eau d’après les théories d’Aristote, s’il ne peut s’y convertir plus haut.
  23. Qui vient à s’alourdir, il aurait fallu essayer de dire par quelle cause. — Une autre vient à sa place, cette explication ne répond pas à des phénomènes observables.
  24. Dans la région supérieure, j’ai ajouté ces mots, que le contexte indique, et qui sont indispensables pour le compléter. — Aucune concrétion d’eau, c’est-à-dire de la pluie qui se forme par la condensation des vapeurs. — Ce que semble être, réserve très sage, qui ne serait pas moins nécessaire aujourd’hui que du temps d’Aristote ; car on ne sait pas au juste la nature du corps qui remplit l’espace, et dans lequel les astres se meuvent. — Dans les traités sur la sensation, il est peu probable que ce passage se rapporte au traité spécial de la Sensation et des choses sensibles. Voyez ce traité, ch. 2, § 11, p. 34 de ma traduction. — N’est qu’une affection de la sensibilité, on peut en dire autant du froid ; mais indépendamment de l’impression faite sur nos organes et la seule que nous ressentions, les corps n’en ont pas moins des qualités propres. — Ne soient pas chauds, c’est encore une question qui n’a pu être résolue jusqu’à présent. Aristote expliquera la chaleur uniquement par le mouvement ; le mouvement y contribue sans doute ; mais il n’en est pas la seule cause.
  25. Le mouvement peut diviser l’air, le fait est incontestable ; mais il n’est pas aussi évident que le mouvement enflamme l’air. — Les corps emportés par un mouvement rapide, il eût été convenable de citer des faits précisément, et peut-être en avait-on déjà observé du temps d’Aristote. Voir le Traité du ciel, livre II, ch. 7, p. 289, a, 22, édit. de Berlin. — La révolution seule du soleil, le soleil se meut sur lui-même ; mais il ne se meut pas autour de la terre, et cette explication tombe par cela seul. — Ne soit point éloigné, de la terre. — Des astres, autres sans doute que les planètes. — À grande distance ou une très grande distances, l’expression est bien vague ; mais le fait est exact, bien que l’antiquité n’eût aucun mayen de se rendre un compte un peu approximatif de la distance des étoiles fixes. — Surtout par le soleil même, ceci semblerait se rapporter plus encore à la nature substantielle de la matière solaire qu’à son mouvement. Mais la suite preuve cependant que c’est surtout un mouvement qu’il s’agit. — Ce que nous apprend l’observation, il faut remarquer cette judicieuse méthode : on observe exactement certains faits, et on en tire des inductions régulières. — L’air devient très chaud, il eût été utile de spécifier les observations ; et l’on pourrait citer le mouvement rapide d’une roue qui s’échauffe, et qui échauffe tout ce qui l’environne.
  26. Dans le lieu que nous habitons, le texte dit simplement : « dans ce lieu. » — Le feu ambiant, qui enveloppe la sphère du monde, au-dessous de l’élément premier ou éther. — Projeté en bas, et jusque sur notre terre. — Les astres, il est assez probable qu’il s’agit uniquement des planètes. — Mais c’est en bas, c’est-à-dire dans une région inférieure. — Bien que les corps, on ne voit pas bien comment cette pensée se relie à celle qui précède. — Et n’a pas la couleur du feu, Alexandre fait observer que le soleil a cette couleur au moment de son lever et au moment de son coucher, où il paraît rougeâtre à cause des vapeurs qui sont interposées entre lui et la terre. Aristote a fait la même remarque, Traité de la Sensation, ch. 3, § 12, p. 43, de ma traduction.
  27. Les flammes ardentes, les bolides. — Les étoiles qui filent, de nos jours ce phénomène a été curieusement observé ; mais on voit que les anciens ne l’ont pas ignoré. — Des torches, et des chèvrons, j’ai conservé les dénominations mêmes d’Aristote ; il est probable que ces phénomènes se rapportent aux aurores boréales. Le mot de chèvrons est employé souvent par Descartes, Principes de la Philosophie, 3e partie. — Ces phénomènes sont identiques… la même cause, de nos jours on les ramène tous au principe unique de l’électricité, qu’Aristote ne connaissait pas.
  28. Mais double, de nos jours on distingue fréquemment les gaz et les vapeurs ; ou voit qu’Aristote soupçonnait aussi cette distinction, sans d’ailleurs s’en rendre bien compte. — De la vapeur, sous-entendu d’eau ; cette exhalaison est par conséquent humide. — Du vent, cette exhalaison est sèche comme le vent lui-même. — Est comme de la vapeur, répétition de ce qui précède. — Comme de la fumée, et par conséquent réelle comme le feu. — Reste à la surface, c’est-à-dire à la partie la plus élevée de notre atmosphère, et non point à la surface de la terre. — En dessous, de la première ; mais la vapeur d’eau est plus légère que l’air, puisqu’elle s’y élève.
  29. L’enveloppe, il faut entendre non pas seulement l’enveloppe qui touche immédiatement la terre ; mais tout l’espace compris entre la terre et le premier corps ou éther. — Au-dessous de la révolution circulaire, ou éther placé autour et au-delà de toute notre atmosphère, et ayant un mouvement éternel de rotation circulaire. — Que nous appelons le feu, le feu comprenant à la fois le chaud et le sec. — Cette nature ignée, j’ai ajouté ce dernier mot.
  30. Jusqu’à l’extrémité de la sphère qui entoure la terre, dans le langage cartésien ce serait l’extrémité du tourbillon terrestre ; c’est le point le plus éloigné où se fasse sentir l’attraction terrestre. — Le moindre mouvement, le mouvement ne suffit pas pour expliquer les phénomènes ignés qui se passent dans notre atmosphère. — L’incandescence d’un air sec, cette explication de la combustion était assez exacte avant les découvertes de la chimie moderne.
  31. Elle s’enflamme, répétition de l’explication qui précède. — Longueur et largeur, ceci peut se rapporter aux aurores boréales. — Torches, chèvrons, étoiles filantes, voir plus haut § 1.
  32. Et qu’elle jette comme des étincelles, ceci peut se rapporter à la fois et aux aurores boréales, et à certains bolides qui pétillent en brûlant. — Quand cette circonstance ne se produit pas, c’est-à-dire quand il n’y a pas d’étincelles qui jaillissent du bolide. — Divisée dans sa longueur, ceci ne semble pas se bien rapporter aux étoiles filantes, où le jet lumineux est continu et non pas intermittent.
  33. Parfois la chaleur, qui se précipite de haut en bas, et qui dans la région intérieure rencontre l’air, lequel est plus froid que le feu de la région supérieure. — À une chose qu’on jette, j’ai dû ici paraphraser le texte pour le rendre plus clair.
  34. Une question, la question n’est pas très-claire telle qu’elle est posée dans le texte. En voici l’explication : « Quand une lampe vient de s’éteindre, il suffit d’en approcher une autre lampe qui brûle pour qu’aussitôt la flamme de la seconde lampe descende à la première qui se rallume. De même, peut-on se demander, la flamme des météores ignés n’est-elle que le jet d’un autre corps en combustion qui lance ces flammes dans le sens où elles sont attirées ? » Le phénomène des lampes est exact ; et cette comparaison est une manière comme une autre d’expliquer les météores. Mais quel est le corps qui brûle, et où est-il ? — De l’une et de l’autre, lampe. Le sens de ce passage n’est pas très net.
  35. Par ces deux causes, que l’on va dire dans ce qui suit. — Le fait de la lampe, rappelé dans le § précédent. — Comme des noyaux, celle comparaison a quelque chope d’assez étrange. — Et par un temps serein, la sérénité du temps ne fait rien au phénomène ; mais dans le jour on ne peut le voir à cause de l’éclat de la lumière solaire.
  36. La condensation qui les pousse, ceci ne rend pas bien compte du phénomène, et l’on ne voit pas où et comment se forme cette condensation. Il faudrait dire aussi de quelle nature elle est. — La même cause qui fait que la foudre tombe, on dirait que c’est à cause de son poids que la foudre tombe à terre. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, et que c’est la simple accumulation de l’électricité qui détermine l’explosion. En ce sens ce serait bien aussi une sorte de condensation. — C’est une division par compression, ces explications ont pu paraître suffisantes tant qu’on n’a pas su que les nuages contenaient de l’électricité. — Tout ce qui est chaud tend naturellement à se porter en haut, et comme au contraire tous les météores se portent en bas, il fallait trouver une cause spéciale à ce phénomène extraordinaire.
  37. L’exhalaison s’enflamme, il faut sans doute entendre l’exhalaison sortie de la terre ou tout au moins de l’atmosphère terrestre. Elle s’enflamme dans la région supérieure où est le feu. — Plus bas, dans la région de l’air et au-dessous de celle du feu. — Elle pousse par sa condensation, si l’explication était juste, il y aurait toujours des éclairs et des tonnerres dès qu’il y a des nuages ; mais cela n’est pas.
  38. La direction est oblique, il serait peut-être difficile même aujourd’hui de rendre raison de l’obliquité habituelle des météores ; je ne dis pas que l’explication d’Aristote soit bien exacte, mais on peut du moins le louer de s’être posé la question, sans d’ailleurs la bien résoudre. — L’une violente en bas, le phénomène étant igné devrait remonter au lieu de descendre : la force qui le projette en bas lutte avec celle qui le porte naturellement en haut ; et de là la diagonale que suit le phénomène et l’obliquité de la marche.
  39. C’est l’exhalaison, le système entier d’Aristote, comme on peut le voir, est au moins très conséquent, si ce n’est très exact ; et pour qu’il le fût, il suffirait presque uniquement de substituer l’électricité à l’exhalaison. — La révolution supérieure, Voir plus haut § 4. — La contraction de l’air condensé, Voir plus haut § 7. — Au-dessous de l’orbite de la lune, on ne sait pas aujourd’hui à quelle hauteur précise les météores se produisent dans l’atmosphère ; mais c’est certainement beaucoup plus près de la terre que de la lune. — Nous semblent l’emporter de beaucoup, cette tournure de phrase semble indiquer que pour Aristote ce ne sont là que des apparences trompeuses mais il est vrai que la marche des corps qui se meuvent nous paraît d’autant plus rapide qu’ils sont plus près de nous.
  40. Des apparitions de divers genres, le mot d’apparitions est pris ici dans le sens propre ; ce ne sont que des apparences et des jeux de lumière. — La cause en est tout à fait 343 la même, ceci n’est pas tout à fait exact, même au point de vue où l’auteur se place ; et la cause de ces phénomènes n’est pas identique à celle des phénomènes précédents. — Par sa composition, il est certain que c’est par suite de la nature diverse des substances que l’air contient que la lumière s’y décompose de tant de façons.
  41. À travers un corps plus dense, comme l’air par exemple épaissi par le brouillard. — De la couleur de feu et de celle du blanc, cette combinaison de couleurs est inexacte. — Paraissent écarlates, le phénomène est vrai ; et c’est à cause des vapeurs de l’atmosphère, qui décomposent la lumière. — Quand il fait très chaud, et qu’il y a par conséquent beaucoup de vapeurs dans l’atmosphère. — Non pas la figure mais la couleur, il n’y a pas à proprement parler un effet de miroir ; il n’y a qu’une réfraction de la lumière.
  42. Par la rupture du bleu et du noir, c’est-à-dire quand le bleu et le noir se réfractent plus particulièrement que les autres couleurs. — Des torches, c’est ce qu’on remarque entrent dans les aurores boréales. — Quand la masse, le texte n’est pas aussi précis. — Tout comme la flamme dans la fumée, cette observation n’est pas très frappante. — Le soleil empêche de les voir, Voir au chapitre précédent, § 9. — L’uniformité de leur couleur, ceci n’est pas très exact.
  43. À ce qu’on peut croire, réserve fort louable et fort modeste. — De si rapides apparitions, c’est là ce qui rend l’observation si difficile et si délicate.
  44. Des comètes, l’étude des comètes ne fait plus partie de la météorologie, et on la laisse à l’astronomie. Ce changement a eu lieu vers la fin du XVIe siècle, quand on a commencé à mieux connaître la nature des comètes. Mais Roberval les comprenait encore parmi les météores ignés, et Descartes lui en fait une critique, tome IX, p. 557 de l’éd. de M. V. Cousin. Voir plus haut, ch. 1, § 2, n. — Les opinions de nos devanciers, c’est un soin qu’Aristote a toujours pris, comme on peut le voir dans la Politique, dans le Traité de l’Ame, dans les Opuscules, dans la Physique, dans la Métaphysique, etc. À ce titre, il peut être classé parmi les historiens de la philosophie. — Anaxagore et Démocrite, avant Aristote il n’y avait pas dans la science de noms plus grands que ces deux là. — Une conjonction de planètes, l’explication était bien insuffisante, soit qu’il s’agisse des cinq planètes connues des anciens, Saturne, Jupiter, Vénus, Mars et Mercure, soit qu’il s’agisse d’autres astres qu’on supposait errant dans l’espace. — Quand ils semblent se toucher, et que leur lumières se confondant produit le grand éclat des comètes.
  45. Italiques…. Pythagoriciens, Aristote a souvent réuni ces deux classes de philosophes ; et les Pythagoriciens sont à peu près les seuls philosophes Italiotes dont on ait conservé le souvenir. — Est une des planètes, c’était augmenter le nombre des planètes ; et comme les comètes sont différentes, ce nombre s’accroissait indéfiniment. — N’apparaît qu’à un très long intervalle, l’astronomie moderne admet aussi des comètes qui reviennent périodiquement à des intervalles plus ou moins longs. — Et dont l’ascension est fort petite, ceci n’est pas applicable à toutes les comètes, et il y en a quelques-unes dont l’ascension est considérable. — De très fréquentes éclipses, c’est-à-dire qu’elle disparaît fort souvent sous l’horizon.
  46. Hippocrate de Chios, ou de Céos ; Aristote a parlé de lui plusieurs fois, se bornant à l’appeler Hippocrate, sans indiquer sa patrie : Réfutations des sophistes, ch. 11, § 3 de ma traduction. Ce géomètre était fameux pour avoir essayé de donner une démonstration de la quadrature du cercle. — Eschyle, cet Eschyle n’est pu autrement connu comme astronome. — La queue ne vient pas de la comète elle-même, je ne sais si la science contemporaine est bien fixée à cet égard. — Notre vue se réfracte vers le soleil, la queue de la comète ne serait alors qu’un effet d’optique, et ce serait une simple réfraction de la lumière solaire dans les vapeurs que contient l’atmosphère.
  47. Suivant eux, Hippocrate et Eschyle son disciple. — Sa révolution est très lente, ce qui n’empêche pas que les comètes ne marchent très vite ; seulement l’orbite qu’elles décrivent peut être immense ; et leur révolution ne se ferait qu’à de très longs intervalles de temps. — Les autres astres, c’est-à-dire les planètes. — Lorsqu’elle paraît, alors c’est supposer que c’est toujours la même comète qui revient. — Attirer d’eau, c’est-à-dire l’humidité qui est dans l’air. — Entre les tropiques, c’est-à-dire à 23 degrés de l’équateur terrestre. — Ou le solstice d’été, j’ai ajouté ces mots qui ne vont que la paraphrase de ceux qui précédent.
  48. Ajoutent ces philosophes, cette parenthèse est implicitement comprise dans le texte. — Dans ces lieux, c’est-à-dire entre les tropiques. — Elle y prend une chevelure, parce qu’alors la réfraction de la lumière peut avoir lieu par rapport à la terre où est l’observateur. — La circonférence qui est au-dessus, c’est supposer que la comète suit une ligne régulière comme les planètes.
  49. Est un des astres errants, la réfutation semble péremptoire et les comètes ne seraient pas des planètes. — On en a vu souvent plus d’une à la fois, il semble que ceci soit une glose, qui ne tient pas très bien à ce qui précède ; car ce n’est pas parce que les comètes sont deux à la fois qu’elles sont en dehors du zodiaque. Cependant la science moderne paraît en être revenue à considérer les mouvements des comètes comme soumis aux mêmes lois que celui des planètes. Pour les unes comme tour les autres, les orbites sont elliptiques.
  50. C’est la réfraction qui produit la chevelure, c’est toujours là ce que l’on croit. — Eschyle et Hippocrate, Ideler aimerait mieux dire Hippocrate et Eschyle, puisque le premier est le maître de l’autre. — Elle parcourt aussi d’autres lieux, il faut sous-entendre : « où elle ne trouve plus l’humidité nécessaire à la réfraction. » — Ou planètes, j’ai ajouté cette paraphrase. Plus haut, au § 1, j’ai nommé les cinq planètes connues des anciens. Depuis un demi-siècle, la science contemporaine a fait les plus riches découvertes, et le nombre des planètes, petites et grandes, se monte dès aujourd’hui à plus de soixante. Il est probable qu’on n’en restera pas là. — Les comètes ne s’en montraient pas moins, ceci n’est point une preuve que les comètes ne fassent point partie des planètes.
  51. Comme on le dit, c’est Hippocrate et son disciple Eschyle ; voir plus haut, § 4. — Du tremblement de terre en Achaïe, et de l’inondation, nous avons perdu la trace et les dates de ces grands phénomènes, qui n’avaient pas pour nous le même intérêt que pour des Grecs. Selon Strabon, Livre VIII, ch. 7, p. 330, ligne 28, édit. de F. Didot, ce tremblement de terre eut lieu deux ans avant la bataille de Leuctres, en 373. — Du coucher des équinoxes ; c’est-à-dire qu’elles avaient paru à l’ouest, à peu près à la place où le soleil se couche à l’époque de l’équinoxe. — Euclès, fils de Molon, ou peut-être Euclide, vers l’an 350 avant notre ère. — Au tropique d’hiver, vers le milieu du mois de décembre. — Ces mêmes astronomes, Hippocrate et son disciple Eschyle.
  52. Et contre ceux qui prétendent, Anaxagore et Démocrite ; voir plus haut, § 1. — Il y a des étoiles fixes, Descartes cite ce passage dans les Principes de la philosophie, 3e partie, § 199 ; mais il croit que ce sont les planètes de Saturne et de Jupiter qui peuvent avoir parfois cette apparence, et non pas les étoiles fixes. Quant à la chevelure de l’étoile placée dans la cuisse du Chien, Descartes croit que l’observation d’Aristote n’est pas exacte. Selon lui, il y aura eu quelque réfraction extraordinaire qui se faisait dans l’air ; ou plutôt les yeux de l’observateur auront été indisposés au moment où il s’en servait. — Sur la foi des Égyptiens voir le Traité du ciel, Livre II, ch. 12, p. 292, a, 8, édit. de Berlin sur les Égyptiens ; voir aussi un article de M. Biot sur quelques points de l’astronomie égyptienne, Journal des Savants, cahier de mai 1855, p. 269 et suiv. — Dans la cuisse ou la hanche du Chien. — Peu brillante, il est vrai, ceci rend d’autant plus vraisemblable l’explication de Descartes. — Peu visible quand on fixait, même observation. — Un peu de côté, c’est à M. Biot que je dois rapporter cette interprétation. Voir le Journal des Savants, cahier de mai 1855, p. 218 en note. M. Biot trouve que cette remarque de l’auteur, quel qu’il soit, de la Météorologie, atteste une pratique astronomique très délicate et très intelligente. Le milieu de la rétine, qui agit surtout quand on observe, est aussi plus fatigué que le reste de l’organe. En regardant de côté, on voit mieux, parce que la partie de la rétine où la vision se fait alors, est plus sensible.
  53. Toutes celles que nous avons vues, cette remarque ainsi que celles qui précèdent, attestent que l’auteur de la Météorologie avait beaucoup observé. — Ont disparu sans se coucher, cette observation est parfaitement exacte, et on a pu la vérifier sur toutes les comètes de notre temps. — S’éteignant petit à petit, même remarque. — Il ne restait le corps, ceci répond péremptoirement aux théories d’Anaxagore et de Démocrite rapportées plus haut, § 1. — Ce grand astre, la grande comète vue à l’époque du tremblement de terre d’Achaïe. — Dont nous venons de parler, plus haut § 8. — À l’occident, au § 8, il est dit qu’elle parut à l’occident, vers le point où le soleil se couche à l’époque des Équinoxes. — Sous l’archontat d’Astéïus, il paraît bien que c’est là le nom exact de l’archonte Athénien. Alexandre et Philopon donnent Aristée au lieu d’Astéïus, ainsi que quelques manuscrits. Astéïus était archonte dans la 4e année de la 101e olympiade, l’an 372 avant J.-C. — Il se couchait avant le soleil, et par conséquent l’éclat de la lumière solaire l’empêchait d’être visible durant toute la journée. — Le lendemain, et dans la nuit, parce qu’il se coucha plus tard. — Sa révolution, c’est-à-dire son apparition au-dessus de l’horizon après le coucher du soleil. — Jusqu’au tiers du ciel, c’est-à-dire 30 degrés environ au-dessus de l’horizon ; parfois, la lumière des comètes tient encore plus de place. — La ceinture d’Orion, Orion est une des trente-cinq constellations du midi. Comme cette comète parut l’ouest, il faut entendre qu’elle disparut vers le sud-ouest.
  54. On a vu quelques planètes, Voir plus haut, § 1, l’opinion de Démocrite, qui croit, ainsi qu’Anaxagore, que les comètes ne sont qu’une conjonction et une occultation de planètes. — Cette apparition, des planètes après les comètes. — Se produisit toujours, argument décisif contre la théorie de Démocrite. — Les Égyptiens. Voir plus haut, § 9. — Nous avons vu deux fois déjà, M. Biot rapporte ce phénomène astronomique à l’an 350 avant J-C. — Et la cacher, précisément : l’occulter ; les Gémeaux sont une des constellations du milieu, et la troisième à partir du Bélier.
  55. Rien que par le raisonnement, après les faits, qu’on peut observer directement, vient le raisonnement, qui a une autorité égale et même supérieure. — Les planètes, ou les étoiles ; mais ici il s’agit des planètes puisque c’est un argument contre le système de Démocrite. — Elles paraissent plus grandes, les apparences peuvent différer ; mais au fond, toutes les planètes, dans la théorie d’Aristote, sont indivisibles et sans parties. — Elles ne formeraient point de grandeur, c’est ainsi qu’Aristote a toujours soutenu que la ligne ne se composait pas de points. Voir la Physique, livre VI, ch. 1, § 1, p. 331, tome II de ma traduction. — Ne font que le paraître, telles que nous les voyons au ciel. — En se réunissant, comme le veut Démocrite. Voir plus haut § 1.
  56. Les causes indiquées, pour expliquer la nature des comètes. — Par les astronomes, prédécesseurs d’Aristote. — On eût pu développer davantage ces objections, pour nous il est très regrettable que l’auteur ait cru devoir être si concis.
  57. Après avoir exposé les opinions des autres, Aristote va exposer les siennes. — Qu’elles sont possibles, c’est ce que Descartes lui-même a voulu faire dans les Principes de la Philosophie ; c’est une sorbe de construction toute rationnelle du système du monde. Aussi Descartes a-t-il invoqué l’autorité d’Aristote et spécialement ce passage de la Météorologie, qu’il traduit pour se justifier d’avoir procédé par hypothèse. Voir les Principes de la Philosophie, 4e, partie, § 204, p. 521, édit. de M. V. Cousin. Descartes rappelant cette citation dans une de ses lettres, tome VI, p. 50, dit que c’est la seule qu’il ait jamais empruntée au philosophe grec. C’est un oubli de Descartes, puisqu’il a cité aussi le ch. 6 de la Météorologie. Voir plus haut ch. 6, § 9. Il a cité en outre le Traité de l’âme, à propos de l’Eucharistie, tome II, p. 82, édit. de M. V. Cousin. Voir aussi le Traité de l’âme, livre III, ch. 13, 1, n., p. 349 de ma traduction. — Il peut en être surtout ainsi, les explications que donne la science contemporaine ne sont bien souvent aussi que des conjectures en métrologie, plus encore que pour tout le reste. — Que nous étudions maintenant. Voir plus haut livre 1, ch. 1, § 2.
  58. Nous avons supposé, d’après l’observation des phénomènes. — Le monde qui enveloppe la terre, cette expression assez singulière appartient au texte même. On l’a déjà vue plus haut, ch. 3, § 12. — Au-dessous de la révolution circulaire, voir plus haut, ch. 3, § 3. — Sont emportés autour de la terre, c’est ce qui forme l’atmosphère terrestre, et, comme dirait Descartes, le tourbillon de la terre. — Elle s’enflamme souvent, si c’était le mouvement qui fût cause de la combustion, cet effet devrait toujours se produire, et non pas seulement souvent. Il est vrai que l’auteur ajoute : « Là où elle est convenablement mélangée ; » mais cette restriction détruit en partie l’explication donnée. — Aux courses des astres errants, ceci se rapporte évidemment aux comètes d’abord et aussi aux météores ignés, aux étoiles filantes et aux aurores boréales. Dans le système d’Aristote, ce sont des combustions imprévues qui se produisent dans l’atmosphère terrestre, par le mouvement circulaire et par la combinaison fortuite de l’exhalaison sèche, « là où elle est convenablement mélangée. »
  59. Du mouvement des substances d’en haut, c’est en effet des parties du ciel supérieures à l’atmosphère terrestre que part le principe du phénomène, qui descend plus ou moins bas dans notre atmosphère, et qui arrive enfin jusqu’à nous. — Une telle condensation, ou combinaison. — Vient à s’élever d’en bas, il ne paraît pas possible que les exhalaisons, soit de la terre, soit de l’atmosphère terrestre, puissent avoir de l’influence sur les comètes. — Un astre chevelu, j’ai ajouté cette paraphrase du mot grec. — Une comète simple, j’ai ajouté ce dernier mot pour marquer la différence entre les comètes qui ont une longue queue et celles qui n’en ont presque pas, et que les Grecs appelaient d’un nom spécial. — Comète à queue, le texte dit précisément : « Un astre barbu. » C’est lorsque la queue est au-dessous du noyau. M. Ideier a proposé une variante ingénieuse pour distinguer ces deux espèces de comètes ; mais cette variante ne s’appuie pas sur les manuscrits. — M. Ideler remarque avec raison que cette explication des comètes, telle que la donne ici Aristote, a joui d’une autorité incontestable jusqu’au temps de Newton. Aujourd’hui même la science est fort embarrassée pour se rendre compte de ce phénomène. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que la matière des comètes est une sorte de vapeur très subtile et très transparente. En ce sens, la théorie d’Aristote n’est pas tout à fait aussi fausse qu’elle le paraît. La comète ne se forme pas, si l’on veut, dans notre atmosphère ; mais parfois elle la traverse, puisque notre terre peut passer et être enveloppée dans sa queue, sans qu’elle en subisse aucune modification grave.
  60. Son état stationnaire, c’est le sens qu’adoptent Alexandre d’Aphrodisée et les autres commentateurs grecs ; mais je crois qu’il s’agit ici de ce qu’on appelle le noyau de la comète ; et le mot du texte se prête assez bien à ce sens, qui n’est pas cependant habituel. — Comme si l’on jetait une torche, la comparaison n’est pas exacte si on la rapporte à la réalité des phénomènes ; mais elle est assez frappante si l’on admet la théorie péripatéticienne. — Une torche… une petite étincelle de feu, il y a évidemment une intention d’opposer ces deux modes de combustion, dont l’un serait beaucoup plus rapide que l’autre. — À ce phénomène de combustion, le texte n’est pas aussi précis. — Des combustibles, c’est-à-dire de la vapeur qui s’enflamme, et qui, selon Aristote, compose la comète. — La fin de sa course, ceci n’est pas très clair, et il semble que par la course il faut entendre ici l’inflammation successive et rapide des vapeurs donc la comète est formée. — Le début même de sa révolution, Aristote semble admettre que la comète a un mouvement de rotation sur elle-même. — Une comète est un astre, ceci est vrai plus que sans doute ne le pensait l’auteur lui-même ; et comme il y a des comètes dont on a pu constater le retour, on en a conclu que ce sont en effet des astres et non pas des météores. Telle est en particulier celle de 1531, 1607, 1662, 1759, 1835, dont le période est de 76 ans. Il est admis que les comètes ont un mouvement elliptique comme les planètes ; mais ce mouvement peut avoir lieu soit d’Orient en Occident, soit d’Occident en Orient, et à peu près dans tous les sens relativement au plan de l’écliptique. — Sa fin et son origine, c’est le résumé de toute la théorie péripatéticienne ; les faits aujourd’hui reconnus la contredisent.
  61. La comète apparaît par elle seule, c’est-à-dire que c’est la comète véritable telle qui Aristote la suppose : « une exhalaison de la région intérieure qui s’enflamme en haut, par le mouvement circulaire qui emporte le monde. » — C’est une de ces étoiles, ou planètes. — Qui devient comète, c’est-à-dire qui prend une chevelure. On sait que cette théorie est tout à fait fausse, et que ce n’est jamais ni une planète ni une étoile fixe qui se change en comète, quoique Descartes ait soutenu aussi cette doctrine, Principes de la philosophie, 3e partie, § 119. La vraie nature des comètes, c’est d’être des astres errante dans le sens le plus strict de du mot, puisqu’elles ont dans l’espace des courses qui semblent sortir de toutes les lois imposées aux autres corps célestes. Voir Descartes, ibid. § 128. — Ne tient pas aux astres eux-mêmes, au contraire la queue tient aux comètes et les accompagne. — Elle est pareille aux halos, la comète ne serait pu alors une vapeur qui s’enflamme ; ce ne serait qu’une apparence et un phénomène optique de l’atmosphère. — Pour ces sortes d’étoile, qui deviennent des comètes, comme on l’a dit quelques lignes plus haut.
  62. La seule différence, cette différence est considérable, puisque d’un côté il y a une substance spéciale, tandis que de l’autre, il n’y a qu’une réfraction de lumière. — La couleur paraît être, et est en effet en elles. — Animée du même mouvement, au contraire, la comète a un mouvement qui lui est propre. — Être distancée et rester en arrière, c’est le sens adopté par Alexandre d’Aphrodisée. Dans la théorie d’Aristote, le mouvement circulaire qui règne dans les régions supérieures est d’autant plus fort qu’on s’éloigne davantage de la terre. Les comètes qui sont dans notre atmosphère, comme les autres météores, ont un mouvement moins rapide que les planètes ou les étoiles qui sont placées fort au-dessus.
  63. Ce qui prouve surtout, ceci semble contredire un peu ce qui vient d’être dit plus haut. — Une réfraction de la lumière, le texte dit simplement : « une réfraction. » — À l’astre lui-même, qui semble prendre une chevelure. — Ce n’est pas relativement au soleil, il semble au contraire que la queue des comètes n’est pas due à une autre cause que la lumière solaire. — Souvent toute seule, c’est-à-dire sans être en conjonction avec un autre astre, planète ou étoile fixe. — Plus tard, Voir plus loin, livre III, ch. 2, § 2.
  64. La composition des comètes, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Des vents et des sécheresses, l’observation n’est peut-être pas exacte pour les vents ; mais elle l’est certainement pour les sécheresses et les grandes chaleurs. Toutes les comètes que nous avons pu voir de notre temps ont toujours paru dans des années très chaudes. Mais il reste toujours à savoir si c’est la chaleur qui cause les comètes ou si ce sont les comètes qui causent la chaleur. L’opinion vulgaire et celle d’Aristote inclinent à cette dernière explication. — De parler aussi des vents, Voir plus loin dans ce livre, ch. 13, et surtout livre II, ch. 4 et suiv.
  65. Sont grosses et fréquentes, il suffit même d’une seule comète. — Ces changements atmosphériques, le texte n’est pas aussi précis. — Il y a toujours une augmentation de vent, cette observation n’est peut-être pas très exacte. Mais il est vrai que pour juger jusqu’à quel point elle l’est, il faudrait observer les faits sous le même climat et dans les mêmes lieux que l’auteur de la Météorologie. — Qui tomba de l’air à Aegospotamos, les tables de Paros ou d’Arundel parlent de ce phénomène qui avait été fort remarqué de ce temps, et qui devait en effet causer une grande surprise. C’était sous l’archontat de Théagénide à Athènes, la 1ere année de la 78e olympiade, l’an 487 av. J.-C., vers l’époque de la mort de Xerxès. La science moderne est encore fort embarrassée pour expliquer l’origine des Aérolithes. — Avait été enlevée, il semble résulter de là que cette pierre n’était pas tombée réellement du ciel ; mais qu’elle avait été enlevée de terre par un vent violent, et qu’elle était allée tomber à une grande distance. — Une comète apparaissait alors, c’était une simple coïncidence.
  66. Et à l’époque de la grande comète, Voir plus haut, ch. 6, § 8. Cette comète est celle qui coïncida avec un tremblement de terre en Achaïe. — Qui causa l’inondation, Voir plus haut, ch. 6, § 8. — Dans le golfe, Alexandre d’Aphrodisée semble comprendre par là le golfe de Corinthe ; et la fin du § prouverait qu’il a raison. — L’archontat de Nicomaque, dans la 4e année de la 109e olympiade, l’an 340 av. J.-C., vingt ans environ avant la mort d’Aristote lui-même. — Du cercle équinoxial, c’est peut-être une constellation qu’on distingue ainsi ; ou bien c’est la partie du ciel comprise entre les deux points où se lève et se couche le soleil au temps des Équinoxes.
  67. Entre les tropiques, j’ai ajouté ces mots que n’a pas le texte précisément, mais qui me semblent résulter nécessairement de ce qui suit, et de toute la construction de la phrase. — Du soleil et des astres soit planètes, soit étoiles. — La plus grande partie, de la chaleur, sous-entendu. — On peut remarquer que les théories de Descartes sur les comètes ont encore, et à son insu, plus d’un point de ressemblance avec celles d’Aristote.
  68. Encore, c’est ce qu’Aristote a toujours fait dans tous ses autres ouvrages comme dans celui-ci. Ideler lui a fait un reproche, peu justifié selon moi, en croyant qu’il avait oublié dans ce chapitre les théories de Métrodore, le pythagoricien, et de quelques autres philosophes.
  69. Quelques-uns des philosophes appelés Pythagoriciens, Métrodore peut y être compris comme les autres. — Qui sont tombés, ou bien : « qui seront tombés. » — La direction appelée la Chute, il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; mais il y a des variantes dont j’ai cru devoir conserver la trace par ce changement d’expressions. — Ceux-ci…. ceux-là, ces deux explications ont ceci de commun, qu’elles font de la voie lactée une simple apparence ; un phénomène quelconque a changé la couleur du ciel dans cette partie de l’espace. Aujourd’hui, et grâce au télescope, on sait précisément que cette lumière blanche appelée voie lactée est formée par une multitude d’étoiles, dont l’éclat se confond, comme l’avaient conjecturé quelques philosophes de l’antiquité. Voir plus bas § 4. Aristote, d’ailleurs, réfute l’opinion insoutenable de ses devanciers, sans en donner une qui soit plus admissible.
  70. À bien plus forte raison encore, cet argument est péremptoire ; et en effet, le cercle du Zodiaque devrait laisser des traces dans le ciel, si la voie lactée était en effet ce qu’on la suppose. — Dans la nuit nous en voyons toujours la moitié, ceci est difficile à comprendre. L’auteur veut peut-être dire que dans la nuit, la moitié du cercle du Zodiaque est toujours au-dessus de l’horizon. — Le cercle de la voie lactée, l’idée de cercle n’est peut-être pas très exacte, appliquée à la voie lactée.
  71. La lumière de quelques étoiles, cette théorie prise dans sa généralité est exacte ; mais elle semblerait fausse si l’on s’en tient à l’explication détaillée qui en est donnée dans ce §. Du reste Aristote paraît avoir mal représente la pensée, si ce n’est d’Anaxagore au moins de Démocrite. Stobée, (Eclogae, I, 28, p. 574.) atteste que Démocrite regardait la voie lactée comme produite par la réunion d’une foule de petites étoiles, qui s’éclairaient mutuellement les unes les autres par leur multitude même. Macrobe dans le Songe de Scipion, Manilius dans son poème sur l’Astronomie, et Achille Tatius dans ses Prolégomènes aux phénomènes d’Aratus, confirment cette même assertion. On peut donc regarder comme certain que Démocrite, tout au moins, a entrevu la véritable nature de la voie lactée. Pour Anaxagore, c’est plus douteux. Voir la note de M. Ideler sur ce passage de la Météorologie, où il défend aussi Aristote d’avoir altéré sciemment les opinions de ses devanciers. — N’éclaire pas certaines étoiles, il semble bien que c’est là le système d’Anaxagore ; mais ce n’est pas celui de Démocrite, comme le prouve le passage de Stobée.
  72. Cette explication, donnée par Anaxagore et attribuée faussement à Démocrite. — N’est pas plus possible que l’autre, celle des Pythagoriciens ; voir plus haut, § 2. — Dans les mêmes étoiles, c’est-à-dire dans les mêmes constellations. — Comme un très grand cercle, la voie lactée fait le tour du ciel ; mais on ne peut pas dire que ce soit un cercle. — Parce qu’ils ne restent pas dans le même lieu, ceci ne s’applique bien qu’aux planètes et non plus aux étoiles fixes. — Quand le soleil se déplace, ceci ne peut se comprendre que du jour ; et dans le jour, la voie lactée n’est pas visible. Ou bien l’auteur admettant que le soleil, tout en passant sous la terre, éclaire encore diverses parties du ciel, pense-t-il aussi que la voie lactée devrait changer au fur et à mesure que le soleil avance dans sa course.
  73. Dans les théorèmes ou observations d’astronomie, Voir plus haut, ch. 3, § 2, une expression pareille. On pourrait croire qu’il s’agit ici encore du Traité du Ciel ; mais il n’en est rien, comme le remarque M. Ideler, parce que dans le Traité du Ciel, (Livre II, ch. 10, p. 291, a, 31, édit. de Berlin), Aristote renvoie aussi à son Traité d’Astronomie. C’est peut-être celui dont fait mention Diogène Laërce dans son catalogue. Il est certain, quoi qu’il en soit, qu’Aristote s’était occupé d’astronomie d’une manière très sérieuse. — La grandeur du soleil, théorie exacte. — La distance des étoiles, théorie non moins exacte que la précédente. Ceci est fait pour donner une haute idée des connaissances d’Aristote en astronomie. — Celle du soleil à la terre, même remarque. — Ne peut pas aller jusqu’aux astres, ou étoiles. C’est ce qui est en effet ; et la lumière du soleil n’arrive pas jusqu’aux étoiles ; car autrement elles n’auraient pas de lumière propre. C’est beaucoup aussi d’avoir compris que la nuit n’est que l’ombre de la terre. — Dans cette hypothèse, j’ai cru devoir ajouter ces mots qui me semblent nécessaires pour que la pensée ait toute la netteté désirable.
  74. Quelques astronomes, Aristote ne nomme pas ces astronomes ; mais la fin du § peut faire supposer qu’il s’agit ici d’Hippocrate de Chios, qui avait donné une explication analogue pour la comète ; voir plus haut, ch. 8, § 3. — À l’égard du soleil, c’est l’expression même du texte ; mais elle n’est pas très juste ; ce n’est pas notre vue qui est réfractée, mais bien la lumière du soleil que nous apercevons après cette réfraction.
  75. Que les autres, que l’on vient de passer successivement en revue, celle des Pythagoriciens, d’Anaxagore et de Démocrite. — Si l’on suppose en repos, cette supposition n’est pas applicable au phénomène, puisque les étoiles et le soleil sont censés se mouvoir. — Le miroir et l’objet visible, ici le miroir est le soleil, et l’objet visible est représenté par les étoiles. — Qui demeure en place, en effet, l’observateur ne change pas de position. — Avec la même vitesse, le soleil et les étoiles de la voie lactée ne sont pas animés d’un même mouvement, et la distance où ces corps sont les uns des autres varie selon le mouvement même qu’on support au soleil.
  76. Les astres ou les constellations. — Dans le cercle de la voie lactée, même observation que plus haut, § 3. — Le Dauphin, est une des trente constellations septentrionales. — N’était qu’une image et une apparence, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Propre aux lieux eux-mêmes, c’est-à-dire que la voie lactée doit avoir quelque chose de substantiel, et qu’elle ne doit pas être simplement un phénomène optique. — Il faut ajouter, ce nouvel argument pourrait bien n’être qu’une interpolation de quelque glossateur ; mais Alexandre d’Aphrodisée commente ce passage comme le reste. — Comment est-il possible alors, l’argument n’est peut-être pas très fort ; car on pourrait supposer que la lumière de la voie lactée, quelle qu’en soit l’origine, se réfracte dans l’eau, comme le ferait celle du soleil ; mais l’auteur admettant que c’est la vue qui se réfracte et non pas la lumière, ne peut pas concevoir qu’il y ait de l’eau jusqu’à la voie lactée, et de là jusqu’au soleil, trois ou quatre réfractions successives. C’est là du moins le seul que donne Alexandre d’Aphrodisée.
  77. La route d’aucune planète, comme le croyaient les Pythagoriciens. — Ni la lumière d’astres, comme le croyaient Démocrite et peut-être Anaxagore. — Ni une réfraction, comme le croyait sans doute Hippocrate de Chios. Voir plus haut, §§ 3 et 4. — Qui jusqu’ici, c’est-à-dire jusqu’au temps d’Aristote de 350 à 322 av. J.-C.
  78. Exposons la nôtre, celle théorie ne vaudra pas celle de Démocrite. — Posé antérieurement, Voir plus haut, chap. 2 et 3. — De ce qu’on appelle l’air, Voir une expression toute pareille plus haut, ch. 3, § 2 ; voir aussi ch. 3, § 12. — Que nous nommons les comètes, Voir plus haut, ch. 7, § 3, la théorie spéciale d’Aristote sur le comètes.
  79. Que ce qui arrive pour les comètes, les comètes ne sont pas des météores ; la voie lactée n’est pas plus un météore, et à bien plus forte raison, que les comètes. — Par elle seule, c’est-à-dire par une combustion spontanée qui se produit dans l’espace. — Soit fixes soit errants, les étoiles fixes et les planètes. — Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, ch. 7, § 5.
  80. Pour un seul astre, soit le soleil, soit la lune autour duquel se forme le halo. — Toute la révolution supérieure, Voir plus haut, ch. 2 et 3. — Peut amener ce phénomène, de la comète ou du halo. — Produire de la flamme, ceci ne s’applique pas bien à la voie lactée. — Dans ce lieu où se trouvent réunis, ceci non plus ne s’applique pas à la voie lactée très exactement.
  81. Le lieu du Zodiaque, c’est-à-dire cette partie du ciel où sont les constellations qui forment le Zodiaque. — Cette combinaison, d’où pourrait naître des apparences analogues à celles de la queue des comètes. — De chevelure, l’explication n’est pas très bonne, puisque le soleil et la lune ont des halos, et que par conséquent ils ne dissolvent pas les exhalaisons atmosphériques aussi complètement que l’auteur semble le croire. — La combinaison…. la concrétion, ce sont là des expressions bien vagues, même dans le système de l’auteur.
  82. Il dépasse de beaucoup les tropiques, l’observation est juste sans être très précise.
  83. De ceux qu’on appelle parsemés, ce sont sans doute les étoiles qui n’ont pas été comprises dans les diverses constellations. Ce sont peut-être aussi les planètes. — Ou errants, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Visible à nos yeux, il semblerait résulter de cette phrase que l’auteur avait peut-être aussi quelques instruments d’astronomie à sa disposition ; et pour dire qu’un phénomène est visible aux yeux, il faut qu’il y en ait d’autres où le secours ordinaire des yeux ne suffit pas, et pour l’observation desquels on doit emprunter un secours étranger.
  84. En voici la preuve, cette preuve est fort ingénieuse quoiqu’elle ne soit pas vraie ; mais le système étant admis, il est évident qu’on pouvait tirer un excellent argument de cette circonstance de la réunion des plus grands astres dans la partie la plus brillante de la voie lactée. — La plus probable et la plus directe, il n’y a qu’un seul mot dans le texte.
  85. D’après le dessin ci-joint, nous ne pouvons nous risquer à reproduire ce dessin ; mais ce n’est pas le seul passage d’Aristote où il soit parlé de dessins explicatifs qui étaient joints au texte, pour le faire mieux comprendre et l’illustrer comme nous le dirions aujourd’hui. Dans tous ses traités d’histoire naturelle, notamment dans l’Histoire des animaux, Aristote mentionne fréquemment les dessins qui complètent les explications qu’il vient de donner. Il se servait même de tableaux pour un usage analogue, et l’on peut en voir des exemples dans la logique, toutes les fois que l’ordre des idées peut être représenté par des arrangements graphiques. Voir les Premiers analytiques, livre 1, ch. 2, § 6, n., p. 7 de ma traduction ; et ibid. ch. 46, § 7, n., p. 189. — Parsemés ou errants, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Voir aussi plus haut § 16. — Dans la sphère, représentée dans ce dessin qui était annexé au texte. Voir plus loin, livre III, ch. 5, toute l’explication du phénomène de l’arc-en-ciel avec des figures géométriques.
  86. Dans ce cercle tout seul, le cercle de la voie lactée. — D’astres de ce genre, d’astres aussi nombreux et aussi brillants. — Si nous admettons comme suffisante, Ideler remarque avec raison cette modestie d’Aristote ; mais cette réserve prouve elle-même qu’Aristote n’était pas absolument satisfait de sa théorie des comètes. — À peu près de même, la différence cependant est considérable, puisque la voie lactée est constante et immobile, tandis que les comètes sont passagères et sont animées d’une course, rapide.
  87. Pour tout un cercle, celui de la voie lactée, qui fait le tour entier du ciel, quoiqu’elle le fasse irrégulièrement. — La chevelure d’un très grand cercle, l’explication de Démocrite valait beaucoup mieux, et Aristote aurait dû s’y tenir. — Nous l’avons dit antérieurement, Voir plus haut, ch. 7, § 11. — Ni fréquentes, ceci peut s’entendre d’une manière générale pour toute l’étendue du ciel ; mais au ch. 7, § 11, l’auteur a dit seulement que les comètes ne sont ni nombreuses ni fréquentes en dedans des tropiques. — Dans cette partie du ciel, c’est-à-dire que les matières aériformes qui composent les comètes sont attirées surtout dans cette partie du ciel où est la voie lactée. Philopon a réfuté par de très bons arguments toute cette théorie d’Aristote sur la voie lactée. Voir son commentaire.
  88. Dans le monde qui entoure la terre. Voir plus haut, ch. 2 et ch. 3. — Aux révolutions supérieures, c’est l’éther, placé à l’extrémité de toutes les révolutions qui se rapportent à notre globe, et les enveloppant toutes dans son orbe immense et son mouvement éternel. — De la marche des étoiles, ou des astres. — De la flamme qui y brûle, par les causes qui ont été indiquées, ch. 3, §§ 15, 16, et ch. 4, §§ 2 et suiv. — Dans ce lieu, qui est fort au-delà de notre atmosphère, et qui appartient aux régions supérieures du ciel.
  89. Du lieu qui par sa position est le second, c’est, à proprement parler, l’atmosphère terrestre où se passent en effet la plupart des phénomènes météoriques. — De l’air et de l’eau, j’ai adopté une leçon indiquée par un des manuscrits qu’a consultés Ideler, et qui consiste à mettre le pronom démonstratif au pluriel au lieu du singulier. — Les principes et les causes, les deux idées sont fort voisines l’une de l’autre ; mais on peut distinguer avec Ideler le principe de la cause, en faisant du principe la cause première et la plus éloignée de l’effet, tandis que la cause proprement dite est celle qui est la plus rapprochée de l’effet produit.
  90. La révolution du soleil, il est incontestable que l’action du soleil sur notre atmosphère est une des principales causes de tous les phénomènes qui s’y passent, par les alternatives de chaleur et de froid qu’il y produit, selon qu’il est plus proche ou plus distant de la terre au-dessus ou au-dessous de notre horizon. — La terre étant immobile, c’est l’erreur commune et continuelle d’Aristote ; mais le phénomène qu’il indique n’en est pas mois réel ; il y a à la surface de la terre une immense évaporation. — Le liquide qui l’entoure, ou qui se trouve à sa surface. Aristote admettait la sphéricité de la terre tout en admettant son immobilité. On pourrait aussi traduire L’humide, au lieu du Liquide.
  91. Quand la chaleur, le phénomène est exactement décrit. Le liquide se vaporise et se convertit en une espèce d’air ; arrivé dans la région froide sous forme de vapeur, il se condense, redevient liquide et retombe sur les lieux d’où il s’était élevé, c’est-à-dire sur la terre. — Et par le lieu, Voir plus haut, ch. 3, § 10. Ce lieu est froid, parce qu’il est trop éloigné des astres qui lancent de la chaleur selon Aristote, et de la terre qui est échauffée par la réfraction des rayons solaires.
  92. L’exhalaison qui vient de l’eau, cette définition de la vapeur est acceptable aussi bien que tant d’autres ; mais on comprend moins ce que c’est que l’exhalaison de l’air ; et il semble que le nuage vient de l’eau bien plutôt que de l’air. Les vapeurs en se réunissant et en se condensant forment les nuages. La science moderne distingue les corps normes en deux classes, les gaz et les vapeurs. Les premiers restent toujours au même état ; les secondes peuvent passer à l’état liquide dans certaines circonstances déterminées. Cette distinction est aussi simple que réelle. — Le brouillard est le résidu, aujourd’hui on ne fait entre le nuage et le brouillard aucune différence si ce n’est que le brouillard est un nuage à la surface de la terre ; et un nuage, un brouillard dans les hautes parties de l’atmosphère. C’est toujours de la vapeur d’eau qui s’est précipitée dans notre atmosphère, et qui s’y maintient plus ou moins haut sous forme de vésicules qui sont creuses selon toute apparence. — Une sorte de nuage qui n’est pas formé, c’est une erreur ; le brouillard est tout aussi formé que le nuage ; seulement il est à la surface de la terre au lieu d’être à une certaine distance. Le brouillard annonce le beau temps quand il tombe, parce qu’il n’y a plus d’humidité dans l’atmosphère ; il annonce la pluie quand il s’élève, parce qu’il doit retomber plus tard après qu’il s’est refroidi et converti en eau. Au lieu de « Qui n’est pas formé, » le texte dit précisément : « Stérile, ou infécond. »
  93. Le cercle de ces phénomènes, j’ai ajouté ces deux derniers mots pour compléter la pensée. — Imite le cercle du soleil, cette comparaison n’est pas très juste ; ou peut-être l’auteur veut-il dire seulement que la formation et la dissolution du brouillard accompagnent le cours du soleil ; ce qui ne serait pas fort exact. — Va aussi tour à tour en haut et en bas, C’est-à-dire que la vapeur s’élève dans l’atmosphère et retombe ensuite sur la terre sous forme de pluie. — Comme un fleuve, cette comparaison est plus juste que la précédente.
  94. Quand le soleil est proche, cette théorie ne répond pas aux phénomènes. Il y a des brouillards et de la pluie à toutes les époques de l’année, et à tous les moments du jour et de la nuit. Il est vrai cependant que le soleil exerce une très grande influence sur ces météores ; mais son action n’est pas aussi régulière que l’auteur le dit ici. — Une certaine régularité, la théorie ainsi restreinte est beaucoup plus vraie qu’à la prendre dans toute sa généralité. — Cet océan, qui entoure la terre et forme son atmosphère, océan de vapeur et non pas d’eau. — Dont les anciens, Héraclite sans doute et quelques autres. — Ce fleuve, de vapeurs qui circulent sous diverses formes.
  95. Le liquide, ou l’Humide, qui s’est vaporisé et qui peut alors élever dans l’atmosphère. — Des noms fort convenables, il ne semble pas cependant que l’étymologie grecque des deux mots suivants reproduise en rien une idée spéciale du phénomène. — Et à quelques-unes de leurs variétés, comme la rosée et la gelée blanche, dont il va être question dans le chapitre suivant. — Les parties qui tombent sont très ténues, les gouttes de pluies sont en effet quelquefois très petites, et d’autres fois beaucoup plus grosses. — On les appelle ondée, nous n’avons pas d’autre mot dans notre langue ; mais celui-ci ne répond pas tout à fait ni aussi bien que je l’aurais voulu à la définition donnée dans le texte.
  96. Cette partie de la vapeur, la théorie d’Aristote sur la rosée est fort exacte, et elle tient encore sa place dans la science moderne, bien qu’on l’ait complétée depuis. Voir la météorologie de Kaemtz, traduction de M. Ch. Martins, p. 98. — Une trop petite quantité de feu, c’est le mot précis du texte ; il vaudrait mieux dire : « de la chaleur » au lieu du feu. — La rosée et la gelée blanche, il n’y a en effet qu’une simple différence de température entre les deux produits.
  97. Avant d’être changée en eau, les météorologistes modernes semblent aussi admettre que la gelée se forme avant que l’eau ne soit produite, et que c’est la vapeur qui se congèle. — L’hiver et dans les lieux froids, bien qu’elle se forme assez souvent aussi au printemps. — Se sèche, et disparaisse au moins pour quelque temps. — Le lieu ou bien la température, la position des lieux a en effet une très grande influence sur la quantité plus ou moins forte de rosée qui se forme.
  98. Dans les temps sereins, cette observation est très exacte ; et l’on sait aujourd’hui que le rayonnement du sol qui refroidit les couches voisines de l’atmosphère, est d’autant plus fort que le ciel est plus serein et l’air plus calme. — Comme je viens de le dire, § 2. — Est plus chaude que l’eau, le fait est exact. — Qui l’a élevée, dans l’atmosphère. — Il faut plus de froid, la gelée blanche indique un abaissement de température plus grand que la rosée.
  99. Par un temps pur, c’est-à-dire quand il n’y a pas de nuages au ciel. — Et quand il n’y a pas de vent, observation fort exacte. — Jamais la gelée blanche sur les montagnes, je ne sais si le fait est parfaitement vrai ; et il me semble avoir vu plus d’une fois de la gelée blanche sur les montagnes. Je ne trouve pas d’observation spéciale sur ce point dans les auteurs contemporains, bien qu’Ideler paraisse être tout à fait de l’avis d’Aristote.
  100. Une première cause, cette explication n’est pas tout à fait exacte, puisqu’elle ne tient aucun compte du rayonnement du sol, que Aristote ne connaissait pas. La chaleur a bien enlevé la vapeur ; mais la vapeur retombe, parce que les couches d’air qui avoisinent le sol se sont refroidies successivement. — La laisse bientôt retomber, le fait est vrai ; mais il se produit par une autre cause que celle qui est indiquée. — L’air qui s’écoule, c’est-à-dire qui est en mouvement et qui circule autour de la terre. Voir plus haut, ch. 9, § 5. — S’écoule surtout dans les lieux élevés, et l’action de l’air dessèche la vapeur avant qu’elle ne se résolve en eau.
  101. Par les vents du sud, le fait peut être vrai, et il est assez facile à constater ; mais depuis Aristote, je ne vois pas qu’on l’ait observé de très près et spécialement. Il faudrait d’ailleurs faire les observations dans les pays mêmes où Aristote faisait les siennes. — Dans le Pont, c’est-à-dire sur les bords du Pont-Euxin, ou Mer Noire. — Se passe à l’inverse, il serait curieux de vérifier sur les rives de la Mer Noire et dans les pays circonvoisins ce singulier phénomène et l’exactitude de l’assertion émise ici. — Le vent du sud amène le beau temps, il est probable alors que dans les pays du Pont, le vent du sud amène au contraire le mauvais temps. En général le vent du sud amène la chaleur ; et le vent du nord amène le froid.
  102. Dans le Pont au contraire, les Grecs au temps d’Aristote connaissaient mieux le Pont et le pratiquaient plus que nous ne le faisons aujourd’hui. — Pour que la vapeur se forme, c’est-à-dire pour que l’évaporation soit considérable, et porte dans l’atmosphère une grande quantité d’eau. — Accumule la chaleur, c’est sur les lieux mêmes qu’il faudrait observer l’action diverse des vents du nord et du midi.
  103. En dehors du Pont, j’ai cru devoir ajouter ces deux derniers mots, qu’autorisent les commentateurs. — Exhalent plus de vapeur, quand les puits semblent fumer à cause des différences de température. — Les vents du nord éteignent la chaleur, ceci semble contredire le § précédent. — Les vents du sud, au contraire, même observation. — Tant qu’elle veut, cette locution qui peut paraître assez singulière, quand on l’applique à de la vapeur, répond à l’expression du texte, qui ne l’est pas moins en grec.
  104. L’eau elle-même, il y a des éditions, celle de Berlin par exemple, qui laissent cette phrase au chapitre précédent ; M. Ideler a cru avec raison qu’elle était mieux placée au début du ch. 11. Il voudrait aussi que ce même chapitre se confondit avec le ch. 10. Il a bien fait cependant de les séparer, comme on paraît l’avoir toujours fait, afin de ne pas changer les traditions. — Sur la terre, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée, à laquelle ils sont indispensables. — Car, cette liaison des deux idée ne paraît pas suffisante. — Trois corps, c’est l’expression même du texte. — Deux de ces corps, la pluie et la neige, comme le prouve ce qui suit. — Tout à fait analogues, cette ressemblance n’est pas aussi forte que le dit Aristote. La rosée n’est pas précisément de la pluie ; et ce qui aurait pu l’en avertir, c’est la remarque qu’il fait lui-même plus haut, (ch. 10, § 3) à savoir que la rosée se produit par des temps sereins et calmes. Il faut au contraire des nuages pour former la pluie. — Par les mêmes causes, ceci n’est pas tout à fait exact ; la rosée se forme par le rayonnement du sol, qui refroidit assez les couches voisines de l’atmosphère pour que la vapeur se condense en gouttelettes ; la pluie se forme, lorsque l’atmosphère est saturée d’humidité. — Du plus au moins, les circonstances diverses des phénomènes auraient dû faire voir à Aristote qu’il ne pouvait les identifier à ce point.
  105. La neige et la gelée blanche, ne sont pas la même chose en ce que la pluie se forme dans les parties élevées de l’atmosphère, tandis que la gelée blanche se faune à la surface du sol. — La pluie et la rosée, diffèrent également. — L’une est considérable, cette différence est vraie ; mais elle tient de part et d’autre à des causes diverses. — D’une masse de vapeur refroidie, et d’en haut. — Et l’élément dont elle se forme, l’élément de la rosée est le même que celui de la pluie ; c’est de part et d’autre de la vapeur flottant dans l’atmosphère et refroidie. — Est peu considérable, le fait est vrai ; mais la cause qu’on assigne ne l’est pas. — Ne dure qu’un jour, même remarque. — Est très petit, ceci n’est pas très clair dans les théories d’Aristote ; ce le serait tout à fait dans les théories modernes, puisque la couche d’air sur laquelle agit le rayonnement du sol est très peu épaisse. Aristote veut dire seulement que la surface de pays sur laquelle la rosée se forme n’est pas très étendue ; ce qui n’est peut-être pas fort exact.
  106. Mêmes rapports de la neige à la gelée blanche, les différences entre la neige et la gelée blanche sont attribuables aux mêmes causes que les différences entre la pluie et la rosée. — Quand c’est un nuage qui se gèle, ce n’est pas tout à fait le nuage, mais la pluie qui se gèle. — Quand c’est une vapeur, cette distinction du nuage et de la vapeur n’est pas exacte. — D’une région froide, le fait est vrai. — Si le froid ne l’eût emporté, le froid causé par le rayonnement du sol, d’après les théories modernes. — Le liquide, ou l’humide.
  107. C’est dans la région des nuages, le texte n’est pas aussi précis ; et l’expression dont il se sert est très vague. Mais le sens ne peut pas être douteux. — Se forme la grêle, la formation de la grêle est fort compliquée ; et pour la comprendre, il a fallu connaître le rôle important que l’électricité joue dans notre atmosphère. Les anciens n’en ont jamais eu la moindre idée. — Près de la terre, l’observation est très exacte. — Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, §§ 1 et 2. — Dans le nuage,… à terre, le texte n’en pas tout à fait aussi précis ; mais le sens ne peut pas faire le moindre doute. — Dans les nuages…, sur terre, même remarque. — La cause en sera évidente, la théorie de la grêle telle qu’Aristote va la donner n’est pas exacte, et je viens de dire pourquoi elle ne devait pas l’être. Mais c’est déjà une preuve de sagacité bien extraordinaire d’avoir séparé la grêle de tous les autres phénomènes météoriques.
  108. De faits parfaitement certains, et qui sont en effet très exactement observés. — Paraissent répugner à la raison, c’est parfaitement vrai ; et les phénomènes que cite Aristote semblent tout à fait contraires à ce qu’on devait supposer rationnellement. La grêle est de la glace, et rependant elle tombe en été, et il y en a rarement en hiver. — Ne gèle qu’en hiver, il faut se rappeler qu’Aristote vit sous le climat de la Grèce et de l’Asie mineure. — Puis ensuite à la fin de l’été, il y a parfois de la grêle au cœur même de l’été. — C’est toujours quand il fait moins froid, le fait est parfaitement exact.
  109. Dans les lieux plus tempérés, le fait est sans doute exact ; mais je ne vois pas que la science moderne s’en soit spécialement occupée. — Il semble étrange, ou absurde à la raison. — L’eau se congèle dans la région supérieure, parce que l’eau une fois formée serait retombée par son propre poids sous forme de pluie, avant d’être gelée. — À la hauteur où elle serait alors élevée, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  110. Les gouttelettes des ondées, il n’y a qu’un seul mot en grec. — Et reposent sur l’air, c’est-à-dire quelles sont assez légères pour rester en suspension dans l’atmosphère, comme le prouve ce qui suit. — En fortes ondées, le texte a le même mot que quelques lignes plus haut.
  111. Les corps gelés ne se combinent pas, la remarque est fort ingénieuse ; et Aristote sent bien qu’il y a ici quelque cause particulière qui forme les grêlons. Seulement cette cause lui échappe. Mais c’est déjà beaucoup d’en avoir soupçonné l’existence. — Toute cette eau soit restée en haut, l’eau est bien en haut comme le dit Aristote ; seulement elle n’y est pas sous forme liquide ; elle y est sous forme de vapeur ; et, par l’action d’une force particulière, elle se congèle et prend les dimensions que présente la grêle. — Car une si grande quantité, il y a ici une idée sous-entendue : « car, si cette masse d’eau n’était pas en haut comme on le suppose, » une si grande quantité, etc.
  112. Quelques-uns, il paraît que cette désignation vague s’adresse à Anaxagore, selon la conjecture des commentateurs grecs ; voir plus bas, § 13. — Dans la région supérieure, qui est plus froide, le fait est exact ; et tous les observateurs modernes l’ont constaté. — L’eau qui y parvient, sous forme de vapeur qui se condense d’abord en gouttelettes. — Plus fréquente en été, le fait est exact ; il tombe aussi de la grêle en hiver, mais le fait est assez rare.
  113. Dans les lieux très élevés, c’est un fait qui n’est pas très exact et qui n’est pas généralement admis par les observateurs. De Saussure et d’autres savant, ont vu tomber de la grêle sur des montagnes à 3,428 mètres et même 4,550 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer ; voir la Météorologie de Kaemtz, traduction française, p. 351. — D’après cette théorie, qui n’est pas aussi fausse qu’Aristote semble le croire.
  114. Produire un tel bruit, le fait est incontestable, et l’on suppose que ce bruit est causé par le choc des grêlons entre eux ou par la rencontre de deux vents opposés. — Et les voyaient, et effet, les nuages chargés de grêle ont un aspect tout différent que les autres nuages. Ils sont d’une couleur grise toute particulière.
  115. Fassent de bruit, ce n’est pas toujours en effet que ce bruit est produit, et il a lieu sans doute quand les nuages contiennent plus d’électricité ou que les vents opposés sont plus violents. — Incroyablement grosse, les grêlons atteignent parfois des dimensions et des poids énormes qui vont jusqu’à 500 grammes ou même 1 ou 2 kilos. On a constaté aussi la chute de véritables blocs de glace qui ne sont que des grêlons accumulés. — Sans avoir du tout les formes arrondies, les grêlons ont d’ordinaire la forme d’une poire terminée par une surface arrondie. — Près de la terre, Voir plus haut, § 6. — Les philosophes dont nous parlons, le texte n’est pas tout à fait aussi explicite.
  116. Ce qui est cause d’une plus forte gelée, le phénomène n’est pas absolument le même quoiqu’il ait beaucoup de rapport, et le grêlon n’est pas précisément ni de la glace ni de la neige. — Ce qui ne peut faire évidemment de doute, en examinant les grêlons de plus près, on voit que c’est tout au moins une sorte de glace toute particulière. — Qui n’ont pas du tout la forme ronde, ce détail du phénomène n’a pas été spécialement étudié par les observateurs modernes. — Non loin de la terre, le fait n’est pas certain, et les grêlons pourraient être ballotés longtemps entre les nuages qui les produisent, sans que ces nuages fussent dans les hautes parties de l’atmosphère. — Fracassées de mille manières, ceci se rapproche davantage des explications que donne la science moderne. — Et des dimensions moindres, ceci n’est pas aussi exact. Ce qui est vrai c’est que les grêlons se fondent à mesure qu’ils approchent de la terre.
  117. Il est parfaitement certain, la démonstration ne résulte pas des arguments qui précèdent, comme l’auteur semble le croire. — Dans la région supérieure et froide, il paraît au contraire que les nuages se forment dans une région qui est assez élevée et qui est relativement assez froide.
  118. Une répercussion réciproque, sans que les détails soient aussi précis que pourrait les demander la science moderne, on soit qu’Aristote a compris en partie le phénomène, en reconnaissant qu’il devait être le résultat d’une influence réciproque de deux forces l’une sur l’autre. — Les excavations souterraines, les caves sont un exemple frappant ; elles gardent une température à peu près toujours égale. Il en résulte qu’elles soit chaudes en hiver et froides en été. — Le froid répercuté, il y a aussi dans le phénomène de la grêle une autre cause que le froid. — Par la chaleur circulaire, c’est-à-dire celle qui est causée par le mouvement rapide et incessant de l’éther dans la région la plus haute du ciel. Ideler n’accepte pas ce sens ; et il croit qu’il s’agit uniquement de la chaleur qui environne les nuages. Voir plus haut, ch. 2 et 3. — Tantôt de la pluie et tantôt de la grêle, il n’est pas probable que ces deux phénomènes ne tiennent qu’à une seule et même cause.
  119. Dans les jours chauds qu’en hiver, il est possible que le fait soit exact pour les climats où observait Aristote ; et il s’agit ici de ce qu’on appelle les averses. — Les pluies, beaucoup plus violentes, l’observation est exacte. — C’est la rapidité de la condensation, c’est moins la rapidité que la grande quantité d’eau suspendue dans l’atmosphère.
  120. À l’explication d’Anaxagore, Voir plus haut, § 5. — Le nuage monte… il descend, les deux explications ne sont pas contraires autant qu’Aristote le suppose. Il faut nécessairement une succession de froid et de chaleur pour que ce phénomène se produise. — Par la chaleur du dehors, Voir plus haut, § 2 ; la chaleur du dehors se confond sans doute avec la chaleur circulaire. — Il gèle l’eau qu’il vient de produire, le froid condense d’abord la vapeur sous forme d’eau ; et ensuite il la gèle sous forme de grêlons. — Que la congélation est plus rapide, il faut en effet dans le système d’Aristote que l’action du froid soit plus rapide que celle de la pesanteur ; mais il doit y avoir une autre cause encore que la température.
  121. Car quelque court… Ce paragraphe n’est guère qu’une répétition de celui qui précède et qui suffisait.
  122. La congélation, ou la condensation selon qu’il s’agit de la grêle et de la neige, ou de la pluie et des averses. — L’espace… est très petit, souvent en effet la zone où tombe la grêle est très longue et très étroite. — Et c’est aussi la même cause, ce passage n’est pas très clair, et il aurait fallu ici un peu plus de développements. L’auteur veut dire sans doute que c’est le froid qui a condensé plusieurs gouttes en une seule ; et par là elles ne peuvent être serrées comme si elles étaient plus fines.
  123. Moins en été, l’observation est très juste pour l’été, mais elle ne l’est pas autant pour l’automne. Il y a en été plus de grêle qu’en automne, si l’on en croit les observateurs modernes ; mais il ne faut jamais perdre de vue qu’on devrait répéter les observations d’Aristote dans les climats même où il les faisait. — Plus cependant qu’en hiver, l’hiver est la saison où il se produit le moins souvent de la grêle.
  124. Comme on l’a dit, sans doute quelque prédécesseur d’Aristote qu’il désigne ainsi sans le nommer. On pourrait croire aussi qu’il rappelle une de ses propres théories.
  125. La mettent d’abord au soleil, le fait est vrai, et on peut toujours le vérifier dans les climats chauds, en Espagne, en Italie, en Égypte ; mais il fallait ajouter que l’on met l’eau au soleil dans certaines conditions. Le vase qui la renferme est clos, et de plus il est poreux. C’est par ses pores que se fait l’évaporation qui abaisse la température et rafraîchit le liquide. — À la chasse aux poissons, c’est l’expression même du texte. — Comme de plomb, on verse en effet du plomb dans certaines constructions pour souder des pierres ou des métaux. La comparaison est exacte et ingénieuse.
  126. L’eau qui se forme, l’expression du texte n’est pas plus précise ; il s’agit évidemment de l’eau qui se forme dans l’atmosphère et tombe en pluie. — Les pluies tombent l’été, le fait est très exact pour les régions intertropicales. — Plusieurs fois le jour, ceci n’en peut-être pas aussi exact tout à fait. En général les pluies dans ces climats ne tombent qu’une fois le jour, et principalement l’après-midi. — Par la répercussion, le froid dont il s’agit ici est celui qui est nécessaire à la condensation de l’eau destinée à former la pluie. La répercussion est celle de la chaleur par le froid des régions plus élevées de l’atmosphère.
  127. Sur la pluie, la rosée, ces différentes matières n’ont pas été traitées dans l’ordre qui est indiqué ici. Voir plus haut, ch. 9 et suiv.
  128. Des vents et de tous les souffles, d’après Alexandre d’Aphrodisée, les souffles désignent les vents qui n’ont pas reçu de noms particuliers. — Puis des fleuves, y compris les rivières et tous les cours d’eau. — Nous proposerons d’abord nos propres doutes, en général Aristote commence au contraire par exposer les opinions de ses devanciers. Il est vrai qu’il peut faire connaître ses doutes personnels tout en critiquant les théories antérieures. — Le vulgaire et le premier venu, il n’y a qu’un seul mot en grec.
  129. Quelques philosophes, d’après Alexandre d’Aphrodisée et Olympiodore, Aristote veut indiquer ici Hippocrate. En effet, on trouve cette théorie du vent rappelée dans le petit traité des Vents. Voir l’édition et la traduction de M. E. Littré, tome VI, p. 95, et aussi dans le traité du Régime, Livre II, tome VI, p. 531. Il est certain cependant que ces deux traités ne sont pas authentiques ; mais ils étaient peut-être déjà compris dans la collection Hippocratique du temps d’Aristote. — Et qu’il s’écoule, Hippocrate se sert d’un mot analogue dans le traité précité. — Se condense, sous forme de gouttelettes. — Et l’eau, c’est le mot exact du texte ; mais on voit qu’il s’agit plus spécialement de la pluie. — L’eau et le vent sont de même nature, c’est une théorie qu’Aristote n’accepte pas et qu’il combattra un peu plus loin.
  130. Ceux qui veulent parler doctement, il y a peut-être quelque ironie dans cette tournure de phrase. Des manuscrits portent Clairement au lieu de Doctement, par le changement d’une seule lettre. — Un seul et même vent, c’est une confusion purement théorique ; car, en fait, les vents différent beaucoup entre eux par les circonstances mêmes qui sont énoncées un peu plus bas. — Un seul et même air, c’est vrai ; mais il n’y a pas dans l’air les distinctions qu’on peut constater dans les vents. — Cette théorie vaut bien, tournure ironique comme un peu plus haut. Les §§ suivants présentent aussi la même nuance.
  131. L’opinion du vulgaire, Voir plus haut, § 1. — D’après des études pareilles, autre nuance de critique et de moquerie.
  132. Si tous les fleuves, il est évident que les fleuves sortent chacun d’une source différente ; donc les vents qu’on assimile aux fleuves doivent avoir des sources différentes comme eux. — S’il en est pour les vents, Ideler voudrait introduire dans cette phrase une négation qui n’est pas nécessaire. — Cette belle explication, le mot grec a quelque analogie avec le mot suivant qui signifie Erreur ; il y a donc dans le texte une sorte de jeu de mots que je n’ai pu rendre dans notre langue. — S’écoule comme d’un vase, il est probable que cette théorie avait été proposée par quelque philosophe antérieur. — D’une outre, c’est la tradition mythologique et qu’on retrouve dans Homère, Odyssée, chant 10, vers 20. – Comme nous les représentent les peintres, voir la même indication dans le Traité du mouvement des animaux, ch. 2, § 5, p. 243 de ma traduction.
  133. Quelques-uns, il paraît que cette théorie appartenait à Anaxagore. — Soulevée par le soleil, sous forme de vapeur. — Se réunit sous la terre, le fait est exact, comme le prouve la géologie. — Comme d’un grand trou, ceci n’est pas exact en ce sens qu’il y a dans ce lieu de la terre des amas d’eau en très grand nombre, et non une masse unique dans une seule excavation. — Dans le sein de la terre, j’ai ajouté ces mots qui m’ont paru indispensables pour compléter la pensée. — Par suite du mauvais temps, le texte dit précisément : « De l’hiver. »
  134. Ajoutent-ils, ces mots ne sont pas dans le texte ; mais cette idée accessoire résulte de la tournure même de la phrase. — Plus abondantes l’hiver, c’est le fait le plus habituel ; mais ce n’est pas un fait constant. Parfois les eaux tout très basses en hiver.
  135. Comme un réservoir, il est difficile, d’après une indication aussi sommaire, de se rendre compte de la méthode employée par les anciens pour constater la quantité d’eau tombée. Ideler semble blâmer ici Aristote ; quant à moi, je le louerais bien plutôt d’avoir eu cette pensée qu’il était possible de mesurer la quantité de la pluie annuelle. Je doute certainement que ses méthodes valussent les nôtres. Mais pour être équitable, il faut se reporter à ces temps reculés et se rappeler combien les premiers pas de la science sont toujours difficiles. Même aujourd’hui, nos instruments pour mesurer la pluie ne sont pas irréprochables. — Surpasserait la masse entière de la terre, il serait presqu’impossible de se prononcer sur ce point. — Ne serait pas loin de l’égaler, même remarque ; tout cela est purement conjectural.
  136. Que ce n’est pas la même cause, il est clair que l’eau est partout formée de la même manière ; et l’eau qui est sous terre est composée des mêmes éléments que celle qui est sur terre ; mais les glaciers jouent un très grand rôle dans la formation des eaux souterraines, et il ne paraît pas qu’on en tienne ici aucun compte. — Venant de l’air, par la condensation des vapeurs. — Le froid renfermé dans la terre, il faut ajouter aussi qu’il doit y avoir des vapeurs dans le sein de la terre pour que le froid puisse les condenser en eau. — Que ce phénomène, c’est-à-dire la condensation des vapeurs souterraines. — Sans interruption, et la terre forme de l’eau à peu près comme l’atmosphère en forme continuellement.
  137. Chaque jour, on ne comprend pas ceci très clairement. — Qu’elle y est toute faite, j’ai ajouté ces deux derniers mots pour rendre toute la force de l’expression grecque. — Qui y ont filtré, et qui seraient uniquement le produit des eaux tombées à la surface de la terre. — Dans l’espace au-dessus de la terre, c’est-à-dire dans l’atmosphère du même à le surface du sol. — De même aussi sous terre, la différence entre la première théorie, et la théorie d’Aristote, c’est qu’il pense que l’eau peut se former de toutes pièces dans le sein de la terre, sans qu’il soit besoin qu’elle vienne de l’atmosphère par la pluie. — De petites parcelles, l’expression grecque est tout à fait indéterminée. — S’égouttant, c’est le sens le plus probable qu’on puisse donner au mot du texte.
  138. Comme si la terre suait, c’est l’expression même du texte. — Des montagnes les plus grandes, ce n’est pas parce que la montagne est haute que l’eau s’y accumule et s’y réunit davantage ; mais les hautes montagnes sont couvertes de neiges éternelles et forment des glaciers qui alimentent les fleuve. — La plupart des sources, ceci est vrai d’une manière générale sans l’être absolument.
  139. Dans les plaines qui n’ont pas de fleuves, il s’agit de sources jaillissantes ; car à l’intérieur de la terre on trouve souvent des eaux dans les lieux dont la surface est tout à fait aride ; témoins les puits artésiens creusés dans les déserts de l’Algérie. — Comme une énorme éponge, la comparaison est aussi juste que frappante. Mais la véritable éponge, ce sont les glaciers plus encore que les montagnes elles-mêmes. — Sur une foule de points à la fois, c’est-à-dire sur toute leur surface.
  140. Qui descend, les montagnes absorbent aussi une grande quantité d’eau qui ne descend pas, et c’est en proportion de leur surface, à peu près comme le sol. — La circonférence de la terre, j’ai ajouté ces derniers mots d’après le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. D’ailleurs ce mot du Surface aurait été plus convenable que celui de circonférence ; mais c’est ce dernier qu’emploie le texte. — Refroidissent la vapeur, le fait est exact ; mais de plus, les montagnes attirent aussi les vapeur flottant dans l’atmosphère.
  141. Nous venons de le dire, Voir plus haut, § 11. — Les descriptions, et les contours, pour rendre toute la force de l’expression grecque. Il est clair qu’il s’agit ici du cartes de géographie qu’on dressait d’après la récits des voyageurs, quand les voyageurs eux-mêmes n’étaient pas capables de les dessiner.
  142. Le Parnase, c’est la leçon que donnent la plupart des manuscrits ; quelques-uns disent le Parnasse ; mais il est de toute évidence qu’il ne s’agit point ici de la montagne de ce nom qui est en Grèce, puisqu’Aristote place le Parnase en Asie. C’est peut-être la montagne appelée par les anciens Paropamisus, et qui répond en partie à l’Hindoukoush et aux premières chaînes de l’Himalaya. L’indication aurait alors plus d’exactitude. — À l’orient d’hiver, c’est-à-dire au nord-est, ce qui est assez exact par rapport à la situation de la Grèce, où écrivait l’auteur. — Enfin la mer extérieure, celle qui, dans les croyances des anciens, faisait le tour de la terre en forme de circonférence régulière. Cette opinion sans fondement a subsisté bien longtemps, et elle n’a guère été détruite que sur la fin du XVe siècle. — De ce pays, cette expression peut désigner à la fois la Grèce et le pays où se trouve le Parnase selon Aristote. Le premier sens est le plus probable.
  143. Le Bactre, d’où la Bactriane a tiré son nom. — Le Choaspe et l’Araxe, ces fleuves coulent en effet dans des contrées qui correspondent assez bien à l’Hindoukoush des modernes, le Paropamisus des anciens. L’Araxe est le Iaxarte actuel. — Dont le Tanaïs n’est qu’une branche, c’est une erreur ; le Tanaïs, le Don actuel, n’a aucun rapport avec les fleuves sortis de l’Hindoukoush ; il appartient à un tout autre bassin et il se jette dans la mer d’Azof après un cours de 350 lieues. — Que sort l’Indus, en effet, l’Indus sort de l’Himmalaya. — Le plus considérable de tous les fleuves, il est évident que l’auteur ne connaît pas le Gange. Les connaissances géographiques des anciens ne s’étendaient pas alors jusque-là.
  144. Du Caucase, situé entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin. — D’une grandeur et d’une abondance énormes, ceci n’est pas très exact, même en son tenant aux notions qu’avaient alors les anciens sur les différents fleuves de la terre. — Le Phase, le Fazi actuel, qui se jette dans le Pont-Euxin et qui n’a pas un cours considérable. — À l’orient d’été, c’est-à-dire à peu près nord-est. — La plus importante par son étendue, ceci ne contredit pas ce qui a été dit un peu plus haut sur le Parnase, placé à l’orient d’hiver, c’est-à-dire un peu plus au sud et à l’est que le Caucase.
  145. Appelé les Creux, il serait difficile du dire où sont au juste situés les points qu’on désignait ainsi du temps d’Aristote ; il est évident d’ailleurs que les Creux devaient être placés sur la ligne qu’on peut tirer de l’Hellespont ou d’un point de la côte de l’Asie-Mineure au Palus Méotide ou mer d’Azof. Voir plus loin, § 29. — Au tiers de la nuit, la durée de la nuit varie nécessairement avec les saisons ; mais la proportion établie dans le texte n’en est pas affectée. — Le matin que le soir, tant avant le lever du soleil qu’après son coucher. — Jusqu’au dernier sommet, ceci n’est pas très clair ; et la pensée exigeait plus de précision.
  146. La Pyrène, j’ai conservé le mot grec autant que je l’ai pu, et il est parfaitement reconnaissable. Mais on voit quelle énorme erreur commet Aristote en faisant sortir des Monts Pyrénées le Danube et le Tartesse, qu’on peut identifier soit avec le Tage, soit avec le Guadalquivir, puisqu’il se jette en dehors des colonnes d’Hercule. Dans Hérodote, (livre II, ch. 33, p. 83, ligne 2, édit. de Firmin Didot), Pyrène est une ville dans la Celtique et lister ou Danube y prend aussi sa source. — L’Ister, le Danube des modernes. — En dehors des colonnes d’Hercule, à l’occident et au nord du détroit de Gibraltar. Mais il n’y a pas de fleuve qui ait ce cours ; et l’on ne peut pas dire du Tage qu’il sorte des Pyrénées. — Après avoir traversé toute l’Europe, ce n’est exact qu’en partie ; mais d’après les connaissances géographiques qu’avaient les anciens, ils s’imaginaient que l’Ister prenait sa source dans la Celtique, qui pour eux s’étendait jusqu’à l’Océan occidental. — Dans le Pont-Euxin, ou la Mer Noire ; ce qui est exact.
  147. Des monts Arcyniens, quelques manuscrits portent des « monts Hercyniens », et de là on s’est cru autorisé à conjecturer que les monts Arcyniens d’Aristote répondent à la contrée où fut placée plus tard la forêt Hercynie. Ce sont sans doute les montagnes du Hartz et de l’Erzgebirge. — Sont les monts appelés Rhipées, ce sont peut-être les Karpathes. Il paraît qu’Aristote est le premier qui, dans l’antiquité, ait parlé de ces montagnes encore fort peu connues de son temps. — Des récits trop évidemment fabuleux, ceux qui viennent d’être rappelés un peu plus haut, sur le cours du Danube et du Tartesse, ne le sont pas moins. — les plus grands de tous les fleuves, il est à regretter que ces fleuves ne soient pas nommés. Il est bien possible d’ailleurs que cette phrase ne soit qu’une glose et une interpolation.
  148. L’Aegon et le Nysès, on ne peut savoir à quels fleuves correspondent ces deux noms. Comme au nord de l’Afrique, il n’y a pas d’autre fleuve que le Nil, il ne resterait plus qu’à placer l’Aegon et le Nysès sur les côtes occidentales de l’Afrique. Mais au temps d’Aristote aucun navigateur n’était allé jusqu’au Sénégal ou au Niger. On peut croire aussi que l’Aegon et le Nysès correspondent à des fleuves, d’ailleurs peu considérables, qui sortis des montagnes d’Éthiopie, se jetteraient soit dans la Mer Rouge, soit dans le canal de Mozambique, à l’est et au sud-est de l’Afrique. — Le Chrémétés, il faut renoncer également à savoir que est ce fleuve. — Sortent de la montagne appelée Argyre, ou d’argent. C’est ce qu’on a nommé plus tard les Monts de la Lune. De nos, jours, c’est-à-dire deux mille deux cents ans après Aristote, on ne sait rien encore de positif sur les sources du Nil. Il est probable que ce problème sera heureusement résolu par quelques-unes des courageuses expéditions qui ont été récemment entreprises.
  149. L’Achéloüs descend du Pinde, il y avait en Grèce plusieurs fleuves de ce nom ; celui dont il s’agit ici séparait l’Acarnanie de l’Étolie. — L’Inachus, il ne faut pas confondre cet Inachus avec celui qui coulait dans l’Argolide ; car il n’est pas probable que l’auteur pût commettre une si grossière erreur sur la géographie de son propre pays. — Le Strymon, fleuve de Thrace qui se jetait dans la mer Égée. — Le Nestus ou, selon quelques manuscrite : « Le Nessus. » Il serait difficile d’identifier ce fleuve. — L’Hèbre, qu’il ne faut pas confondre avec l’Ébre qui coule en Espagne. Il n’y a que le son de pareil. Quelques manuscrits donnent « Eurus » au lieu de « l’Hèbre. » — Du Scombros, on ne sait peint précisément quelle est cette montagne. — Du Rhodope, montagne qui faisait partie de l’Hémus en Thrace, au nord de la Macédoine et de la Thessalie.
  150. Tous les autres fleuves, il y a des cours d’eau qui ne sortent pas des montagnes ; et celle assertion est trop générale. — Qui sortent de lacs, il y a bon nombre de rivières qui ont en effet des lacs pour origine ; et ces lacs eux-mêmes sont formés par des eaux descendues des montagnes voisines.
  151. En sortant de certains creux, idée fort juste ; car il faut pour expliquer la formation des fleuves admettre que l’humidité répandue dans l’atmosphère y contribue pour une très grande part. — Pas plus que l’espace même des nuages, c’est-à-dire qu’il faut que l’action de l’évaporation dans l’atmosphère se combine avec la présence des eaux dans le sein de la terre. A l’influence des nuages, il faut joindre celle des sources naturelles. Il y a un échange perpétuel entre la terni et l’atmosphère qui l’environne. L’eau se vaporise et ensuite se condense de nouveau, et de ce cercle sort l’équilibre hydrostatique du monde. Le texte d’ailleurs ne s’exprime pas très clairement, quoique la pensée n’ait rien de douteux.
  152. C’est ainsi que se forment les sources, il est probable que si l’auteur ne tient pas compte des glaciers dans la formation des rivières, c’est qu’il n’en avait pu vu lui-même, et qu’il n’en avait pas non plus entendu parler.
  153. Certains lieux, dans les entrailles de la terre. — Soient assez considérables, c’est-à-dire que selon l’auteur les eaux souterraines ne suffiraient pu à alimenter les fleuves ; ce qui est vrai. — Les sources totales, j’ai ajouté ce dernier mot pour compléter la pensée. — Car la masse la plus forte des fleuves, le texte n’est pas ici très clair ; mais je n’ai pu lui trouver un autre sens. Les commentateurs grecs ne m’ont offert aucun secours. — Sort de sources, le mot du texte n’est pas ici le même pour signifier sources que celui qui a été employé plus haut. Ce serait plutôt fontaines que sources.
  154. L’absorption de certains fleuves, c’est un phénomène assez fréquent ; et le Rhône en offre un exemple non loin de sa sortie du lac de Genève, entre Seyssel et l’Ecluse. — Dans l’Arcadie du Péloponnèse, le fait serait facile à vérifier.
  155. La cause de ce phénomène, il doit y avoir aussi une autre cause dans la constitution géologique du sol ; car autrement il se formerait des lacs qui seraient stagnants.
  156. Le lac qui est au pied du Caucase… la Mer, c’est évidemment la mer Caspienne. — Des fleuves nombreux et considérables, le Volga, et l’Oural entre autres. — Il s’épanche sous terre, ceci n’est pas prouvé, bien qu’il paraisse certain que la mer Caspienne décroît constamment. — Les Gouffres du Pont, voir plus haut § 18.
  157. À trois cents stades à peu près de la terre, l’indication est bien vague, et il aurait fallu désigner en même temps le point précis de la côte d’où l’on faisait partir cette mesure. — Donne de l’eau potable, je ne sais pas si les observations modernes pour la mer Caspienne ont confirmé ce fait, qui est sans doute fort extraordinaire, mais qui n’a rien cependant d’impossible. On en voit un exemple dans le golfe de la Spezzia, et sur la côte méridionale de Cuba dans la baie de Xagus. — En trois endroits, ce détail est fait pour donner plus d’authenticité à ce singulier phénomène. Ce qui paraît certain, c’est que les eaux de la mer Caspienne sont douces près de l’embouchure des fleuves, mais qu’elles sont salées dans toutes les autres parties, bien que cette salure ne soit pas très forte.
  158. Dans la Ligystique, ou Ligurie. L’indication n’est pas très précise ; et l’Italie était bien peu connue des anciens dans sa partie septentrionale au temps d’Aristote. — Un certain fleuve, on a cru qu’il s’agissait du Pô, qui dans la partie la plus reculée de son cours disparaît, dit-on, quelque temps au milieu des montagnes où il coule. — Pas moindre que le Rhône, comme le Rhône disparaît en effet sous terre, il est probable qu’Aristote aura fait ici quelque confusion d’après les récits très incertains des voyageurs, et que c’est du Rhône lui-même qu’il veut parler. — Et il reparaît, c’est le phénomène qu’offre le Rhône ; mais il n’est pas impossible que quelqu’autre rivière offrit la même particularité. — Est navigable, l’auteur aurait dû ajouter sur quelle étendue de son cours le Rhône était navigable ; car il ne l’est pas à l’endroit où il est absorbé en terre ; et à l’embouchure, presque tous les fleuves le sont.
  159. Humides ou liquides. — Leur constitution varie, les exemples sont fort nombreux en Europe et sur toute la surface du globe. — Toujours de la terre ou toujours de la mer, les grands déserts de sables ont été, selon toute apparence, le fond de quelque mer dans des temps très reculés. — La mer vient, Aristote pouvait en avoir vu lui-même plus d’un exemple sur les côtes de la Grèce et de l’Asie mineure.
  160. Selon un certain ordre, jusqu’à présent il a été impossible de fixer une loi générale à ce phénomène ; il paraîtrait plutôt que ces grands bouleversements sont instantanés, produits par des causes qui échappent à nos observations. — La cause de ces mouvements, la cause indiquée ici par Aristote est toute conjecturale ; et les volcans auraient pu lui fournir une explication plus vraisemblable. — Comme les corps des plantes et des animaux, rien n’atteste la justesse de cette comparaison.
  161. La seule différence, l’auteur sent bien que sa comparaison n’est pas suffisante ; mais il y a bien d’autres différences encore que celle qu’il indique. Dans l’antiquité, la terre était regardée comme une sorte de grand animal qui a sa vie propre ; et cette opinion se retrouve dans le Timée de Platon, p. 120, trad. de M. V. Cousin. — Par le froid et par la chaleur, ces causes sont sans doute très puissantes ; mais il y en a d’autres aussi.
  162. Par le soleil, la chaleur du soleil est certainement un fait considérable ; mais celle du feu central ne l’est pas moins, et les volcans en sont un indice manifeste. — Et par le mouvement de révolution, Voir plus haut chap. 2 et 3. Il n’est pas probable d’ailleurs que le mouvement de révolution ait la moindre influence sur le degré plus ou moins grand de la chaleur. — Une propriété différente, le texte dit Puissance. — Se desséchant et vieillissant, il semble que l’auteur compare la terre au corps humain, que la vieillesse en effet dessèche peu à peu. — Humides, ou liquides, j’ai préféré le premier mot comme répondant mieux au système général d’Aristote : le froid et le chaud, le sec et l’humide.
  163. Que les sources en disparaissent, elles peuvent être entretenues par d’autres causes que les eaux de la surface. — Les fleuves de grands qu’ils étaient, l’observation ne confirme pas ces théories. — Change aussi la mer elle-même, il semble qu’il faut des causes bien autrement puissantes que celles qui sont énumérées ici.
  164. Gonflée par les fleuves…. remplie par les cours d’eau, l’opposition des idées n’est pas ce qu’elle devrait être ; et il serait très facile de refaire le texte dans le sens où la logique l’exige. Mais les manuscrits ne donnent pas de variante ; et je n’ai pu me permettre aucune modification ; la pensée d’ailleurs est fort claire.
  165. Ce qui fait que ces phénomènes nous échappent, cette raison est en partie vraie ; mais aujourd’hui que nous avons deux mille ans d’observation de plus, nous n’en savons guère davantage sur ces immenses phénomènes, dont l’action n’est pas tout à fait et uniquement successive comme Aristote le pense. — Des nations tout entières, c’est exact ; mais des centaines de générations accumulées les unes sur les autres n’en ont pas plus appris, et en savent peut-être moins sur ces changements prodigieux que les hommes des premiers jours.
  166. Dans les guerres, ceci était vrai dès le temps d’Aristote, et ce l’est encore de nos jours. Les guerres de notre révolution ont fait périr trois ou quatre millions d’hommes en sus de ce qu’aurait enlevé la loi de la nature, en moins de vingt-cinq ans. — À des épidémies, cette cause avait été longuement étudiée par Hippocrate, un siècle à peu près avant Aristote. — À des famines, beaucoup plus fréquentes dans les temps passés qu’elles ne le font de nos jours. — Des transmigrations, et aussi des transportations. — Abandonnent la contrée, les émigrations dans l’antiquité étaient relativement bien plus importantes qu’elles ne le sont de nos jours. — Le sol ne puisse plus absolument y nourrir, par suite des causes naturelles qui le dessèchent et le rendent tout à fait impropre à l’habitation des hommes.
  167. Entre la première observation et la dernière, voir plus haut, § 7. — Que personne n’en a conservé le souvenir, d’autant plus que de nombreuses générations se sont succédé, et les traditions mêmes ont péri. — Qui avaient pu être sauvés des accidents naturels où les autres avaient péri. — L’époque du premier établissement, tous ces souvenirs ont à peu près disparu des annales de l’humanité ; et c’est encore la Bible qui en a conservé les plus lointains souvenirs.
  168. Cet accroissement du sol habitable, par les atterrissements des fleuves et par la retraite des eaux de la mer. Ces réflexions d’ailleurs sont admirables de justesse et de simplicité.
  169. Pour l’Égypte, c’est là en effet que le phénomène semble avoir été à la fois plus récent et plus visible. — Toujours sèche, en effet, toute l’Egypte n’est qu’un désert là où le Nil ne la féconde pas. — Une alluvion du Nil, c’est parfaitement vrai pour le Delta et la Basse-Égypte. — Le dessèchement successif des marais, c’est vrai ; mais la réciproque ne l’est pas moins ; et les marais ont regagné les espaces que les travaux des hommes leur avaient ravi. Toute la côte de Péluse, jadis si florissante sous les Ptolémées et les Romains, est aujourd’hui redevenue inhabitable par suite de la négligence des siècles et des révolutions politiques du pays.
  170. Canobe ou Canope, la branche de Damiette aujourd’hui. — Faites de main d’homme, les boghas actuels qui laissent passer dans la mer les eaux du lac Menzaleh, ont été ouverts ainsi. — Et non par le fleuve lui-même, le fleuve aura bien pu se frayer à lui-même plus d’une embouchure, quand son cours aura été trop embarrassé. — Ce qu’on appelle Thèbes aujourd’hui, Thèbes est à peu près à 200 lieues de l’embouchure du Nil. — Le témoignage d’Homère, Iliade, chant IX, vers 381. Homère ne parle que de Thèbes en effet ; mais cela ne prouve pas, que même de son temps, il n’y eût en Égypte d’autre ville que Thèbes. — Memphis n’y existait point, c’est une simple conjecture d’Aristote ; et du texte même d’Homère, on ne peut tirer cette conclusion rigoureusement. Homère, d’ailleurs antérieur de 8 ou 700 ans à Aristote, n’était pas non plus un témoin assez rapproché des grandes révolutions. — Doivent s’être vraisemblablement passées ainsi, la vraisemblance est en effet très acceptable, et il paraît même, d’après toutes les découvertes qu’a faites de nos jours l’Égyptologie, que c’est la partie haute de Égypte qui a été d’abord habitée. La civilisation, venue peut-être du centre de l’Afrique, a descendu peu à peu avec le cours même du fleuve.
  171. Rester marécageux plus longtemps, le fait peut être regardé comme évident. — Cette disposition, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Le sol se rétablit, ou bien encore : « Les choses s’améliorent. »
  172. Se desséchant outre mesure, Voir plus haut, § 5.
  173. Des Argiens et celui des Mycéniens, tous les deux à l’est du Péloponnèse. — À l’époque de la guerre de Troie, Homère, Iliade, ch. IV, vers 171, semble dire le contraire en qualifiant Argos d’une épithète qui signifie : « très altérée. » Mais il est possible aussi que les eaux potables y fussent très rares, précisément parce que les marais y étaient fort étendus. — Plus de gloire, il ne semble pas, d’après toute l’Iliade, que la Mycénie eût plus de gloire qu’Argos à l’époque d’Agamemnon et de la guerre de Troie.
  174. Selon toute apparence, mais ces changements ne s’étendent pas aussi loin que l’auteur semble le croire.
  175. Qu’imparfaitement, ou encore : « Sur de petite espaces. » — Dans le changement de l’univers, c’est aller trop loin ; mais si ce n’est pas un changement du monde entier, c’est au moins toute une révolution du globe terrestre. — Que la mer diminue, il ne paraît pas que cette observation fût exacte ; car aujourd’hui, après plus de deux mille ans, le dessèchement général de la mer devrait avoir fait les progrès les plus sensibles.
  176. Qui jadis étaient couverts par les eaux, la géologie moderne confirme cette observation ; les continents actuels ont été jadis submergés ; mais il serait difficile de dire si la proportion générale des terres et des eaux a changé. — Que la mer a envahis, on pourrait citer beaucoup de lieux qui se trouvent dans ce cas, suit sur les côtes d’Italie, soit sur les côtes de Grèce et d’Asie-Mineure.
  177. Ce n’est pas au principe même du monde, je ne vois pas pourquoi on ne remonterait pas jusque là, et les bouleversements qu’a éprouvés notre globe peuvent bien tenir à quelques changements immenses qu’auraient subis les grands corps qui l’environnant. — Sa grandeur est nulle, cette observation est profondément juste, et du temps d’Aristote elle était très neuve.
  178. L’hiver se produit, cette comparaison n’est pas absolument à rejeter par la géologie moderne ; il y a eu certainement plusieurs déluges ; mais on ne sait pas s’ils sont périodiques et s’ils tiennent à quelque cause régulière. — Un grand hiver, nous dirions plutôt un déluge, comme Aristote lui-même le dit au § suivant. — Une excessive abondance de pluies, il est probable qu’il y a quelqu’autre cause aussi que la pluie qui détermine ces prodigieux changements.
  179. Dans les mêmes contrées, l’observation est très juste, et il est probable que toutes les parties de notre globe auront été visitées par des déluges successifs. — Le déluge de Deucalion, qui n’est pas purement mythologique et qui répond certainement à quelques faits naturels. — Sur les contrées helléniques, ceci implique que d’après les traditions, le déluge de Deucalion s’était fait sentir aussi en dehors de la Grèce. — Sur la vieille Hellade, j’ai conservé à dessein le mot de Hellade, qui représente pour nous quelque chose de plus ancien que le nom de Grecs ; bien que le nom de Grecs soit en réalité plus vieux que celui d’Hellènes, comme l’atteste le § qui suit. D’ailleurs le même § indique ce qu’il faut entendre par la vieille Hellade.
  180. Près de Dodone et de l’Achéloüs, sur les côtes de Épire. — Les Selles, Homère connaît aussi ces peuples, Iliade, chant XVI, vers 234. Il semble que pour lui les Selles, qui mènent une vie sauvage et rude près de Dodone, sont un peuple très pieux consacré particulièrement au culte de Jupiter Pélasgique.
  181. Ces pluies énormes, causées par le grand hiver et amenant des déluges. — Elles suffisent pour très longtemps, c’est-à-dire qu’elles ne recommencent qu’à de très longs intervalles. — À ce qu’on observe pour les fleuves, la comparaison n’est pas très juste. — Selon quelques philosophes, Voir plus haut, ch,. 13, §§ 6 et 10. — La grandeur des lieux élevés, c’est-à-dire des montagnes, d’où sortent la plupart des fleuves. — Leur densité, cette idée n’est pas assez claire ; il est possible qu’il s’agisse ici des forêts épaisses dont bien des montagnes sont couvertes. Les manuscrits n’offrent pas de variantes. — De petits systèmes de montagnes, c’est l’expression même du texte. — Cet énorme amas d’eau quand le déluge a lieu. — Une sorte d’humidité perpétuelle, ceci n’est pas tout à fait d’accord avec ce qui précède, sur les variations perpétuelles de la sécheresse et de l’humidité des lieux à la surface de la terre.
  182. De cette grande période, qu’on suppose, mais qu’on ne prouve pas. L’idée de ces révolutions empruntée déjà à Platon, est passée aux Stoïciens, qui ont insisté surtout sur celle de la combustion périodique du monde. De nos jours, les deux systèmes Neptunien et Volcanique sont encore en présence, et il est bien probable en effet que l’eau et le feu ont exercé tour à tour une immense influence sur notre pauvre globe. Voir le Timée de Platon, p. 120, trad. de M. V. Cousin.
  183. Quelque changements de l’univers, le monde est en effet dans un changement perpétuel. — Ni naissance ni destruction, Aristote a cru toujours à l’éternité du monde. Voir la Physique, livre VIII, tome II, p. 453 de ma traduction. — Ainsi que nous le soutenons, contre les systèmes différents qui croient à une stabilité constante des lieux, tels qu’on les observe actuellement. — Les faits sont là pour le prouver, on peut voir en effet qu’Aristote a observé les choses avec la plus grande attention.
  184. Les plus anciens des peuples, Voir le Timée de Platon, et la conversation de Solon avec les prêtres de Saïs, traduction de M. V. Cousin, p. 119. — L’œuvre du fleuve, Voir plus haut § II. Les alluvions du Nil ont peu à peu formé le Delta de la basse Égypte ; et dans tout le reste du pays, c’est le fleuve qui seul donne la fécondité partout où ses eaux bienfaisantes peuvent arriver. — En observant leur contrée, le limon du Nil se reconnaît en effet de la manière la plus facile ; et ses couches successives forment des stratifications régulières fort distinctes quand les eaux commencent à baisser. — Et les bords de la Mer Rouge, qui sont en général d’une sécheresse qui les rend presque inhabitables.
  185. Un de leurs rois, Sésostris, auquel ce canal est attribué quelques lignes plus bas, régnait quinze cents ans au moins avant l’ère chrétienne, si l’on en croit les inscriptions de Thèbes. — Était devenue navigable, la contrée tout entière n’est navigable que par le Nil ; mais il est certain qu’une communication avec la Mer Rouge eût été d’un avantage immense pour tout le pays. — Que la mer était plus haute, cette erreur a été admise jusqu’à nos jours. La commission d’Égypte de 1709 la partages également, et elle crut que la Mer Rouge était de 10 mètres au-dessus de la Méditerranée et du Nil. Aujourd’hui, c’est-à-dire depuis 15 ans à peine, la science s’est assurée que les deux mers sont de niveau, et que l’Égypte n’avait pu à craindre d’être submergée par les eaux de la Mer Rouge. Les nivellements pour les chemins de fer et pour le canal de Suez ont démontré définitivement cette vérité. — Darius, roi de Perse, vers la fin du Ve siècle avant J.-C. — En venant à se mêler au fleuve, une surélévation de la Mer Rouge aurait amené en effet une effroyable inondation, si on l’avait mise en communication avec le cours du Nil, qui y aurait disparu.
  186. N’étaient jadis qu’une mer continue, avec cette idée, qui est vraie, il est difficile de comprendre comment on pouvait croire à une surélévation de la Mer Rouge ; elle s’était retirée, et par conséquent elle ne pouvait pas être plus haute. — La Libye et la contrée d’Ammon, à l’ouest de Égypte. — À la contrée inférieure, c’est-à-dire telle qui avoisine l’embouchure du fleuve dans la Méditerranée. — Stagnation des eaux et terre ferme, c’est la traduction exacte du texte ; mais l’expression est trop concise ; et il aurait fallu dire qu’il y avait eu d’abord stagnation des eaux, et que les eaux se dessèchent, la terre ferme avait reparu. Ces idées sont bien ajoutées quelques lignes plus bas ; mais c’était ici qu’elles devaient être d’abord placées.
  187. Dans le Marais Méotide, c’est-à-dire la Mer Noire et particulièrement la mer d’Azof. — Sont beaucoup plus petits, observation fort simple, mais décisive. — À la fin il deviendra sec tout entier, il ne paraît pas que depuis deux mille ans la prédiction se soit réalisée mais il est certain qu’il y a des parties de la mer d’Azof qui sont de plus en plus encombrées ; et l’on peut maintenir toujours la prophétie en la rejetant à une époque plus éloignée.
  188. À cause des alluvions, ceci n’est pas très clair ; il faut comprendre que les alluvions resserrant de plus en plus l’espace où les eaux ont leur mouvement naturel, il s’est formé un courant d’autant plus rapide que l’ouverture était plus étroite. — Avait fait…, ce qui restait…. devenait, dans le texte tous les verbes sont au passé comme dans la traduction ; peut-être eût-il mieux vain mettre le présent. — Qui lui-même finira par se dessécher, le texte n’est peut-être pas tout à fait aussi précis.
  189. Que le Tanaïs et le Nil n’ont pas toujours coulé, c’est bien probable ; mais on peut croire aussi que l’état actuel des choses une fois établi peut se maintenir éternellement. — A jadis été sec, c’est une simple conjecture ; et il ne semble pas qu’elle s’appuie même sur la tradition. — Et le temps n’en a pas, Voir la Physique, livre IV, cp. 14, tome II, p. 224 de ma traduction. — On peut appliquer cette même observation, il n’y a pas de changements considérables dans le système général des eaux à la surface de la terre, depuis que les hommes peuvent observer.
  190. Naissent et périssent, c’est là une hypothèse que rien ne confirme, bien qu’elle ne soit pas sans vraisemblance. — Ne sont pas toujours couverts par les eaux, les découvertes de la géologie moderne se joignent aux observations des anciens pour confirmer la vérité de ce fait. — La mer subisse les mêmes changements, ces grandes modifications dans l’emplacement des mers sont un des faits les moins contestables de la géologie. — Toutes changent d’état, c’est encore ce que la géologie atteste, au moins pour le passé.
  191. Ainsi donc, résumé assez exact de tout ce chapitre. — Qui sont navigables, c’est l’expression même du texte que j’ai dû conserver ; il eût été préférable d’en prendre une qui aurait été moins spéciale, et plus directement opposée à l’idée de sécheresse et de terre ferme. Un marais n’est pas navigable.
  192. Maintenant de la mer, ce sujet fait une suite fort naturelle à tous ceux qui précèdent. — Une si grande masse d’eau est salée, c’est une question toujours pendante et qui n’est guère plus avancée de nos jours qu’elle ne l’était du temps d’Aristote. Voir plus loin, ch. 2. — Dès l’origine, ceci est une question qui est en dehors de l’observation, et qui ne peut être résolue que par des inductions et des hypothèses plus ou moins plausibles.
  193. Des gens plus sages, dont Aristote paraît approuver et partager le système. — Dans le principe, à l’origine du monde. — Était liquide, ou humide ; et ceci rentrerait dans les idées de Thalès. — Et les mouvements divers du soleil et de la lune, il paraît que c’était là une théorie d’Anaxagore, tout étrange qu’elle est. Voir les Fragments d’Anaxagore par Schaubach, p. 170. — Et que l’autre partie qui resta, cette hypothèse qu’Alexandre d’Aphrodisée attribue à Diogène d’Apollonie semble très admissible, et il se fait entre la mer et l’atmosphère terrestre un échange perpétuel qui ne cessera qu’avec le monde lui-même. — Diminue de volume, rien ne prouve l’exactitude de cette théorie, que Théophraste attribue à Anaximandre et à Diogène d’Apollonie. La mer change de place et ses rivages se modifient comme on l’a vu dans le chapitre précédent du 1er livre ; mais Aristote ne pense pas que pour cela le volume total de la mer soit en rien diminué. — Elle se desséchera tout entière, toutes les conditions de notre globe seraient alors changées, et il ne pourrait plus subsister.
  194. Quelques-uns de ces philosophes, ceci s’applique à Empédocle, à qui cette doctrine est spécialement attribuée un peu plus loin, ch. 3, § 12. — Une sorte de sueur, sans que la salure de la mer vienne d’une sorte de sueur terrestre, on croit aujourd’hui qu’elle tient en grande partie aux détritus de toute espèce que la terre lui envoie, soit par les fleuves, soit autrement.— La sueur… est salée, du moins a-t-elle une saveur et une âcreté particulières.
  195. D’autres, d’après Alexandre d’Aphrodisée, c’est Anaxagore et Métrodore. — Qui est cause de la salure de la mer, comme dans le système de la sueur. — La terre se mêle à elle, les faits ne sont pas d’accord avec cette théorie ; mais il faut répéter qu’aujourd’hui même la science ne sait pas encore la vraie cause de la salure de la mer.
  196. D’après les faits, c’est la méthode d’observation heureusement appliquée à l’explication des phénomènes. — Nous avons dit antérieurement, Voir plus haut, livre I, ch. 13, § 6 et 7. — L’eau qui s’accumule, et qui vient soit de l’atmosphère, soit du sein de la terre elle-même.
  197. Et celles-là sont toutes obtenues par le travail de l’homme, l’erreur est ici de toute évidence ; mais les manuscrits n’offrant pas de variante, il n’y a pas moyen de reconstruire le texte. Alexandre d’Aphrodisée, qui l’a comme nous, n’a fait aucune critique. — Les eaux de puits, c’est vrai pour les eaux de puits sans doute ; mais ce n’est pas exact pour toutes les eaux de sources. — Celles qui coulent, même pour les eaux courantes, il arrive assez souvent que la source est plus bas que le lit du cours d’eau. C’est ce qu’on voit pour toutes les sources qui sourdissent de terre. Mais il n’en est pas moins vrai que pour s’écouler les eaux ont besoin d’une pente, et que leur première source est toujours nécessairement plus élevée que leur niveau.
  198. Des eaux qui coulent toutes seules, cette distinction est vraie ; mais la quantité des eaux qui coulent par suite du travail de l’homme, est si petite qu’il n’y a point à en tenir compte ; il ne s’agit ici que de la nature. — Telles sont les différences des eaux, ces différences ne sont pas bien choisies, et il eût été possible de faire des distinctions plus naturelles et plus profondes. — Il n’y en a pas d’autres, c’est exagéré et peu exact.
  199. Il est impossible que la mer ait des sources, ceci est vrai, puisque c’est en quelque sorte la mer elle-même qui est la source commune et le réceptacle de toutes les eaux. — Aucune des espèces que nous venons d’indiquer, au § précédent ; mais ces espèces ne sont pas les seules. — Sont de l’une ou l’autre façon, encore une fois il n’y a point à s’occuper du travail insignifiant des hommes, dans l’étude de ces grands phénomènes de la nature. — Nous ne pouvons jamais voir, il est vrai qu’il n’y a pas sur la terre une autre masse d’eau stagnante aussi considérable que la mer. Mais comme nous ne pouvons pénétrer dans les abîmes, nous ne saurions affirmer que la mer elle-même ne vienne pas de quelques sources souterraines.
  200. Il faut ajouter, observation exacte de certains faits qu’on peut toujours vérifier. — Plusieurs mers, sous ce terme général, l’auteur comprend sans doute aussi les lacs.— La Mer Rouge paraît communiquer, il est certain que la Mer Rouge communique avec l’Océan, qui est en dehors des Colonnes d’Hercule, et avec la Méditerranée elle-même ; mais c’est en faisant le tour de l’Afrique, et il n’est pas probable qu’au temps d’Aristote les connaissances géographiques fussent assez avancées pour qu’on sût précisément ce qu’il en est à cet égard. — De proche en proche, mot à mot : Petit à petit. — La mer d’Hyrcanie, c’est le lac d’Aral, appelé aussi la mer d’Aral. — La mer Caspienne, qui a gardé ce nom. — En sont tout à fait isolées, il est vrai que la mer Caspienne est tout à fait isolée de la Mer Rouge ; mais un peu plus haut il a été dit qu’elle communique avec la Mer Noire par des canaux souterrains. Voir livre I, ch. 13, § 28. — Tout le tour en est habité, il est possible que dans les temps anciens ces contrées fussent plus habitées qu’elles ne le sont aujourd’hui. — Leurs sources quelque part, plus haut, livre 1, ch. 13, § 29, il a été dit que la mer Caspienne était alimentée par des fleuves nombreux et considérables.
  201. Paraît couler, et alors en tant qu’eau courante, elle devrait avoir des sources. Voir plus haut, § 6. — Quand les lieux sont rétrécis, comme au détroit de Gibraltar et comme à l’Hellespont. — En pleine mer… en haute mer, il y a ici une redondance qui se trahit jusque dans la répétition matérielle des mots. La seconde phrase ne fait guère que répéter la première ; et il y a peut-être une interpolation, venue de quelque glose prise par les copistes pour une partie du texte.
  202. La mer qui est en dedans des Colonnes, la Méditerranée, la seule mer à peu près que connussent les anciens au temps d’Aristote, et celle qu’ils connaissaient le mieux certainement. Le courant porte de l’Océan dans la Méditerranée. — Coule à cause de la concavité de la terre, ceci semble se rapporter aux parties orientales de la Méditerranée, et non aux parties qui avoisinent les Colonnes d’Hercule. Il paraît certain que le niveau de la Méditerranée est plus bas que celui de l’Océan, et qu’en ce sens la terre y est plus concave, comme le dit le texte. — De la multitude des fleuves, ceci doit s’entendre surtout des parties orientales de la Méditerranée, comme la suite le prouve. — Le Palus Méotide, proprement la mer d’Azof. — Le Pont, est la Mer Noire. — La Mer Égée, aujourd’hui l’Archipel. — Le phénomène est beaucoup moins sensible, il ne l’est pas moins au détroit de Gibraltar ; mais l’auteur ne le connaissait pas ; et les récits des voyageurs étaient incomplets.
  203. Il coule plus de fleuves, le fait est exact ; et nulle part à surface égale, il n’y a autant de grands fleuves se rendant à la mer que dans cette partie du monde connue des anciens. — La profondeur de l’eau y est moindre, et le courant est plus rapide, là où les eaux sont moins profondes. — Qui sont les plus profondes de toutes, celles que connaissaient les anciens.
  204. À cause de la boue, c’était une opinion fort répandue dans l’antiquité, et qui a duré jusque dans le moyen-âge. Elle se trouve dans le Périple de Scylax ; mais on ne sait si cet ouvrage est antérieur ou postérieur au temps d’Aristote. Voir Geographi groeci minores, édit. de Firmin Didot, p. 415 et suiv. Scylax de Caryatide, que Darius chargea d’une exploration dans le golfe Persique et la mer des Indes, était antérieur à Aristote ; mais il y a eu plusieurs Scylla, et il n’est pas probable que le Périple appartienne au premier. — Comme dans un fond, c’est le contraire puisque l’Océan coule dans la Méditerranée.
  205. Les fleuves coulent des lieux hauts, selon la loi naturelle des liquides, qui tendent toujours à descendre par leur mobilité et par l’action de la pesanteur. — Le cours le plus abondant des eaux, ce passage reste obscur, en ce qu’on ne voit pas s’il s’applique à la mer, ou s’il s’applique aux cours d’eau ordinaires. — Des parties les plus élevées, qui sont au nord, ceci est vrai en un certain sens ; et pour l’hémisphère où nous sommes, les parties les plus élevées de la terre semblent être celles du nord, par la position même de notre globe dans l’espace. Il est vrai aussi qu’il y a un courant perpétuel des pôles à l’équateur ; mais Aristote ne connaissait pas ce phénomène. — Les mers extérieures, on ne peut comprendre par là que la Mer Rouge et l’Océan en dehors de la Méditerranée. On voit d’ailleurs combien ces renseignements sur la profondeur de la mer sont insuffisants. Pour que cette question put être éclaircie, il fallait une foule d’observations qui n’ont pu être faites qu’avec le temps. Aujourd’hui même la science n’est pas encore complète sur ce point.
  206. Des anciens météorologistes, Voir plus haut, livre I, ch. 1, § 2 et passim dans ce même livre, où Aristote discute les théories de ses devanciers. — Non pas sous la terre, c’est l’opinion d’Homère, à ce qu’il semble, d’après plusieurs passages de l’Iliade. — Et faisait la nuit, la nuit n’est pas autre chose en effet que l’ombre que la terre se fait à elle-même, dans celle de ses faces qui n’est plus tournée vers le soleil. — À cause de l’élévation même de la terre, c’était faire des parties septentrionales du globe comme un mur qui nous dérobait la lumière du soleil. Alexandre d’Aphrodisée ne nomme pas d’ailleurs ces anciens météorologistes.
  207. Voilà ce que nous avions à dire, résumé assez exact de tout le chapitre.
  208. Si toutefois elle a jamais été formée, Aristote croyait à l’éternité du monde et du mouvement. Voir la Physique, livre VIII, tome II, p. 453 et suiv. de ma traduction.
  209. Le principe et le corps de la masse des eaux, ceci est vrai en grande partie, si l’on veut dire que c’est la mer qui, par son évaporation constante, fournit à l’atmosphère toute l’eau qui retombe ensuite sur la terre sous diverses formes. — Les parties divisées, comme le feu dont le siège et la masse est dans les régions supérieures, bien qu’il se trouve aussi à la surface de la terre sous plusieurs formes. — La masse du feu étant dans les régions supérieures, voir plus haut, livre I, chap. 2 et 3. — Celle de l’air, dans la cosmologie d’Aristote, la sphère de l’air est ce qui compose précisément l’atmosphère terrestre. — Dans la même voie, c’est-à-dire qu’il fallut chercher un réservoir commun des eaux.
  210. La masse immense de la mer, dont les anciens ne connaissaient encore qu’une très faible partie. — La masse des fleuves, et de tous les cours d’eau, quels qu’ils soient, répandus sur la surface du globe. — Elle n’est pas stable, c’est-à-dire qu’elle augmente et qu’elle diminue alternativement, puisqu’il y a des différences perpétuelles dans le cours des rivières et des fleuves. — Se produire tous les jours, sous l’action des causes météorologiques en particulier.
  211. De tous les liquides, ou si l’expression était possible : « de tous les humides. » — Quelques philosophes, Alexandre d’Aphrodisée ne les désigne pas plus précisément que le texte. — Qu’ils découlaient d’elle, soit qu’il y eût entre la mer et les fleuves des communications souterraines, soit que l’évaporation de la mer alimentât les fleuves par l’humidité et les pluies de l’atmosphère. — En se filtrant, ceci peut s’appliquer tout aussi bien à la vaporisation dans l’atmosphère qu’à la filtration proprement dite dans la terre même. — Devient potable, c’est vrai pour l’eau de mer vaporisée ; ce ne l’est pas autant pour l’eau de mer qui filtre dans le sol. — S’il est vrai que toute l’eau en vienne, voir plus haut § 2. — La première opinion, à savoir que la mer est la masse entière de l’eau et la source commune de toutes les eaux répandues dans le monde.
  212. Répandue autour de la terre, la notion est parfaitement juste, et il est étonnant que les anciens n’aient pas su en tirer toutes les conséquences qu’elle contient. — La sphère de l’air, c’est précisément l’atmosphère terrestre. — La sphère dite du feu, il semble au contraire que les régions supérieures doivent être très froides, si l’on en juge par l’abaissement de la température à mesure qu’on s’élève sur les montagnes. — Le dernier des éléments, voir plus haut, livre 1, ch. 2 et 3. — Ces causes, c’est-à-dire les quatre éléments, le feu, l’air, l’eau et la terre. — Est enlevée chaque jour, c’est l’explication donnée déjà par Hippocrate, dans le Traité des eaux, des airs et des lieux, ch. 8, p. 23 et 32 de l’édition et de la traduction de M. E. Littré. — Se condensant par le froid, il semble, d’après ce qui vient d’être dit au début même de ce §, que la région supérieure devrait être plus chaude puisqu’elle est le siège du feu. Mais le fait n’en est pas moins exact ; et la vapeur se liquéfie dans l’atmosphère par le froid qu’elle y rencontre. — Ramenée de nouveau, sous forme de pluie et autres météores.
  213. On l’a dit antérieurement, Voir plus haut livre I, ch. 9, §§ 2 et 3. — Ces anciens philosophes, il semble que ceci désigne Héraclite nommé un peu plus bas, § 9. — D’humidité, ou d’eau.
  214. Quelques-uns même, il semble que c’était encore une opinion d’Héraclite. — Lui fournir sa nourriture, malgré la réfutation que fait ici Aristote de cette étrange théorie, elle a subsisté fort longtemps après lui, et on la retrouve dans une foule d’auteurs. — Sans ces déplacements indispensables, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  215. Ajoutent-ils, cette addition que je me suis permise résulte de la tournure même de la phrase grecque. — Tant qu’on l’alimente, soit par du combustible, soit par l’humidité, qui dans les théories de l’auteur paraît indispensable à la combustion. — Par une marche pareille, le feu vaporise l’eau qu’il touche quand elle n’est qu’en une certaine quantité ; mais il ne paraît pas que l’eau soit utile pour l’entretenir.
  216. De l’humide et du sec, il est difficile de s’expliquer d’où a pu venir cette théorie singulière. — Mais elle ne se nourrit pas, nuance très ingénieuse et très fine. — Un seul instant la même, le phénomène est bien observé, quoique la flamme, quand elle dure, semble bien avoir une certaine consistance. — Nos philosophes, le texte dit : « ceux-ci. » — Suivant l’opinion d’Héraclite, Voir la République de Platon, livre VI, p. 32 de la traduction de M. V. Cousin. — Et continuellement nouveau, comme la flamme, dont on vient de parler.
  217. Cette attraction… est semblable à l’eau, l’expression est insuffisante et ne rend pas bien la pensée ; mais j’ai dû suivre fidèlement le texte. Il aurait fallu quelques développements un peu plus précis. On comprend du reste ce que l’auteur a voulu dire. — Qui brûle sous cette eau, le texte n’est pas aussi formel.
  218. Il est absurde en outre, on ne voit pas pourquoi cette théorie, applicable au soleil, ne se serait pas étendue également aux autres astres ; et c’est ce que plus tard les Stoïciens n’ont pas manqué de faire. — Songe à sa propre conservation, il y a quelque chose d’ironique dans cette tournure de phrase ; et Aristote montre par là le dédain qu’il a pour ces théories. — Si immenses, cette opinion est remarquable pour le temps d’Aristote. — La terre elle-même étant liquide, c’est là une opinion que soutient encore la science contemporaine, et à laquelle la géologie, toute nouvelle qu’elle est, semble donner raison. — L’air se forma, il faut entendre l’atmosphère terrestre. — Et commença les révolutions qui lui sont propres, pour la marche du soleil et des astres, il a fallu une autre cause, qui ne peut être que la puissance du Créateur lui-même.
  219. Retomber l’eau, il est bien difficile de savoir si c’est toute l’eau vaporisée qui retombe sous forme de pluie, et la mesure ici est tout à fait impossible. C’est une simple conjecture logique. — Tout ce qui a été pris, c’est l’expression même du texte. — Dans certaines périodes fixes, on peut dire que c’est assez probable ; mais c’est un fait qu’il est impossible de vérifier. — N’en sont pas nourries, de manière qu’une partie de l’humidité atmosphérique serait absorbée sans retour. — Ne subsiste pas, de telle sorte qu’il reste perpétuellement de l’air, et que cet air ne se transforme jamais en eau.
  220. Mais non point, peut-être la négation devrait-elle être supprimée ; mais les manuscrits ne donnent pas de variantes. Alexandre d’Aphrodisée comprend que le lieu propre du sel serait la terre ; mais qu’il demeure dans le lieu propre de l’eau, qui n’est pas le sien. Ce qui suit semble confirmer cette interprétation. — L’eau n’a pas aussi son lieu, le lieu de l’eau c’est la mer, réceptacle commun et source commune de toutes les eaux qui sont à la surface de la terre et qui s’élèvent dans l’air sous forme de vapeurs. — De la mer elle-même, la mer étant liquide, malgré le sel qu’elle contient, le lieu de la mer doit être le même que celui de l’eau.
  221. La partie salée y demeure, en suspension, au lieu d’aller rejoindre la terre où son poids la porterait nécessairement. — S’élève, dans l’atmosphère où elle se vaporise. — Dans le corps des animaux, cette comparaison n’est pas exacte ; et elle a le désavantage d’être moins claire que la chose même qu’elle doit expliquer. — Le dépôt de la nourriture liquide, ou humide, sans doute l’urine. — Est attirée dans les chairs, cette physiologie est bien contestable ; et les anciens, au temps d’Aristote, ne connaissaient pas toutes les transformations que les aliments doivent subir avant de nourrir les organes. — Suivant la composition de chacune d’elles, les os, les tendons, les muscles, les nerfs, etc.
  222. L’intestin, l’estomac et les intestins proprement dits. — L’excrément y reste, l’excrément n’y reste pas plus que la partie potable des aliments ; il est expulsé sous une autre forme. Mais peut-être faut-il entendre que l’excrément y reste quelque temps. — La mer est bien, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Le lieu de l’eau, c’est-à-dire le réceptacle universel de l’eau, qui de là s’élève en partie sous forme de vapeur, et y retombe, soit par les pluies, soit par les fleuves.
  223. Vers la partie la plus creuse, ou la plus basse. C’est la loi générale des liquides, facile à observer. — Cette place de la terre, il est évident que la mer est nécessairement plus basse que tous les cours d’eau qui s’y précipitent avec plus ou moins de vitesse. — Que j’ai indiquée, Voir plus haut le § 14 ; c’est le poids même de l’eau salée.
  224. Rien de difficile à la résoudre, il est certain que dans l’état actuel des choses, on conçoit sans peine que l’équilibre puisse se maintenir, comme se maintient le système entier de notre globe et celui du monde. Mais il reste toujours à savoir, pour les eaux comme pour le reste, d’où est venue l’impulsion première, et l’idée de la création est la seule admissible.
  225. Soit étendue sur une vaste surface, comme celle qui tombe sur la terre pendant les pluies. — Soit accumulée, comme elle l’est dans la mer, dans les lacs ou même dans les rivières. — Le jour tout entier, la pensée du texte n’est pas obscure ; mais elle n’est pas assez explicitement exprimée. Voici comment il faut la comprendre avec Alexandre d’Aphrodisée. « La même quantité d’eau renfermée dans un vase étroit peut y rester un jour entier sans se vaporiser, tandis que cette même quantité répandue sur une grande table se vaporise avec une extrême célérité. » — Aussi vite que la pensée, c’est exagéré, bien que la vaporisation puisse, dans certains cas, être très rapide.
  226. Dans un lieu vaste et étendu, ici la pensée n’est pas encore très claire, ni peut-être très juste. L’eau des fleuves se vaporise, même pendant qu’ils coulent, de même que la surface de la mer se vaporise aussi sans cesse.
  227. Dans le Phédon, Voir la traduction de Platon, par M. Victor Cousin, tome I, p. 308 et suiv. Du reste, l’analyse donnée ici du Phédon est assez exacte. On peut voir par la comparaison de la Météorologie et du Phédon la profonde différence des deux génies. Il est vrai que Platon ne se propose pas dans ce passage d’exposer des faits réels.
  228. Le goût et la couleur, le passage du Phédon, p. 309, n’est peut-être pas aussi formel.
  229. Mais alors, ceci est une réfutation du Phédon, qu’Aristote a peut-être le tort de prendre trop au sérieux. Socrate entreprend d’expliquer quel est le séjour des enfers, et c’est un tableau d’imagination qu’il essaie de tracer. On peut lui reprocher d’avoir inventé les choses tout à fait impossibles ; mais ce ne sont pas des faits qu’il essaie de constater comme Aristote ; et les critiques qu’on lui adresse ne sont pas aussi fondées qu’on semble le croire. — Toujours de la même façon, en effet, on voit bien comment les fleuves peuvent descendre au centre ; mais on ne voit pas comment ils peuvent en remonter. Il est vrai que Platon suppose que les eaux sont élevées comme par le jeu d’une pompe ; mais encore une fois il ne faut pas attacher trop d’importance à ces fantaisies, que Platon ne donne d’ailleurs que pour ce qu’elles sont.
  230. D’où viendra cette eau, cette question peut être adressée à tous les systèmes, et elle est également insoluble dans tous, dans celui d’Aristote tout aussi bien que dans celui du Phédon. — Tout autant qu’il en sort, c’est probablement ce qui se passe en effet pour le système actuel des eaux dans notre monde. Il est difficile de comprendre que la masse totale puisse diminuer ou s’accroître ; elle reste toujours la même, et il n’y a que la répartition qui change. — C’est pour se remontrer bientôt, ceci n’est pas tout à fait exact ; car il paraît certain qu’il y a des cours d’eau qui se perdent absolument dans des sables.
  231. Longtemps dans une vallée, le fait est exact, et c’est bien là en réalité la condition de tous les grands fleuves ; ils ont chacun leur bassin plus ou moins étendu. — Retardée par le lieu, la pensée demanderait à être développée davantage. La vallée ne retarde le cours des eaux que si elle est peu inclinée et si elle est une sorte de plaine. — Et par sa longueur, plus le cours des fleuves est long, plus ils ont le temps de recevoir des eaux tributaires. — L’Ister et le Nil, le Danube et le Nil étaient bien en effet les deux plus grands fleuves qui fussent connus du temps d’Aristote. — Dans cette mer, c’est-à-dire la Méditerranée.
  232. D’autres auteurs, après Platon et après les explications qu’il donne dans le Phédon, Aristote aurait dû nommer les autres écrivains. — Faire sortir la mer du Tartare, le texte n’est pas aussi précis ; mais c’est le sens que donne Alexandre d’Aphrodisée. Le texte dit seulement : Si l’on prétend faire sortir la mer de là. C’est une nouvelle critique des théories du Phédon.
  233. La mer est le lieu de l’eau, l’expression du texte n’est pas aussi formelle ; mais le sens ne peut faire de doute. — De la mer elle-même, j’ai ajouté les deux derniers mots pour atténuer la tautologie. Aristote veut faire une distinction entre l’eau qui comprend d’une manière générale toute l’eau du monde, douce ou salée, et la mer, qui n’est que l’eau salée proprement dite. — Sous forme d’eau courante, ce n’est pas tout à fait exact, puisqu’il y a des étangs qui n’ont pas d’écoulement. — Comment l’autre partie de l’eau, celle qui est salée. — Plutôt la fin, parce que tous les fleuves se jettent dans la mer. — Dans les corps organisés l’excrément, la mer ou la masse d’eau salée serait alors considérée comme le dépôt et le résidu de toutes les matières amenées par les fleuves qui s’y jettent.
  234. Si la mer est toujours la même, le texte n’est pas aussi précis. On aurait pu se demander en outre si la salure de la mer est partout la même, ou si elle ne varie pas selon les lieux. Quant à savoir l’époque où la mer a commencé, et celle où elle pourrait cesser, ce sont là des questions placées en dehors de toute observation. — Quelques philosophes, il n’y aura de nommés dans ce chapitre que Démocrite et Empédocle.
  235. La mer a eu un commencement, le texte n’est pas aussi formel, et d’après la tournure grammaticale de la phrase, il s’agirait de la salure de la mer et non de la mer elle-même. Mais Alexandre d’Aphrodisée ne laisse à cet égard aucun doute, et la logique confirme son explication. — Le monde entier a commencé, Voir sur cette question, la Physique, livre VIII, tome II, p. 453 de ma traduction ; et le Traité du ciel, livre I, ch. 10, p. 279, b, 4, édit. de Berlin. — En même temps que le monde, ceci est évident bien que la géologie atteste qu’il y a eu d’immenses changements dans la région des eaux. — Si le monde est éternel, c’est l’opinion soutenue par Aristote, et qu’implique nécessairement sa théorie du mouvement ; Voir ma traduction de la Physique, et spécialement le livre VIIe.
  236. La mer diminue sans cesse, rien dans les observations faites depuis le temps d’Aristote ne peut donner à penser que la théorie de Démocrite ait aucun fondement. Aristote a déjà indiqué cette théorie erronée plus haut, livre 1, ch. 14, § 17, et livre II, ch. 1, § 3. Seulement dans ces deux passages, il n’a pas nommé Démocrite. — À la hauteur des fables d’Ésope, Aristote a parlé deux autres fois des fables d’Ésope : Des parties des animaux, livre III, ch. 2, p. 663, a, 35, édit. de Berlin, et Rhétorique, livre II, ch. 20, p. 1393, a, 30. — Ésope nous raconte, les détails qu’on donne ici ne semblent pas avoir de grands rapports avec les fables d’Ésope, telles que nous les connaissons. Il paraît, d’après le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée, qu’Ésope irrité contre un marinier qui l’avait insulté, voulut l’effrayer en lui faisant croire qu’un jour la mer disparaîtrait tout entière. Voir le § suivant. — Charybde, qu’on plaçait entre la Sicile et la terre ferme. — Fit apparaître les montagnes, il y a du moins ceci de vrai dans ce conte d’Ésope, que la mer a en effet couvert à une certaine époque la plupart des montagnes, et qu’elles ont été les premières à paraître quand les eaux se sont retirées.
  237. À ceux qui cherchent la vérité, et qui essaient de la trouver soit par l’observation des faits soit par des raisonnements sérieux. — A fait demeurer la mer telle qu’elle est, on comprend bien que l’état actuel des choses subsiste tel qu’il est constitué ; mais c’est l’origine qui est obscure, et c’est le système seul de la création qui peut l’expliquer. Quelques-uns le soutiennent, Alexandre d’Aphrodisée ne nomme pas non plus les philosophes auxquels il est fait allusion ici.
  238. Ne reviendra pas sur la terre, et il est de toute évidence qu’elle y revient sous diverses formes, pluie, neige, etc. — Ou du moins jusqu’à ce que la mer, l’expression n’est pas plus nette dans le texte. Je n’ai pas cru devoir le paraphraser en le traduisant, parce que la pensée est très claire. L’eau qui s’élève par la vaporisation retombe en même quantité ; et cet échange perpétuel ne diminue ni n’augmente la masse des eaux de la mer.
  239. Dans sa course, et dans son action sur les eaux de la mer. Le texte n’est pas assez développé ni assez net. — Quel sera dès lors le corps, en d’autres termes, si l’on n’admet pas que ce soit l’action du soleil qui vaporise les eaux, à quel autre corps attribuera-t-on cette action nécessaire ? — Si on le laisse poursuivre, le texte présente aussi cette nuance d’ironie. — Comme nous l’avons exposé, Voir plus haut ch. 1, § 3. — En s’approchant… en s’éloignant, s’agit-il ici du mouvement annuel du soleil, ou de son mouvement quotidien apparent ? Les faits ne sont d’accord ni avec l’une ni avec l’autre de ces suppositions.
  240. Nous avons dit, Voir plus haut livre 1, ch. 14, § § 2, 3 et suiv. — Un changement dans la masse totale, la masse reste la même ; mais la répartition est différente. Le texte d’ailleurs n’est pas aussi formel que ma traduction.
  241. Il arrivera tout le contraire, c’est-à-dire qu’à une abondance excessive d’eau, succèdera la sécheresse. — Après que l’eau se sera produite, le texte est plus vague. — C’est le ciel entier, c’est-à-dire, le monde. — Mais vraiment déjà, il y a dans cette tournure une ironie qui atteste qu’Aristote fait peu de cas des théories qu’il vient d’exposer.
  242. Qui la font naître tout d’un coup, Voir plus haut ch. 2, § 1. — Soit devenu la mer, c’est-à-dire la partie salée de la mer. — Du mélange d’une terre, il faut entendre par le mot terre une substance quelconque, ayant le goût de sel, et non de la terre proprement dite. Les anciens comprenaient sous cette désignation générique toutes les matières qui n’étaient pas un des trois autres éléments, eau, air et feu. — A dû être salée dès le principe, cela est de toute évidence ; mais cela ne veut pas dire que la mer a existé dès l’origine des choses ; seulement dès qu’elle a été formée, elle a été salée comme nous la voyons aujourd’hui. — Elle n’a pas pu l’être, si en effet la mer était devenue salée par des causes postérieures, ces causes continuant à agir, la salure devrait sans cesse augmenter.
  243. À en dire la cause, l’origine des choses en ce qui regarde la mer échappe à l’homme, aussi bien que dans tout le reste. — Été vaporisée aussi, comme elle l’est dans l’état actuel de l’équilibre universel. — À la terre qui y est mêlée, ou plutôt à des bancs de sel qui seraient au fond de la mer. — Que les fleuves ne soient pas salés, l’objection est très forte ; et c’est là ce qui doit faire croire qu’indépendamment des détritus de toute sorte apportés par les fleuves dans la mer, elle doit avoir en quelque façon des réservoirs inépuisables de sel.
  244. Comment serait-il possible, il faudrait en effet que les fleuves et tous les cours d’eau fussent salés, tout en l’étant moins que ne l’est la mer elle-même. — La mer n’est que toute l’eau fluviale, il serait bien difficile de prouver la vérité de cette théorie ; mais il ne serait guère moins difficile de prouver qu’elle est fausse. Voir plus haut, ch. 2, et particulièrement § 16. — Dans le lieu, lequel est la mer avec les diverses parties, très mal connues des anciens, qui la composent.
  245. Comme Empédocle, qui paraît s’être occupé de ces questions de météorologie plus qu’aucun des philosophes antérieurs à Aristote. — La sueur de la terre, Voir plus haut, ch. 1, § 4 ; Empédocle n’est pas désigné dans ce passage, comme il l’est ici. — En poésie, M. Ideler remarque avec raison que dans la Poétique, ch. 1, § 11, p. 7 de ma traduction, Aristote fait un reproche tout contraire à Empédocle, qu’il trouve beaucoup moins poète que naturaliste. Dans la Rhétorique, livre III, ch. 5, p. 1407, a, 35, édit. de Berlin, Aristote ne traite pas mieux Empédocle qu’ici. — La métaphore est éminemment poétique, Aristote l’a toujours proscrite en philosophie autant qu’il l’a pu. — Pour faire connaître la nature, qui ne peut être exactement connue que par l’observation.
  246. On ne fait pas même voir, ce qu’Aristote essaiera lui-même d’expliquer quelques lignes plus bas. — Une sueur salée, la sueur a en effet quelque chose de salé, et c’est là ce qui a fait dire que la salure de la mer n’était que la sueur de la terre. — Qui ont filtré dans la cendre, Voir une théorie pareille dans le traité de la Sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 7, p. 51 de ma traduction. — Paraît être, c’est une comparaison que fait Aristote, et cette comparaison n’est pas juste à bien des égards. La terre n’est pas un corps organisé dans le genre du nôtre.
  247. Les deux matières, l’urine et la sueur. — De la saumure qui se dépose, il n’y a de dépôt saumâtre au fond des vases que quand le liquide lui-même qui s’est desséché, était imprégné de sels. — L’urine… la sueur, cette phrase est bien longue ; mais j’ai dû lui conserver l’allure qu’elle a dans le texte. — La portion de terre, ceci explique comment la mer a pu être salée quand les fleuves ont commencé à couler ; mais comme on fait venir de la mer l’eau même des fleuves, il reste toujours à savoir comment la mer est salée par elle-même. Ceci d’ailleurs semble en contradiction avec ce qui a été dit un peu plus haut § 9.
  248. Cette matière, l’urine ou la sueur. — Qui n’a pas été digérée, il vaudrait mieux dire : Absorbée ; mais il est probable que les deux idées se confondent ici. — Comment elle se trouve dans la terre, l’explication n’est pas plus facile pour la terre que pour la mer.
  249. Il faudrait que ce ne fût qu’une très petite partie, comme la sueur, à laquelle on assimile la mer, n’est qu’une partie des sécrétions du corps. — Ne sue-t-elle pas encore, Empédocle répondait que la terre sue toujours, mais que ce phénomène échappe à notre observation ; Voir le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 3, p. 49 de ma traduction. — Car l’humidité, ceci ne se comprend pas bien, puisqu’il y a des liquides qui ont une saveur douce ; mais les manuscrits ne donnent pas de variante acceptable, bien que quelques-uns paraissent attester que les copistes trouvaient ici de la difficulté.
  250. Ce n’est pas là du tout ce qu’on observe, c’est donc sur l’observation exacte des faits qu’Aristote prétend fonder ses théories. — Rien de pareil, à la sueur dont parle Empédocle. — À l’époque de la première formation, c’est-à-dire quand s’est établi pour la première fois cet échange régulier et perpétuel entre les fleuves et la mer.
  251. Comme quelques-uns le soutiennent, il paraît, d’après un passage de Plutarque, que c’était là le système d’Anaximandre et d’Anaxagore. Voir le Traité de Plutarque, Des systèmes des philosophes, livre III, ch. 16, p. 1094, édit. Firmin Didot.
  252. Au rebours de la raison, le texte dit précisément : Fuir la raison. — Le même principe qu’au début, Voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15. Tout le reste de ce chapitre paraît un peu en désordre ; les idées y sont confondues et souvent répétées. Je ne veux pas dire que ce morceau soit apocryphe ; mais Aristote n’aura pas eu le temps d’y mettre la dernière main ; et peut-être n’avait-il pas lui-même des idées bien arrêtées sur les causes de la salure de la mer, Le problème est très difficile, et il n’est point encore résolu.
  253. Nous avons établi, voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15.— Le principe de ces phénomènes, c’est-à-dire de la salure de la mer et de la répartition générale des eaux entre l’atmosphère et la surface de la terre. — Discuter avant tout, même avant la question de la salure de la mer. — Les mêmes en nombre, c’est la traduction exacte du texte ; mais il est évident que le Nombre signifie ici la quantité. — D’espèce et de quantité, c’est l’opinion qui semble la plus probable. — Et du feu, ceci ne se comprend pas bien ; on voit sans peine les changements perpétuels de l’air et de l’eau ; mais on ne voit pas ceux du feu.
  254. Change perpétuellement, l’air se change en eau et l’eau se change en air, ici par la vaporisation, et là par la condensation. — Mais l’espèce de la masse totale, la masse de l’air reste de l’air, bien que quelques parties se convertissent en eau ; la masse de l’eau reste de l’eau, bien que quelques parties se convertissent en air. — Et le flux de la flamme, il n’y a dans le texte qu’un seul mot pour exprimer le flux soit de l’eau, soit de la flamme. — Ne soit pas la même, la pensée n’est pas ici assez nette, et elle est exprimée d’une manière trop concise.
  255. La salure de la mer, c’est la question véritable, à laquelle aboutit cette discussion préliminaire. — Beaucoup d’indices, il aurait été bon de les indiquer plus précisément. — Du mélange d’une certaine matière, c’est là ce qu’il faut prouver. — Comme nous l’avons dit, Voir plus haut, § 13. — Celui qui se fait dans la vessie, l’urine, dont l’âcreté semble se rapprocher de celle de l’eau de mer.
  256. Est très léger, le mot de léger, qui est bien celui du texte, n’est peut-être pas très exact, puisqu’on l’oppose à l’idée d’épaississement. On pourrait plutôt dire que l’urine est très limpide, au lieu de dire qu’elle est très légère ; car il ne semble pas qu’elle soit plus légère que l’eau. — Le plus léger, c’est peut-être Liquide qu’il vaudrait mieux dire ; mais j’ai dû rendre exactement le texte. — C’est le même corps sécrété, pour l’urine et pour la sueur, ce sont toujours les mêmes aliments ingérés dans le corps qui les produisent, bien que ces deux sécrétions soient fort différentes. — Ici… là, le texte n’est pas aussi précis.
  257. À faire venir la mer, il faudrait dire non pas : la mer, mais la salure de la mer. — De la combustion de la terre, suivant Alexandre d’Aphrodisée, il faut entendre que la terre aurait d’abord été brûlée, et que la mer survenant sur cette cendre y aurait contracté le goût salé qu’elle a, comme les eaux douces filtrant dans de la cendre y prennent un goût différent de celui qu’elles avaient antérieurement. — Que la mer vient, ou plutôt : que la salure de la mer. — Dans les cas que nous venons de citer, l’urine, la sueur, la cendre. — Pour le monde entier, c’est-à-dire pour toute la partie de l’atmosphère qui environne notre globe. — Les phénomènes que la nature produit, l’urine et la sueur. — Le résidu est une terre de ce genre, c’est-à-dire de la cendre qui peut communiquer à l’eau certain goût. — Dans l’exhalaison sèche, la pensée n’est pas très claire ; et les commentateurs ne l’expliquent pas. Aristote veut dire sans doute que les deux exhalaisons sèche et humide causent en se traversant mutuellement des phénomènes analogues à ceux de la cendre traversée par l’eau.
  258. La plus grande partie de cette masse immense, le texte ne dit pas davantage ; et il est évident que la pensée est incomplète. Il faut ajouter : de cette masse immense de sel nécessaire pour donner à la mer le goût qu’elle a. — Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15. — Se changent en nuages et en eau, on ne comprend pas bien que ce soit le mélange des deux exhalaisons, sèche et humide, qui produise les nuages. L’évaporation humide a besoin de froid et non pas de chaleur pour condenser les parties aqueuses qu’elle contient. — Quelque partie de cette propriété, le texte ne va pas plus loin ; mais il est clair que cette propriété est celle qui doit produire la salure de la mer. — Et descend avec elles, le sel se formerait alors dans les hautes régions de l’atmosphère, et il descendrait dans la mer en même temps que les pluies y tombent. — Autant du moins que l’ordre, il y a plutôt un enchaînement que de l’ordre proprement dit dans ces phénomènes. — De la salure dans l’eau, d’abord dans l’eau de pluie et ensuite dans l’eau de mer. Ce système serait soutenable si en effet l’eau de pluie contenait quelques parties de sel ; mais ce n’est pas exact.
  259. Les pluies du sud, pour la Grèce, les pluies du sud venaient du côté de la mer. — Sont plus salées, le mot du texte pour signifier salées a d’ordinaire un autre sens ; mais il a quelquefois aussi le sens qu’il offre dans ce passage. — De lieux secs et chauds, il s’agit sans doute des déserts de l’Afrique ; mais le vent qui vient du sud devait aussi traverser la mer avant d’arriver à la Grèce.
  260. Et qu’il soit froid, le vent du sud ne semble pas jamais pouvoir être froid ni à son origine ni dans sa course. Mais Alexandre d’Aphrodisée pense que le vent du sud commence au-delà de l’équateur. Il est d’abord froid, et il s’échauffe en passant sur des contrées chaudes. — Il repousse les nuages, j’ai ajouté : Les nuages, d’après l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée. — Dans ces lieux, c’est-à-dire dans les lieux où il commence. — Dans les lieux contraires, c’est-à-dire opposés à ceux où il commence à souffler ; les nuages s’amoncèlent dans ces derniers lieux, poussés par le vent du nord. — Dans les contrées de la Libye, il semblerait donc que c’est en Libye qu’Aristote ferait commencer le vent du sud.
  261. De cette substance, c’est-à-dire, de particules salines. Voir plus haut, § 25. — Tombent les premières, les premières pluies d’automne sont aussi les plus salines, parce qu’elles viennent après les grandes chaleurs de l’été, qui ont mêlé beaucoup d’exhalaison sèche à l’exhalaison humide. — De cette espèce de terre, qui n’est pas autre chose que du sel, d’après les théories d’Aristote.
  262. La mer est chaude, il faut se rappeler que les anciens ne connaissaient guère que la Méditerranée avec ses annexes ; mais, même dans cette partie du globe, on ne peut pas dire que la mer soit chaude d’une manière générale. Ce qui est vrai, c’est qu’elle se refroidit moins vite que l’eau douce. — Qui ont été comburés, on ne peut pas dire que la mer ait été brûlée ; mais elle vient, d’après les théories précédentes, de l’exhalaison sèche ; et elle doit garder une partie de la chaleur de cette exhalaison. — L’excrétion… sèche ou humide, au lieu d’humide on pourrait dire liquide ; mais j’ai préféré le premier mot afin de mieux conserver l’analogie. Aristote répète les mêmes pensées dans le Traité des parties des animaux, livre II, ch. 2, p. 649, a, 27, cité par M. Ideler.
  263. La mer devient toujours plus salée, il n’est pas probable qu’Aristote veuille dire que la mer devienne de plus en plus salée dans sa masse totale. Il veut dire seulement que la portion d’eau salée qui est tombée avec la pluie, devient plus salée en se mêlant à la mer. — Avec l’eau douce, que l’évaporation enlève dans les parties supérieures de l’atmosphère. — Cette partie est d’autant plus petite, l’explication ne paraît pas très satisfaisante. — Une sorte d’égalité, c’est-à-dire qu’en définitive la mer garde toujours la même dose de salure.
  264. C’est d’après l’expérience, il eût été curieux d’indiquer précisément l’expérience sur laquelle se fonde la théorie exposée dans ce passage. — L’eau devient potable, il s’agit évidemment de l’eau de mer ; et il est assez remarquable de voir que les anciens étaient parvenus à rendre potable l’eau de mer. On sait quelle peine on a encore aujourd’hui à opérer cette transformation, avec tous les moyens dont la chimie dispose. — Ne se résout pas en eau de mer, l’observation est exacte ; mais l’eau si elle n’est plus salée, n’en est guère plus potable ; et il faut en outre parvenir à l’aérer ; ce qui est assez difficile. — Sont de l’eau, cette expérience est fausse, et l’on sait assez que la distillation du vin produit de l’alcool, et non de l’eau. — Des modifications de l’eau, ce sont, il est vrai, des liquides ; mais on ne peut pas dire que ce soit de l’eau ; ou alors ce serait confondre tout.
  265. Dans une occasion qui sera plus convenable, dans le Traité des Sucs, ainsi que l’indique Alexandre d’Aphrodisée. Le Traité des Sucs est mentionné dans le catalogue de Diogène Laërce, livre V, ch. I, p. 116, 42, édit. de Firmin Didot. Cette occasion plus convenable est peut-être aussi le quatrième livre de la Météorologie, qui se trouverait ainsi rattaché plus directement à ceux qui précèdent. Cette conjecture est de M. Ideler ; mais il vaut mieux s’en tenir à celle d’Alexandre d’Aphrodisée. — Modifiée en une autre substance, cette autre substance est une certaine partie de sel, qui, selon les théories d’Aristote, se serait formée dans l’air par le mélange des deux exhalaisons. — Par sa pesanteur, qui n’est autre que la pesanteur du sel lui-même.
  266. Aussi bien que pour la terre, le texte n’est pas tout à fait aussi formel ; mais le sens ne peut pas être douteux à cause de ce qui suit. — Les parties de la terre, Voir plus haut, livre I, ch. 14, l’admirable théorie des atterrissements. — C’est là ce qu’il faut également supposer, cette phrase ne se rattache pas très directement à ce qui précède ; et elle pourrait bien être une interpolation.
  267. Ainsi donc, j’ai ajouté ces mots pour indiquer que c’est un résumé de tout ce qui précède. — De la mer, j’ai également ajouté ces mots d’après les explications d’Alexandre d’Aphrodisée. — Avec la pluie, j’ai dû compléter la pensée par ces mots, afin de rendre toute la force de l’expression grecque. — Les substances qui surnagent, Voir plus haut la fin du § 32. — Changent sans cesse, ce mouvement alternatif est parfaitement observé ; il y a sans cesse échange entre la mer et l’atmosphère.
  268. À la mixtion de quelque substance, Voir plus haut, § 28 et § 32. — L’expérience suivante, l’expérimentation n’était pas aussi étrangère aux anciens qu’on veut bien le dire. D’ailleurs je ne sais si l’expérience citée ici est très exacte ; mais ne le fût-elle pas, la méthode qui l’inspire n’en est pas moins bonne et utile. Cette expérience d’un vase en cire filtrant de l’eau de mer est mentionnée encore dans l’Histoire des animaux, livre VIII, ch. 2, p. 590, a, 24, édit. de Berlin. Élien en parle également et sans doute d’après Aristote, Histoire des animaux, livre IX, ch. LXIV. Pline rapporte encore la même expérience, Histoire naturelle, livre XXXI, ch. 37, p. 359, de l’édit. et de la traduction de M. Littré.
  269. Repoussée comme par un crible, l’idée de crible emporte plutôt celle de passage ; mais il est vrai que toutes les parties plus grosses que les trous du crible sont arrêtées. — Le poids et l’épaisseur, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. J’ai cru devoir ajouter l’épaisseur, à cause de ce qui suit.
  270. Son épaisseur est assez considérable, l’observation est exacte ; et le phénomène est sensible pour les nageurs eux-mêmes. On s’aperçoit bien rite en se baignant dans la mer que le corps y enfonce moins que dans l’eau douce. — Trop pleins en arrivant dans les fleuves, c’est l’effet inverse, qui n’est pas moins certain que l’autre. J’ai du reste paraphrasé le texte qui est un peu plus concis. Il y a en outre une variante qui n’est pas sans importance ; mais j’ai préféré la leçon ordinaire à celle qu’adopte M. Ideler d’après l’édition de Berlin.
  271. C’est l’expérience qui suit, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Si l’on rend de l’eau saumâtre, l’expérience est ingénieuse et exacte. — Une espèce de boue, selon la quantité de sel qu’on y introduit.
  272. Quelques-uns le racontent, il y a dans le texte une nuance d’incrédulité et de doute. — Dans la Palestine, il s’agit évidemment de la Mer Morte. — Garrotté, de manière à ce qu’il ne puisse pas s’aider lui-même, et que l’eau seule le porte par son propre poids.— Qu’aucun poisson n’y peut vivre, le fait paraît exact. — D’y agiter les vêtements, on ne comprend pas bien que l’épaisseur de l’eau puisse contribuer à un nettoyage plus prompt et plus complet des vêtements qu’on y trempe.
  273. Un corps spécial, voir plus haut §§ 24 et 23. — Est terreux, les anciens confondaient sous le nom de terre, toutes les substances qui n’étaient ni de l’eau, ni de l’air, ni du feu.
  274. Dans la Chaonie, la Chaonie était située sur les frontières de l’Épire. Pline parle aussi de cette source de Chaonie, Histoire naturelle, livre XXXI, ch. 39, p. 360, édit. et traduction de M. E. Littré.
  275. Il en faut une plus grande quantité, le texte n’est pas tout à fait aussi formel.
  276. Dans l’Ombrie, ou chez les Ombriens, pour se rapprocher davantage du texte. L’Ombrie est en Italie sur les confins de l’Étrurie et du pays des Sabins. — On jette la cendre dans l’eau, il est probable que ces joncs et ces roseaux poussent dans des marais salins, où il y a une partie suffisante d’eau douce pour que la végétation y soit encore possible.
  277. De fleuves, il eût fallu citer ces fleuves dont les eaux sont salées. Le fait n’est peut-être pas très exact. — Être chauds autrefois, c’est une simple conjecture. — Comme de la poussière, Voir plus haut, §§ 14, 23 et 29.
  278. Qui ont toute espèce de goûts, c’est l’infinie variété des eaux thermales. — À la force du feu, le nom même de sources thermales indique assez que la théorie d’Aristote est exacte. — Qui y est ou qui y a été, on ne pourrait pas dire mieux aujourd’hui. — La terre, il faut toujours se rappeler le sens très général que les anciens donnaient au mot de Terre, pour indiquer une foule de substances diverses que depuis lors on a distinguées par une analyse progressive.
  279. Des qualités de l’alun, de la chaux, que l’on distingue ainsi de la terre, expression générique qui comprend toutes les substances analogues à celles-là. — Acides, il s’agit sans doute d’eaux gazeuses. — Dans la Sicanie de Sicile, la Sicanie était située à l’est de la Sicile ; souvent le nom de Sicanie est pris pour celui de la Sicile entière. — En guise de vinaigre, je ne sais si l’on pourrait encore aujourd’hui retrouver quelque trace de cet usage local.
  280. Près de Lyncus, en Épire.— Et en Scythie, cette indication est tellement vague qu’elle est à peu près inutile. — Dans un autre ouvrage spécial, c’est le Traité des Sucs, comme Alexandre d’Aphrodisée n’hésite pas à l’indiquer. On pourrait trouver aussi beaucoup de renseignements relatifs à cette question dans le quatrième livre de la Météorologie, bien qu’il ne soit pas précisément spécial.
  281. Voilà donc, dans ce résumé, qui est exact, il est singulier qu’on n’ait pas expressément rappelé la question de la salure de la mer, qui tient tant de place dans ce chapitre. — Qu’elles produisent ou qu’elles souffrent, distinction habituelle de la philosophie péripatéticienne.
  282. Parlons des vents, cette théorie ne paraît pas se rattacher assez directement aux précédentes ; mais il faut se rappeler que la théorie des vents a été indiquée déjà plus haut, livre 1, ch. 13, et qu’elle y a même été commencée ; or la question des vents se rattachant à celles des fleuves et de la mer, ce sont ces deux dernières, qui ont été traitées en premier lieu ; et celle des vents ne vient qu’ensuite. — Antérieurement énoncé, Voir plus haut, Livre 1, ch. 3, § 15. — N’a pas reçu de nom, dans la science moderne, cette seconde exhalaison répond aux gaz. — Une sorte de fumée, la comparaison est assez juste, et elle est très claire.
  283. L’humide n’existe point sans le sec, c’est-à-dire que le feu et l’humide sont des termes corrélatifs dont l’un est la négation de l’autre. — À l’état le plus élevé du phénomène, mot à mot : par excellence. Il faut entendre qu’il s’agit de sécheresse absolue et d’humidité absolue.
  284. Et quand il s’approche de la terre, nous comprenons bien ceci dans l’état actuel de nos connaissances ; mais il est difficile de voir ce que les anciens entendaient par là. Il semble cependant par ce passage qu’ils croyaient le soleil plus éloigné de la terre en hiver qu’en été. Or on sait que c’est le contraire. Il semble aussi résulter de ce passage que le soleil serait plus éloigné de la terre dans la nuit que dans le jour. — Quand il s’éloigne, il vaudrait mieux dire : « Quand sa chaleur diminue » par une cause quelconque. — En hiver qu’en été, c’est un fait certain ; mais il pleut en automne plus qu’en hiver. — Plus dans la nuit que dans le jour, le fait n’est pas aussi démontré. — On ne s’en aperçoit pas, il faut se rappeler que les anciens au temps d’Aristote n’avaient pas, comme nous aujourd’hui, des observatoires réguliers.
  285. Beaucoup de feu et une grande chaleur, le fait est incontestable ; mais les anciens le devinaient plutôt qu’ils ne l’avaient exactement constaté.— La terre elle-même, ce nouveau fait n’est pas moins certain que l’autre.
  286. Je viens de le dire, plus haut, § 1.— Qui a plus d’humide, Voir plus haut, § 2, où il est dit qu’il n’y a pas d’humide sans qu’il n’y ait de sec. — Plus haut, Voir plus haut, livre I, ch. 9, § 3. — Le principe et l’élément naturel de tous les vents, je ne crois pas qu’aujourd’hui on puisse assigner aux vents une autre origine. Ils sont produits d’une manière générale par la raréfaction que la chaleur du soleil cause dans les diverses parties de notre atmosphère et sur les diverses régions de notre globe.
  287. L’observation même des faits, qu’Aristote n’a jamais cessé de préconiser, et qu’il a pratiquée lui-même autant qu’il l’a pu. — Que l’exhalaison diffère, l’une humide et sous forme de vapeur, et l’autre sèche, analogue à la fumée ; c’est la distinction actuelle des vapeurs et des gaz. — La chaleur qui est dans la terre, la chaleur intérieure du globe n’a qu’une action insignifiante sur les phénomènes météorologiques.
  288. De l’une et de l’autre exhalaison, le texte n’est pas aussi formel. — Comme quelques-uns l’affirment, Voir plus haut, livre 1, ch. 13, § 2. Ceci semble se rapporter à une théorie d’Hippocrate sur les vents. — Le même air, c’est presque identiquement la phrase du ch. 13, § 2, livre 1.
  289. Dans nos recherches antérieures, Voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15. — Ces divers éléments, de l’exhalaison sèche et chaude, et de l’exhalaison humide et froide. Aujourd’hui, mais seulement depuis Lavoisier, on en sait beaucoup plus sur la composition de l’air. — La vapeur est humide, on peut encore aujourd’hui accepter cette théorie, puisque le propre de la vapeur, c’est de se changer en eau quand elle se condense. — Quant à la fumée, qui répond à l’exhalaison sèche. — Qui, en quelque sorte, se rejoignent, j’ai dû paraphraser ici le texte pour qu’il fût plus clair.
  290. Répandu autour de chacun de nous, et dont nous pouvons reconnaître l’existence par l’action qu’il produit à tout instant sur nos sens. — Quand il est agité, voir plus haut, livre 1, ch. 13, § 2. — Ici comme pour les fleuves, c’est-à-dire que le vent doit avoir une origine et une source comme en ont les cours d’eau. — Une grande quantité d’air, la pensée n’est pas exprimée complètement. Il faudrait ajouter que cet air même en forte masse, mis en mouvement par une force quelconque, n’est pas cependant du vent. Pour que ce soit du vent, il faut une direction et une origine. — Par une puissante impulsion, le texte dit précisément : Chute. On pourrait peut-être traduire aussi : « Par la chute de quelque corps considérable. »
  291. Les faits témoignent, Voir plus haut, § 6. — Il y a perpétuellement une exhalaison, le fait est exact ; et l’échange ne cesse ni jour ni nuit entre la terre et l’atmosphère qui l’environne. — Il en résulte que les années, cette explication des variations annuelles de la pluie est encore acceptable aujourd’hui, malgré tous les progrès de la science.
  292. Il arrive donc quelquefois, le phénomène est exactement décrit, bien que la cause n’en soit pas indiquée. — Dans des parties seulement, les montagnes jouent un grand rôle dans cette répartition des pluies selon les diverses contrées. — Et pourtant dans une de ses parties, le fait est exact ; et c’est à la fois la configuration du sol et son exposition qui déterminent ces variations.
  293. Reçoit à elle seule, ces différences locales ont été constatées par les météorologistes modernes ; mais on a grande peine à les expliquer ; et le nombre des observations n’est pas encore assez considérable pour qu’on puisse en tirer quelque loi générale. En voici la cause, la cause n’est pas clairement expliquée, et, au fond, Aristote se borne à dire que ces différences dans la pluie tiennent à des différences dans les localités. C’est évident ; mais c’est là justement ce qu’il fallait expliquer. — Quelque différence spéciale, ou une différence d’exposition, ou une différence du sol.
  294. L’exhalaison sèche a été la plus considérable, c’est une explication purement hypothétique ; et les anciens n’avaient aucun des instruments par lesquels les modernes constatent le degré de la température et de l’humidité,
  295. Ce phénomène, ou cette différence des pluies selon les localités. — De la région qui est contiguë, il faut entendre ici une région atmosphérique, et non une région à la surface de la terre. — Dans la région qui lui est propre, l’exhalaison sèche, si on la considère comme étant la plus légère, devra rester au-dessous de l’exhalaison humide ; ou à l’inverse si on la considère comme étant plus lourde. — Dans quelque place éloignée, dans l’atmosphère et non encore à la surface du globe. — L’une des exhalaisons, le texte est un peu moins précis.
  296. Se répète plusieurs fois, on pourrait dire « un nombre infini de fois. » — La cavité supérieure, c’est sans doute l’estomac qu’Aristote veut désigner par rapport au reste du canal intestinal. La comparaison d’ailleurs n’éclaircit pas la pensée.
  297. Après les pluies, le vent souffle, le fait est exact. — Les vents cessent, ce phénomène observé par le vulgaire, attendu qu’il est très fréquent, a donné lieu à des proverbes : « Petite pluie abat grand vent. »
  298. Transpire des vapeurs, ou simplement : « transpire. » — C’est là le corps du vent, c’est l’expression même du texte. La cause des vents est aujourd’hui même fort obscure ; et l’explication d’Aristote est assez généralement acceptée, en ce sens que le vent est attribué à la raréfaction ou à la condensation de l’air par les variations continuelles de la température. — Quand cette sécrétion a lieu, elle a lieu d’une manière continuelle ; et les vents, à ce qu’il semble, devraient souffler continuellement. — Se condense et devient de l’eau, le fait est exact.
  299. Le froid environnant, l’expression grecque n’est pas tout à fait aussi précise. — Par des causes semblables, la pensée aurait pu être ex-primée plus clairement, bien qu’elle ne puisse pas faire de doute.
  300. Le plus souvent, il faut se rappeler qu’Aristote habite la Grèce, et que la théorie qu’il expose ici se rapporte surtout à ce pays. L’observation faite dans ce § semble assez exacte ; et sur la côte d’Égypte, en face des rivages de la Grèce, il n’y a guère non plus que des vents du nord et du midi.
  301. Ce sont là les seuls lieux, ceci doit s’entendre évidemment du nord ; mais le texte est aussi vague que ma traduction, et je n’ai pas cru devoir la modifier. — Vers le couchant ou vers l’orient, on peut bien dire aussi qu’il est porté vers le midi, puisqu’il passe tous les jours par le méridien. — Sur les côtés, il semble que ceci signifie : « A l’est et à l’ouest. » — Quand le soleil s’approche, sans doute des nuages amoncelés. — Vers le lieu contraire, toutes ces indications sont trop peu précises.
  302. Vers les Tropiques, le solstice d’été et le solstice d’hiver. — Que se forment l’été et l’hiver, ceci est très exact ; mais le soleil est plus près de la terre en hiver qu’en été ; et il est moins chaud, parce que ses rayons sont plus obliques. — L’eau est enlevée en haut, par la vaporisation. — Et revient ensuite, sous forme de pluie.
  303. Il tombe la plus grande quantité de pluie, il paraît très probable en effet qu’il pleut davantage au nord et au midi. — L’exhalaison soit la plus considérable, l’exhalaison humide, bien que le texte ne le dise pas. — Des bois verts, et qui sont encore pleins d’humidité et de sève. — Cette exhalaison même est le vent, voir plus haut, § 17. — Les plus fréquents et les plus forts, ceci est peut-être exact pour le climat de la Grèce ; ce ne l’est plus pour le nôtre. Le vent de sud-ouest règne plus souvent à Paris que tout autre.
  304. Aquilons,… austers, j’ai pris les mots latins, parce que notre langue n’a pas de noms spéciaux. — Leur direction est oblique, c’est-à-dire que soufflant autour de la terre, ils rencontrent sous des angles plus ou moins inclinés l’évaporation, qui se fait toujours en ligne droite, de bas en haut. — L’air circulaire, l’atmosphère répandue circulairement autour du globe.
  305. Si c’est d’en haut ou d’en bas, la science moderne ne s’est pas posé cette question sous cette forme ; et elle a considéré d’une manière générale les vents comme une rupture de l’équilibre atmosphérique, causée la plupart du temps par des différences de température. — Tiraient leur origine d’en haut, c’est là l’explication à laquelle Aristote semble s’arrêter ; mais il semble que les vents peuvent venir tout aussi bien d’en bas, si c’est l’évaporation qui les cause, puisque c’est d’en bu que l’évaporation s’élève nécessairement. — Le vent proprement dit, le texte n’est pas tout à fait aussi explicite. — Comme si les vents tiraient leur origine d’en haut, cette théorie semble contredite par la fin du § suivant.
  306. Le principe du mouvement, pour comprendre tout ce §, il faut bien distinguer entre le principe du mouvement, qui est la force, cause directe du vent, et le principe matériel du vent qui, dans les théories d’Aristote, semble venir de la terre. — De la matière du vent, j’ai ajouté ces deux derniers mots, pour que la pensée fût plus claire. — Car là où s’écoulera ce qui s’élève, il semble donc qu’il y ait dans les régions supérieures une sorte d’attraction irrésistible, que l’on peut regarder comme la cause véritable du vent. — La révolution des matières plus éloignées, le texte n’est pas tout à fait aussi précis et l’expression dont il se sert est indéterminée. La pensée d’ailleurs est assez claire : « la force qui réside dans les régions supérieures se fait sentir jusque sur la terre, et elle y produit tous les phénomènes que nous y observons. » — Toute chose, l’expression grecque est peut-être encore plus vague que celle-ci. — De la génération, sous-entendu : matérielle. Ainsi la matière du vent viendrait du globe terrestre ; mais la force qui en produit le mouvement, viendrait des régions supérieures de l’atmosphère.
  307. Par l’observation des faits, Voir plus haut, § 10. — De même que les sources des fleuves, la comparaison est ingénieuse, si d’ailleurs elle n’est pas parfaitement exacte. — Avec plus d’éclat, c’est le mot même dont se sert le texte ; j’ai ajouté ce qui suit ; et de force, pour que l’expression parût moins singulière en notre langue.
  308. Sont en hiver calmes et sans aucun vent, je doute que cette observation soit exacte ; et les anciens n’étaient pas remontés vers le pôle pour savoir avec quelque précision ce qui se passe dans des lieux inaccessibles encore aujourd’hui. — Éclatant et sensible, je fais sur cette traduction une remarque tout à fait analogue à celle du § précédent.
  309. Nous avons donc expliqué, résumé exact de tout ce chapitre. On sait que ces récapitulations sont tout à fait dans les habitudes d’Aristote.
  310. Le soleil apaise tout à la fois, l’influence du soleil sur les vents est incontestable, parce qu’il est le grand foyer de la chaleur qui change la température de l’atmosphère et y cause des mouvements continuels. — Les exhalaisons qui sont faibles, et qui sortent de la terre ou des eaux répandues à la surface du globe. — La chaleur moindre, soit que d’ailleurs l’exhalaison soit sèche ou humide. — Il prévient la sécrétion, c’est-à-dire l’accumulation des vapeurs. — Avant de faire la moindre fumée, le fait est exact, bien que la comparaison ne soit peut-être pas très juste.
  311. C’est donc par ces causes, cette première partie du § ne fait guère que répéter ce qui précède. — C’est là ce qui fait, cette seconde partie du §, sans qu’on puisse dire qu’elle est une interpolation, semble interrompre cependant la suite de la pensée, bien qu’elle soit développée dans ce qui suit. — Au lever d’Orion, Orion commençait à se montrer sur l’horizon de la Grèce après le solstice d’été et vers le début de l’automne. — Des vents étésiens, les vents étésiens, c’est-à-dire annuels, sont pour le bassin de la Méditerranée quelque chose d’analogue aux moussons de l’Océan indien. Ils soufflent surtout dans l’été, bien qu’ils soient moins réguliers que les moussons. — Et des précessions, Alexandre d’Aphrodisée n’explique pas cette expression, qui sans doute était très connue de son temps. Elle se rapporte probablement aux levers d’Orion qui, à certaines époques devancent ceux du soleil.
  312. Est éteinte par le froid, il s’agit surtout alors de l’exhalaison chaude. — Une forte gelée, la gelée, même quand elle est très forte, ne fait pas toujours tomber le vent. — Dissipée par la chaleur, ceci s’applique surtout à l’exhalaison humide. — Dans les saisons intermédiaires, c’est-à-dire, d’après l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée, quand il ne fait ni très chaud ni très froid.
  313. Quand il se couche, c’est-à-dire quand il disparaît au-dessous de l’horizon, ce qui avait lieu pour le climat de la Grèce vers le solstice d’hiver. — Lorsqu’il se lève, ce qui avait lieu vers le solstice d’été, comme le prouve ce qui suit. — Du changement de saison, c’est-à-dire à l’époque des deux solstices. — Cette indécision, le texte n’est pas aussi formel. Le fait d’ailleurs n’est pas exact ; et il n’est pas possible que le lever d’une étoile ou son coucher sur notre horizon puisse troubler si profondément notre atmosphère.
  314. Soufflent après les solstices, soit d’été soit d’hiver, à ce qu’il semble d’après la généralité de l’ex-pression dont se sert le texte ; mais ce qui suit semble ne se rapporter qu’au solstice d’été. — Le lever du Chien, la Canicule, qui dure du 25 juillet au 25 août. — Le plus rapproché… le plus éloigné, il est probable que dans les théories d’Aristote le soleil était plus rapproché de la terre au solstice d’été, et plus éloigné au solstice d’hiver. — Ils soufflent le jour et s’apaisent la nuit, je ne sais si le fait est bien exact ; seulement on observait moins bien dans la nuit que dans le jour. — Lorsqu’il est proche, et que par conséquent il a plus de chaleur ; c’est en été, du moins selon les théories d’Aristote.
  315. La chaleur et l’exhalaison, Alexandre d’Aphrodisée, dans son commentaire, parle seulement de la chaleur et non de l’exhalaison. Il faudrait donc retrancher ces mots : Et l’exhalaison, comme l’ont fait quelques éditeurs ; M. Ideler les a mis entre crochets. Il est certain en effet que l’exhalaison doit être d’autant plus forte que le soleil s’éloigne, tandis qu’au contraire la chaleur diminue. — Les matières coagulées se liquéfient, il semble, d’après l’expression du texte, qu’il s’agit ici des matières gelées ; mais c’est surtout pendant les grandes chaleurs que les glaces devraient fondre ; et il vaut peut-être mieux entendre que les matières solidifiées par la chaleur reprennent leur humidité et se liquéfient. Cette explication s’accorde mieux avec le contexte. Alexandre d’Aphrodisée ne donne aucun éclaircissement ; mais par les détails postérieurs où il entre, il est évident que cette idée de Glace le gêne beaucoup dans ce passage. Je ne me flatte pas non plus de l’avoir parfaitement entendu. Les manuscrits ne fournissent pas de variantes. — Quelque chose de sec, il semble qu’il faudrait dire plutôt : « quelque chose d’humide ; » mais il faut se rappeler que selon Aristote il n’y a jamais de sac sans humide, et réciproquement. Voir plus haut, ch. 4, § 2. — Il s’échauffe, l’humidité devrait plutôt refroidir, à ce qu’il paraît.
  316. Quelques-uns se sont demandé, la question vaut en effet la peine qu’on l’étudie ; Alexandre d’Aphrodisée ne nomme pas les philosophes auxquels Aristote fait allusion. — Les vents du midi, qui pour la Grèce, venaient de la mer et du continent de l’Afrique. — Les vents blancs du midi, j’ai traduit le mot grec au lieu de le reproduire simplement. Je présume qu’il s’agit des vents sud-sud-ouest, et voilà pourquoi j’ai mis ces mots entre parenthèses. — Dans la saison opposée, c’est-à-dire après le solstice d’hiver, de même que les vents du nord soufflent après le solstice d’été.
  317. La cause en est, la phrase du texte n’est peut-être pas complète ; et pour que l’expression fût plus claire, il aurait fallu dire : « la cause qui fait que les vents étésiens du nord sont continus, » etc. — Sont fondues par le soleil, qui a d’autant plus de chaleur que l’été est plus avancé. — Les vents étésiens, venus du nord. — Qu’à l’époque même du solstice, la fonte principale des glaces et des neiges a eu lieu au moment du solstice ; et les vents qu’elle cause ne se font sentir qu’un peu plus tard. — Le soleil est le plus rapproché du nord, l’expression a quelque chose d’étrange ; mais elle est juste ; car au solstice d’été le soleil se lève et se couche plus près du nord qu’au solstice d’hiver. —— Plus de temps qu’il échauffe, il aurait fallu préciser l’époque où l’on fait commencer et finir l’échauffement ; mais il est évident que c’est peu de temps avant et peu de temps après le solstice d’été. Ce qui est certain aussi, c’est qu’il fait plus chaud en juillet et en août, qu’au moment même du solstice. — Il en est encore assez proche, c’est-à-dire que le soleil s’est encore peu éloigné du solstice d’été.
  318. Les vents Ornithies, il est probable d’après l’étymologie, que les Ornithies soufflaient à l’époque où les oiseaux de passage faisaient leurs migrations ; ou peut-être encore, ce nom n’indique-t-il que la rapidité de ces vents. — Ordinaires, j’ai ajouté ce mot pour que l’idée fût plus claire. — Le soixante-dixième jour, sans doute après le solstice d’hiver comme le dit Alexandre d’Aphrodisée, tandis que les vents étésiens ordinaires soufflent moins de temps après le solstice d’été. — Le soleil qui est alors éloigné, cette indication n’est pas assez précise. Il aurait fallu spécifier de quel point on entendait que le soleil s’éloigne. — Les matières qui sont à la surface, de la terre, sous-entendu. — Les matières qui sont alors coagulées, Voir plus haut, § 6. — Par intervalles, et par conséquent ils ne sont pas continus. — Jusqu’à ce que de nouveau, il semble résulter de ceci que les vents Ornithies soufflaient du mois de décembre au moins de juin à peu près.
  319. Souffle du solstice d’été, c’est-à-dire du tropique du Cancer. Ce passage semble avoir embarrassé Alexandre d’Aphrodisée, parce qu’en effet l’expression du texte pourrait signifier aussi que le vent du midi souffle après le solstice d’été, époque qui, un peu plus haut, § 7, a été assignée aux vents du nord. Mais Aristote veut dire seulement que le vent du midi souffle des lieux qui correspondent au tropique d’été, de même que les vents du nord soufflent du pôle nord. — De la terre habitable, il faut se rappeler qu’il ne peut s’agir ici que de la terre connue des anciens, et qui s’étendait selon eux du tropique du Cancer jusqu’au cercle polaire. — L’une tournée vers le pôle supérieur, depuis le tropique du Cancer jusqu’au pôle arctique. — La seconde vers l’autre pôle, qui commencerait également au tropique du Capricorne et s’étendrait jusqu’au pôle antarctique. — Et vers le midi, de même que nous disons le pôle sud par opposition au pôle nord, bien que le pôle sud soit tout aussi froid et même plus froid que l’autre. — Et qui a la forme d’un tambour, il ne faut pas penser que ceci signifie que la terre a la forme d’un tambour, comme l’ont cru quelques anciens géographes. Voir le Traité du ciel, livre II, ch. 13, p. 293, b, 25, édit. de Berlin. Ceci veut dire seulement que les sections ainsi tracées sur le globe, soit dans l’hémisphère boréal, soit dans l’hémisphère austral, ont la forme d’un tambour ou plutôt d’un tympanon conique. Il faut ajouter qu’au lieu du singulier : Qui a, il vaudrait mieux mettre le pluriel : Qui ont. Mais j’ai dû suivre fidèlement le texte, Les différentes sections ont la même figure, et elles ne diffèrent qu’en ce que l’une est plus petite que l’autre.— Les lignes menées du centre de la terre, pour bien se rendre compte de ce passage, Alexandre d’Aphrodisée trace une figure qu’il emprunte sans doute aux traditions de l’École, et qui remonte peut-être jusqu’à Aristote lui-même. Voir un peu plus bas, § 13. La terre étant représentée par une circonférence, et quatre lignes parallèles étant tracées pour représenter les deux tropiques et les deux cercles polaires, on mène dans chaque demi-circonférence des lignes du centre aux deux extrémités du cercle polaire et aux deux extrémités des tropiques. Ces lignes tonnent dans chaque hémisphère deux cônes dont le plus petit a sa base au cercle polaire, et le plus grand, sa base au tropique. — A pour base le tropique, c’est le cône le plus large. — La ligne qui est constamment visible, il ne peut être question que du cercle polaire ; mais l’expression du texte est au moins obscure, et je ne suis pas sûr de l’avoir bien comprise.
  320. Tout de même vers le pôle inférieur, le pôle antarctique. On trouverait, dans l’autre demi-circonférence, les lignes qu’on a tracées dans la première, formant deux cônes pareils à ceux qui regardent le pôle boréal. — Les seules parties qui puissent être habitées, les anciens croyaient qu’il n’y avait pas d’habitants sous la zone torride, c’est-à-dire entre les deux tropiques. La chaleur était trop grande, suivant eux, pour que l’on pût vivre dans ces climats. — Car l’ombre ne serait plus tournée vers le nord, ceci demanderait un développement qui manque dans le texte. Il est bien clair qu’au-delà de l’équateur, l’ombre n’est plus tournée vers le pôle nord ; elle est tournée vers le pôle sud, comme il est dit un peu plus bas. Il faut donc comprendre que pour l’hémisphère boréal la terre n’est habitable que dans les régions où l’ombre est dirigée vers le nord. Là où l’ombre devient circulaire aux objets, le soleil étant au zénith, la terre n’est plus habitable. — L’ombre ne manque, c’est l’expression même du texte ; mais l’ombre ne manque pas précisément ; seulement elle n’est pu projetée, parce que les rayons solaires tombent à plomb sur les objets. — Ou ne tourne au midi, c’est-à-dire vers le pôle sud. — Sous la grande Ourse, ceci s’applique également à l’hémisphère austral, qui est froid comme l’autre.
  321. La Couronne, la constellation qui s’appelle la Couronne boréale. — Va aussi jusque dans ce lieu, j’ai traduit exactement le texte en lui laissant soit obscurité. Alexandre d’Aphrodisée comprend que ce lieu signifie la terre habitable dans l’hémisphère boréal ; et comme cette constellation, quand elle passe au méridien, est presque perpendiculaire au-dessus de nos têtes, Aristote en tire une preuve que la terre habitable est bien située entre le cercle polaire et le tropique du Cancer.
  322. Les dessins, ou les descriptions ; mais tout le contexte semble mieux convenir au premier sens qu’au second. Voir plus haut, livre I, ch. 13, § 14. — La partie de la terre habitée comme ronde, Aristote a bien raison de se moquer de cette théorie. Il a toujours cru que la terre est ronde ; mais la portion qui en est habitée ne l’est pas. — Et d’après les faits observés, au temps d’Aristote, il y avait eu déjà des voyages d’exploration assez considérables et l’on connaissait une bonne partie de l’Europe. — Le simple raisonnement, en effet il y a en latitude plusieurs parties de la terre qui sont inhabitables vers les pôles ; mils en longitude la terre est habitable dans toute sa circonférence. — Limitée en latitude, la partie comprise entre les tropiques des deux côtés de l’équateur était regardée comme inhabitable, ainsi que les parties comprises entre le cercle polaire et les pôles. — Peut être regardée comme circulaire, le texte n’est pas tout à fait aussi formel ; mais la pensée n’est pas douteuse. Aristote veut dire que la température qui rend la terre habitable, en fait tout le tour dans le sens de la longitude. — Ne sont pas excessifs en longitude, il n’y a pas de très grands froids dans cette zone, qui est la zone tempérée, de même qu’il n’y a pas non plus de très grandes chaleurs. — Ils le sont en latitude, la zone torride est brûlée par la chaleur, comme son nom l’indique ; et le froid est insupportable aux deux pôles.
  323. La longitude en effet l’emporte de beaucoup, on voit clairement d’après tout ce passage d’où vient cette opinion ; mais comme Aristote croit la terre sphérique, il est clair qu’il ne s’agit pas ici de la longitude et de la latitude de la terre en général, mais seulement de la terre habitable ; et à ce point de vue il a raison. — Des Colonnes d’Hercule jusqu’à l’Inde, on ne connaissait l’Inde que jusqu’à l’Indus, par suite de l’expédition d’Alexandre. Mais par les Perses et aussi par les récits de Ctésias, on savait auparavant beaucoup de choses curieuses, bien que ces choses fussent incertaines. — De plus de cinq à trois, la proportion n’est pas trop inexacte, si l’on compte l’Éthiopie, à partir du tropique du Cancer. — Aux dernières contrées de la Scythie, les connaissances des anciens ne s’étendaient que fort peu au nord du Palus Méotide. Dès le temps d’Hippocrate, on y avait pénétré ; et le grand médecin cite plusieurs fois ces pays. Voir la description de la Scythie, Traité des airs, des eaux et des lieux, p. 71 et suiv., édit. Littré. — La sorte d’exactitude, Aristote sait bien que les mesures reçues de son temps sont très loin d’être exactes.
  324. Jusqu’aux parties qui ne le sont plus, le fait est inexact ; car les anciens n’avaient pas poussé leurs explorations jusque dans la zone torride ; et c’est par simple conjecture qu’ils la croyaient inhabitable. — À cause du froid, au pôle nord. — À cause de la chaleur, au-delà du tropique du Cancer. — Mais les parties, c’est-à-dire les terres qui sont séparées par la mer. On voit que la conjecture est juste, bien que les anciens ignorassent l’existence de l’Amérique et ne connussent même pas bien la configuration de l’Europe. — À cause de la mer, Voir le Traité du ciel, livre II, ch. 14, p. 298, a, 10, édit. de Berlin. — Toute la terre habitable, ceci signifie expressément : « Le continent. »
  325. Il n’en est pas moins nécessaire, après cette intéressante digression, Aristote revient à la théorie des vents. — À l’autre pôle, le pôle austral, la terre étant supposée sphérique. — Au pôle qui est au dessus de nous, le pole boréal, qui est placé en latitude beaucoup plus haut que la partie de la terre que nous habitons. — Ainsi que tout le reste, c’est-à-dire la périodicité des vents et leur violence plus ou moins grande. — Qui vient de l’Ourse, qui y est aussi placée, cela ne signifie pas précisément qu’au pôle sud il y ait une constellation qui soit pareille pour la figure à celle du pole nord ; mais cela veut dire qu’il doit y avoir au-dessus du pole antarctique des étoiles qui jouent relativement le même rôle. Ce qui est vrai. — Ne peut venir jusqu’ici, Voir plus haut § 10. — Notre vent du nord, celui qui, dans notre hémisphère, vient du pôle nord, et qui ne s’étend même pas jusqu’au tropique du Cancer, selon Aristote. L’argument est bon, si d’ailleurs les faits ne sont pas très exacts.
  326. Une émanation locale, c’est le sens que donne Alexandre d’Aphrodisée ; et selon lui, le mot dont le texte se sert, signifie des vents qui ne soufflent pas très loin des lieux où ils ont pris naissance. — [jusqu’à ce que… nous habitons.] j’ai mis cette petite phrase entre crochets, parce qu’elle n’est pas commentée par Alexandre d’Aphrodite, qui ne l’a pas dans son texte, et parce qu’en outre elle ne rentre pas bien dans la suite des pensées.
  327. Même dans cette région, c’est-à-dire dans la partie de l’hémisphère boréal qui est habitée. — Le vent du nord faiblit, mot à mot : manque. — La mer méridionale, c’est sans doute la mer qui borde l’Afrique au midi, après la sortie de la Mer Rouge. — En dehors de la Libye, les anciens comprenaient sous le nom de Libye tout le midi de l’Afrique. — Les vents d’est et les vents d’ouest, ce sont les moussons du nord-est et du sud-est, que Néarque avait dû éprouver dans la navigation des bouches de l’Indus au golfe Persique, et qui se font sentir aussi dans les parties les plus méridionales de la Mer Rouge. — Les vents du nord et les vents du sud, ces vents n’ont pu dans nos climats autant de régularité qu’en a la mousson ; mais cependant ils sont assez périodiques encore pour qu’on ait pu parler dans ces derniers temps des moussons de la Méditerranée.
  328. Notre vent du midi, celui qui soufflait de l’Afrique vers la Grèce. — Qui souffle de l’autre pôle, du pôle antarctique, en passant au-dessus de l’équateur, et en arrivant jusqu’à l’hémisphère boréal. — Qui souffle du solstice d’hiver, et qui, étant dans l’autre hémisphère, se dirige aussi vers l’autre pôle, et non point vers le nôtre. — Qui soufflât du solstice d’été, dans notre hémisphère boréal et vers le pôle boréal. — Ce qui rétablirait alors l’équilibre, entre les deux hémisphères du globe, où les vents seraient alors également répartis. — De ces lieux, cette expression n’est pas assez précise ; et elle reste obscure. Mais il me semble d’après le contexte qu’il faut comprendre par là le pole nord ; il n’y a qu’un seul vent qui souffle du pôle nord à l’équateur, de même qu’il n’y en a qu’un seul qui souffle de l’équateur vers ce même pôle. La même répartition des vents a lieu dans l’hémisphère austral. — Qui souffle de la région brûlante, ou plutôt : de la zone torride. Ainsi le vent du sud dans notre hémisphère vient de l’équateur vers le nord ; et dans l’hémisphère opposé, il part aussi de l’équateur pour aller vers l’autre pôle.
  329. Et d’éléments, le texte dit précisément : Aliments, pâtures ; je n’ai pas cru pouvoir conserver cette image. Ce n’est pu, d’ailleurs, la proximité du soleil qui augmente la chaleur, mais sa situation perpendiculaire. — Leur condensation, ou selon d’autres manuscrits : leur liquéfaction. Alexandre d’Aphrodisée paraît avoir eu cette dernière variante. — Les vents étésiens, c’est-à-dire qui souilleraient périodiquement chaque année, et qui alors viendraient du sud. — Et il s’étend plus ici, c’est-à-dire que le vent de sud, venant de la zone torride, s’étend bien plus loin dans la zone tempérée que le vent du nord ne s’étend vers la zone torride.
  330. Nous avons dit, ce résumé pouvait être plus exact, sans que d’ailleurs il soit faux.
  331. Dans les Questions particulières, Alexandre d’Aphrodisée ne dit pas ce que peuvent être ces Questions particulières ; il est possible que ce soit les Problèmes, où en effet il a été traité des vents (section XXVI, ch. 36, p. 940, b, 16, édit. de Berlin), sans que cette étude ait été poussée très loin. Le mot grec pourrait recevoir aussi ce sens.
  332. Il faut nous suivre sur le dessin ci-joint, Voir plus haut, livre I, ch. 13, § 14, et dans ce second livre, ch. 5, § 13. L’usage des dessins explicatifs est dû sans doute à Aristote ; ou du moins il l’a beaucoup propagé, s’il ne l’a point inventé. — Nous avons tracé le cercle de l’horizon, Alexandre d’Aphrodisée a soin de faire remarquer qu’il n’est point question ici de l’horizon de la terre entière, qui serait l’équateur, mais seulement de l’horizon de cette partie de la terre où nous habitons. — Une seule de ses sections, l’expression même du texte, qui aurait pu être plus clair, est : son autre section. Aristote veut dire sans doute que dans cette partie de la terre, il ne considère que celle où nous sommes ; l’autre étant inaccessible à notre vue par la rondeur même du globe. — De la même façon, qu’on diviserait l’horizon terrestre tout entier.
  333. Contraires par le lieu, Voir la théorie des Contraires dans les Catégories, ch. XI, § 1, p. 121 de ma traduction. — Opposées diamétralement, la chose est évidente sur un cercle coupé par un diamètre. Les points contraires sont les deux extrémités du diamètre.
  334. Soit donc A pour l’occident équinoxial, il faut tracer un cercle coupé d’abord par deux diamètres à angles droits, qui donneront le nord G et le sud H de haut en bas, et l’ouest A et l’est B de gauche à droite. Deux autres diamètres placés à 230 des premiers donneront le lever d’été F et le lever d’hiver D d’un côté, et le coucher d’hiver C et le coucher d’été E de l’autre côté. On joindra par des diamètres le lever d’été et le coucher d’hiver d’une part, et d’autre part le lever d’hiver et le coucher d’été. — B, l’orient équinoxial, j’ai conservé les lettres mêmes du texte autant que je l’ai pu ; mais il m’a fallu quelquefois les changer à cause de la série de notre alphabet. D’ailleurs, l’explication du texte lui-même est fort claire.
  335. Contraires suivant le lieu, Voir plus haut, § 3.
  336. Vent d’ouest, j’ai ajouté ces mots pour que la pensée fût très claire ; le texte n’a que : Zéphyre. — L’Aphéliote, vent d’est, qui souffle du coté où le soleil se lève le jour de l’équinoxe. — Le Borée, ou le vent du nord. — Le vent de l’Ourse, c’est la traduction exacte du mot grec. Au lieu de Borée, on pourrait dire aussi : Aquilon. — La grande Ourse, le texte dit simplement : L’Ourse. — Le vent du midi, ou Notus.
  337. Le Cæcias, j’ai conservé le mot grec ; mais c’est évidemment le vent du nord-est, ainsi que je l’ai indiqué entre parenthèses. — De E, qui est le coucher d’été et qui correspond diamétralement au lever d’hiver.— Le vent du sud-ouest, j’ai ajouté cette explication entre parenthèses, tout en gardant le mot grec de Lips. — De D vient l’Eurus, même remarque. — Il se rapproche du vent du sud, c’est là ce qui fait qu’on l’appelle sud-est, mot composé qui exprime très bien l’idée qu’il doit rendre. — Du sud-sud-est, ici j’ai cru devoir traduire et non reproduire le mot grec Euronotoi, qui indique les vents placés entre le sud-est et le sud, c’est-à-dire le sud-sud-est. — De C, c’est-à-dire le coucher d’hiver. — (Vent du sud-ouest), ou peut-être mieux, le veut de ouest-sud-ouest. — De E, c’est-à-dire le coucher d’été. C’est le vent de nord-ouest.
  338. Aussi précisément, ceci n’est peut-être pas très juste ; et comme les vents soufflent toujours en ligne droite, il est clair qu’ils peuvent toujours être opposés les uns aux autres diamétralement. Ce qui est vrai, c’est que les nuances deviennent de plus en plus difficiles à marquer, à mesure qu’elles se multiplient. — Ainsi de I, c’est-à-dire du nord-nord-ouest, à l’extrémité du cercle polaire prise sur la circonférence où sont tracées les directions des vents. — Qu’on appelle le Mésés ou Moyen, c’est le nord-nord-est qui est entre le Cæcias (nord-est) et le nord ou Borée. — Le diamètre IK, à proprement parler, ce n’est pas un diamètre ; car cette ligne ne passe pas par le centre. — Suivant le cercle qui est toujours visible, c’est-à-dire le cercle polaire. — Tout à fait exactement, ces vents partent de points de l’horizon qui sont un peu au-dessous du cercle polaire.
  339. Il n’y a pas de contraires, il semble que la théorie s’oppose à cette assertion et que tout vent doit avoir son contraire. Mais Aristote veut dire sans doute qu’en fait on n’a pas observé de vents soufflant de points de l’horizon contraires à ceux d’où viennent le Thrascias et le Moyen. — Qu’il en soufflât un de M, c’est dire à peu près de sud-sud-ouest. — Un du point N, c’est-à-dire de sud-sud-est. — D’un point très voisin, qui se trouve aussi dans le sud-sud-est. Phénicias, il semble d’abord que ce nom doit répondre à la Phénicie, qui, relativement à la Grèce, est située à peu près dans la direction qu’Aristote indique. Mais en traçant la circonférence qu’il décrit, on voit que le Phénicias est placé beaucoup plus bas, puisqu’il doit être plus rapproché du sud que du sud-sud-est.
  340. Tels sont donc les principaux vents, on voit que du temps d’Aristote on connaissait déjà la Rose des vents, et qu’on s’en rendait fort bien compte. Ce n’est peut-être pas Aristote qui a inventé cette théorie ; et d’ailleurs elle résulte de la nature même des choses avec une telle évidence qu’il était assez facile de s’en rendre compte. Mais certainement le grand nom d’Aristote aura beaucoup contribué à propager ces notions. Aujourd’hui on divise la circonférence en seize parties égales par des diamètres qui se coupent à angles droits, et c’est déjà seize vents principaux. Si cette division ne suffit pas et qu’on veuille une approximation plus grande, on ajoute les degrés à partir soit du nord, soit du sud, et en indiquant si la déclinaison est orientale ou occidentale. — Qui ont été déterminés, Aristote sentait donc, qu’on pouvait encore en déterminer d’autres. Il n’y avait de son temps que douze vents ; au temps d’Alexandre d’Aphrodisée, on n’en comptait pas non plus davantage, comme son commentaire le prouve. — La terre habitée, c’est toujours la portion du globe que connaissaient les anciens. — Est située sous ces premières régions, et que par conséquent on peut y observer les phénomènes beaucoup mieux. — Repoussées ou accumulées. J’ai préféré le premier mot comme répondant plus exactement à celui du texte. — Dans ces régions, on sait au contraire qu’il y a encore plus de glace et d’eau vers le pôle sud que vers le pôle nord. — Sous le soleil et sous son cours, pendant le solstice d’été, comme le remarque Alexandre d’Aphrodisée. — L’évaporation soit plus considérable, et que par conséquent elle produise beaucoup plus de vent, puisque, selon Aristote, c’est l’évaporation qui est la cause principale du vent.
  341. Le plus distinct, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris ce passage, parce que le mot grec pourrait signifier le plus violent aussi bien que le plus distinct. Alexandre d’Aphrodisée paraît trouver tout ceci fort clair, et il n’en donne aucune explication. Peut-être avait-il une autre leçon que nous. Quant aux manuscrits, ils donnent plusieurs variantes dont aucune n’est plus satisfaisante que le texte ordinaire. — Participe, le mot du texte est fort obscur ; et Alexandre d’Aphrodisée ne le commente pas plus que ce qui précède. Le Thrascias participe de l’Argeste et du Borée ; mais non pas du Moyen, qui est placé au nord-nord-est. Il n’y a point de variantes dans les manuscrits. — Le Cæcias, est en effet un vent du nord-est, et il est placé par conséquent entre l’est et le nord. — Et celui du sud-ouest, j’ai dû paraphraser le mot grec pour que ces rapprochements fussent plus intelligibles. — Ou vent de sud-est, même remarque. — Commun à plusieurs vents, le texte emploie ici le même mot dont il s’est servi plus haut en parlant du Thrascias. On peut comprendre aussi que le vent appelé Phénicias participe du sud ou de l’est, et peut être indifféremment rapporté à l’un ou à l’autre. — Qu’on nomme Argeste, l’Argeste est précisément le vent du nord-ouest, venant du coucher d’hiver, selon les théories d’Aristote.
  342. On peut diviser, cette division des vents en deux grandes classes du nord et du midi se trouve déjà dans Hippocrate, Traité des airs, des eaux et des lieux, ch. 3 et 4, p. 15 et suiv., de l’édit. de M. E. Littré. On la retrouve également plus tard dans Strabon, et elle est encore aujourd’hui très acceptable. — Les vents d’ouest avec ceux du nord, c’est ce qu’on fait encore très souvent dans le langage ordinaire ; et comme dans nos climats, le vent d’ouest est en général très pluvieux, il est parfois presque aussi froid que celui du nord. — De l’occident, ou en d’autres termes du coucher du soleil. — De l’orient, ou du lever du soleil.
  343. Et par la douceur de température, ou peut-être : sécheresse, la science moderne explique aussi toutes les variations des vents par des différences de température. —Sont plus longtemps sous le soleil, ceci n’est pas très clair ; et les explications que donne Alexandre d’Aphrodisée ne contribuent pas à éclaircir beaucoup la difficulté. Il semble qu’Aristote pense que les contrées orientales de la terre reçoivent plus longtemps les rayons solaires que les contrées occidentales, et qu’étant plus échauffées, les vents qui en viennent doivent être aussi plus chauds. Le soleil n’arrive que fort tard à l’occident, et à peine y est-il arrivé que sa lumière disparaît ainsi que sa chaleur.
  344. Ne peuvent pas souffler en même temps, ceci n’est pas absolument exact ; les deux vents contraires peuvent souffler en même temps ; mais il faut que l’un l’emporte sur l’autre, et l’un des deux se trouve neutralisé, à moins qu’ils ne soient tous deux d’égale force. — Cessât forcément de souffler, parce que l’autre le dominerait ; mais il faut toujours faire cette réserve que les deux vents sont supposés de force différente. — Ainsi F et D, dans la Rose des vents décrite un peu plus haut, F est le Cæcias ou vent du nord-est, et D est l’Eurus ou vent du sud-est. Ces deux vents peuvent en effet souffler simultanément, bien qu’à un certain point ils doivent nécessairement se rencontrer et se neutraliser sur ce point. — De l’horizon, j’ai ajouté ces mots.
  345. Ce sont, pour les saisons contraires, il ne faut jamais perdre de vue qu’Aristote observe en Grèce ; et que c’est surtout à ce pays que ses observations se rapportent. La science moderne s’est beaucoup occupée aussi de l’influence des saisons sur les vents ; et les résultats généraux qu’elle a constatés pour l’Europe, se rapprochent souvent de ceux qu’indique ici Aristote. — C’est le Cæcias, ou vent du nord-est. — Au-delà du tropique d’été, c’est-à-dire entre le nord-est et le nord.
  346. Les Thrascias et les Argestes, vents du nord-nord-ouest et du nord-ouest. — Surviennent après les autres vents, le texte dit précisément : « tombent sur les autres vents. » — Leur point de départ est très proche, cette pensée n’est point expliquée par Alexandre d’Aphrodisée, et elle reste obscure. Il ne semble pas en effet que le point de départ de ces vents sur notre horizon soit plus rapproché de nous, que celui des vents de nord-est et de nord-nord-est, par exemple. — Les plus sereins de tous les vents, dans nos contrées, ce sont les vents n’est et de nord-est qui sont particulièrement sereins. Il est possible que sous le climat de la Grèce, il en soit autrement. — Soufflant de près, il ne semble pas, d’après la position de ces vents décrite plus haut, qu’ils soient plus près de nous que les autres.
  347. La condensation, ou peut être : la congélation. Il faut sous-entendre sans doute : « des vapeurs » — Le Cæcias, ou vent du nord-est. — Il les ramène sur lui-même, ou bien : « Il se replie sur lui-même ; » ce qui représente à peu près la même idée. Après avoir poussé les nuages, il les ramène au point d’où ils sont partis, en revenant sur sa propre course. Nous ne voyons pas dans nos climats que le vent de nord-est produise rien de pareil. Aulu-Gelle, Nuits attiques, livre II, ch. 22, cite ce passage de la Météorologie.
  348. Suivant le déplacement du soleil, il faut se rappeler qu’Aristote croyait au mouvement du soleil ; c’est donc du déplacement quotidien de l’astre qu’il veut parler ; et c’est à ce déplacement qu’il attribue la plus grande influence sur le changement des vents. — C’est ce qui touche le principe, l’expression du texte est aussi vague, et je n’ai pu la préciser davantage. — Juste comme le soleil lui-même, qui cause dans l’atmosphère toutes les modifications d’où sortent les vents.
  349. Le même effet, sous le rapport de l’humidité et de la sécheresse, comme la suite le prouve. — Le Cæcias, vent du nord-est opposé diamétralement au sud-ouest.— Hellespontin, l’Hellespont se trouve en effet au nord-est de la Grèce. On conçoit dès lors que le vent du nord-est qui passait au-dessus de la Mer Noire fût humide ; dans nos climats, au contraire, c’est un des plus secs, parce qu’il a passé sur tout le continent. — L’Argeste, ou vent du nord-ouest ; il n’est pas sec dans nos climats, et il est presque aussi humide que le vent de sud-ouest. — Le vent d’est, dans nos climats, il est sec autant qu’il pouvait l’être en Grèce.— Le Moyen, ou vent de nord-nord-est.— Le vent du nord amène de la grêle, ce phénomène ne se produit pas dans nos climats, et la grêle tombe par tous les vents à peu près.
  350. Le Cæcias charge le ciel de nuages épais, dans nos climats au contraire le vent de nord-est amène en général le beau temps. — Parce qu’il les fait revenir sur lui-même, ou : « revient sur lui-même. » Voir plus haut § 17. — Condensant ou congelant. — Il se rapproche des vents d’est, j’ai dû développer un peu le texte, pour rendre la force de l’expression grecque. — Beaucoup de matières et de vapeurs, dans nos climats le vent de nord-est est au contraire très sec ; mais comme je l’ai dit plus haut, le vent de nord-est pour arriver en Grèce passait par-dessus Le pont Euxin, où il recueillait sans doute beaucoup d’humidité. — Antérieurement, Voir un peu plus haut, § 16.
  351. Le Moyen, ou vent de nord-nord-est. — Qui amènent le plus souvent les éclairs, il est possible qu’il soit ici question des caurores boréales, plutôt que des éclairs proprement dits ; et alors on peut dire jusqu’à un certain point que ces éclairs se produisent surtout par les vents du nord, puisque c’est au nord que se produit ce phénomène. — Parce qu’ils soufflent de près, Voir plus haut, § 16.— C’est par le froid que se forme l’éclair, il n’est pas besoin de faire remarquer cette erreur. i— Amènent la grêle, Voir plus haut, § 19. Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Aristote se trompe sur la formation de la grêle ; c’est un des phénomènes de météorologie qui, encore aujourd’hui, sont les moins bien connus.
  352. Ils deviennent tempétueux, le mot du texte à ce sens particulier qu’il exprime que les vents sortent des nuages mêmes. Je n’ai pu rendre cette nuance, qui aurait exigé une longue paraphrase. Ce qui rend les vents tempétueux, même remarque. — Antérieurement, voir plus haut, § 16.
  353. Pour ceux qui habitent vers l’occident, ce passage est obscur ; et rien ne l’explique dans les commentateurs grecs. On ne comprend pas co’mment il pourrait être question ici des hommes qui habitent les diverses parties de la terre. Si l’expression du texte était moins précise, on pourrait croire que c’est une métaphore, et qu’on applique aux vents qui habitent différentes régions, ce qu’on ne dit ordinairement que des peuples. Alors il faudrait traduire : « Les vents étésiens se changent, pour ceux qui sont placés vers l’occident, de vents du nord, etc. » Ce sens doit être le véritable sans doute ; mais le texte ne s’y prête guère. — Thrascias, Argestes, et Zéphyres, c’est-à-dire en vents de nord-nord-est, nord-est et ouest. — Tient aussi du nord, ceci contredit un peu la fin du § 19, où le vent d’ouest est considéré comme un vent chaud.— Dans les vents éloignés de ce point, c’est-à-dire qu’ils oscillent jusqu’à l’ouest. — Pour ceux qui habitent l’est, même remarque que plus haut. — Oscillent et s’étendent, il n’y a qu’un seul mot comme plus haut.
  354. Ce que nous avions à dire, résumé exact des trois chapitres précédents, 4, ; et 6, qui sont des plus remarquables.
  355. Après ce qui précède, dans les théories modernes, on ne voit pas le moindre rapport entre les vents et les tremblements de terre. Dans la théorie d’Aristote, les deux phénomènes se rapprochent à bien des égards, comme la suite le prouvera. — Du mouvement de la terre, il s’agit ici de l’agitation de la terre, qui est la suite du tremblement ; et non point du mouvement de translation de la terre, qu’Aristote ne connaissait pas. — Fort voisine de celles qu’on vient d’expliquer, on verra plus loin en effet qu’Aristote attribue les tremblements de terre à des vents, que renferme l’intérieur du globe. — Jusqu’à présent, il y en a trois explications, il faudrait ajouter : principales ; car, outre les trois philosophes qu’Aristote nomme ici, il paraît bien que Thalès de Milet, Archélaüs, Diogène d’Apollonie, et Métrodore de Chios avaient émis aussi quelques idées sur les causes des tremblements de terre. Voir la note de M. Ideler dans le tome 1, p. 581, de son édition de la Météorologie. — Ont été données par trois auteurs différents, dont le système aura été suivi par plusieurs autres.
  356. Venant à tomber en bas, il aurait fallu expliquer comment cette chute est possible, puisque la nature propre de l’éther est de toujours monter en haut. — Et tout en admettant, l’opposition n’est peut-être pas aussi marquée dans le texte ; mais évidemment la seconde théorie d’Anaxagore contredit en partie la première ; car ai la terre a un haut et un bas, il doit y avoir plus d’eau en bas qu’en haut, bien que la terre soit partout également spongieuse. — Un haut et un bas, il semble bien que cela est vrai si l’on considère la position du globe de la terre dans l’espace ; mais à ne regarder que le globe lui-même, cela n’est pas, comme Aristote l’explique dans le § suivant. Sur toute la surface de la terre, tous les corps sont portés sans cesse vers le centre. On ne peut donc pas en ce sens distinguer un haut et un bas. — L’autre partie, c’est-à-dire, les antipodes.
  357. Par trop naïve, ou si l’on veut aussi : « par trop simple, » — Ne seraient pas de tous côtés portés vers la terre, Aristote est revenu sans cesse à cette théorie dans tout le cours de sa Physique. Sur tous les points de la terre, qui est sphérique, les corps graves sont portés vers le centre, si aucun obstacle ne les arrête. La théorie d’Anaxagore semble contraire à cette vérité d’observation. — Le cercle qui borne la terre habitable, et en reproduisant le mot grec lui-même : l’horizon ; mais Aristote ne se sert pas de ce mot comme substantif. — Varie sans cesse, c’est certainement une des preuves les plus frappantes et les plus simples de la sphéricité de la terre, qu’Aristote a toujours soutenue. Aujourd’hui même on se sert encore de cette preuve avec plusieurs autres. — La terre étant convexe et sphérique, car si la terre était plate comme le veut Anaxagore, l’horizon resterait partout le même et ne se déplacerait pas sans cesse avec nous.
  358. Elle demeure dans l’air, le fait est exact ; mais il paraît que selon Anaxagore la terre étant plate, c’était sa grandeur qui la soutenait dans l’atmosphère, surnageant en quelque sorte, comme un corps flottant. — Elle est frappée, par l’éther qui la soulève en quelque sorte. Voir plus haut, § 2. — D’aucune des circonstances, Aristote essaiera d’en indiquer tout au moins les principales, d’après les observations qu’il aura faites lui-même ou qu’il aura recueillies sur le témoignage des autres. — Tous les pays, toutes les saisons, c’est plutôt vrai pour les pays ; mais les saisons ne semblent pas avoir grande influence sur les tremblements de terre.
  359. La terre est pleine d’eau, il semble que les volcans suffiraient à prouver que l’intérieur de la terre n’est pas plein d’eau. — Elle est ébranlée, et le tremblement de terre a lieu. — En sortant violemment, le texte est un peu moins formel ; mais la préposition qui entre dans la composition du mot grec a cette force. — Dans les lieux vides, de l’intérieur du globe.
  360. Se brise… montagnes brisées, cette répétition est dans le texte. — Par fragments, c’est la force de l’expression grecque. — Dans les sécheresses et aussi durant les pluies excessives, c’est essayer de se rendre compte de quelques-unes des circonstances des tremblements de terre, comme Aristote le demandait à Anaxagore. Voir plus haut, § 4. Mais ces faits ne sont pas exacts ; et les tremblements de terre n’ont aucun rapport avec les changements de notre atmosphère, en ce sens qu’ils n’en viennent pas. — Comme on l’a dit, ceci peut se rapporter à Anaximène lui-même, ou à d’autres auteurs. Alexandre d’Aphrodisée ne donne aucune explication sur ce point. — Elle s’éboule, j’ai pris cette expression, peut-être un peu vulgaire, parce qu’elle rend bien la pensée du texte. Les tremblements de terre ne seraient que des éboulements intérieurs, dont la commotion se ferait sentir dans toute une contrée.
  361. Il faudrait qu’on observât, et l’observation ne fournit rien de pareil. — La terre revenir sur elle-même, c’est-à-dire les montagnes s’écrouler sur le sol, et le faire trembler en y tombant. — Cette surélévation, le mot grec n’a pas tout à fait ce sens ; mais cette interprétation résulte du commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée.
  362. Toute cette explication, cette critique semble se rapporter exclusivement au système d’Anaximène. Les éboulements qui supposent des parties de la terre plus élevées et d’autres parties moins hautes, doivent cesser quand la terre sera nivelée tout entière, et alors les tremblements de terre cesseront aussi. Mais si cela est impossible, attendu que les tremblements de terre continuent toujours, et que rien n’indique qu’ils doivent cesser de si tôt. — Que ce soit là la vraie cause, il ne s’agit toujours que de la cause indiquée par Anaximène ; mais cette critique générale s’applique tout aussi bien à Démocrite et à Anaxagore.
  363. Sur les côtes de l’Hellespont, ce fait qu’Aristote signale pour la Grèce paraît assez général ; le plus ordinairement les volcans ne sont pas loin de la mer ; et la plupart se trouvent dans des îles. Quant aux volcans éteints, comme ceux du centre de la France, par exemple, il est possible qu’ils fussent dans le voisinage de la mer quand ils étaient en activité. — Les eaux chaudes d’Ædepse, en Eubée étaient célèbres dans toute la Grèce.
  364. C’est le resserrement des lieux, ceci n’est plus d’accord avec ce qui vient d’être dit au § précédent, où l’on semblait croire que la mer causait les tremblements de terre, en pénétrant dans l’intérieur du globe. Ici ce serait le resserrement des cotes qui donnerait à la mer une violence capable d’ébranler la terre, par l’intermédiaire du vent que l’agitation des flots repousserait. — Le flot du vent, le texte dit simplement : le flot ; mais évidemment il s’agit du vent, comme la suite le prouve.
  365. Qui, recevant beaucoup de vent, c’est la traduction exacte du texte ; mais il est évident que l’ex-pression n’est pas assez développée. Si ces parties spongieuses ont plus de vent, c’est qu’elles ont plus d’évaporation à cause de l’humidité qu’elles contiennent. — Ils se produisent surtout au printemps et à l’automne, je ne sais si ce fait est bien constaté ; et je ne vois rien qui le confirme dans les observations de la science moderne. — Sont celles où il y a le plus de vent, d’une manière générale le fait est vrai, et les deux équinoxes de printemps et d’automne ont la plus grande influence sur l’équilibre de l’atmosphère.
  366. Les calmes, ou l’absence du vent. — L’un étant trop froid, il y a cependant des vents violents en hiver par de fortes gelées ; et dans les régions polaires, il y a quelquefois des ouragans affreux. C’est donc d’une manière toute générale qu’il faut entendre la pensée d’Aristote.
  367. L’air du reste est très venteux, c’est la traduction fidèle du texte. On aurait pu dire plus simplement que le vent est fréquent durant les sécheresses. — L’exhalaison sèche, Voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15.
  368. L’exhalaison intérieure, il semble que c’est plutôt l’évaporation qu’il fallait dire, puisqu’il s’agit d’humidité et de pluie. — Cette sécrétion, qui se produit sous forme de vapeur, ou plutôt sous forme de gaz. — Parce que les creux sont pleins d’eau, théorie qui se rapproche de celle de Démocrite ; voir plus haut, ch. 7, § 5.
  369. Interceptée à l’intérieur, c’est la force de l’expression grecque. — Produit des frissons et des étouffements, cette théorie est déjà dans les œuvres d’Hippocrate, et notamment dans le traité des Souffles, édit. de M. E. Littré, tome VI, ch. 8, p. 101. — Des effets à peu près semblables, ce n’est qu’une comparaison ; mais elle ne manque pas tout à fait de justesse. — Après l’urination, même remarque, quoique cette seconde comparaison soit moins applicable que la première. — L’air du dehors rentre tout à coup, l’explication est ingénieuse, et je ne crois pu que physiologiquement elle soit impossible ; mais ce frisson, qui est très réel, ne se produit pas après toutes les urinations ; et il est plus probable qu’il a quelque cause intérieure et nerveuse.
  370. Le souffle, terme général qui peut comprendre à la fois le souffle vital, l’air intérieur et le vent. Tout ce § d’ailleurs et le suivant sont une digression, qui n’est peut-être pas très utile. — Dans le corps des animaux, c’est précisément l’objet du traité d’Hippocrate cité un peu plus haut. Voir l’édition et la traduction de M. E. Littré.
  371. Les convulsions et les spasmes, tiennent encore à autre chose qu’à un désordre dans la respiration. — Plusieurs personnes, c’est ce qu’on peut voir aisément dans les attaques de nerfs ou dans les épilepsies. — On peut bien supposer, en se rappelant toujours que ce n’est qu’une simple comparaison. — Une si grande chose, la remarque est juste ; et il faut ajouter que la terre n’est pas un être organisé à la façon des animaux et des hommes.
  372. On a déjà observé, Aristote a toujours recommandé l’observation des faits, comme premier fondement de la science. — Sortit, au vu de tout le monde, il n’est pas facile de comprendre comment le vent pouvait être si visible. — Sous forme de tempête, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Tout récemment, sans doute du temps même d’Aristote. — À l’Île-Sainte, j’ai traduit le mot grec ; on aurait pu le conserver comme l’ont fait les Latins : « A l’île d’Hiéra. » — Appelées les îles d’Éole, ce sont les îles Lipari. Théophraste mentionne aussi ces îles volcaniques, au dire d’Antigone de Caryste, ch. 145, s’appuyant sur le témoignage de Callimaque. Virgile en parle également, Énéide, livre VIII, vers 416, ainsi que Pline, histoire naturelle, livre ch. 110, édition et traduction de M. E. Littré, page 147. Il y a aussi une île du même nom de Hiéra près de Santorin ; mais elle n’est sortie des eaux que dans l’an 486 avant notre ère.
  373. Comme la masse d’une colline, des soulèvements de ce genre se forment toujours, et on peut les observer assez souvent. Voir la Géologie de M. Beudant, p. 31. Il en sortit beaucoup de vent, le fait n’est pas très exact ; et on peut constater la sortie de la lave bien plutôt que celle du vent. — Des étincelles et de la cendre, et de la lave. — Toute la ville des Lipariens, c’est ce qui se répéta en l’an 79 de notre ère, pour l’éruption du Vésuve qui ensevelit plusieurs villes sous la cendre, Pompéi, Herculanum, etc. — Dans quelques-unes des villes d’Italie, bien qu’elles soient encore à une usez grande distance. — Aujourd’hui, l’on peut voir encore, Aristote n’a pas vérifié lui-même ce phénomène, et il n’a jamais fait de voyage ni dans la Sicile ni en Italie. — Cette boursouflure, ou ce soulèvement.
  374. Ne peut avoir que cette cause, on sait aujourd’hui combien cette théorie est erronée ; le feu occupe toute la partie solide de la terre sous une enveloppe peu épaisse ; et il n’y a pas besoin de l’air extérieur pour que la flamme s’y produise. — Qu’il a été réduit en parties minimes, il aurait fallu indiquer la cause qui réduit ainsi l’air en parties assez ténues pour s’enflammer. — Ce qui s’est passé dans ces îles, les îles Lipari. — Circulent sous la terre, Aristote suppose que c’est le vent qui a causé le soulèvement dont il vient de parler.
  375. On en a des signes précurseurs, le fait paraît exact ; et dans plusieurs contrées volcaniques, les gens du pays savent quelques jours à l’avance le vent qu’il fera en observant la fumée du volcan ; mais ceci ne veut pas dire que ce soit le vent qui cause l’éruption ; et ce serait plutôt le contraire. — Retentissent, le fait est exact, et il se reproduit toujours sur une foule de points du globe. — La mer est déjà poussée de loin, Voir plus haut, § 8. Aristote suppose que la mer entre dans la terre par des conduits profonds, et qu’elle y refoule l’air qui, comprimé, fait explosion par les volcans et les tremblements de terre. — Elle fait alors du bruit, il est difficile, même à la science moderne, d’expliquer l’origine et les intermittences de ces bruits souterrains ; mais la cause assignée par Aristote ne peut pas être la vraie. — Car au dehors, ceci est assez obscur. Aristote veut dire, d’après Alexandre d’Aphrodisée ; que la mer trouve dans le sein de la terre de vastes espaces où elle se précipite, et qu’elle a des voies non moins larges pour se retirer et revenir au dehors. Il aurait fallu que cette idée fût développée davantage. — L’air expulsé, de la terre. Il faut qu’il soit en quantité considérable pour causer un vrai tremblement de terre.
  376. Le changement du soleil, toutes les circonstances que rappelle ici Aristote sont très exactes ; et on les observe encore tous les jours dans les pays à volcans. — Même sans nuages, les vapeurs sorties des volcans ne forment pas de nuages, tout en obscurcissant l’air. — De la cause que nous avons assignée, c’est-à-dire le vent, qui, soit en entrant dans la terre, soit en en sortant, cause le tremblement.
  377. En dissolvant l’air, on ne comprend pas bien ceci ; mais on comprend que les vapeurs volcaniques obscurcissent le soleil et la lumière du jour.
  378. Que le vent cesse, Voir plus haut, § 22. — Et que le froid se produise, même remarque. Plus haut, § 7. — Un reflux du souffle en dedans, c’est-à-dire dans l’intérieur du globe.— Ne se dissipe plus, et n’a plus son mouvement naturel. — Qu’en s’accumulant il prenne aussi plus de force, le fait est exact ; et il est clair que la compression des gaz leur donne une force qu’ils n’auraient pas s’ils étaient libres.
  379. Quant au froid, Voir plus haut, § M. — L’exhalaison se précipite en dedans, et emportant avec elle la chaleur qui lui est propre, elle ne laisse que du froid dans l’atmosphère. — D’une vapeur froide et considérable, qui a perdu sa chaleur, précisément parce que l’exhalaison sèche s’est retirée dans le sein de la terre. — Comme l’haleine qui sort de notre bouche, l’haleine est chaude tout près de la bouche ; à quelque distance elle est froide, à cause de l’air auquel elle se mêle.
  380. Par la même cause, Voir le § précédent.
  381. Produit le froid, Voir plus haut, § 22 ; car il ne s’agit ici que du froid spécial qui, selon Aristote, précède assez souvent les tremblements de terre. Ce froid est analogue à celui qui se produit après l’urination, § 15 plus haut.
  382. Telle est aussi la cause, cette explication n’est pas suffisamment développée ; et on ne conçoit pas bien que ce soit la même cause qui produise le froid de l’atmosphère avant le tremblement de terre, et qui fasse qu’il apparaisse un léger nuage comme précurseur du phénomène.— Un petit nuage léger, cette circonstance a pu se présenter quelquefois ; mais il ne paraît pas qu’elle soit aussi ordinaire qu’Aristote le suppose ; car les observateurs n’auraient pas manqué de l’apercevoir et de la signaler. — Par le déplacement même du nuage, j’ai ajouté ces deux derniers mots pour compléter la pensée ; mais je ne sais si je l’ai bien comprise. Alexandre d’Aphrodisée, qui trouve sans doute tout ce passage fort clair, ne l’a pas commenté.
  383. La même chose arrive aussi pour la mer, la comparaison ne paraît pas fort exacte ; et l’on ne voit pas bien le rapport qu’Aristote veut faire saillir. — Sont énormes, le texte dit précisément : épais. — Ils sont minces et tout droits, je crois que la direction des flots tient surtout à la direction du vent, même quand il est fort léger. — La rupture est fort petite, je n’ai pas trouvé dans notre langue un meilleur mot que celui de rupture, pour indiquer que le flot se brise et s’étale.
  384. Ce que la mer fait sur la terre, ou plutôt sur le rivage où elle se brise. — Le vent le fait sur la brume, voir plus haut, § 22. — Est tout à fait en ligne droite, le fait, s’il est exact, ne paraît pas suffisamment expliqué. — Un flot d’air brisé, l’expression est pittoresque et se rapporte bien à ce qui précède, quelle que soit d’ailleurs la valeur de ce rapprochement.
  385. Pendant les éclipses de lune, c’est là une coïncidence toute fortuite ; mais les deux phénomènes n’ont aucun rapport. — L’interposition de la terre est proche, on voit que les anciens, tout en admettant l’immobilité de la terre, connaissaient la vraie cause des éclipses. Voir aussi les Derniers Analytiques, livre II, ch. XVI, § 1, p. 273 de ma traduction. — Le calme se fait, le calme de l’air n’est pas constant dorant les éclipses. — Le vent se précipitant dans la terre, c’est toujours supposer que les tremblements de terre tiennent à une cause extérieure ; ce qui n’est pas. Sur ce rapport des éclipses et des tremblements de terre, voir les Problèmes, livre XXVI, § 18, p. 942, a, 22, édit. de Berlin.
  386. Fréquemment avant les éclipses, ce n’est encore là qu’une coïncidence ; et les vents n’ont pas une relation directe avec les éclipses. — S’approche la sphère, le texte dit précisément : « la translation. » Le mot de sphère m’a paru préférable pour indiquer les espaces où l’éclipse a lieu. Quant à la chaleur qui émane de la luné, on sait qu’elle est fort petite, et il n’est pas probable qu’elle ait une aussi grande action sur l’atmosphère. — Ce qui retenait l’air, l’expression du texte est aussi vague. — Qui n’a lieu que plus tard, plusieurs manuscrits n’ont pas cette partie de la phrase.
  387. Et après une seule secousse, le fait est exact, et quelquefois les secousses sont très nombreuses et se succèdent avec plus ou moins de rapidité. — Jusqu’à une quarantaine de jours, cette indication est peut-être bien précise ; elle a pu s’appliquer à quelque tremblement de terre particulier ; mais cette observation n’est pas générale. — Pendant une année ou deux, même remarque.
  388. La quantité d’air, le fait est exact ; et la quantité des gaz qu’on peut supposer dans l’intérieur de la terre, contribue nécessairement à la violence du tremblement de terre. — La forme des lieux, souterrains. Ceci est encore admissible, et la configuration des conduits volcaniques a certainement de l’influence sur la force de l’éruption. Voir la Géologie de Beudant, p. 30. — Qui ne peut pas s’échapper, le phénomène est bien décrit.
  389. Les pulsations, ou les respirations provoquées, par exemple, par une course rapide. Le mouvement violent que la course a causé, ne cesse pas tout à coup lorsqu’on s’arrête ; mais il dure encore quelque temps et ne s’apaise que peu à peu. — Toute cette matière, sous forme d’air ou de gaz. — Cette espèce de vent, il semble que la lave et les scories rejetées par les volcans auraient dû montrer clairement que le feu joue aussi un grand rôle dans les tremblements de terre.
  390. De ces éléments, le texte est moins précis. — L’exhalaison, d’après tout ce qui précède, il faut entendre l’exhalaison du dehors et non pas celle du dedans.
  391. Le vent, ou mot à mot : le souffle. — Les bruits souterrains et les bruits…. les bruits souterrains se rapportent toujours à des tremblements de terre, soit que la secousse se fasse sentir jusqu’à la surface, soit qu’elle reste insensible pour nous. — Sans qu’il y eût de tremblement de terre, le fait est exact. — Quand on le frappe et qu’on le déchire, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Frappée tout entière, il y a cette différence que le corps qui frappe, a une impulsion que n’a pas le corps qui est frappé.
  392. A des parties plus ténues, le son est en effet impondérable, tandis que l’air ou le vent ne l’est pas. Mais les anciens n’ont jamais su comment le son se produit et se propage. — Il tombe sur des masses, dans les entrailles de la terre. — Les conteurs de choses merveilleuses, il y a une sorte d’ironie dans cette expression. — Fasse entendre un mugissement, comme le mugissement dont parle Er l’arménien, dans la République de Platon, livre X, p. 280, trad. de M. Cousin. On voit d’ailleurs, dans plusieurs descriptions de tremblements de terre, qu’assez souvent s’est comme un mugissement souterrain qui les précède.
  393. Les eaux jaillir du sol, le fait est exact ; et il se répète encore assez fréquemment. — Ce soit l’eau qui cause la commotion, ceci est encore exact, bien que les anciens ne sussent pas, comme nous pouvons le savoir aujourd’hui, d’où viennent les eaux qui jaillissent à la suite des tremblements de terre. — C’est toujours le vent, ou le souffle. — Fait violence, ou « est violemment expulsé. » — Qui est le moteur, j’ai conservé l’expression même du texte. — Qui est cause du phénomène, qui produit le tremblement de terre au lieu de le subir. — L’effusion, c’est l’expression grecque dans son interprétation la plus littérale. Elle désigne le mouvement des flots qui se retournent en effet, quand ils se brisent les uns sur les autres ou sur la plage.
  394. L’eau et la terre, j’ai ajouté ces mots pour que la pensée fût aussi claire que possible. — Comme matière…. comme principe, opposition habituelle dans le système d’Aristote : la cause matérielle opposée à la cause efficiente. — Réel, j’ai ajouté ce mot. — Une inondation coïncide, ces coïncidences ont été observées assez fréquemment. — Des vents contraires, cette cause ne peut pas suffire à expliquer ces phénomènes ; car, à tout moment, les vents sont contraires, et ils ne produisent rien de pareil.
  395. Vent qui agite la terre, ou plutôt le souffle intérieur qui la soulève et fait les tremblements de terre, le mot spécial de vent étant réservé à l’agitation de l’air extérieur. — À repousser complètement la mer, en supposant sans doute qu’elle pénètre dans l’intérieur du globe, par les conduits souterrains dont il a été parlé plus haut, § 8.
  396. Le vent intérieur, j’ai ajouté ce dernier mot, qui me semble nécessaire pour compléter la pensée et qui résulte de tout le contexte. — Déborde et produit un cataclysme, les anciens ne connaissaient presque rien en hydrographie, et le mouvement de la mer en particulier était resté pour eux à peu près tout à fait inexplicable.
  397. En Achaïe, Voir plus haut, livre I, ch. 6, § 8. — Au dehors, c’est-à-dire sans doute, à la surface de la mer. — Et là, j’ai traduit littéralement ; mais la pensée est obscure ; et il est probable que là signifie la surface du sol. — Le vent intérieur s’écoulant, ou bien : « le vent s’écoulant à l’intérieur. » — Qui s’était élevé souterrainement, ceci encore se comprend mal, puisqu’il a été question plus haut de deux vents contraires, celui du sud et celui du nord. — Par cette violence et cette résistance, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Cet obstacle opposé au flot, ou bien : « ce soulèvement du flot. »
  398. Les tremblements sont partiels, le fait est exact, si l’on compare la partie bouleversée à la surface entière du globe ; mais parfois l’action du tremblement de terre se fait sentir sur une assez grande étendue. — Dans le lieu même, sous terre, et dans l’intérieur du globe. — Comme nous avons dit, voir plus haut, ch. 4, § 11.
  399. De cette façon, c’est-à-dire sur un petit espace. — Des tremblements de terre, j’ai ajouté tout ce qui est entre crochets, d’après le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. — Dans une seule action, le texte n’est pas aussi formel. — L’influence du soleil, qu’Aristote regarde comme la principale cause des vents, par suite des évaporations qu’il produit sans cesse. — Sur les exhalaisons les plus élevées, il n’y a pas de substantif dans le texte ; j’ai dû suppléer ce mot d’après tout ce qui précède et ce qui suit ; mais la phrase de l’original est altérée, et elle présente des incorrections grammaticales.
  400. Le vent ou le souffle ; nous dirions aujourd’hui : « le gaz. » — En largeur, ce sont en effet les tremblements de terre les plus fréquents. — Comme une pulsation, de bas en haut, l’image est juste et le fait est exact. Les tremblements de terre qui semblent aller de bas en haut sont beaucoup plus rares que les autres, bien que ce soit là précisément l’action des volcans.— Qu’une masse du principe, l’expression est obscure ; c’est la matière qui en s’accumulant doit causer le tremblement de terre. — Qui vient de la profondeur de la terre. Il y a bien plus d’exhalaisons sur la surface entière du globe qu’il n’y en a dans son intérieur.
  401. Un tremblement de terre de ce genre, c’est à proprement parler une éruption volcanique. — Une grande quantité de pierres, ce sont des pierres ponces et de la lave. — Par le vent, ceci se rapporte à ce qui a été dit, au § précédent, de l’agitation de bas en haut. — De Sipyle, dans l’Asie Mineure près de Magnésie du Pont. Voir Strabon, livre XIII, ch. 8, page 489, édition Firmin Didot. — La plaine Phlégréenne, id., livre IV, ch. 1, p. 181, ligne 37. C’est la Campanie ou terre de Labour en Italie. — Et la Ligystique, on croit que par ce nom Aristote désigne la Crau d’Arles et la Camargue, qui sont en effet couvertes de pierres ; mais ce sont des cailloux qui n’ont rien de volcanique. Aristote a déjà parlé plus haut, livre 1, ch. 13, § 31, de la Ligystique ; et il semblerait que ce pays devait faire partie de l’Italie septentrionale. Alexandre d’Aphrodisée, contre son habitude, ne donne pas d’explication sur ces détails ; et les contrées que mentionne le texte lui paraissent sans doute assez connues de son temps pour qu’il n’y ait rien à en dire.
  402. Dans les îles de la pleine mer, ceci est vrai pour la Méditerranée, et on peut même dire que c’est vrai pour toute la surface du globe. En général, les îles volcaniques sont assez rapprochées des côtes, bien qu’on en trouve aussi dans le grand Océan Pacifique à de très grandes distances du continent. Quant aux îles de la pleine mer dont parle ici Aristote, ce ne sont probablement que Malte et Candie, et peut-être encore les Baléares. — L’immensité de la mer refroidit les exhalaisons, cette explication s’est pas bonne ; mais si on pouvait l’accepter, elle s’appliquerait bien plus encore aux Océans qu’à la Méditerranée, la seule mer à peu près que l’on connût au temps d’Aristote. — Qu’elle leur donne, j’ai ajouté ces mots qui m’ont paru indispensables pour compléter la pensée. — Elle coule toujours, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. On ne peut pas dire que la mer coule comme on le dit des fleuves ; mais ceci veut dire sans doute que la mer conserve sa liquidité et son équilibre. — Que vont les exhalaisons, ce serait plutôt : les évaporations.
  403. Pour exercer aucune influence, la pensée ainsi exprimée n’est pas complète. Alexandre d’Aphrodisée ajoute : « De manière à empêcher que quelques-unes des exhalaisons venues du continent n’arrivent jusqu’à ces îles situées non loin des côtes. » Ce complément paraît très probable ; et il est nécessaire pour que la pensée ne reste point obscure. — Ne pourraient être ébranlées, sous forme de tremblements de terre. — Qu’avec la mer entière, c’est ce qui arrive en effet quand un volcan se produit dans la mer et qu’il soulève à la surface des îles considérables. Mais par sa nature, la mer reprend bientôt toute sa disposition antérieure, et elle ne garde pas de traces permanentes du phénomène, comme la terre en garde nécessairement.
  404. Des tremblements de terre, avec lesquels Aristote a tout à fait confondu les volcans. Les deux phénomènes ont de très grands rapports ; mais il eût été bon de les distinguer. — Toutes les circonstances, il est vrai qu’Aristote a étudié la question des tremblements de terre sous presque toutes ses faces ; et l’on doit être étonné de la multitude des renseignements qu’il a su recueillir.
  405. Parlons maintenant de l’éclair, comme dans les théories d’Aristote, tous ces phénomènes viennent d’une seule et même cause, le présent chapitre tient assez étroitement à celui qui le précède.— De la trombe, ou du typhon. — De l’ouragan, je ne suis pas sûr que ce mot réponde exactement, à celui du texte. — Est très probablement la même, la science moderne serait de cet avis pour tous les phénomènes dont il vient d’être question ; mais elle n’y rattacherait pas aussi étroitement ceux des tremblements de terre et des éruptions volcaniques.
  406. Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, livre 1, ch. 3, § 15. — La combinaison, formée de ces deux exhalaisons. — Ces deux qualités en puissance, c’est-à-dire qu’elle peut tout à la fois être humide et sèche, chaude et froide, selon les circonstances. — Elle se constitue en nuages, l’exhalaison est alors une vapeur et non plus un gaz. — Antérieurement, livre I, ch. 3, §§ 10, 16, 19. — À l’extrémité dernière, j’ai conservé l’expression même du texte, bien qu’elle soit obscure ; il s’agit sans doute de la partie supérieure des nuages, celle qui est tournée vers les hautes régions de l’air où s’accumule le feu.
  407. Du nuage, j’ai ajouté ces mots, d’après le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. Il semble donc que pour Aristote tout ce phénomène se passe ainsi : L’exhalaison est de deux espèces, humide et sèche, froide et chaude. Elle s’élève dans l’air de façon que la partie humide et froide forme le nuage, et que la partie sèche et chaude se dirige vers les plus hautes régions de l’atmosphère. La partie supérieure du nuage devient d’autant plus froide que la chaleur s’y évapore davantage vers le haut ; et alors, cette partie supérieure presse sur la partie inférieure qui est dirigée vers la terre. De cette pression sortent les éclairs, les foudres, etc. On voit de reste que cette théorie n’a rien d’exact ; mais je crois que c’est bien là la pensée d’Aristote.
  408. Les éclairs sortis des nuages, ou les vents sortis des nuages ; j’ai paraphrasé le mot grec, dont le gens d’ailleurs n’est pas bien précis. — Sont portés en bas, par la pression que le froid exerce sur la partie supérieure du nuage. — Le jaillissement de la densité, l’expression est bien abstraite ; mais j’ai suivi fidèlement le texte. — Comme les noyaux, la comparaison est claire ; mais elle n’est peut-être pas également exacte. — Malgré leur poids, sont portés en haut, par un mouvement inverse, le feu qui constitue la foudre et l’éclair est poussé en bas ; et de même que le noyau monte pressé par les doigts, de même le feu descend pressé par le froid qui l’environne et le domine.
  409. Qui est sécrétée, c’est-à-dire qu’une partie de l’exhalaison chaude se sépare du reste et monte dans les régions supérieures. Mais une autre partie moins légère et dont l’ascension a été moins rapide, reste dans le nuage où elle est enfermée et d’où elle s’efforce de sortir. — Quand les nuages se réunissent, et qu’en se réunissant ils produisent sur l’exhalaison sèche l’effet que les doigts produisent sur les noyaux qu’ils lancent en les pressant. — Tombant sur les nuages environnants, elle y fait coup, il semble que la constitution vaporeuse des mages s’oppose à ce qu’il s’y produise un choc aussi retentissant,
  410. Au bruit qui se produit dans la flamme, Aristote veut faire allusion sans doute à ces jets de flamme qui se produisent parfois avec plus ou moins de bruit dans le bois qui brûle, et qui ne sont pas autre chose qu’un dégagement d’air et de gaz. — Le Sourire de Vulcain, cette expression proverbiale a de la grâce ; je ne sais pas si dans nos dictons populaires, il y a quelque chose qui y corresponde. — Le pétillement, le texte n’est pas aussi précis, et l’expression dont il se sert est tout à fait indéterminée. — Est projetée dans la flamme, ce jet d’air ou de gaz enflammé sort en effet avec assez de force du milieu de la flamme, dont il s’isole.
  411. La sécrétion du vent ou du souffle, ou bien encore de l’air ; mais il s’agit toujours ici de l’exhalaison sèche et chaude. — Contre la densité, cette expression abstraite est dans le texte. — Sont fort divers, le fait est exact ; et le bruit du tonnerre présente en effet beaucoup de variétés, soit à cause des circonstances qu’indique Aristote, soit par d’autres causes. — Et telle en est la cause, les anciens n’ont jamais su que les nuages renfermaient de l’électricité ; mais on voit, par les explications même d’Aristote, qu’il soupçonnait dans le phénomène la présence de quelqu’agent particulier, dont il avait la plus grand’peine à se rendre compte.
  412. C’est ce qu’on appelle l’éclair, c’est la partie du phénomène qui frappe nos yeux, de même que le bruit frappe notre ouïe. — Se colore à nos yeux de diverses nuances, les éclairs en effet n’ont pas toujours la même couleur.
  413. Ne vient qu’après le coup, l’explication est très-ingénieuse et très vraie ; et l’exemple que cite Aristote est évident. De nos jours, on a fait une foule d’expériences comparatives entre la vitesse de la lumière et celle du son ; et l’on en connaît le rapport exact. — La vue est plus prompte que l’ouïe, aujourd’hui on peut aisément remarquer qu’on voit la lumière du canon, pour peu qu’on en soit éloigné, longtemps avant que le bruit s’en fasse entendre. — Les coups de rames des galères, c’était un exemple très usuel et très facile à vérifier.
  414. Quelques philosophes, Empédocle et Anaxagore, comme on le verra plus bas. — Une sorte de feu dans les nuages, cette espèce particulière de feu existe en effet ; et c’est l’électricité. — Empédocle…. Anaxagore, Stobée dans ses Extraits de Physique, a conservé une analyse, plus ou moins exacte, des opinions des deux philosophes. — Qui a été portée de haut en bas, cette explication a bien quelque rapport avec celle d’Aristote.
  415. En s’éteignant, Aristote adopte lui-même une partie de ces idées dans les Derniers Analytiques, livre II, ch. 10, § 4, p. 232 de ma traduction. — Est antérieur au tonnerre, voir plus haut, § 9.
  416. De l’une et l’autre façon, soit dans le système d’Empédocle, soit dans celui d’Anaxagore. — Il faut en dire la cause, comme Aristote l’a essayé plus haut, § 5. — Quand le ciel est couvert de nuages, c’est en effet le cas le plus ordinaire de beaucoup ; mais il y a quelquefois des éclairs sans nuages. — Ne se produit pas constamment, l’argument est assez fort en effet contre les théories d’Anaxagore et d’Empédocle ; mais il l’est à peu près autant contre celles d’Aristote. — Il n’y a pas d’éclair, cette assertion n’est pas exacte ; et dans l’antiquité on avait fait des observations en sens contraire, comme le prouve le vers de Virgile dans les Géorgiques, I, 487 ; mais si des observations de ce genre eussent été déjà faites du temps d’Aristote, il ne les aurait certainement pas ignorées.
  417. D’Anaxagore…. Empédocle, le texte n’est pas aussi formel ; mais j’ai cru pouvoir répéter les deux noms, pour qu’il n’y eût aucune incertitude.
  418. Éloignée des faits, c’est le sens tiré de l’étymologie du mot dont se sert le texte, et que donne aussi Alexandre d’Aphrodisée. — Et qu’elle fût constante, le texte dit positivement : « déterminée. » — Régulièrement, le texte dit simplement : ainsi.
  419. Toutes faites antérieurement, dans les nuages, où elles resteraient tant qu’elles ne tombent pas à terre. — Elles sont expulsées, du nuage où elles seraient retenues. — Instantanément, j’ai ajouté ce mot qui me semble résulter de tout le contexte, et qui complète la pensée. — La combinaison, le texte est aussi vague que ma traduction, et j’ai craint de le préciser. Alexandre d’Aphrodisée ne fournit aucune explication. — Sous la main, c’est l’expression même du texte, qui a quelque nuance d’ironie. — Pour lancer, le texte dit précisément : « pour faire chacune d’elles. »
  420. De ces phénomènes, l’expression du texte est plus vague. — Des combinaisons, ce sont la pluie, la neige, la grêle, etc. — Des divisions, ce sont l’éclair, le tonnerre, la foudre, etc. — Antérieurement, j’ai ajouté ce mot comme dans le § précédent. — Des deux côtés, c’est-à-dire que l’explication qui sera bonne pour les uns devra être également bonne pour les autres. — Du feu dans les nuages, j’ai ajouté ces mots pour compléter l’expression trop concise de l’original. Voir plus haut, § 10. — C’est donner une explication, on pourrait donner aussi à cette phrase une tournure interrogative ; mais cette tournure m’a semblé faire ici une sorte de contresens. — Pour des corps plus denses, tels que l’eau dont on parle au § suivant.
  421. En se coagulant, j’ai conservé le mot du texte ; mais il est clair qu’il s’agit ici de la vapeur d’eau se changeant de nouveau en liquide par la condensation.— Cette explosion, Voir plus haut, § 11, où Aristote, en rapportant les opinions d’Anaxagore, ne s’est pas servi de la même expression qu’il emploie ici. L’explosion doit indiquer le phénomène de l’éclair jaillissant du nuage ; et Aristote prétend que, d’après les théories qu’il réfute, l’eau devrait faire, en se refroidissant, une explosion pareille. Or elle ne la fait pas, et les théories sont fausses. — L’air introduit par le feu, sous-entendu : Dans l’eau qui bout, comme il l’est dans le nuage où se passe le phénomène de l’éclair et du tonnerre. — Proportionnel à sa quantité, l’eau qui bout dans un vase est une quantité presque imperceptible, comparativement à celle qui est dans les nuages. — Ne peut exister antérieurement, car dans les théories d’Aristote le phénomène est instantané. Tout ce passage est d’ailleurs très embarrassé, et Alexandre d’Aphrodisée lui-même trouve qu’il est obscur à force de concision. Je ne me flatte pas de l’avoir complètement éclairci. — Le frémissement d’un corps qui se refroidit dans l’eau, j’ai été obligé de prendre toute cette périphrase pour rendre le mot unique du texte. Nous n’avons pas de mot correspondant en notre langue ; le latin a celui de Stridor.— Le bouillonnement qu’il cause, il semble d’après tout le contexte qu’il faudrait dire le frémissement au lieu de : bouillonnement.
  422. Clidème, il paraît que ce philosophe s’était occupé aussi de plusieurs autres sciences ; car Théophraste le cite fort souvent dans des questions de botanique. D’ailleurs, il n’est pas très connu. — Une simple apparence, ceci ne contredit pas absolument les théories qu’Aristote vient d’exposer. — À celui qui se produit dans la mer, aux époques et dans les lieux où elle est phosphorescente. — D’après cette théorie, j’ai ajouté ces mots qu’implique le contexte. — L’humide, c’est-à-dire la vapeur condensée dans les nuages. Étant violemment frappé, par l’action instantanée de la chaleur.
  423. N’étaient pas encore familiarisés, il semble résulter de ceci que les théories sur la réfraction étaient encore assez récentes au temps d’Aristote. — Vers quelque corps lumineux, ce ne peut être que les astres ou la lune, puisque le phénomène n’a lieu que la nuit ; mais l’explication n’est pas bonne, puisqu’il a lieu aussi quand le ciel est couvert de nuages.
  424. Voilà ce que les autres ont dit, on retrouve ici l’habitude d’Aristote, qui, avant d’exposer ses propres idées, ne manque jamais de discuter celles qui ont été émises par les philosophes antérieurs. C’est une sorte d’histoire de la science sur chaque sujet qu’il traite. De là vient qu’on a pu justement appeler Aristote le premier historien de la philosophie. — N’est qu’une réfraction, comme le soutient Clidème. Voir plus haut, § 18. — Ceux-là, Voir plus haut, § 8. Ces philosophes sont Empédocle et Anaxagore. Voir plus haut, § 10.
  425. Sont une seule et même chose, la science actuelle repousse tout à fait cette théorie, et l’on rapporte à des causes très différentes les vents, les tremblements de terre et le tonnerre. Il est bien vrai que la chaleur est d’une manière générale le principal agent de ces phénomènes ; mais la chaleur extérieure qui produit les vents n’a rien de commun ni avec celle qui produit les tremblements de terre au-dedans, ni avec la chaleur particulière de l’électricité qui produit l’éclair et la foudre. Aristote n’en a pas moins de mérite, tout en se trompant, d’avoir essayé de systématiser l’explication des faits en une théorie unique. — Ces phénomènes sont identiques, c’est aller trop loin, et tout au plus pourrait-on dire qu’ils ont beaucoup de rapports. — L’exhalaison sèche, il semble qu’Aristote n’entend parler ici que de l’exhalaison sortie de la terre ; il faut y comprendre aussi l’exhalaison sèche venue du soleil.
  426. Ce que nous avions à dire, ce résumé n’est pas tout à fait exact en ce sens que le troisième livre complète la théorie de ces phénomènes, qui ne paraît pas achevée dans celui-ci. Aristote a bien exposé les théories des autres philosophes ; mais il n’a pas encore donné la sienne tout au long. Je crois donc que ce § est une interpolation ; et ce résumé, qui est prématuré ici, ne vient à sa place que dans le chapitre I du troisième livre, § 16 ; Voir plus loin.
  427. Parlons maintenant des autres effets, on voit que le troisième livre est étroitement lié au second ; et dans le texte, on peut remarquer que l’un de ces livres est uni à l’autre par des particules adversatives, dont la première est à la fin du second livre, et la dernière au début du troisième. Il semble que l’ordre régulier de l’exposition aurait exigé que le chapitre 9 du second livre fit partie du troisième livre, comme le voulait Vicomercatus. Mais on sait que cette distinction par livre n’appartient pas à Aristote, et qu’elle est venue, selon toute apparence, ou de Théophraste, héritier de ses manuscrits, ou peut-être même d’Andronicus de Rhodes, au temps de Cicéron. On pourrait encore, comme le veut M. Ideler, joindre le premier chapitre du troisième livre au livre II, et ne commencer le troisième livre qu’au chapitre 2. — De cette sécrétion, de l’exhalaison sèche ou humide, froide ou chaude, sécrétée dans l’atmosphère, après s’être élevée de la terre. — Notre méthode habituelle, Aristote a déjà employé une expression analogue pour la même idée, plus haut, livre I, ch. I, § 3. Voir aussi la Politique, livre 1, ch. 1, § 3, et ch. 3, § 1, p. 4 et 40, de ma première traduction. — C’est l’air, le texte dit précisément : le souffle. Pour Aristote le souffle est quelque chose de plus léger et de plus ténu que l’air ; mais ici j’ai cru devoir conserver ce dernier mot. — Le vent d’ouragan, d’après l’étymologie et l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée, le mot grec signifie : un vent sorti des nuages. Je ne crois pas qu’il y ait dans notre langue de mot correspondant ; et le fait lui-même n’est peut-être pas très exactement observé.
  428. Lors donc que la sécrétion, la pensée de ce § est fort obscure ; et les manuscrits ne donnent pas de variantes. L’auteur veut démontrer, à ce qu’il semble, que les vents sortis des nuages ont la même cause que les pluies abondantes. — En sens contraire, c’est-à-dire, quand elle redescend sous forme de pluie, après être montée sous forme d’exhalaison de diverse nature. — Ces deux phénomènes, le vent d’ouragan sorti des nuages, et la pluie.
  429. Le tourbillon de vent, le texte n’est pas si formel et la phrase n’y est pas très régulière grammaticalement ; j’ai dû lui donner une construction plus précise. — Et sortant d’un nuage, j’ai dû ajouter ces mots pour rendre la force de l’expression grecque. — Ou les défilés, le texte dit : les routes. — Du corps qui s’écoule, le corps qui s’écoule est ici l’air mais en mouvement par diverses causes. — L’espace ne cède pas devant elle, je tire cette explication du commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. — Le lieu est trop étroit, il faut entendre ici par le lieu, les intervalles des corps entre lesquels le vent est obligé de passer. — Et un tourbillon d’air, le texte dit précisément : « un tourbillon de souffle. » — Ce qui est en avant, l’expression du texte est aussi vague. — Une direction oblique, pour tourner l’obstacle qui lui est opposé. — Une seule masse, ou un tout. — Un seul et unique mouvement, Voir la théorie du mouvement circulaire dans la Physique, livre VIII, ch. 14, p. 553 de ma traduction, tome II. — Les tourbillons sur la terre…. dans les nuages, il semble que l’auteur veut établir une différence et un rapport entre les tourbillons qu’on peut observer à la surface de la terre, et ceux qui se forment dans les parties supérieures de l’atmosphère ; mais un peu plus bas, la comparaison n’est plus établie entre les tourbillons terrestres et atmosphériques, mais bien entre deux espèces de tourbillons qui se passent l’un et l’autre dans les nuages. Voir le § 5. Le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée ne donne aucun éclaircissement sur ce point ; et les explications de Vicomercatus ne sont pas satisfaisantes. Le passage reste obscur. — Seulement, il semble qu’il va être question de la différence des tourbillons sur la terre et des tourbillons dans les nuages ; mais on voit qu’il n’en est rien. — Dans l’ouragan, le texte dit : « Quand le vent d’ouragan se produit. » — De même ici, Alexandre comprend qu’il s’agit du typhon ou trombe. D’après tout le contexte, ceci devrait se rapporter aux tourbillons terrestres. — Est toujours entraînée à la suite, de manière à former enfin un cercle. Le texte d’ailleurs n’est pas aussi formel.
  430. Que nous venons d’indiquer, dans le § 3. — Il est porté en bas, et se dirige vers la terre. — Les nuages s’épaississent, Alexandre d’Aphrodisée trouve que cette théorie n’est pas tout à fait d’accord avec celles qui précèdent ; et selon lui, il vaudrait mieux dire que la chaleur s’échappe dans la partie où les nuages s’épaississent, plutôt que le contraire.
  431. S’il est sans couleur, il semble alors que ce phénomène se confond avec l’éclair, qui en diffère parce qu’il est coloré et visible. Le typhon au contraire ne se manifeste que par le mouvement qu’il cause dans les nuages. — Typhon, j’ai conservé le mot grec, parce que je ne sais pas au juste quel est le mot correspondant en notre langue. Le typhon est une sorte de trombe. Voir plus haut, § 7. — Une tempête incomplète, le texte dit précisément : non digérée. De plus il se sert ici, pour exprimer la tempête du même mot dont il s’est servi pour désigner plus haut le vent issu des nuages. Je n’ai pu répéter la même expression. — Ou la trombe, j’ai ajouté ces mots. — Le vent de nuages, même remarque que plus haut sur ce mot. — Ces deux météores, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Des vents, mot à mot : Des souffles. — Une exhalaison sèche et chaude, que le froid éteint et dissipe. — Le principe de l’exhalaison sèche et chaude qui produit le typhon et le vent de nuages.
  432. La gelée et le froid, j’ai répété ces deux mots d’après la phrase précédente ; mais le teste ne les désigne que par un pronom. — Ne seraient pas congelés, le texte n’est pas tout à fait aussi formel.
  433. La trombe ou typhon, il est très probable, d’après la description donnée dans ce §, que le typhon n’est pas autre chose qu’une trombe. — Quand la tempête, ou le vent de nuages. — Où elle est enfermée, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — À la résistance du tourbillon, et à la masse considérable des matières qu’il entraîne avec lui. — La spirale ; ou l’hélice, pour reproduire le mot grec. — Le nuage dont elle ne peut se débarrasser, c’est là, à ce qu’il semble, la différence qu’Aristote vent établir entre le vent de nuages et la trombe, l’ecnéphias et le typhon. L’ecnéphias est plus sec et plus pur ; le typhon entraîne avec lui une partie du nuage où il s’est formé. — En droite ligne, c’est-à-dire sur son trajet et son parcours. La trombe tourne sur elle-même tout en s’avançant. Sur sa route, elle entraîne et bouleverse tout ce qu’elle rencontre. — Et enlève avec violence, ce sont bien les caractères de la trombe.
  434. Le phénomène prend feu, le texte n’a ici qu’un participe au neutre, sans désignation spéciale d’aucun substantif. Il est certain, d’ailleurs, que la trombe ne prend jamais feu ; et Aristote veut parler sans doute du vent qui est la cause initiale de la trombe. — L’air, le texte dit précisément : Le souffle. — Devient plus léger, il ne suffit pu que l’air soit plus léger ; il faut en outre que le mouvement soit beaucoup plus violent et d’une rapidité extrême. — Un météore brûlant, je ne vois pas dans la science actuelle un mot qui réponde exactement à celui du texte, que j’ai dû paraphraser. — Un Prester, j’ai répété le mot grec après la traduction que j’en donne. Il est difficile de savoir de quel phénomène réel Aristote entend parler ; ce phénomène doit avoir quelque rapport avec la trombe, et ce ne sont pas les bolides ordinaires. — Par son ignition, ceci pourrait se rapporter aux bolides lumineux.
  435. Et que cet air soit léger, Aristote a bien senti qu’il fallait ici quelque agent spécial et plus puissant ; mais ce n’est qu’à la fin de notre XVIIIe siècle qu’on a pu expliquer précisément le phénomène de la foudre. — C’est alors une foudre, toutes les circonstances de la foudre ne sont pas assez exactement décrites ; mais au temps d’Aristote l’analyse ne pouvait guère aller plus loin. — D’Étincelant, je n’ai pas trouvé dans notre langue de mot qui répondit mieux au mot poétique du texte. Homère est le poète qu’Aristote veut désigner ici, Iliade, chant VIII, V. 133. — S’il est moins léger et moins brûlant, j’ai préféré cette variante, qui s’accorde mieux avec le contexte, § 10. Quelques manuscrits donnent : « S’il est moins léger, mais qu’il brûle. » M. Ideler a suivi cette dernière leçon, qu’a aussi Alexandre d’Aphrodisée. — Un météore enfumé, j’ai dû paraphraser l’épithète grecque.
  436. L’un, est le premier genre de foudre nommé étincelant par les poètes. — Et de noircir, les objets qu’il frappe. — L’autre, c’est le second genre de foudre que les poètes appellent enfumé. — Qui est plus lent, Voir le § 9. — Mais sans brûler, ceci confirme la leçon que j’ai adoptée au § précédent.
  437. À la percussion qu’ils reçoivent de la foudre, le texte n’a qu’un mot. — En conservent quelque trace, le fait n’est pas absolument exact.— N’en éprouvent aucun effet, même remarque. Les effets que veut indiquer Aristote peuvent être très réels ; mais ils ne sont pas constants dans tous les cas. — Étant plus rare, c’est-à-dire ayant des pores plus larges ; mais la foudre agit très souvent sur les bois comme sur les métaux, et même aussi sur des matières encore plus tendres. — Ne brûle pas en traversant des étoffes, ce peut être vrai dans quelques cas ; mais dans d’autres, les étoffes sont brûlées. — Sont tous des vents, ou des souffles.
  438. Par des observations directes, le texte dit précisément : « par les yeux. » — Ce que l’on a pu remarquer, il semble presque, dans le texte, que l’auteur a dû être témoin du phénomène qu’il décrit. — Naguère ou de notre temps ; le texte dit précisément : maintenant. L’incendie du temple d’Éphèse est de l’an 356 avant J.-C., le jour même, dit-on, de la naissance d’Alexandre. — La flamme, c’est un rapprochement entre la flamme de l’incendie et le feu de la foudre ; mais il y a peu de rapports entre les deux phénomènes. — Que la fumée est un vent, et que par suite, d’après cette théorie, la foudre en est un aussi. — La fumée se brûle, ce fait est exact ; mais on ne voit pas bien en quoi il se rapporte à la foudre. — Antérieurement ailleurs, ceci peut se rapporter au Traité de la génération et de la corruption, livre II, ch. 4, p. 331, b, 26, édit. de Berlin. Voir aussi dans la Météorologie elle-même, plus loin, livre IV, ch. 9, § 41. — Qu’elle n’est qu’un vent, la fumée est alors comme un vent très visible. Mais toutes ces explications ne se rapportent pas assez directement à la foudre.
  439. Ce qui se passe dans les petits foyers, suite de la digression. L’observation d’ailleurs est exacte et curieuse. — Dans l’incendie d’Éphèse, le texte dit simplement : alors. — Les bois, sans doute les poutres qui entraient dans la construction du temple. — Étant une fois rompus, j’ai conservé l’expression même du texte ; et il semble que l’auteur suppose que les bois se rompaient sous l’action de la chaleur avant même d’être enflammés. Alexandre d’Aphrodisée n’a pas commenté ce passage avec les développements habituels de son explication.
  440. Ainsi il faut croire, comme ceci est une conclusion, il est clair que l’exemple de l’incendie d’Éphèse, tout insuffisant qu’il est, a pour but de faire mieux comprendre le phénomène de la foudre. — Le vent précède et accompagne la foudre, c’est en résumé ce qu’Aristote a voulu prouver par cette description de l’incendie d’Éphèse. — Si on ne le voit pas, tandis qu’on le voit sans la moindre incertitude dans la fumée. Voir plus haut, § 13. — C’est qu’il est sans couleur, Voir plus haut, § 8 et § 15. — Sont agités, le fait est exact, bien qu’Aristote ne pût pas en savoir la cause ; et l’action de l’électricité peut souvent se faire sentir avant même que la foudre n’ait touché les objets qu’elle frappe. — Non par le bruit, il est probable qu’Aristote réfute ici quelque théorie reçue de son temps. — Le vent ou le souffle. — À se sécréter et à sortir du nuage, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Il ne les brûle pas, Alexandre d’Aphrodisée prétend que c’est la foudre seule qui brûle ; et il distingue entre le tonnerre et la foudre. Le tonnerre est le bruit, et la foudre est le feu qui consume et brise les objets qu’elle touche.
  441. Voilà ce qu’on avait à dire, Voir plus haut, livre II, ch. 9, § 22. Ici ce résumé est bien placé ; mais il ne l’était pas plus haut.— Du nuage orageux ou du vent de nuages, Voir plus haut, §§ 1 et suiv. — Des ouragans ou presters, Voir plus haut, § 8. — Des trombes ou typhons, Voir plus haut, § 5. — Un seul et même phénomène, on admet aujourd’hui que tous ces phénomènes sont différents les uns des autres, et on ne les ramène pas à une cause unique, comme le fait Aristote ; mais si sa théorie n’est pas exacte, elle est du moins fort conséquente et systématique. — La différence de tous ces météores, Aristote ne les confond pas aussi complètement qu’il semblerait au premier coup d’œil.
  442. Du halo et de l’arc-en-ciel, les deux phénomènes sont assez différents l’un de l’autre, comme le prouve la description même d’Aristote ; mais comme ils sont tous deux des effets d’optique, on conçoit qu’on ait pu les réunir. — Des parhélies et des verges, même remarque. — Par des causes qui sont identiques, ils sont tous des réfractions de la lumière. — Les circonstances et les faits relatifs à chacun d’eux, c’est la méthode d’observation recommandée, si ce n’est appliquée, aussi rigoureusement que nous pourrions le faire aujourd’hui. Voir plus haut, ch. I, § 1 et la note.
  443. Et des astres les plus brillants, en général la science moderne ne s’est guère occupée que des halos du soleil et surtout de la lune. Ceux des étoiles sont trop peu visibles. Mais il est assez remarquable que les anciens, privés de tous nos instruments d’optique, aient pu faire des observations aussi délicates. Voir plus loin, ch. 3, § 1. — Tout aussi bien que le jour, il semble tout d’abord qu’il faudrait renverser la phrase et dire : Le jour tout aussi bien que la nuit ; mais quoique les halos soient plus remarquables autour de la lune, l’auteur ayant commencé par dire qu’ils se forment autour du soleil, on conçoit mieux la justesse de sa pensée et de l’ex-pression dont il se sert.
  444. L’arc-en-ciel au contraire, cette description succincte de l’arc-en-ciel mérite beaucoup d’attention, tout incomplète qu’elle est ; elle fait le plus grand honneur à l’esprit observateur d’Aristote. — Ne forme jamais un cercle complet, notre mot d’arc-en-ciel a cet avantage de représenter parfaitement le fait ; le mot grec est moins heureux. — Qu’une demi-circonférence, l’arc-en-ciel n’est jamais plus grand ; mais il est souvent plus petit. — Le plus petit cercle, il faut entendre non que le diamètre du cercle est plus petit, mais que la portion apparente au-dessus de l’horizon est plus petite. — La corde est la plus grande, parce que le cercle est alors fort ouvert, et l’arc fait partie d’un cercle dont le diamètre est énorme. — Que le cercle est plus grand, cette expression peut faire équivoque d’après ce qui précède ; mais il est clair que l’auteur veut dire que la corde est d’autant plus petite que la demi-circonférence est plus près d’être complète. Le cercle diminue à mesure que le soleil monte sur l’horizon. — Dans l’été, il ne se montre guère vers midi, Aristote est tout à fait d’accord sur ce point avec la science moderne. Voir la Météorologie de M. Kæmtz, traduction française, p. 413. Seulement Aristote ne sait pas la cause mathématique de ces phénomènes, dont il analyse très exactement les détails. — Jamais plus de deux arcs-en-ciel à la fois, on en a quelquefois observé trois ; mais le phénomène est assez rare pour que personne avant Aristote eût eu peut-être l’occasion de l’observer ; et lui-même n’avait pu sans doute l’observer davantage.
  445. A trois couleurs, on sait qu’aujourd’hui on distingue sept couleurs et non trois. Les anciens avaient poussé l’analyse moins loin ; et de plus, ils n’avaient pas décomposé la lumière. — Moins vives dans l’arc extérieur, le fait est exact et tout le monde le remarque. — Et disposées dans un sens contraire, même observation. — Sa première et plus grande circonférence, le fait est exact, c’est-à-dire que le bord extérieur du plus petit arc est rouge. — Sa plus petite circonférence, c’est-à-dire son bord intérieur. — D’une façon analogue, c’est-à-dire en sens inverse de l’arc qui est intérieur et plus petit.
  446. Que les peintres ne puissent point reproduire, dans toute leur vivacité, sous-entendu ; ou bien l’auteur a-t-il peut-être voulu dire que ces trois couleurs primitives sont celles dont les peintres se servent pour composer toutes les autres. — L’écarlate, le vert et le violet, la série complète est, comme on sait : rouge, orangé, jaune, vert, bleu, indigo, violet. Aristote n’indique et n’a observé que les deux extrêmes et le milieu. Ce sont en effet les couleurs les plus frappantes. — Entre l’écarlate et le vert, Aristote ne borne donc pas à trois le nombre des couleurs de l’arc-en-ciel d’une manière absolue ; il entrevoit d’autres nuances, qui sans doute ne lui semblent pas assez marquées pour qu’on les nomme. — Être fauve, c’est l’orangé et le jaune. J’ai pris le terme de fauve, bien que le terme grec signifie surtout : blond.
  447. Les parhélies, on entend par parhélie une image du soleil presqu’aussi brillante que lui. Parfois ces images sont au nombre de deux ou trois. — Les verges ou bâtons lumineux, le texte n’a qu’un seul mot. Dans le langage de la science actuelle, les verges sont appelées Colonnes ; c’est un des météores les moins observés, peut-être parce qu’il est assez rare. — Obliquement et de côté, il n’y a qu’un seul mot dans le texte grec. — Ne viennent point d’en haut, l’auteur veut dire sans doute que le parhélie n’est jamais au-dessus du vrai soleil. — Au soleil, j’ai ajouté ces mots. — Le plus fréquemment, c’est au moment du coucher, je ne sais si cette observation est bien exacte. — Est au milieu du ciel, c’est-à-dire quand le soleil passe au méridien. — Sur le Bosphore, M. Ideler remarque avec raison que le Bosphore étant fort peu connu des anciens au temps d’Aristote, ils y plaçaient une foule de phénomènes peu ou mal observés, et tout à fait extraordinaires. C’est ainsi que les Romains ont fait long temps pour la Germanie, et que nous le faisons aussi nous-mêmes pour la Sibérie ou certaines parties de l’Amérique. — Deux parhélies qui s’étaient levés avec le soleil, le phénomène n’est pas impossible, et par conséquent la tradition que rapporte Aristote peut être fort exacte. Ordinairement les parhélies, ainsi que les colonnes, tiennent à des flocons de neige et à des cristaux de neige très ténus, qui flottent dans l’atmosphère, et où se réfléchissent les rayons lumineux. Voir plus loin, ch. 6, § 7, l’explication détaillée du parhélie.
  448. Ils ne sont qu’une réfraction, de la lumière soit qu’elle vienne du soleil ou de tout autre astre. En d’autres termes, ce ne sont que des phénomènes optiques de l’atmosphère Voir les Derniers Analytiques, livre II, ch. 15, §, p. 270 de ma traduction. A la manière, selon que les rayons sont plus ou moins obliques, plus ou moins verticaux, plus ou moins forts. — Et aux corps, soleil, lune, planètes ou étoiles, selon les divers phénomènes. — Lumineux, ou par lui-même ou par réflexion. Il semble que tout ce § 7 serait mieux placé à la fin du chapitre.
  449. L’arc-en-ciel, l’auteur revient à l’arc-en-ciel, dont il a déjà dit quelques mots un peu plus haut, et auquel il reviendra avec tous les développements nécessaires dans le ch. 4. — Dans l’opinion des anciens, Anaxagore, Démocrite, Empédocle, etc. etc. — En erreur, en effet, c’est une erreur ; les arcs-en-ciel de lune sont très réels ; seulement on les observe peu, à cause des raisons excellentes que donne Aristote lui-même. — Bien qu’il ne se produise pas souvent, le fait est exact.
  450. Il faut nécessairement, c’est peut-être dire trop. — En plus de cinquante ans, ceci ne veut pas dire qu’Aristote ait pu observer personnellement durant un espace de temps aussi long ; mais l’observation n’en est pas moins curieuse, et elle atteste une persévérance rare.
  451. Le rayon lumineux, le texte dit précisément : la vision ou la rue. J’ai cru pouvoir préciser davantage les choses dans ma traduction. — Qui est réfracté par l’eau ou brisé par l’eau ; j’ai préféré le terme le plus scientifique. — Les démonstrations que nous avons établies, le texte n’est pas aussi formel. On pourrait comprendre aussi d’une manière plus générale qu’il s’agit des démonstrations de l’Optique. J’ai préféré le premier sens à cause de la fin de ce chapitre où Aristote cite un de ses ouvrages, comme sans doute il en cite un autre ici. — Et les phénomènes des miroirs, dont l’étude constituait, même chez les anciens, une partie de l’Optique. — N’en reproduisent que les couleurs, en effet, suivant la forme des miroirs, les contours des objets disparaissent tout à fait et sont méconnaissables, tandis que les couleurs sont encore fort apparentes. Il faut entendre ici le terme de miroir dans un sens très large. Des gouttelettes de pluie ou de rosée, par exemple, réfléchissent les couleurs, d’après la théorie d’Aristote ; mais elles sont trop petites pour réfléchir la forme entière des objets. Seulement Aristote confond ici deux phénomènes fort différents : l’un de réfraction, et l’autre de simple réflexion.
  452. Tout petits, comme les gouttelettes de pluies ou les vésicules de brouillard répandues dans l’atmosphère. — Et qui n’offrent aucune dimension sensible, le texte dit précisément : division, au lieu de Dimension. — Une dimension quelconque, même remarque. — Reste la couleur seule, cette théorie n’est pas absolument fausse, bien qu’elle soit peu complète.
  453. Paraît brillante, dans les miroirs, petits ou grands, où elle est réfléchie. — Soit que la vision soit trop faible, j’ai pris avec intention ce mot de vision qui peut se prêter à un double sens. Alexandre d’Aphrodisée comprend qu’il s’agit de la vue. Selon moi, il peut être question aussi de l’image.— Nous avons démontré relativement aux sens, Alexandre d’Aphrodisée rapporte cette indication au Traité de la Sensation et des choses sensibles. Voir ce traité, ch. 2, § 5, p. 29 de ma traduction. Voir aussi le Traité de l’âme, livre II, ch. 7, § 1 et suiv. p. 208 de ma traduction. — Déjà posés par nous, le texte n’est pas aussi formel.
  454. De la forme du halo, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — Autour de quelques autres astres, planètes ou étoiles. — L’explication sera la même, Voir plus haut, ch. 2, § 7.
  455. Une réfraction de la vision, Voir plus haut, ch. 2, § 12. — L’air et la vapeur, peut-être n’aurait-il fallu parler que de la vapeur. La vapeur étant fort égale, ou peut-être, de surface fort unie. Et réduite en parties fort ténues, ce sont les vésicules du brouillard, par exemple. La science moderne a essayé de constater leurs dimensions et leurs diamètres, qui ont été trouvés de 0,014 à 0,035 de millimètres, selon les diverses saisons de l’année. Voir la Météorologie de Kaemtz, traduction française, p. 103. Il est clair d’ailleurs que cette description du halo est insuffisante, et qu’elle ne le fait pas assez connaître.
  456. La condensation des vapeurs, il faut entendre ici le mot de Condensation dans le sens d’Accumulation, et non dans son sens scientifique ordinaire. — Est un signe de pluie, parce qu’en effet, s’il ne se formait pas des accumulations de vapeurs, la pluie ne serait pu possible. — Leur dispersion, de manière qu’il reste encore des vapeurs, mais qu’elles soient disséminées. — Leur disparition, de manière qu’elles soient tout à fait absorbées. — Toute sa consistance naturelle, le texte n’est pas aussi formel.
  457. Cette condensation qui, donnant à l’épaississement, le texte est aussi embarrassé que ma traduction ; mais je n’ai pas cru pouvoir y rien changer — Ces condensations de vapeurs, le texte est moins précis. — Plus noires que toutes les autres, le fait est exact ; mais la cause indiquée par Aristote ne l’est pas ; et il est assez probable que c’est la présence de l’électricité qui donne aux nuages la couleur foncée qu’ils ont quelquefois.
  458. C’est signe de vent, l’explication est ingénieuse. — Qui souffle déjà, le texte dit simplement : « Qui est déjà. » — On ne le sente pas encore, sous-entendu, sur terre.
  459. Se dissipe et disparaît, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — En état de dominer la chaleur, c’est-à-dire que l’air n’a pas pu se refroidir encore assez pour que la vapeur s’y change en eau. — La vapeur, qui produira l’eau. — Dégagée de l’exhalaison sèche, qui échauffe l’air et l’empêche de se condenser en pluie. — Voilà donc dans quelles conditions, il ne semble pas que ces conditions soient assez spéciales au halo. Le commentateur grec, sans doute Alexandre d’Égée, cite ici les travaux de son maître Sosigène sur la théorie de la vision, et il rappelle aussi ceux de Posidonius, qui n’a fait que suivre Aristote ; f° 116, recto, ligne 10, édit. de 1527.
  460. La vision se réfracte de la nuée, le texte n’est pas plus clair ; et j’ai craint de fausser le sens en précisant davantage. Ce n’est pas directement la vision ou la vue qui se réfracte, comme Aristote le dit ; mais le rayon du soleil ou de la lune est réfracté dans les nuages, avant d’arriver jusqu’à nos yeux. — En sens contraire, c’est-à-dire à l’opposé du point où est l’astre. Voir au chapitre suivant la théorie de l’arc-en-ciel. — Comme la vision, le texte n’est pas aussi précis. — Ou une partie de cercle, quand les nuages n’entourent pas l’astre complètement. — Des lignes menées d’un même point, il faut se représenter deux cônes opposés par leurs bases. Il est évident que les lignes menées du sommet d’un des cônes au sommet de l’autre cône, en passant par sa bise, seront toutes égales. — Sur la circonférence d’un cercle, qui est ici la base commune des deux cônes.
  461. D’un point A sommet d’un premier cône. — Vers le point B, sommet de l’autre cône, opposé par sa base au premier. — La ligne réfractée ACB, c’est-à-dire une ligne qui suit la surface du cône en partant du sommet ; elle va jusqu’à la base ; et là elle est réfractée, c’est-à-dire brisée, pour aller au sommet de l’autre cône. — Les lignes AC, AF, AD, toutes ces lignes sont égales, puisqu’elles partent toutes du même sommet et qu’elles aboutissent à une seule circonférence. Elles sont en quelque sorte des rayons. — Menées à B, sommet de l’autre cône. — Joignons la ligne AEB, c’est-à-dire les deux sommets des cônes par une ligne qui passe par le centre de leurs bases, E. Les triangles sont égaux, ce sont les triangles formés par la ligne qui joint les sommets, par les lignes qui vont des sommets à la base, et par celles qui, de la circonférence de la base, vont au centre de cette même base.
  462. A partir des angles, c’est-à-dire des points de la circonférence où les lignes parties d’un sommet se brisent pour aller à l’autre sommet. — De C…, de F…, de D, C, F, D, sont des points pris sur la circonférence de la base commune des deux cônes. — Et en un seul point E, qui est le centre de la base des cônes. — Sera donc un cercle, c’est évident d’après la figure qui vient d’être décrite ; mais ceci n’explique peut-être pu suffisamment comment le halo lui-même est circulaire. Soit B le soleil, c’est-à-dire le sommet du cône supérieur. — Et A, la vue, c’est-à-dire le sommet du cône inférieur. — La circonférence CFD, qui est la base des deux cônes opposés.— D’où la vision, ou la vue.— Réfractée vers le soleil, c’est le contraire qu’il faudrait dire : « d’où le soleil est réfracté vers la vue. » C’est le rayon solaire qui est réfracté ; ce n’est pas le rayon qu’on suppose parti des yeux. Pour toute cette explication géométrique, voir la figure ci-jointe.
  463. Les miroirs, qui sont les vésicules de vapeurs dont le nuage est formé, et qui sont d’une extrême ténuité. Chacun à part, j’ai rappelé un peu plus haut, § 2, quelles sont les dimensions excessivement petites que la science moderne trouve aux vésicules de la vapeur et du brouillard. — Par la continuité, puisque les vésicules se touchent, comme on vient de le dire.
  464. La couleur blanche, le texte dit : le blanc. — Parce que le soleil, l’expression du texte n’est pu aussi précise ; et la phrase n’est pas régulièrement construite sous le rapport de la grammaire. — Dans chacun des miroirs, qui sont les vésicules de la vapeur. — Aucune dimension appréciable, à cause de la petitesse même des vésicules sur lesquelles tombent les rayons. — C’est surtout… le phénomène, toute cette phrase est rejetée par Vicomercatus et par M. Ideler à la fin du §, où elle semble mieux placée ; mais cette transposition, que n’admet pas non plus l’édition de Berlin, ne m’a pas paru indispensable.— Que le halo se forme, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. La pensée d’ailleurs n’est peut-être pas très juste ; et on ne conçoit pas que le halo puisse se former autrement que du côté de la terre ; car du côté du soleil nous ne savons pas comment il se produit, puisque nous ne pouvons l’observer. Alexandre d’Aphrodisée remarque lui-même que ce passage est obscur. — Parce qu’il y a moins de vent, le vent est moins fort à la partie inférieure du nuage qu’à sa partie supérieure, que nous ne pouvons pas voir. — D’accumulation visible, j’ai reproduit la concision du texte. L’auteur veut dire que les vapeurs chassées par les nuages ne s’arrêtent pas assez longtemps pour que le phénomène soit visible. — Le pourtour qui touche la partie blanche, le texte n’est pas aussi explicite. — Paraît noir, le fait est exact ; mais il aurait fallu tâcher de l’expliquer après l’avoir constaté. C’est difficile sans doute ; et je ne crois pas que la science moderne y soit parvenue. — Le fait ressortir, le texte n’est pas aussi précis.
  465. Qu’autour du soleil, j’ai ajouté ces mots qui sont impliqués dans le contexte ; et le reste de la phrase prouve qu’il ne s’agit que d’une comparaison entre le soleil et la lune. — Les concrétions de l’air, c’est-à-dire les accumulations de vapeurs. L’expression n’est peut-être pas juste ; mais le fait est exact, et la science moderne poussant l’analyse plus loin, a distingué plusieurs degrés dans la formation des vapeurs : les cirrus, les cumulus, les stratus, les nimbus, avec leurs variétés de cirrocumulus, de cirrostratus, de cumulo-stratus, etc. etc. Les marins avaient dès longtemps remarqué ces différences qui correspondent pour eux à des changements importants dans l’atmosphère. Voir la Météorologie de Kaemtz, traduction française, p. 108. — Par les mêmes causes, qui ont été exposées plus haut, § § 6 et 7. — Autour des astres, planètes ou étoiles fixes. — Les signes qu’ils donnent ne sont pas les mêmes, les signes sont relatifs au beau ou au mauvais temps. Voir plus haut, § 3. — En état de rien produire, c’est-à-dire capable de produire de la pluie. Cette théorie des halos est loin d’être complète ; mais elle est encore une des plus développées que présente l’histoire de la science.
  466. Nous avons déjà dit, Voir plus haut, ch. 2, § 7. — Qu’une réfraction, et par conséquent le phénomène tout entier n’est qu’un phénomène d’optique. — Au juste, j’ai ajouté ces mots. — De toutes les circonstances qui l’accompagnent, on voit avec quelle rigueur Aristote essaie d’appliquer la méthode d’observation. — C’est ce que nous allons expliquer, le texte est moins formel.
  467. La vision, Voir plus haut, ch. 2, §§ 10 et 12. Voir aussi le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. II, § 4, p. 28 de ma traduction. — Semble se réfracter, et aussi se réfléchir. J’ai déjà remarqué qu’Aristote confondait souvent les deux phénomènes de la réflexion et de la réfraction de la lumière. Voir plus haut, ch. 2, § 10. — Tous les corps lisses, c’est évidemment alors une réflexion et non une réfraction proprement dite. — L’air ainsi que l’eau, on conçoit que l’eau puisse être considérée comme un corps lisse ; mais on le conçoit moins pour l’air, à cause de sa mobilité. — Il se trouve condensé, sous forme de vapeurs ou de nuages. — De la vue, ici c’est bien de la vue et de la disposition des yeux qu’il s’agit, comme la suite le prouve. — Il produise souvent une réfraction, ceci semble se rapporter à l’air ; et d’après la construction de la phrase dans le texte, il n’y a pas le moindre doute ; mais il vaudrait mieux dire : « Il se produise souvent une réfraction. » — Sans condensation ni épaississement, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Un malade qu’on cite, dans bien des cas d’ophtalmie, le malade voit les objets tout irisés à cause du sang qui s’est infiltré dans quelques parties de l’œil, et qui réfracte la lumière. — Mauvaise, ou courte. — Peu perçante, c’était surtout par l’altération des divers liquides de l’œil. Selon Alexandre d’Aphrodisée, ce malade, dont l’affection avait été fort remarquée, se nommait Antiphéron, et il était d’Orée. Aristote en parle aussi dans le traité de la Mémoire, ch. 1, § 9, p. 119 de ma traduction.
  468. Sa propre image qui le précédait, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — De l’individu à l’individu lui-même, j’ai ajouté : de l’individu. — Qu’il ne pouvait repousser, c’est la traduction exacte du texte. Il semble que dans le système d’Aristote, les rayons partis des yeux percent les couches de l’atmosphère, et les repoussent ainsi plus ou moins loin. La locution vulgaire de « Vue perçante » se rapporte elle-même à un ordre d’idées analogue. — Comme l’air qui est loin, pour que ceci fût exact, il faudrait que dans tous les cas l’image se produisît à distance pour les vues les plus saines, comme elle se produisait pour ce malade ; ce qui n’est pas. — Et épais, à cause des différentes couches d’air accumulées les unes devant les autres.
  469. Les cimes des promontoires, le texte dit simplement : les pointes. — Quand souffle le vent du sud-est, parce que le vent du sud-est apportait sans doute en Grèce beaucoup d’humidité dans l’atmosphère. — Semblent plus grands, observation très juste, qu’Aristote sans doute n’a pas faite la premier, mais que le premier il a constatée dans ses ouvrages. — Que quand ils sont au milieu du ciel, à l’horizon, il faut que les rayons lumineux pénètrent les couches nombreuses et humides de l’atmosphère où ils sont déviés ; et l’astre paraît beaucoup plus grand. Au méridien, il paraît beaucoup plus petit, parce que les couches de vapeurs sont bien moindres et plus sèches en sens perpendiculaire.
  470. L’eau dans les nuages, le texte dit simplement : l’eau ; mais évidemment il s’agit ici de l’eau qui est dans les nuages, sous forme vésiculaire. — Quand elle commence à se former, et qu’elle se constitue à l’état de nuage, d’après l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée. — Que n’en produit l’air lui-même, le fait est exact. — La goutte de pluie, ou la vésicule de vapeur. — Que la nuée ne peut l’être, parce que la lumière est encore plus diffuse sur les nuages qu’elle ne l’est sur chacune des gouttelettes.
  471. On l’a dit plus haut, ch. 2, § 10 et 11. — Il va commencer à pleuvoir, le texte dit précisément : « Quand il commence à pleuvoir. » Ce qui ne s’accorde pas bien avec ce qui suit. J’ai tâché de rétablir la concordance en détournant un peu l’expression. — À l’opposite, dans la partie du ciel opposée à celle où le phénomène va se passer. — Assez brillant pour que le nuage fasse miroir, c’est-à-dire que la lumière est assez puissante pour parvenir jusqu’au nuage tout éloigné qu’il est. — Et que la réfraction se produise, malgré la distance où le nuage peut être placé relativement au corps lumineux. — Mais non de la forme, Voir plus haut, ch. 2, § 10.
  472. Étant petit et imperceptible, Voir plus haut, ch. 2, § 11. — Paraisse être de la même couleur, ceci ne se comprend pas bien, puisque l’arc-en-ciel est de plusieurs couleurs, et de trois au moins, comme on l’établira plus bas. Mais peut-être l’auteur veut-il parler des différentes lignes concentriques qui composent l’arc-en-ciel, et en effet chacune de ces lignes, dans sa continuité semi-circulaire, conserve une seule et même couleur. Ainsi comprise, la description d’Aristote serait exacte.
  473. Fournit la même couleur au continu, c’est dans la continuité d’une même ligne, ou si l’on veut d’une même bande. — Sont dans cette position, la science moderne a poussé plus loin l’analyse, et elle a déterminé précisément sous quel angle les rayons du soleil devaient entrer dans les gouttelettes de pluie, pour que l’arc-en-ciel se produisit par la décomposition de la lumière. Les angles varient quelque peu de grandeur selon la nature et la couleur des rayons lumineux ; il y a deux degrés de différence entre les angles des rayons rouges et ceux des rayons violets. — Nous sommes placés entre deux, une des conditions essentielles du phénomène, c’est que le spectateur soit placé entre le soleil et le nuage. Le soleil, le spectateur et le centre du nuage sont sur une même droite.
  474. Toutes seules à l’exclusion des autres, le texte n’est pas tout à fait aussi positif. — De la vision relativement au soleil, il faudrait dire au contraire une réfraction du rayon solaire vers l’œil, — A l’opposé du soleil, le soleil étant derrière le spectateur. — Se produit autour de cet astre, Voir plus haut, ch. 3, § 7. — La variété des couleurs, et aussi la forme, qui est circulaire dans un cas, et semi-circulaire, dans l’autre.
  475. Et du noir, j’ai gardé la concision du texte. Le noir, c’est le nuage, généralement très sombre, sur lequel se projette l’arc-en-ciel. — Et elle part de loin, elle vient en effet du soleil jusqu’au nuage, qui est placé à l’opposite, de manière que les rayons du soleil y entrent sous un certain angle. — L’autre au contraire, la réfraction du halo.— Se fait de près, il serait très difficile de fixer la distance du halo à l’astre qui le produit ; sa position est tout autre, et elle suffit pour expliquer comment nous le croyons plus près de l’astre, sans que peut-être il le soit.— Vient de l’air, dans lequel il y a toujours beaucoup de vapeurs et d’humidité. — Est plus blanc, que le nuage sur lequel l’arc-en-ciel est projeté. — La partie brillante, c’est-à-dire la circonférence extérieure du premier arc-en-ciel. — Paraît écarlate, en effet, le bord extérieur du premier arc-en-ciel est rouge, et son bord intérieur est violet. — À cause du noir, par le contraste que la partie brillante fait avec le nuage sombre du fonds. — En se réfractant, j’ai cru devoir ajouter ces mots, qui m’ont paru indispensables ; mais j’ai d’ailleurs conservé la concision du texte autant que je l’ai pu. Je l’aurais défiguré en le développant.
  476. Et de couleur blanche, le fait est peu exact ; et c’est la théorie seule qui prête au feu une blancheur qu’il n’a pas. — Se mêle à beaucoup de fumée, il est certain que le feu paraît plus rouge quand il est vu au travers de la fumée ; mais ceci ne prouve pas qu’il soit blanc de sa nature, comme le prétend Aristote. — Rougeâtre et écarlate, il n’y a qu’un seul mot dans le texte grec.
  477. Du moins la première, ceci peut se comprendre de deux façons : ou il s’agit du premier arc-en-ciel dont le bord extérieur est rouge ; ou il s’agit de la première bande de ce même arc-en-ciel. Cette différence d’ailleurs importe peu. — Plus tard, Voir plus loin, § 25.
  478. Où se forme le halo, j’ai ajouté ces mots. — Ne peut pas durer longtemps, il semble au contraire que les halos durent ordinairement autour de la lune, si ce n’est autour du soleil, plus longtemps que les arcs-en-ciel. — Mais quand l’astre et le nuage, le texte est beaucoup moins précis. — Sont diamétralement opposés, le texte dit simplement : Des contraires.— Avant que l’eau ne se produise, c’est-à-dire que la vapeur ne se forme en gouttelettes qui produiront de la pluie. — Sans cette circonstance, c’est-à-dire si la vapeur ne disparaissait pas aussi vite.
  479. Verges ou bâtons lumineux, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. On appelle aussi ces météores des Colonnes. Voir plus loin, ch. 6. — Cette apparence, de la coloration plus ou moins prononcée.— Circulairement, comme le halo, ou demi-circulairement comme l’arc-en-ciel. — Qu’en partie et faiblement, je ne sais si le fait est exact et si la science moderne l’a constaté. Le phénomène étant assez rare, l’observation est d’autant plus difficile. — L’eau, qui est dans le nuage où se reflète l’arc-en-ciel. — Ou tel autre corps noir, Voir plus haut, § 10. — Ainsi que nous l’avons dit, id. ibid. — Celui qu’on voit aux lampes, c’est un halo plutôt qu’un arc-en-ciel, qui, dans certains cas, paraît autour des lampes.
  480. Quand le vent du midi souffle, parce que le vent du midi apportait dans la Grèce beaucoup d’humidité venant de l’évaporation marine. Qui ont les yeux humides, et larmoyante par maladie ou par toute autre cause. — À cause de sa faiblesse, Voir plus haut, § 3 l’exemple d’Antiphéron.
  481. À la suie, le mot n’est peut-être pas très exact ; mais notre langue ne m’en a pas offert de meilleur.— Il se forme un miroir, il aurait mieux valu dire : « une sorte de miroir. » — À la couleur noire de la suie, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Une sorte de fumée, le texte dit : « fumeuse. » — N’est pas blanche, non plus que celle du feu. Voir plus haut, § 11. — Rougeâtre, ou couleur de pourpre, c’est-à-dire un peu violacée. — Elle n’est pas rouge, comme la couleur de l’arc-en-ciel. — La vision, qui est réfractée, est courte, c’est-à-dire que la lampe n’est pas très éloignée de l’œil, par lequel il y a réfraction de la lumière. Voir plus haut, § 10. — Et que le miroir est noir, ceci semble contredire ce qui a été dit plus haut, § 10, où le fond noir sur lequel se projette l’arc-en-ciel, était considéré comme augmentant la vivacité de la couleur rouge.
  482. Qui se forme sous les rames, l’expression est peut-être trop concise et un peu incomplète. L’arc-en-ciel se forme bien sous les rames ; mais c’est précisément dans les gouttes d’eau qui tombent de la rame qu’on relève. — Quant à la position, c’est-à-dire qu’il faut que le soleil et le spectateur soient placés de même, par rapport aux gouttelettes tombant des rames, que par rapport aux gouttelettes suspendues dans les nuages où se forme l’arc-en-ciel céleste.— Précisément rouge, le fait n’est pas très exact ; et l’arc-en-ciel dans ce cas a bien les couleurs du prisme. — Une couleur de pourpre, et un peu violacée, par conséquent. Des gouttelettes, qui découlent de la rame enlevée au-dessus de l’eau. — Tout à fait de l’eau, et non pas seulement de la matière d’eau, comme les vésicules qui forment le nuage. J’emprunte cette explication à Alexandre d’Aphrodisée.
  483. Il se forme également un arc-en-ciel, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Lorsque l’on jette des gouttelettes d’eau, même remarque. — Au soleil…. le soleil, répétition qui est dans le texte. Ceci est d’ailleurs une véritable expérience ; et c’est plus qu’une simple observation.
  484. Dans le lieu qui est en dehors, ou bien : à quelqu’un qui se tient en dehors. — Et font ombre, c’est l’expression même du texte ; je l’ai reproduite, bien qu’elle soit assez bizarre, puisque c’est l’absence même des rayons qui produit l’ombre. — Qui est formé par l’effet des rames, ou plutôt : « Qui est formé dans les gouttes d’eau tombant des rames. »
  485. Comment se produit la couleur de l’arc-en-ciel, le texte est moins précis.— Aux autres couleurs, ces autres couleurs se réduiront à deux, comme on le verra plus bas ; et Aristote ne donne à l’arc-en-ciel que trois couleurs en tout. Voir plus bas, § 25. — Je viens de le dire, plus haut §§ 10 et 11 : — Sur un corps noir, le texte dit précisément : « dans un corps noir. » — De la couleur, j’ai ajouté ces mots. Le fait d’ailleurs est exact ; et le noir est comme une absence de la lumière, et par conséquent, une négation de couleur. — La vision vient à manquer, cette expression est peu précise ; mais je n’ai pas voulu la modifier, de peur de faire mal comprendre le texte. — Plus noirs, et surtout plus petits. Voir le § suivant.
  486. D’après ce qui se passe pour les sens, le texte ne peut pas avoir une autre signification. Mais il est évident qu’Aristote veut désigner ici, comme le croit Alexandre d’Aphrodisée, ses ouvrages sur les sens : c’est-à-dire le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. 2 et 3, p. 26 et 36, de ma traduction, et le Traité de l’âme, livre II, ch. 7, p. 198, de ma traduction. — Plus unis, peut-être aurait-il mieux valu traduire : Plus uniformes.
  487. À cause de la réfraction, la réfraction n’est pas la seule cause de ces effets d’optique ; l’éloignement y a aussi une grande part en diminuant les angles ; mais si Aristote n’a pas poussé l’analyse usez loin, c’est déjà beaucoup qu’il ait entrevu et posé toutes ces questions. — Ne sont aperçus que très faiblement, c’est la traduction assez exacte du texte, dont l’expression est aussi vague que celle dont je me suis servi. — L’objet vu ou bien la vue elle-même, cette question a une grande importance scientifique, et pour l’exacte explication des faits. Mais il est évident que ce n’est ni l’objet ni la vue qui change ; mais c’est le milieu atmosphérique où se passe le phénomène. La distance, selon qu’elle s’accroît ou qu’elle diminue, change tous les angles sous lesquels l’image de l’objet arrive à l’organe.
  488. Il semble tout blanc, quand le nuage est blanc par lui-même ; ce qui n’est pas toujours. — Dans l’eau, il a quelque couleur, à cause de la réfraction que les rayons lumineux subissent dans le liquide. — Brisée à cause de sa faiblesse, cette faiblesse peut tenir soit à l’organe lui-même, soit à la distance qui diminue l’intensité des rayons lumineux.
  489. La vision plus forte, l’ex-pression de l’original aurait pu être plus précise ; mais il est bien remarquable qu’Aristote ait senti que entre les diverses couleurs il devait y avoir une différence de réfrangibilité. — Et la plus faible encore passe au violet, ceci n’est plus exact, et la moindre réfrangibilité se trouve au milieu, c’est-à-dire dans le vert ou les couleurs avoisinantes. Le violet retourne au rouge et s’en rapproche. — Il n’y a plus de vision possible, cette observation est très profonde, et la science moderne ne la contredirait pas. — Dans ces trois couleurs, les seules qu’Aristote ait distinguées dans l’arc-en-ciel, quoiqu’il vît bien qu’on y pouvait encore distinguer plusieurs nuances. — Tout finit ici après trois, Voir sur le nombre Trois un passage du Traité du Ciel, livre I, ch. 1, p. 268, a, 11, édit. de Berlin. — Des autres couleurs, le texte n’est pas tout à fait aussi précis, et le mot dont il se sert est indéterminé. — Ne paraît que de trois couleurs, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  490. Mais en sens contraire, le fait est exact ; et il est ici fort bien décrit, sauf le nombre des couleurs, quoique, d’ailleurs, Aristote reconnaisse bien qu’il y a plus de trois nuances. Voir le § suivant. — La plus forte vision, j’ai reproduit exactement l’expression du texte, tout obscure qu’elle est ; mais évidemment l’auteur veut dire que la réfraction est d’autant plus forte que la circonférence est plus grande. — Et la plus grande circonférence est celle du dehors, c’est vrai pour la couleur rouge de l’arc-en-ciel intérieur ; mais comme dans le second arc-en-ciel, le rouge est sur la circonférence la plus petite, l’explication n’est pas suffisante ; et Aristote aurait pu s’en apercevoir lui-même. — Dans des rapports proportionnels, de réfrangibilité et de coloration. — Que ces trois seules couleurs, le § suivant prouve qu’Aristote reconnaissait aussi qu’on pouvait distinguer d’autres nuances dans l’arc-en-ciel.
  491. Si le jaune se montre aussi, le jaune est la troisième couleur du prisme : rouge, orangé, jaune, vert, etc. — De la proximité même des couleurs, cet effet est très réel, et l’on sait aujourd’hui, après les beaux travaux de M. Chevreul, quelle influence les couleurs exercent les unes sur les autres quand elles sont rapprochées. Voir les faits cités plus loin, § 29. — Près du vert paraît blanc, c’est trop dire ; mais le rouge près du vert perd en effet de son intensité ; et en ce sens, on peut dire qu’il tourne au blanc. — Plus le nuage est noir, le nuage sur lequel se projette l’arc-en-ciel. — Sont mêlées, cette observation est très délicate ; mais les couleurs, quelque tranchées qu’elles soient, ne sont pas réduites à trois, comme le dit. Aristote. — Le rouge paraît le plus jaune, ceci n’est pas exact ; ce n’est pas que le rouge paraisse plus jaune ; mais le jaune prend plus d’intensité comme le reste des couleurs. — Entre la couleur rouge et la couleur verte, c’est exact ; mais outre la couleur jaune, on distingue encore la couleur orangée entre le rouge et le jaune. Aristote confond donc trois couleurs en une seule, et il comprend l’orangé et le jaune dans le rouge. — Paraît si blanche, cet effet du contraste est certain, bien qu’on ne puisse pas dire précisément que le rouge passe au blanc.
  492. Se rapproche beaucoup du blanc, le texte est beaucoup moins précis, et il n’a ici qu’un adverbe dont le sens est obscur. Mais il me semble que ce qui précède autorise tout à fait le sens que j’ai préféré. — La nuée, qui est blanche, c’est-à-dire cette portion de l’arc-en-ciel qui, d’abord rouge, s’éteint peu à peu, et passe au jaune avant de devenir blanche à côté du vert.
  493. L’arc-en-ciel qui est formé par la lune, l’arc-en-ciel lunaire est beaucoup plus rare que l’arc-en-ciel solaire — Il semble tout à fait blanc, ceci n’est pas exact, et l’on a observé quelquefois toutes les couleurs du prisme dans l’arc-en-ciel lunaire. Mais Aristote aurait pu dire que ces couleurs sont beaucoup plus pâles ; c’est peut-être en ce sens qu’il parle de la blancheur de cette espèce d’arc-en-ciel. — Comme du feu sur du feu, cette expression un peu concise veut dire que le feu sur du feu paraît moins ardent que quand il est isolé. — Du noir près du noir, le noir près du noir paraît moins noir que s’il est à côté du blanc. — Fait que ce qui est un peu blanc, il aurait fallu développer ceci davantage ; mais la pensée générale se comprend bien. Le contraste rend beaucoup plus blanc ce qui l’est peu. — Qui est dans ce cas, c’est-à-dire qui est un peu blanche, comparativement au nuage noir qui l’entoure.
  494. Sur les nuances des fleurs, ajoutez : « que l’on brode ou que l’on fait en teinture. « Le texte dit simplement : « Sur les fleurs ; » mais la suite prouve qu’il s’agit non des fleurs naturelles, mais des couleurs appliquées sur des étoffes. — Diffèrent d’apparence, c’est sur ce fait que sont fondées toutes les théories admirables de M. Chevreul sur le contraste simultané des couleurs. Seulement le savant moderne a poussé l’analyse beaucoup plus loin et c’est un des sujets sur lesquels il est facile de se donner le spectacle des progrès de la science.— Ou bien placées sous tel ou tel jour, j’adopte la leçon suivie par M. Ideler, et dont le sens ne diffère pas essentiellement de la leçon vulgaire. — Travaillent à la lampe, c’est une remarque qu’on peut faire soi-même à tout moment. Les couleurs vues le noir à la lumière sont à peine reconnaissables.
  495. Pourquoi il n’a que ces trois-là, Voir plus haut, § 25. — L’arc-en-ciel double, on pourrait dire aussi Le second arc-en-ciel. — Des couleurs plus pâles, le fait est exact et très facile à observer. — Dans une disposition inverse, même remarque.
  496. S’élargissant davantage, parce que l’arc extérieur est plus grand que l’arc intérieur. — Comme s’il était plus éloigné, la raison paraît assez ingénieuse ; mais elle n’est pas peut-être fort exacte. L’arc pourrait être plus rapproché tout en étant plus grand ; alors il serait plus visible, et ses couleurs seraient plus intenses. — Et dans le phénomène du second arc-en-ciel, le texte n’est pas aussi précis. — Se produit de plus loin, c’est-à-dire que l’angle est plus ouvert, à moins qu’on ne suppose que le second arc-en-ciel n’est pas dans le même plan que le premier, et qu’il se trouve dans un plan plus éloigné. — Plus petite, c’est le mot même du texte. On pourrait traduire aussi : « plus faible. »
  497. Et si les couleurs sont renversées, seconde partie du phénomène. Voir plus haut, § 30. — Davantage de réfractions, l’expression du texte est plus vague. — Qui est la circonférence intérieure, du second arc-en-ciel. — Étant plus près de la vue, comme étant moins large. Voir le § précédent. — Qui est la plus rapprochée, et qui est la circonférence rouge du premier arc-en-ciel. — Ainsi, elle aura la couleur rouge, l’explication peut ne pas paraître suffisante. Le texte est d’ailleurs trop concis, et c’est là une des causes qui le rendent obscur, indépendamment de la difficulté même que présente le phénomène. — Seront dans des rapports proportionnels, c’est-à-dire que la seconde bande sera verte, et la troisième sera violette. — Soit l’arc-en-ciel extérieur, B, il faudrait tracer ici deux demi-cercles concentriques qui représenteraient les deux arcs-en-ciel. Les couleurs seraient placées, dans le premier : violet, vert, rouge, EDC ; et dans le second, à l’inverse : rouge, vert, violet, CDE. Le jaune F serait placé dans les deux arcs entre le rouge et le vert, d’après la théorie d’Aristote. Voir plus haut, dans ce chapitre, § 4, et dans le chapitre suivant, § 1.
  498. Il n’y a pas trois arcs-en-ciel, le fait est inexact ; et quelquefois il se produit un troisième arc, dont les couleurs sont encore moins vives que celles du second.
  499. Entièrement, j’ai ajouté ce mot. — Que nous les avons dites, le texte n’est pas aussi formel. Voir les chapitres précédents. — La figure ci-jointe, j’ai déjà remarqué plus haut, livre I, ch. 8, 18, que, selon toute apparence, Aristote avait été le premier inventeur de ces illustrations appliquées à des explications scientifiques. Les mathématiques ont dû nécessairement faire usage de figures dès leurs premiers pas ; (voir plus haut, livre II, ch. 6, § 3) ; mais c’est un procédé qu’Aristote a étendu à toutes les sciences.
  500. Un hémisphère au-dessus de l’horizon, voir la figure ci-jointe ; elle aidera à suivre la démonstration. — Tel autre point s’élevant sur l’horizon, ce point est le soleil ou la lune, c’est-à-dire le corps lumineux qui doit produire l’arc-en-ciel. — De C, en forme de cône, C, centre de l’hémisphère et de l’horizon, est aussi la place du spectateur. Vicomercatus a remarqué avec raison que les lettres choisies par Aristote étaient les premières des mots grecs exprimant les objets qu’il veut désigner : Kappa, première lettre de Kentron, pour le centre ; Héta, première lettre de Hélios, pour le soleil ; Mu, première lettre de Mélan, le noir, le nuage. Cependant la lettre A représente l’hémisphère, bien qu’elle ne commence pas ce mot en grec, non plus qu’en français. J’ai imité l’exemple d’Aristote, en adoptant l’idée de Vicomercatus ; et voilà pourquoi j’ai pris les lettres C pour Centre, S pour Soleil, N pour Nuage, et A pour Hémisphère. — En forme de cône, veut dire que l’angle SCN ne pourra jamais être droit, et qu’il restera toujours plus ou moins obtus à mesure que le point lumineux S élèvera sur l’horizon. — Sur le plus grand angle, l’angle SCN plus grand que l’angle SNC, ou que l’angle NSC. — Une circonférence de cercle, ou plutôt une demi-circonférence, puisqu’il ne s’agit que d’un hémisphère, comme on le dira au § suivant, et comme on vient de le dire un peu plus haut. Nais Aristote suppose que le mouvement pourrait se continuer sur la circonférence entière.
  501. Soit au lever soit au coucher de l’astre, cette indication est bien vague ; et peut-être eût-il fallu préciser la hauteur de l’astre au-dessus de l’horizon. — Sera en ascension, le texte dit simplement : « en haut ; » mais il est évident que l’astre est supposé en mouvement. — Interceptée, j’ai ajouté ce mot. — Lorsque l’astre est au méridien, c’est-à-dire quand il est au plus haut de sa course, et qu’il n’a plus qu’à redescendre.
  502. Supposons d’abord que l’astre soit à son lever, première partie de la démonstration. L’astre qui est le soleil est supposé à son lever ; et l’on veut prouver que l’arc-en-ciel ne sera qu’une demi-circonférence. Pour que ceci se comprenne mieux, il faut retourner la figure tout en conservant la même construction géométrique. Mais je n’ai pu joindre ici des figures comme plus haut, parce que je ne suis pas assez sûr de la disposition qu’il faudrait leur donner. Le soleil S se lève ; le spectateur est toujours au centre en C ; le nuage d’où les rayons doivent être réfractés est en N. — Le plan représenté par A, le texte dit précisément : la surface. — Un cercle, l’expression n’est pas juste, puisqu’il ne s’agit d’abord que d’un hémisphère, et qu’ensuite ce n’est qu’une section sphérique ; mais la vue en C reçoit un faisceau de rayons lumineux, qui forment un cône, et dont la bue est un cercle. — Le plus grand possible, le cercle représenté par A n’est pas le plus grand possible précisément, puisque ce n’est qu’un hémisphère ; mais ce cercle passant par le centre est un des grands cercles de la sphère. — Peuvent être menés, selon que l’astre s’élève plus ou moins au-dessus de l’horizon, le point S varie, et les rayons se déplacent sans que le plan soit changé. — Les lignes menées des points SC, il faut sous-entendre : « Dans un autre plan. » — Du demi-cercle, ce n’est en effet qu’une demi-sphère.
  503. Puisque les points S et C, c’est-à-dire le point de l’horizon où l’astre se lève, et le centre où est l’observateur. — La ligne SC le sera aussi, qui est le demi-diamètre. — NS le sera également, c’est-à-dire la ligne menée de l’astre au nuage. — Le rapport de NS à NC, ce rapport varie à mesure que l’astre s’élève au-dessus de l’horizon. — Une périphérie donnée, il faut supposer que c’est la circonférence des rayons lumineux partis du soleil, et qui se projettent au-dessous de l’horizon aussi bien qu’au-dessus ; ils viennent rencontrer le nuage en un point donné N. — La section des périphéries, il faut supposer que les deux circonférences sont d’une part celle des rayons solaires, et de l’autre celle de l’hémisphère ; mais le texte aurait dû fournir ces explications, qui sont indispensables ; et il reste très obscur à cause de sa concision. — Le même rapport, le rapport de NS à NC.— Entre les mêmes points, c’est-à-dire le soleil, le nuage et l’observateur.
  504. Prise en dehors, de la figure qu’on vient de tracer plus haut. On ne voit pas d’ailleurs à quoi sert cette construction particulière dans la démonstration générale. — Que D soit coupé par rapport à B, on peut faire DB égale à NS, et BF égale à NC ; ou bien, il faudrait supposer que la ligne D a un autre commencement que D, puisqu’il faut au moins deux points pour déterminer une ligne. — La réfraction du cône, Voir plus haut, § 2. Le cône est formé des rayons partant de l’œil du spectateur, pour aller au nuage où se produit l’arc-en-ciel — Est plus grand que B, dans la proportion qui dent d’être indiquée.
  505. La ligne F, c’est-à-dire une ligne commençant à F, et ayant la longueur voulue. — Que BF, ce n’est pas BF qu’il faudrait dire, mais BFF, c’est-à-dire une ligne qui surpasserait BF comme DB surpasse DF. Les indications du texte sont ici encore très-insuffisantes, et il est évident qu’il y a dans tout ce passage un grand désordre. Malgré les efforts les plus attentifs, je n’ai pu le corriger. — Soit à D ce que D est à B, des lignes ne peuvent pas être désignées par une seule lettre, et il en faut au moins deux pour les déterminer. — Supposons que B, on ne voit pas comment cette nouvelle hypothèse est nécessaire à la démonstration ; et je ne suis pas du tout assuré que la construction que j’indique soit convenable.
  506. F…. B…. D…. même observation que plus haut ; il faudrait partout deux lettres au lieu d’une, pour déterminer les lignes. Ici encore des figures seraient fort utiles ; mais je n’ai osé les tracer toutes.
  507. Relativement à PR, la ligne PR est plus petite sur la figure que la ligne, PN. — Que FBD, même observation que plus haut : des lignes ne peuvent pas être déterminées par une seule lettre. — Étaient proportionnellement, Voir plus haut, § 7, où cette proportion est indiquée, mais d’une manière insuffisante. — Ainsi PR est à PC, ces proportions ne sont pas exactes, du moins sur la figure que j’ai été amené à supposer.
  508. Auront le même rapport, Je dois faire remarquer que cette proportion ne ressort pas de la figure que j’ai donnée. — Ainsi, PR est à CR, même observation.
  509. De plus, NS est à NC, il semble que dans ce § on devrait prouver la seconde alternative posée à la fia du § 8, et qu’après avoir démontré que la ligne cherchée ne peut pas être PR plus petite que PN, il resterait à faire voir que cette ligne ne peut pas être plus grande. Mais je ne trouve pas du tout que ce § 11 donne la démonstration attendue, et il n’est pas moins obscur que les précédents.
  510. Puis donc que D, ce § pris en lui-même et à part est clair ; mais on ne voit pas le lien par lequel il se rattache aux autres, comme en étant la conclusion. Ici encore D ne peut à lui seul exprimer une ligne.
  511. En prenant le pôle P, comme centre avec un rayon égal à NP. — Ce qui a été démontré impossible, Voir plus haut, § 11, si toutefois c’est bien à ce passage que se rapporte cette vague indication.
  512. Le demi-cercle A autour du diamètre SCP, en prenant un centre convenable, qui doit nécessairement se trouver au-delà de C. — Menées de SC, c’est-à-dire du soleil à l’œil du spectateur qui regarde le nuage N. — Dans tous les plans, il aurait fallu indiquer, plus précisément de quels plans on entend parler, et il n’est pas aisé de le deviner, d’après le peu qui est dit dans le texte. —. L’angle égal CNS, l’angle que fait le rayon parti de l’œil du spectateur vers le nuage avec le rayon parti du soleil vers l’arc-en-ciel. — Sera toujours égal, parce que ce sera toujours un angle droit, à ce qu’il semble.
  513. Sur le même point de SP, ce point est P ; mais si le soleil s’élève au-dessus de l’horizon, le point P se déplacera, et il tombera alors en un autre point quelconque au-dessous du diamètre PS. Joignant ce nouveau point à S par un diamètre, le centre se déplacera ; et au lieu d’être en C, il tombera par exempte en O, dans la proportion même où le soleil se sera élevé au-dessus de l’horizon. Le demi-cercle de l’arc-en-ciel se sera réduit proportionnellement ; et plus le soleil sera haut, plus l’arc-en-ciel se réduira. — Est enlevé de l’horizon, j’ai traduit littéralement ; mais il est évident que l’expression est inexacte. L’arc-en-ciel ne pourrait tout à fait disparaître que si le soleil était au zénith. Je ne me dissimule pas tout ce qu’ont d’incomplet les explications que je viens d’essayer de donner ; mais je n’ai pu faire mieux, et j’ai des raisons de douter que même les géomètres les plus habiles puissent dissiper les obscurités de ce passage. Il semble bien qu’Alexandre dans son commentaire l’a compris sans trop de peine. Vicomercatus se flatte aussi de l’élucider parfaitement. Je dois avouer que je n’ai pas été aussi heureux que lui. Le texte est évidemment altéré et très insuffisant.
  514. Ce paragraphe n’a pas été commenté par Alexandre d’Aphrodisée, et il est bien probable que de son temps ce § ne faisait pas partie du texte. Il est déjà dans Olympiodore, et il est resté dans tous les travaux postérieurs. Il n’en est pas moins évident qu’il interrompt la suite de la démonstration, et qu’il n’est point ici à sa place. Je l’y laisse cependant, pour ne pas changer trop profondément la tradition. Peut-être faudrait-il le renvoyer à la fin de ce chapitre. Camotius s’est efforcé de démontrer que ces considérations se rattachaient étroitement aux précédentes ; mais le lien qu’il a essayé d’établir n’est pas très solide ; et c’est évidemment une digression. — Les parties supérieures de l’atmosphère, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Les matières qui sont transportées près de la terre, j’ai adopté avec M. Ideler cette leçon, que donnent quelques manuscrits, au lieu de la leçon vulgairement suivie et qui est moins satisfaisante. — C’est là ce qui est cause que l’arc-en-ciel n’est jamais un cercle complet, cette conclusion fort peu amenée ici répond à la première partie de la démonstration annoncée plus haut, § 1. — Mais rarement, Voir plus haut, ch. 2, §§ 8 et 9. — Pour dominer l’air, j’ai conservé l’expression même du texte qui est inférieure et non la section supérieure ; mais comme le soleil marche réellement vers Z et non vers S, il faut renverser la figure entière. Je n’ai pas pu la tracer autrement que je ne l’ai fait, à cause de la nécessité même du dessin.— YZ sera invisible, parce qu’en effet il descend de plus en plus au-dessous de l’horizon. Plus le pôle est bas, en effet P descend de plus en plus à mesure que S s’élève davantage. — Le centre du cercle, que forment les rayons solaires sur les nuages, et dont l’arc-en-ciel n’est qu’une partie assez obscure ; mais l’auteur veut dire que les rayons de la lune ne sont pas assez intenses pour que la réfraction ait lieu comme pour les rayons solaires. — L’arc-en-ciel se forme surtoutplus de gouttelettes, Olympiodore n’a pas cette dernière partie du §, et on peut la regarder comme une interpolation, surtout en ce qui concerne le dernier membre de phrase : « Car là aussi il se forme dans l’arc-en-ciel le plus de gouttelettes. » Cette idée, qui d’ailleurs est exprimée incomplètement, paraît tout à fait inexacte.
  515. Soit donc encore, c’est la seconde partie de la démonstration (Voir plus haut, § 4), pour prouver que la demi-circonférence diminue à mesure que l’astre s’élève au-dessus de l’horizon. — Que l’on élève S, c’est-à-dire que l’astre s’élève au dessus de l’horizon, au lieu d’être à l’horizon même. — Et que l’axe, Voir plus haut, § 2. — Ce pôle du cercle, P, c’est-à-dire l’extrémité du diamètre mené de S à P.
  516. Le cercle est représenté par SP, parce que SP est le diamètre de ce cercle.
  517. CS est au-dessus, parce que l’astre s’est élevé au-dessus de l’horizon. — Le centre serait d’abord au-dessous de l’horizon, le centre de la figure descend en effet au-dessous de l’horizon, à mesure que l’astre s’élève au-dessus. — La section supérieure, c’est-à-dire celle où est le soleil ; plus le soleil monte au méridien, plus la section diminue. Mais il semble, d’après la figure que je donne, qu’il faudrait dire la section
  518. Après l’équinoxe d’automne, du 22 septembre au 22 mars, de l’équinoxe d’automne à l’équinoxe du printemps. — L’arc-en-ciel se produise toujours, c’est la traduction exacte du texte ; mais la suite prouve que par toujours il faut comprendre, avec Alexandre d’Aphrodisée, toute la durée de la journée, l’arc-en-ciel se produisant à midi aussi bien qu’aux autres heures. — Entre l’un et l’autre équinoxe, de l’équinoxe du printemps à celui d’automne. Ne se produit jamais à midi, je ne sais si le fait est bien exact ; mais cette observation est du moins très curieuse, et je ne vois pas que la science moderne ait dirigé ses recherches en ce sens, et ait constaté le rapport de l’arc-en-ciel aux différentes heures du jour. — Que toutes les sections du côté de l’Ourse, à mesure que le soleil s’abaisse vers le solstice d’hiver, les portions de cercle qu’il décrit au-dessous de l’horizon, et qui sont vers le nord, deviennent de plus en plus grandes. — La partie qu’on ne voit pas, le texte n’est pas aussi formel ; je n’ai pas voulu m’éloigner trop de l’expression grecque ; mais elle est peu exacte en ce sens que la partie qu’on ne voit pas est précisément au contraire celle qui est éclairée par le soleil. Probablement, l’auteur a voulu dire qu’à mesure que les sections du nord grandissaient au-dessus de l’horizon, celles qui se trouvaient au-dessous diminuaient de plus en plus. — Vers le méridien de l’équinoxe, c’est-à-dire les cercles quotidiens que le soleil décrit au-dessus de l’horizon, vers l’époque de l’équinoxe d’automne. — À mesure que le soleil s’éloigne, le texte n’est pas aussi formel. — Les sections sont de plus en plus grandes, du côté du nord.
  519. De la grandeur des jours, le texte n’est pas aussi précis. — Au milieu de la section, c’est-à-dire au milieu de sa course quotidienne. — Et qu’il ne soit au méridien, c’est sous une forme plus claire la répétition de ce qui précède. — Par suite de la grandeur de la section, en d’autres termes, parce que le cercle décrit par le soleil au-dessus de la terre est de plus en plus grand. Le texte d’ailleurs emploie le mot de Section d’une manière équivoque ; mais je n’ai pu le changer. — P est déjà, Voir la figure donnée plus haut à la page 255.
  520. Les sections des cercles, que le soleil décrit chaque jour dans sa course apparente au-dessus de la terre. — Le phénomène se passe tout à l’inverse, il eût mieux valu développer ceci, et expliquer la pensée tout au long. — Alors, j’ai ajouté ce mot. — Le point S, Voir les figures des pages 253 et 255. Le point S est le soleil. — Soit fort élevé, le soleil paraît en hiver beaucoup plus près de l’horizon, quand il passe au méridien, qu’il ne l’est en été.
  521. Qu’on vient d’exposer, pour l’arc-en-ciel et pour le halo. — Le parhélie, le parhélie est un second soleil paraissant à côté du premier, par quelque réflexion de la lumière sur les nuages. — Et les verges ou bâtons lumineux, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. Les bâtons lumineux sont appelés aussi Colonnes. C’est encore une réflexion de la lumière ; seulement le corps sur lequel cette réflexion a lieu est placé perpendiculairement dans l’atmosphère ; et la science moderne croit que ce corps est composé de petits cristaux de glace en suspension dans l’air. — D’un certain point, cette indication est bien vague ; et ce qui ferait croire qu’il manque ici quelque chose, c’est que plusieurs manuscrits complètent la phrase en disant : « De quelque nuage placé au-dessous du soleil. » Je n’ai pas adopté cette variante, parce qu’elle-même elle n’est pas satisfaisante. — Sur un nuage, j’ai ajouté ces mots qui sont implicitement compris dans l’expression grecque. — Étant telle que nous avons dit qu’elle est toujours, la phrase de l’original est au moins aussi embarrassée que celle de la traduction ; mais je n’ai pas pu la changer, de peur d’altérer une définition qui, d’ailleurs, me paraît tout à fait insuffisante. — Elle est réfractée de quelque corps, il sembla qu’il y aurait ici plus d’une seule réfraction. — Aqueux, le texte dit précisément : humide.
  522. Incolores, c’est-à-dire qu’ils paraissent de couleur blanche. — Quand on les regarde directement, ou plutôt quand on les regarde eux-mêmes, au lieu de regarder leur image. — Pour ce dernier cas, le texte dit simplement : alors. — Semble être dans l’eau, cette expression n’est pas très claire ; et l’auteur veut dire sans doute que c’est la réfraction de la lumière dans l’eau qui donne une couleur au nuage.
  523. Ce phénomène des verges, le texte n’est pas aussi formel ; mais il ne s’agit évidemment que des verges ; et il sera question du parhélie un peu plus bas, § 5. — La composition du nuage est inégale, l’explication est ingénieuse, quoiqu’elle ne soit pas exacte. — La forme du soleil ne s’aperçoit pas, Voir, plus haut, ch. 2, § 10, les considérations générales sur l’action des miroirs. — Une partie de la couleur paraît rouge, c’est une des trois couleurs de l’arc-en-ciel. — Paraît verte, même remarque. — Ou jaune, Voir plus haut, ch. 4, § 26.
  524. À travers ces corps ou si l’on veut : ces miroirs, ou encore : ces nuages ; l’expression du texte est tout à fait indéterminée. — Les verges sont produites, cette phrase résume ce qui précède. — Qui ne réfléchit pas la figure, Voir plus haut, ch. 2, § 10.
  525. Également dense partout, il fait alors miroir aussi complètement que possible. — Il n’y a qu’une seule couleur dans l’apparition, la lumière est alors simplement réfléchie ; elle n’est pas réfractée. Mais la réfraction de la vision totale, la phrase est très embarrassée dans le texte connue dans la traduction ; mais j’ai dû la reproduire telle qu’elle est, par les raisons que j’ai données plus haut. — La couleur propre du soleil, c’est-à-dire la lumière blanche. — À cause de son épaisseur, l’épaisseur d’un brouillard n’est peut-être pas en ce sens une expression bien choisie, quoiqu’on dise fort bien que le brouillard est épais.
  526. Le parhélie paraît blanc, et fait l’effet d’un second soleil. — Est un signe de pluie, le brouillard étant épais, il est tout simple qu’il se ahane bientôt en pluie. L’air du midi, l’expression paraît d’abord assez singulière ; mais elle est exacte ; et l’auteur veut dire que l’atmosphère chaude du midi est plus disposée à se convertir en pluie que l’atmosphère froide du nord.
  527. Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, ch. 2, § 6. — Ni d’en haut ni d’en bas, selon Alexandre d’Aphrodisée, ces expressions signifient que les parhélies ne se forment ni avant le lever du soleil, ni après son coucher. — Mais de côté, l’étymologie même du mot Parhélie indique la position du phénomène ; c’est un second soleil apparent à côté du vrai soleil. Ni trop pris ni trop loin, cette expression est un peu vague ; mais les anciens n’avaient pas imaginé, au temps d’Aristote, de mesurer les distances dans le ciel par les angles que forment les objets avec l’œil du spectateur immobile. — L’agglomération des vapeurs sur lesquelles la réfraction doit se faire. — D’un si petit miroir, les vésicules de brouillard ou de vapeur.
  528. À l’opposé du soleil, comme se forme l’arc-en-ciel, par exemple. — En haut, c’est-à-dire dans les régions les plus hautes de l’atmosphère. — Le soleil le dissout, ou plutôt il dissout les vapeurs dans lesquelles se formerait l’apparence du halo. — S’il est loin, même remarque. — Pour faire réfraction, en réalité, ce n’est pas la vue qui fait réfraction ; mais elle perçoit la réfraction qui se produit dans certains cas. — Elle ne tombera plus sur le soleil, j’ai ajouté ces derniers mots, qui sont implicitement compris dans l’expression grecque. — Si le halo est placé obliquement et au-dessous de l’astre, le texte n’est pas aussi formel. — Le miroir, que fait la vapeur condensée sous forme de nuage. — L’agglomération, des vapeurs. — Reste assez compacte, le texte n’est pas aussi précis. — Et entière, j’ai ajouté ces mots pour rendre toute la force de l’expression grecque. — Portée vers la terre, c’est-à-dire jusqu’à l’œil de l’observateur. — Au travers du vide, par vide, il faut entendre l’absence à peu près complète de l’air et surtout de la vapeur. La lumière serait alors diffuse, et il n’y aurait pas de réfraction possible. Voir sur le vide la Physique, livre IV, ch. 8, p. 281, du 2e volume de ma traduction.
  529. Près de la terre, c’est-à-dire placé entre la terre et le soleil. — Quand il est en haut, le soleil ou le halo ? J’ai conservé l’équivoque du texte de peur de me tromper ; mais il semble qu’il s’agit plutôt du soleil. — Se disperse et s’éteint, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Quand le soleil est au milieu du ciel, c’est-à-dire quand le soleil passe au méridien. Je ne sais si le fait est exact, et si le parhélie ne peut pas se produire même en plein midi. La vision n’est pas portée sous la terre, j’ai traduit le texte tel que le donnent tous les manuscrits et toutes les éditions ; mais je ne vois pas ce qu’il peut vouloir dire, et les explications qui en ont été essayées ne me semblent pas du tout l’éclaircir. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que l’auteur paraît admettre que l’interposition de la terre gêne la vision et l’empêche de se réfracter, comme il le faudrait pour que le parhélie fût possible. Mais encore une fois, ce passage reste inintelligible, et il le sera tant qu’on n’aura point découvert de variante. — Vers le miroir, c’est-à-dire la partie de l’atmosphère où se forme le parhélie.
  530. La sécrétion, le terme dont se sert le texte est aussi vague et aussi général. — Au-dessus de la terre, Voir plus haut, livre I, ch. 1er, § 2, la définition de la météorologie ; et dans ce même livre, ch. 3, § 15, la distinction des deux exhalaisons. — Dans le sein même de la terre, il a été déjà question de ces phénomènes souterrains quand l’auteur a traité des tremblements de terre, livre II, ch. 8. Mais il s’agit ici plus particulièrement des substances que la terre renferme, et dont la formation est attribuée à la même cause qui produit les phénomènes météoriques. — Est naturellement double, Voir plus haut, livre 1, ch. 3, § 15.
  531. Comme nous l’avons dit, Voir plus haut, livre I, ch. 3, § 15. — Deux espèces, on voit que l’analyse n’était pas alors poussée très loin ; mais à première vue, cette généralité n’était pas fausse, et elle était suffisante. Il faut nous rappeler nous-même combien la géologie est récente.
  532. En brûlant les matières, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Tous les minéraux, l’expression même de l’original signifie « toutes les substances qu’on tire des mines ou des carrières. » C’est ce que j’ai voulu reproduire par le mot de minéraux. — Dans l’eau, j’ai ajouté ces mots. — La sandaraque, ces matières sont assez singulièrement choisies ; mais elles étaient de celles qui frappaient davantage l’attention des anciens. — Que de la poussière colorée, il eût été bon de citer les minéraux qu’on prétendait désigner par là. De cette composition, c’est-à-dire par l’action de l’exhalaison sèche.
  533. L’exhalaison vaporeuse produit les métaux, il semble que ce devrait être plutôt l’exhalaison sèche, et qu’ici les rôles sont renversés. — Et l’exhalaison agit surtout, il faudrait sous-entendre que c’est l’exhalaison sèche et non plus l’exhalaison vaporeuse (Voir plus haut, § 3) ; mais le texte ne fait pas cette distinction ; et à la tournure de la phrase, on doit croire qu’il s’agit toujours de l’exhalaison vaporeuse. Mais ce n’est pas possible, puisqu’il vient d’être dit que c’est l’exhalaison sèche qui produit les minéraux et toutes les pierres. Cependant la suite démontre que ce doit être l’exhalaison vaporeuse, laquelle seule peut produire de l’eau ; et par conséquent, il y a ici quelque contradiction. — Seulement tous ces corps, j’ai suivi pour tout ce § l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée. — L’exhalaison ne soit sécrétée en eau, le texte est moins formel.
  534. Liquéfiables comme de l’eau, le texte dit simplement : « Sont-ils comme de l’eau. » J’ai cru devoir être un peu plus précis. — La matière de l’eau, venue de l’exhalaison vaporeuse. — Qui aurait subi déjà quelque modification, l’expression est bien vague ; mais je n’ai pas cru devoir la préciser. — Comme en viennent les sucs, c’est-à-dire tous les liquides qui outre l’eau pure contiennent quelque goût particulier, comme l’eau de mer ou les eaux minérales, par exemple.
  535. Tous ont de la terre, c’est l’expression même du texte. — Ils ont tous de l’exhalaison sèche, Voir plus haut, § 3, une théorie différente qui borne l’action de l’exhalaison sèche aux minéraux et ne l’étend pas aux métaux. — incombustible au feu, ou peut-être, non inflammable.
  536. Ont de commun, c’est de venir tous de l’exhalaison, soit sèche, soit humide. — Il faut les étudier en détail, c’est l’objet du quatrième livre de ce traité.
  537. Comme on a établi, voir plus haut, livre 1, ch. 2, § 1. — Quatre causes des éléments, le feu, l’air, l’eau et la terre. — Les éléments sont aussi au nombre de quatre, ce serait plutôt : Les qualités des éléments. — Dont deux sont actifssont passifs, voir pour ces distinctions, d’ailleurs peu justes, le Traité du ciel, livre III, ch. 5, p. 303, b, 9, et le Traité de la génération et de la corruption, livre II, ch. 2, p. 329, b, 21, et p. 330, a, 30, édit. de Berlin.
  538. Par l’induction, ici l’induction n’est pas autre chose que l’observation des faits particuliers, démontrant un principe général. — Sont déterminés par le chaud et le froid, le texte est moins formel. — Dont on vient de parler, ou bien : « dont on a parlé dans d’autres ouvrages. » — Tous les corps qui se formentde ces deux éléments, le texte n’est pas aussi développé.
  539. Les définitions que nous donnons, dans le § précédent. — Que ce qui coagule les corps, j’ai ajouté les deux derniers mots. Il est évident d’ailleurs que la chaleur désagrège les corps aussi souvent qu’elle les coagule. — Faciles ou difficiles à délimiter ou à définir. L’expression du texte est obscure. Voir le Traité de la génération et de la corruption, livre 1, ch. 10, p. 328, b, 2, édit. de Berlin.
  540. Il est donc évident, cette conclusion ne paraît pu ressortir évidemment de ce qui précède ; ce n’est qu’une simple affirmation, qui n’est pas du tout démontrée. — Les éléments actifs, l’expression du texte est indéterminée ; mais plus haut § 1, l’auteur s’est servi du mot d’élément que je répète ici.
  541. La génération absolue des choses, le mot de Génération n’est pas pris ici tout à fait dans le sens que lui donne habituellement Aristote. Il s’agit seulement de la reproduction et du développement naturel des animaux et des plantes. —Leur changement naturel, c’est-à-dire leur développement régulier. — De ces puissances, c’est le mot même du texte ; mais ordinairement le mot de Puissance a une autre signification dans le style d’Aristote. On pourrait traduire : forces au lieu de puissances..— À la génération et au changement, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Ces puissances, ou bien : « la génération et la destruction. »
  542. N’est qu’un changement ; le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Par l’action de ces puissances, le froid et le chaud faisant naître ou périr les êtres. — Qu’on appelle passives, on attendait plutôt les puissances actives ; mais les puissances passives, le sec et l’humide, subissent l’influence des deux autres. — En maîtrisant la matière, l’expression est trop vague ; mais je n’ai pas dû la préciser davantage. — Crudité et indigestion, selon Alexandre d’Aphrodisée, la crudité s’applique aux substances qu’on peut faire cuire artificiellement ; l’indigestion s’applique aux aliments que doivent absorber les animaux.
  543. La génération absolue, c’est-à-dire la génération où l’être passe du non-être à l’existence. — La putréfaction, ceci n’est peut-être pas fort exact ; la destruction est le contraire de la génération ; la putréfaction est une des voies principales par lesquelles les choses arrivent à être détruites. — Toute destruction naturelle, c’est le contraire qu’il faudrait plutôt dire ; et la putréfaction est un acheminement à la destruction. — La décomposition, l’expression grecque est peut-être encore plus forte. — Une destruction violente, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Devrait être, même remarque.
  544. Sont d’abord humides, le fait est exact en général. — Et sèches à la fin, ceci n’est pas aussi vrai, et ne s’applique qu’à certaines matières. — Car c’est de là qu’elles sont d’abord venues, c’est-à-dire qu’elles ont commencé par être humides. — Quand les éléments actifs, le froid et le chaud. On ne comprend pas bien d’ailleurs comment le sec est délimité ou déterminé par l’humide. — Le délimité, et par exemple ici, l’humide primitif, qui l’emporte sur le sec. — Par l’action, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  545. Successivement, le texte dit précisément : en partie. — Quand elles s’éloignent, le texte dit avec plus de force : « quand elles se séparent de leur nature. » — Le feu excepté, M. Ideler remarque que dans les Problèmes, livre XXV, ch. 20, p. 939, b, 27, édit. de Berlin, l’air aussi est excepté de la putréfaction. — Sont matière et aliment, il n’y a que le premier mot dans le texte. L’idée ne paraît pas d’ailleurs très juste ; car elle tendrait à confondre la putréfaction avec la combustion.
  546. Dans tout corps humide, il faut entendre un corps plus ou moins humide. — De sa chaleur propre et naturelle, comme l’humide résulte surtout du froid, il faut entendre qu’il s’agit ici de la température plutôt que de la chaleur proprement dite.
  547. Le corps souffre, l’expression du texte est toute indéterminée. — De cette puissance, c’est le mot même du texte. Voir plus haut, § 5. — Tous deux, c’est-à-dire le froid et le chaud. — Du froid propre au corps, et acquis en quelque sorte par la dispersion de la chaleur propre. Voir le § 10.
  548. Deviennent aussi plus sèches, après avoir été d’abord plus humides, comme il est dit au § 8. — Terre et fumier, ce sont des expressions bien générales, et qui par conséquent ne sont pas très exactes. — L’humide naturel, qui combiné avec la chaleur composait le corps. — Ce qui retient et attire l’humidité, c’est-à-dire la chaleur.
  549. Il y a moins de putréfaction, le fait est exact ; et on peut l’observer chaque hiver. — Et dans l’eau, peut-être l’eau ne signifie-t-elle ici que l’humidité répandue dans l’atmosphère. — Elle en a davantage en été, ou bien : « la putréfaction a lieu davantage durant l’été. » Ces deux traductions reviennent à peu près au même.
  550. Ne peut pas non plus se putréfier, le texte n’est pas aussi formel. — L’air est donc dominé, même remarque. Ce sens est celui qui paraît le plus acceptable. — C’est le principe moteur, c’est-à-dire le principe qui a déterminé la congélation. — Ce qui est chaud, et continue à garder la même chaleur. — Dans la chose, c’est le mot même du texte ; on pourrait traduire aussi : « dans le corps. »
  551. Ce qui est en mouvement et ce qui coule, comme l’eau, par exemple. —— La chose, même remarque qu’au § précédent.— D’état, j’ai ajouté ces mots qui complètent la pensée. Tous ces faits d’ailleurs sont assez exacts.
  552. Ce qui est en grande quantité, le fait est exact. — Trop de feu propre et de froid, ceci n’est pas également vrai. — Les forces, le texte dit précisément : les puissances. Voir plus haut, § 5.
  553. Se putréfie très vite, c’est un phénomène qu’on peut observer ; mais ici peut-être la putréfaction se confond-elle avec l’évaporation. — Dans sa masse totale, le fait est exact, quoiqu’il fût possible d’aller plus loin et de donner une explication plus profonde. — Pour toutes les autres eaux, qui ne sont pas salées comme celles de la mer.
  554. Et les animaux naissent, cette croyance très générale dans l’antiquité a duré jusqu’à nos jours ; elle est aujourd’hui restreinte au vulgaire ; mais au dernier siècle, elle avait encore quelque vogue parmi les savants. — Recompose et rassemble les parties sécrétées et divisées, le texte est moins développé ; mais j’ai dû le rendre avec ces détails pour reproduire toute la force des expressions grecques. — La génération, et aussi la destruction, dans les limites qui ont été indiquées pour la question spéciale dont il est traité ici.
  555. Il nous reste à dire, l’expression n’est pas très juste, si on la prend d’une manière générale ; car il reste à dire beaucoup plus qu’il n’est dit dans ce chapitre ; mais c’est une manière de compléter ce qui précède. — Les forces, ou les puissances, Voir plus haut, ch. 1, § 5. Ces forces d’ailleurs sont la chaleur et le froid. — Sur les objets déjà formés, c’est le sens que donne Alexandre d’Aphrodisée ; quelques commentateurs ont cru qu’il s’agissait des qualités passive, le sec et l’humide, sur lesquelles agiraient les qualités actives, la chaleur et le froid. Cette opinion serait aussi soutenable que l’autre ; et le contexte y aiderait. — Sont : la maturation, la coction, je ne suis pas sûr d’avoir bien rendu toutes les nuances des mots grecs ; mais l’auteur lui-même sent la difficulté de bien exprimer toutes ces nuances ; et il s’en excuse un peu plus bas, au § suivant. — La crudité, le ramollissement, même remarque.
  556. Ces expressions ne correspondent pas, si cet inconvénient existe dans la langue même de l’auteur, à plus forte raison doit-on le retrouver dans une traduction. — D’une manière générale, et confuse par conséquent. — Ne sont pas absolument, mais seulement à peu près, j’ai adopté l’accentuation suivie par M. Ideler ; elle me paraît en effet offrir un sens meilleur. — Chacune à leur tour, le texte n’est peut-être pas aussi formel.
  557. Un achèvement, de l’être, sous-entendu, ou d’une des parties de l’être. — Sur les opposés passifs, c’est-à-dire le sec et l’humide, opposés passifs du froid et du chaud, qui sont seuls actifs. Voir plus haut ch. 1, § 1 — La matière propre à chaque corps, on peut bien dire que la matière de tous les corps est sèche ou humide ; mais cette généralité est bien vague ; et si elle comprend tout, c’est qu’elle confond tout. — L’opération, ou bien encore : la substance. L’expression du texte est tout à fait indéterminée, et il n’est pas facile de voir au juste à quoi elle s’applique. — Tout ce qu’elle doit être, j’ai ajouté ces mots.
  558. Le principe de cet achèvement, ceci n’est guère qu’une répétition du § précédent. — Par des lotions, ou peut-être aussi : par des frictions. — Mais le principe, autre répétition.
  559. La nature même de l’être, l’expression est bien vague ; et elle signifie sans doute le développement successif que l’être prend, par la nutrition, pour devenir aussi grand et aussi fort qu’il peut être. — La nature qui pour nous est forme et substance, ceci a bien l’air d’une glose ; Alexandre d’Aphrodisée l’a déjà. Voir la Physique, livre II, ch. 8, § 8, p. 57 de ma traduction. — À une certaine configuration, ou forme. — Comme le moût, qui après avoir fermenté devient du vin bon à boire. — Les liquides qui sont dans les tumeurs, le texte n’est pas aussi précis.
  560. Dominées et vaincues, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Car c’est elle, soit la matière, soit l’humidité ; mais j’ai laissé dans ma traduction le singulier, qui est dans le texte.— Qui est déterminée, c’est-à-dire qui est délimitée et définie. — Que la définition lui convient, l’expression du texte est encore plus vague. — C’est sa nature, je n’ai pas voulu préciser davantage ; et c’est la traduction exacte de l’expression grecque. — Qui sont des signes de la santé, cette doctrine médicale, prise dans toute la généralité qui est exprimée ici, est parfaitement vraie. Toutes les excrétions du corps, selon qu’elles sont de telle ou telle espèce, indiquent avec assez de certitude l’état de santé où il est.
  561. Plus renflée, il aurait fallu peut-être ajouter : « dans certains cas ; » car ce ne sont pas là les effets constants de la chaleur.
  562. Ce que c’est que la digestion, c’est là une théorie bien incomplète ; mais l’analyse n’était pas allée plus loin au temps d’Aristote ; et la question elle-même est extrêmement difficile. — L’inaccomplissement de ces phénomènes, Voir plus haut, § 3. —— Des opposés passifs, id. ibid. Les opposés passifs sont le froid, contraire au chaud, et l’humide, contraire au sec. — Et de l’indigestion, l’auteur parle beaucoup moins de l’indigestion, sans doute parce qu’il pense que ce qu’il a dit de la digestion s’applique aussi en sens contraire à l’indigestion.
  563. La maturation, ce qui va suivre semble s’appliquer surtout aux fruits ; mais ce n’est que par une sorte de métaphore qu’on peut dire que la maturation est une espèce de digestion. — La digestion de la nourriture, même remarque. —— Dans les péricarpes, le terme est bien général, si on veut l’appliquer à tous les fruits et à toutes les plantes. — Est une sorte d’achèvement, Voir plus haut, ch. 2, § 3. — Les semences, qui sont dans le péricarpe, Voir le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 4, p. 50 de ma traduction. — Un fruit tout pareil, Voir le Traité de l’âme, livre II, ch. 4, § 15, p. 196 de ma traduction. — Leur achèvement, ou leur état de perfection.
  564. Précisément, j’ai ajouté ce mot pour rendre toute la force de la tournure de la phrase grecque. — C’est d’après la même idée, le mot du texte Idea, n’avait pas probablement au temps d’Aristote le sens spécial qu’on lui donne ici. — Mûres, quand elles sont digérées, on pourrait trouver aisément dans notre langue des expressions analogues. On dit d’un projet, par exemple, qu’il est mûr et qu’on l’a longtemps digéré. — Ainsi qu’on l’a dit plus haut, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — Dans les choses déterminées, c’est la traduction exacte du texte ; mais l’expression est bien vague.
  565. La maturation des tumeurs, Voir plus haut, ch. 2, § 5. — N’est que la digestion, ou coction. — Qui est dans l’objet, j’ai ajouté ces mots. — Ne peut pas déterminer, et donner à l’objet une forme nouvelle qui permette de le définir exactement. On voit bien ce que le texte signifie ; mais l’expression aurait pu être plus précise.
  566. Par la maturation, j’ai ajouté ces mots, qui m’ont paru indispensables ; et je m’appuie pour le sens que j’adopte sur le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. Le texte est beaucoup plus concis que ma traduction ; mais pour la rendre claire, je n’ai pu la faire plus courte. — Terreux, on sait dans quel sens très général Aristote prend cette expression ; tout ce qui n’est pas liquide ou aérien est terreux. — C’est pour atteindre ce résultat, le texte n’est pas tout à fait aussi formel que je suis obligé de l’être.
  567. La crudité est le contraire, je n’ai pas pu trouver dans notre langue de mot meilleur que celui de crudité à opposer au mot de maturation. — Sans limite déterminée, ou plus simplement : indéterminée ; c’est-à-dire à laquelle la chaleur ou le froid n’ont pas encore donné une nature définitive. — La crudité provient de l’air ou de l’eau, c’est-à-dire que c’est une trop grande quantité d’air ou d’eau, qui fait qu’une chose est crue et qu’elle ne mûrit pas.
  568. Une sorte d’achèvement, voir plus haut, § 1. — Un inachèvement, cette opposition est aussi directe dans le texte grec. — Digéré, ou plutôt : « Qui doit être digéré. »
  569. Sans qu’il n’y ait aussi du sec, ceci veut dire que la maturation est impossible à moins qu’il n’y ait dans le corps une partie sèche qui demeure et subsiste, en même temps que le point de maturité est atteint. C’est ce qui fait que l’eau, qui n’a rien de sec en elle, ne peut ni mûrir ni s’épaissir. — Car l’eau, les idées ne sont pas assez liées entre elle, bien qu’elles soient d’ailleurs assez clairet. — C’est-à-dire l’humide, j’ai ajouté cette glose qui m’a paru indispensable. — Sont légers, c’est la traduction exacte du texte ; mais peut-être eût-il mieux valu dire : « Sont faibles. » — Ni les manger ni les boire, il faut entendre ceci d’une manière restreinte ; et il ne s’agit que des choses qui, pour être bues ou mangées, ont besoin d’être soumises à une cuisson préalable.
  570. Tout comme le mot de maturation, Voir plus haut, § 1. — Sont crus, je ne crois pas que la médecine actuelle ait gardé ces locutions, qui répondent cependant à des faits. — Dominées par la chaleur, de telle sorte que la maturité peut être complète. — Définitivement, j’ajouté ce mot.
  571. De l’argile qu’elle est crue, cette expression nous manque dans notre langue, bien qu’elle soit utile pour marquer un certain état contraire à celui où la chose est cuite. — Jamais d’elle qu’elle est crue, de même qu’on ne dirait pas très bien qu’elle est cuite. — C’est qu’elle n’épaissit pas, la raison est ingénieuse, sans être peut-être fort exacte.
  572. Quant à l’ébullition, j’ai dû adopter ce mot, le seul que présente notre langue, bien qu’il ne corresponde pas tout à fait à celui du texte. L’ébullition ne s’applique qu’à l’eau, tandis qu’il s’agit ici de la cuisson des choses qu’on a fait cuire dans l’eau bouillante. — Ou coction, j’ai ajouté cette glose, parce que le mot de digestion ne convient plus aussi bien aux détails qui suivent. — De l’indéterminé, c’est le mot même du texte ; mais je conviens qu’il est fort obscur ; et sur ce point le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée n’offre aucun éclaircissement. L’auteur veut indiquer sans doute la partie du liquide qui est froide et qui doit être échauffée. — Que pour les choses qui peuvent bouillir, il semble que la chose est par trop évidente, et qu’il y a quelque naïveté à l’exprimer. Mais les manuscrits n’offrent pas de variante. — Ainsi qu’on l’a déjà dit, Voir plus haut, § 5.
  573. La digestion ou coction, Voir le § précédent. — Qui est dans l’humide, ou plutôt : « qui passe par le liquide. » — Que l’on met sur le gril, on ne voit pas d’abord très nettement le lien qui rattache ceci aux pensées précédentes. Mais l’auteur veut dire sans doute que, quand le feu agit directement sur les choses, au lieu de passer par un liquide, ce n’est plus une ébullition qu’il cause, et qu’il rôtit les corps qu’il touche ainsi. La viande, par exemple, est alors rôtie, au lieu d’être bouillie. — Par la chaleur extérieure, tandis que, quand le liquide bout, c’est par une chaleur qui est en lui. — En l’absorbant en lui-même, c’est la traduction exacte du texte ; mais il serait mieux de dire : En le réduisant. Je n’ai pas dû faire ce changement, que n’autorisent point les manuscrits.
  574. L’humide qu’il contient, le corps qui est plongé dans l’eau bouillante et que cette eau fait cuire, peut être plus ou moins humide par lui-même, indépendamment du liquide qui l’entoure. — Dans le liquide extérieur, le texte emploie le même mot qu’il vient d’employer et il dit : « l’humide extérieur. » Je n’ai pas cru devoir faire cette tautologie. —N’absorbent pas en elles l’humide, le fait n’est pas très exact ; et il y a des corps qui, en étant bouillis, deviennent plus humides que dans leur état ordinaire. — La chaleur du dehors, celle qui passe par le liquide pour bouillir le corps. — Celle du dedans, celle qui est propre au corps avant qu’il ne soit bouilli. — Elle attirerait l’autre, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  575. Quand il ne contient pas du tout d’humide, il faut entendre de l’humide propre et intrinsèque. L’explication, d’ailleurs, n’est pas exacte, bien qu’elle soit conséquente à celles qui précèdent. — Ne peut pas être dominé, en d’autres termes : absorbé. — Qui ont de l’humidité, dans leur substance propre. — Qui se fait dans l’humide, c’est-à-dire dans le liquide où le corps doit être bouilli.
  576. Que l’or bout, dans notre langue, cette expression ne pourrait s’appliquer qu’à l’or fondu, qui entrerait en ébullition. Il est probable que, dans la langue grecque, elle avait une autre nuance. — Le bois et beaucoup d’autres corps, ici l’idée d’ébullition ne peut plus s’appliquer ; le bois a été distillé, et est devenu du charbon. — D’après la même idée ; Voir plus haut, § 2. — Il n’y a pas de mot, même remarque. Voir aussi, ch. 2, § 2.
  577. Le lait, par exemple, ceci se dit très bien du lait ; mais pour le sirop, l’expression n’est pas aussi juste. Peut-être aussi le mot grec que je rends par Sirop, a-t-il une autre signification. — À la cuisson bouillie, je n’ai pu employer ici le mot d’ébullition. Voir plus haut, § 10.
  578. Du reste, tout ce qu’on fait bouillir, ce § qui n’entre pas très convenablement dans la suite des pensées, pourrait bien n’être qu’une interpolation. — Que les remèdes se cuisent en bouillant, c’est-à-dire que les liquides se rapprochent et se condensent en se réduisant. Quelques commentateurs, d’après M. Ideler, ont essayé d’alléguer ce passage comme une preuve qu’Aristote avait été pharmacien durant quelque temps après la mort de son père.
  579. Ainsi, les corps, ce § fait suite au § 15. — Qui pourront devenir plus épais, l’auteur a remarqué plus haut que l’eau est le seul liquide qui ne s’épaississe pas, et cependant elle peut bouillir. — Soit qu’ils passent aux contraires, en changeant d’état et en se modifiant. — Ou petit-lait ou crème, ces deux phénomènes sont exacts ; mais ce n’est pas en bouillant que le lait présente ces modifications. Peut-être s’agit-il du lait qui tourne et qui devient du caillé. — Elle soit bouillie, l’huile peut bouillir comme l’eau ; mais elle ne cuit pas en bouillant. Une fois qu’elle est refroidie, elle redevient à peu près la même.
  580. La digestion, ou coction, Voir plus haut, §§ 10 et 11.— Dans la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 15. — Par des instruments factices, par exemple des marmites, où bout l’eau qui doit cuire les matières qu’on y plonge. — Organes et instruments, il n’y a qu’un seul mot dans le texte.
  581. La non-cuisson, je n’ai pas trouvé dans notre langue de meilleur terme. Celui de crudité s’applique à un fait différent ; c’est l’état naturel des choses qui peuvent être cuites. Peut-être aurait-il fallu dire ici : la demi-cuisson. — À la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 15. — Cette indigestion, qu’on appelle primitive, on pourrait croire, d’après la tournure de la phrase grecque, qu’il s’agit d’une indigestion dont il aurait été question plus haut ; et quelques commentateurs ont adopté ce sens, sans d’ailleurs pouvoir se référer précisément à quelque théorie antérieure de ce genre. Mais Alexandre d’Aphrodisée combat cette explication, que je ne crois pas non plus devoir accepter. Je pense que l’auteur oppose la crudité naturelle et primitive des choses à cette seconde crudité qui résulte d’une demi-cuisson. Par exemple, de la viande est crue avant d’avoir été bouillie ; mais elle peut être encore à moitié crue après avoir été bouillie imparfaitement. — De l’élément indéterminé, c’est sans doute l’humidité naturelle et primordiale du corps, qui doit la perdre en bouillant. Voir plus haut, ch. 2, § 6. — L’insuffisance de la chaleur, qui fait que le corps est à moitié cuit, parce qu’il n’a pas bouilli suffisamment.
  582. On a dit, Alexandre d’Aphrodisse rapporte ce passage à ce qui a été dit plus haut dans ce livre, ch. 1, § 11. — Par un autre mouvement que le froid, j’ai ajouté ces trois derniers mots pour compléter la pensée. — Qui a fait la cuisson, sous-entendu incomplète, d’une chose à demi-bouillie. — Qui est dans le liquide, où est plongé le corps qui doit cuire en bouillant. — Quelque mouvement, lequel est d’ailleurs insuffisant pour cuire la matière plongée dans le liquide bouillant. — S’égaliser, avec la masse du liquide qu’elle doit faire bouillir, pour que le corps soit tout à fait cuit. — Avoir la force de digérer complètement, j’ai ajouté ce dernier mot dont le sens est implicitement compris dans l’expression grecque. — Plus déterminés qu’elles, c’est-à-dire d’une nature plus complète et plus facile à définir. — La cuisson et la non-cuisson, Voir plus haut, § 19.
  583. Une sorte de digestion, le texte dit simplement : une digestion. — Et étrangère, ou en d’autres termes : extérieure. La chaleur sèche est opposée ici à la chaleur humide, qui se communique au corps qu’on fait bouillir. — Non par la chaleur de l’humide, le vrai mot serait du liquide au lieu de l’humide ; mais j’ai conservé l’expression plus générale et plus commune qui est employée dans toute cette théorie. — Quand l’opération est achevée, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Cette combustion se forme, même remarque. — Qu’il ne faut, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.
  584. Plus sec que le dedans, le fait est exact. — De rôtir que de bouillir, c’est un fait d’observation très facile à vérifier. — D’échauffer également, ce serait plutôt cuire qu’échauffer qu’il aurait fallu dire.
  585. L’humide qui est au dedans, et qui est propre au corps que l’on veut rôtir. — Ne peut être excrété, comme l’est celui qui est à la surface du corps, de la viande, par exemple.
  586. Ainsi que nous venons de le dire, voir plus haut, § 18. — Même dans la nature, il y a quelques commentateurs qui joignent ces mots à la phrase suivante. — De part et d’autre, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.— Reçu de nom spécial, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — À la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 10. — Dans l’humide, c’est-à-dire dans l’estomac, qui renferme toujours plus ou moins de liquide. — Dans le chaud, par la chaleur, cette répétition est dans le texte.— À la cuisson imparfaite, Voir plus haut, § 19. Il faut toujours se rappeler qu’il s’agit de la cuisson des choses qui peuvent être bouillies.
  587. Comme quelques auteurs le prétendent, les commentateurs ne nous apprennent pas quels sont les auteurs auxquels il est fait allusion dans ce passage. — De la sécrétion qui se putréfie, en d’autres termes, les excréments. — Dans la cavité inférieure, c’est-à-dire le ventre, qui, dans les théories des anciens, s’étendait du nombril aux parties génitales. — L’animal remonte, le texte n’est pas aussi précis ; j’ai, d’ailleurs, suivi l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée. — Dans la cavité supérieure, ou l’estomac. — Ne se putréfie, le fait n’est pas exact ; il n’y a pas de putréfaction à proprement dire. — Dans d’autres ouvrages, Alexandre d’Aphrodisée pense qu’il s’agit des Problèmes ; voir les Problèmes, XX, ch. 12, p. 924, a, 13, édit. de Berlin, et aussi Histoire des Animaux, livre V, ch. 19, p. 531, a, 7, ibid.
  588. La dureté par l’incuisson, il n’y a qu’un seul mot dans le texte ; peut-être aurait-on pu traduire : « la crudité. » — À la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 10. — Quelque chose d’également opposé, c’est-à-dire que, dans ce cas aussi, l’opposé à ce qui est cuit, c’est ce qui ne l’est qu’imparfaitement ; c’est ce qui est crû — A encore moins de nom, dans notre langue, nous avons le mot de crû, qui n’est qu’un mot commun, puisqu’il s’applique à des faits très différents. Nous n’avons pal ; non plus de mot spécial. — Mitonnage, ce mot n’est pas ici très convenable ; mais je n’en ai pas trouvé de meilleur en notre langue. — Il y a trop de chaleur, Voir plus haut, § 20, une pensée et une phrase tout à fait analogues en ce qui concerne l’ébullition. Les choses peuvent rester à moitié cuites, soit qu’on les fasse rôtir, soit qu’on les fasse bouillir.
  589. La digestion et l’indigestion, Voir plus haut, ch. 2, § 3. — La maturation et la crudité, Voir plus haut, ch. 3, § 1. — La cuisson bouillie et le rôtissage, ibid. § § 10 et 21.
  590. Des éléments passifs, Voir plus haut, ch. 1, § 1. — Et les autres états, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. Voir le Traité des Parties des Animaux, livre ch. 3, p. 649, a, 30, édit. de Berlin.
  591. Ou actuellement et en réalité, le texte dit simplement et d’un seul mot : En entéléchie. — C’est-à-dire en puissance, j’ai ajouté cette glose, qui est d’ailleurs évidente, et que confirme l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée. — Desséchable, j’ai voulu par ce mot, peu français, indiquer la simple puissance, tandis que le mot de Dessiccation exprime un fait accompli et actuel.
  592. Facile à délimiter, ou à Déterminer, comme le dit le texte. L’humide s’écoulerait et se disperserait, si le sec ne lui donnait une forme plus arrêtée ; et il reçoit très facilement la forme que lui donnent les corps environnants. Le sec, s’il n’était détrempé par l’humide, conserverait la forme rude qu’il a naturellement et ne changerait jamais. J’emprunte cette explication à Alexandre d’Aphrodisée. — Des mets et des assaisonnements, les mets sont complétés par les assaisonnements, qui leur donnent leur véritable goût. — Une cause de détermination, par rapport aux propriétés qu’il lui confère. Le sec prend, grâce à l’humide, une nature propre qui permet de le définir nettement. — Comme la farine et l’eau, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Dans ses vers sur la nature, ou plutôt : Dans sa Physique. Voir la Physique, livre II, ch. 4, § 6, p. 32 de ma traduction. Dans les Problèmes, livre XII, ch. 16, p. 929, a, 11, édit. de Berlin, il est parlé d’un ouvrage d’Empédocle, dont le titre ressemble beaucoup à celui-ci, mais qui doit en être distingué : dans les Persiques, au lieu de : dans la Physique. Il est clair qu’il s’agit ici de l’ouvrage d’Empédocle en trois livres, intitulé : La physique, qu’il ne faut pas confondre avec son poème : De la nature. Voir les Fragments d’Empédocle, dans l’édit. de Firmin Didot, p. 8, vers 275 et p. 58. — Ayant collé, on ne sait pas au juste à quoi s’appliquait ce vers assez singulier.
  593. Ici-bas, le texte dit simplement : Ici, en d’autres termes, sur cette terre. — Sont déterminés, c’est-à-dire ont une forme distincte et arrêtée, qui en indique nettement la nature et l’espèce. — Sans terre ni eau, il faut se rappeler dans quel sens très large, les anciens comprenaient ces deux mots. — La prédominance, le texte, dit : la puissance, en détournant cette expression du sens qu’elle a d’ordinaire dans le style Aristotélique.
  594. De terre et d’eau que se composent, le texte dit par une locution assez étrange, qu’il n’y a d’animaux que dans la terre et dans l’eau. Le sens que je donne est évidemment le véritable, bien que quelques commentateurs ne l’aient pas adopté. Le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée l’indique, sans le préciser. — Ces deux premiers éléments, le texte n’est pas aussi formel. — Sont la matière des corps, puisque le sec et l’humide (la terre et l’eau), sont passifs.
  595. Modifications, ou propriétés, ou même encore : Qualités. — Les premières, c’est peut-être de là qu’on a tiré plus tard la théorie des qualités primaires et secondaires des corps. En tout cas, l’idée est la même. — La dureté ou la mollesse, ce sont là en effet les premières qualités que notre sensibilité nous révèle dans les corps.
  596. On appelle dur, ces définitions sont encore tout à fait acceptables. — Ne cède pas en profondeur ; le fait est exact, bien que d’ailleurs, au temps d’Aristote, on ne sût pas que les liquides sont incompressibles.
  597. Absolument… d’une manière absolue, mais toujours par rapport à nos sens, qui constatent la dureté ou la mollesse des corps. Voir le § suivant. — Toujours du plus ou du moins, quelques manuscrits présentent une variante pour toute cette phrase, qu’il faudrait alors traduire ainsi : « Le plus et le moins sont donc indéterminés l’un relativement à l’autre. »
  598. L’impression qu’elles causent à nos sens, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Par rapport au toucher, l’état absolu de dureté ou de mollesse n’est pas précisément dans la nature ; mais il dépend toujours de notre sensibilité. En soi, les corps sont durs ou mous, selon l’impression qu’ils font sur nos sens ; mais les uns par rapport aux autres, ils peuvent être plus ou moins durs et plus ou moins mous. — Le toucher, qui peut seul nous faire percevoir cette qualité spéciale des corps. — Ce qui l’emporte sur lui, c’est-à-dire ce qui est plus dur que notre propre chair, d’après la sensation qu’elle éprouve. — Ce qui reste au-dessous de lui, c’est-à-dire ce qui est plus mou que notre organe.
  599. Le corps déterminé dans sa propre limite, en d’autres termes, le corps étant dans son état naturel, et sans avoir subi aucune modification extérieure. — Céder ou ne pas céder, « toucher » sous-entendu, d’après la théorie qui termine le chapitre précédent. — Cohérent, le texte dit : coagulé ; et il se sert du mot qui exprime d’ordinaire en grec l’état de congélation. — La vraie détermination, j’ai cru pouvoir ajouter l’épithète qui n’est pas dans l’original. — Tout corps déterminé ou composé, j’ai conservé dans ma traduction l’indécision et la généralité du texte. On pourrait traduire aussi avec plus de clarté et autant d’exactitude : « Tout corps déterminé ou consistant. » — C’est donc de la cohésion qu’il faut traiter, l’auteur ne traite pas très directement de la cohésion dans ce qui va suivre.
  600. Ce qui agit, j’ai conservé l’expression indéterminée du texte. — C’est ce dont vient le mouvement, même remarque. — Et de la diffluence, c’est la traduction exacte du mot grec. On pourrait peut-être dire aussi : « la dissolution. » — Ou qu’ils sont liquides, ou peut-être encore : « Qu’ils se liquéfient. »
  601. Ainsi qu’on l’a dit, voir plus haut, ch. 1, §§ 1 et suiv. — Par la présence ou l’absence, plus haut il a été dit (id. ibid.) que les éléments passifs étaient le sec et l’humide.
  602. Parlons d’elle en premier lieu, répétition de ce qui a été dit à la fin du § 1er — En fait, j’ai ajouté ces mots. — Le corps de l’humide, j’ai traduit exactement le mot grec. Le Corps veut dire ici l’Essence. — Le froid appartient-il davantage, plus haut, ch. 1, § 1, le froid a été classé parmi les éléments actifs. Ce nouveau passage n’est pas tout à fait contradictoire au premier, comme on le voit au § suivant.
  603. Antérieurement, Voir plus haut, ch. 1, § 1. — Que le froid brûle, cette expression paraît assez étrange au premier abord ; mais la suite l’explique, et nous pourrions trouver certains faits auxquels elle s’appliquerait exactement. Ou dit assez souvent que le froid roussit et brûle les plantes. C’est de là que vient le renom de la lune rousse dans nos climats. — Ou la répercute tout à l’entour, il y a là sans doute quelques-uns des effets du rayonnement calorique, que l’auteur ne connaissait pas d’une manière exacte.
  604. Ou une espèce d’eau, plus ou moins pure, ou plus ou moins chargée de substances étrangères. — Adventice, c’est la traduction exacte du mot grec, qui est d’ailleurs expliqué dans la suite de la phrase. — Qui est dans de la laine, la laine ne contient pas d’eau par elle-même ; mais elle peut en contenir, si, par exemple, on la trempe dans quelque liquide. Dans le lait, au contraire, la présence de l’eau est tout à fait naturelle, puisque le lait lui-même est liquide.
  605. Les espèces de l’eau, on voit, par cet exemple, l’idée singulièrement étendue que les anciens se faisaient de l’eau. Par un abus de langage et par un défaut d’observation, ce terme comprenait, pour eux, tous les liquides, de même que le mot de Terre comprenait tous les solides, quelles que fussent d’ailleurs leurs différences. — Qui ne laissent aucun dépôt, sans doute en s’évaporant. — Sans que ce soit à cause de leur viscosité, ceci ne se comprend pas très bien ; et la suite n’explique pas ce passage obscur. Le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée ne donne aucune lumière. — L’huile, il est probable que l’huile devait être considérée comme une espèce de l’eau, d’après les théories des anciens. — La poix, la remarque serait plus applicable à la glu qu’à la poix.
  606. Mais c’est toujours par la chaleur, ceci contredit la phrase précédente ; mais il semble par ce qui suit que l’auteur veut expliquer le phénomène de la dessiccation par la chaleur uniquement. Quand les choses semblent sécher par l’action du froid, ce n’est qu’une apparence ; car au fond c’est la chaleur qui, chassée par le froid environnant, fait sécher l’objet en en sortant. C’est là le sens qu’adopte Alexandre d’Aphrodisée. — Soit par celle du dehors, comme lorsqu’on fait sécher quelque chose au feu. — L’humide effectif, le texte dit précisément : « l’humide même en lui-même ; c’est-à-dire sous forme d’eau réelle. » — Parce que la chaleur sort, et sous cette forme, c’est encore la chaleur qui agit et produit le phénomène.
  607. Je le répète, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. Ce § est en partie la répétition de ce qui précède. — Ce qu’est la dessiccation, Voir plus haut, ch. 4, § 2.
  608. Devenir humide ou Liquide ; j’ai conservé le mot d’Humide comme plus conforme à la théorie générale du froid, du chaud, du sec et de l’humide. — Effectivement de l’eau, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Qui était coagulé, c’est-à-dire qui était à l’état solide. — L’air en se refroidissant, c’est le phénomène de la vapeur contenue dans l’atmosphère, qui se convertit en eau par l’abaissement de la température.
  609. Qui se coagulent, ou se solidifient. — Ou par ce qu’elles sont de l’eau, et alors elles se congèlent. — Elles sont de terre et d’eau, il faut entendre ici l’expression de Terre dans le sens très large que lui donnaient les anciens. — Par la chaleur sèche, j’ai adopté cette leçon, que donnent plusieurs manuscrits, et qui me paraît la seule acceptable. D’autres manuscrits disent : » Par la chaleur ou par le froid, ou par le sec. » Il semble qu’Alexandre d’Aphrodisée avait cette dernière leçon. — Elles ont été coagulées, ou « solidifiées ». — Qu’on a fait bouillir, et qu’on jette ensuite dans l’eau froide. — Il ne se coagule pas, ou si l’on veut : « il ne se solidifie pas. » — Par le froid qui est dans l’eau, ceci n’est qu’une simple différence verbale.
  610. Toutes les choses qui sont de l’eau, j’ai conservé la formule même du texte, qui n’est pas très claire. L’auteur veut indiquer sans doute les choses qui sont de purs liquides, sans aucun mélange de matière solide. — Elles sont dissoutes par le feu, quand elles ont été solidifiées par une cause quelconque. — La coagulation, ou « la solidification. » — Le corps se coagule, ou « se solidifie. »
  611. Les corps de ce genre, c’est-à-dire de purs liquides, comme on l’a expliqué dans le § précédent. — En se coagulant, c’est-à-dire ici : « en se gelant. » — Les corps humides, ou liquides ; mais j’ai conservé le mot d’humide, par la raison que j’ai dite plus haut, § 1.
  612. Qui participent à la fois de la terre et de l’eau, c’est-à-dire qui ont à la fois une partie liquide et une partie solide. — Se coagulent, ou « se solidifient. — En partie de la même manière, cette expression assez obscure est expliquée par ce qui suit. — S’en va aussi l’humide, et alors c’est à peu près l’effet de la chaleur. — Les corps mous qui ne sont pas humides, ou plutôt : liquides, comme le prouve l’exemple de l’argile, qui n’est pas liquide, mais qui a beaucoup d’humidité. — Ils se coagulent, et deviennent plus solides. — Tous les mixtes qui sont humides, sans doute l’auteur entend par les mixtes les corps mélangés de terre et d’eau, quoique l’exemple du lait ne soit pas dans ce cas très bien choisi.
  613. Qui même s’humidifient d’abord, il faudrait ajouter sans doute : « sous l’action de la chaleur. » — Par l’effet du froid, soit que le froid fût assez fort pour geler ces corps, soit qu’il ne fit que les durcir. — Se vaporise, le mot propre serait peut-être : « sue. » L’argile ne se vaporise pas précisément ; mais elle rejette en partie, par la cuisson, l’humidité qu’elle contient. — Elle devient plus molle, peut-être faudrait-il dire : « plus flexible. » — Se déjeter dans les fours, c’est bien plutôt par l’action d’une chaleur inégale.
  614. Qui participent à la fois de la terre et de l’eau, voir plus haut, § 5. — Se coagulent par le froid, en d’autres termes : « se gèlent. » — Coagulée et gelée, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Qui se coagulent par le refroidissement, il ne semble pas qu’il y ait ici grande différence avec ce qui précède ; mais l’exemple du fer, allégué un peu plus bas, explique ce que l’auteur veut dire. — Indissolubles par la chaleur, c’est-à-dire que la chaleur ne les fait pas fondre et ne les liquéfie pas. — Comme le fer, le fer devient en effet plus mou, par l’effet d’une chaleur modérée, et c’est ce qui fait qu’on le forge et qu’il est malléable. — Et la corne, pour la corne, le phénomène n’est pas aussi évident.
  615. Jusqu’au point de devenir liquide, c’est la fonte, que l’on coule et à laquelle on donne toutes les formes que l’on veut. — De se coaguler de nouveau, c’est-à-dire de se solidifier et de reprendre sa dureté primitive de fer. — S’épure en bas, la scorie proprement dite surnage plutôt ; mais il s’agit sans doute ici du laitier, qui s’écoule en effet par en bas et au-dessous du métal même. — Qu’il devient de l’acier, il faut encore une opération de plus pour faire de l’acier proprement dit, et les anciens savaient tremper le fer en le plongeant dans l’eau. Il semble qu’ici l’auteur ne veut, parler que du fer épuré par plusieurs fontes successives.
  616. Souvent, c’est-à-dire : « à plusieurs reprises. » — Le fer d’ailleurs est préférable, pour plusieurs usages où l’acier en effet serait trop cassant.— Une moins grande pureté, c’est-à-dire quand il est à l’état de simple fonte.
  617. La pierre appelée pyrimaque, il n’est pas facile de savoir au juste ce que c’est que la pierre pyrimaque des anciens ; c’est, ou une sorte de pierre ponce, ou peut-être des pyrites métalliques. La minéralogie a conservé ce nom pour une espèce de silex. — À tomber en gouttes et à couler, ceci conviendrait aux pyrites de fer ou de cuivre. — Mais le liquide, quand il s’est coagulé de nouveau, j’ai suivi la leçon adoptée par M. Ideler et que donne un manuscrit. C’est la seule qui me semble s’accorder avec le contexte. — Les pierres ponces, il n’y a point ici de doute ; et c’est bien des pierres ponces qu’il s’agit ; mais je ne sais si le fait est exact, et si la pierre ponce se liquéfie sous l’action d’un feu violent. — Prend une couleur noire, ou plutôt : « noirâtre. » — Pareil à de la chaux, c’est peut-être de la pouzzolane qu’il est question ; et elle sert, en effet, à composer d’excellent ciment. Il faudrait entendre alors le texte en ce sens, que cette espèce de pierre ponce peut servir aux mêmes usages que la chaux, sans lui être d’ailleurs pareille à l’apparence. — La boue, cette phrase ne semble pas se lier assez ni à ce qui précède, ni à ce qui suit. Déjà la même idée a été exprimée un peu plus haut, § 8.
  618. Se coagulent, ou se solidifient. — Par l’humide, ou par l’eau ; mais j’ai conservé l’expression d’humide, par les motifs que j’ai déjà donnés — Dans la combustion de la terre, c’est-à-dire dans les cratères des volcans. — Dans l’eau, j’ai ajouté ces mots qui m’ont paru nécessaires pour compléter la pensée. — L’humidité froide, ou si l’on veut : Par l’eau froide. La restriction est peut-être exacte pour certains corps ; mais elle ne l’est pu, par exemple, pour le sel marin, qui se dissout aussi bien dans l’eau chaude que dans l’eau froide.
  619. Toutes les espèces d’eau, c’est-à-dire tous les liquides, qui ne sont pas de l’eau pure. — L’un des deux, ou l’humide froid, ou la chaleur sèche.
  620. Ne font que s’épaissir, c’est le sens que donne Alexandre d’Aphrodisée. — Se coagulent ou se solidifient, comme plus haut. — Et la pierre, Alexandre d’Aphrodisée comprend qu’il s’agit de la pierre ponce, dont il a été question plus haut, ch. 6, § 11. L’expression est tout au moins incomplète.
  621. Comme les glaces, il y a plusieurs manuscrits qui ne donnent pas ces mots. Il n’est pu d’ailleurs exact que l’huile ne puisse pas geler ; elle gèle au contraire très aisément ; mais il est vrai qu’elle ne produit jamais une glace aussi compacte que l’eau pure. — Elle s’épaissit par l’action des deux, ceci paraît inexact ; et l’huile bouillante est au contraire plus liquide que l’huile froide. Il n’est pas plus exact de dire que le froid ne solidifie pas l’huile. Un froid, même léger, lui donne beaucoup plus de consistance qu’elle n’en a naturellement.
  622. La cause en est qu’elle est pleine d’air, cette explication est certainement fort remarquable pour le temps où elle a été donnée. Le mélange est plus épais, ceci n’est peut-être pas très exact ; on ne peut pas dire que le mélange soit plus épais que l’huile ; mais l’huile est certainement dénaturée ; et le mélange est effectivement beaucoup plus épais que l’eau. Aristote s’est occupé plusieurs fois de cette nature spéciale de l’huile, et notamment dans le Traité de la Génération des animaux, livre II, ch. 2, p. 735, a, 22, édit. de Berlin.
  623. Par l’effet du feu, Voir plus haut la note du § 2. — Et blanchit, en effet, l’huile en vieillissant perd de sa couleur et devient blanche. — S’il y en avait, par la cause qui vient d’être dite au § 3. — Parce que l’air forme de l’eau, id. ibid.
  624. Des deux façons, soit par l’action du feu, soit par l’action prolongée du temps, ainsi que l’explique Alexandre d’Aphrodisée.— La même modification, c’est-à-dire que l’huile s’épaissit ou blanchit. — Par la même cause, c’est-à-dire par l’absence de l’eau, ou de l’air qui forme de l’eau — L’action du temps et celle du chaud, j’ai ajouté cette glose pour expliquer l’expression un peu vague du texte. C’est le sens donné par Alexandre d’Aphrodisée. — Ni par l’un ni par l’autre, ni avec le temps, ni par l’action du feu. — Elle contient de l’air, le texte dit : elle est d’air, ou : « Elle fait partie de l’air. » — L’eau que l’huile contient, le texte dit simplement : l’eau. M. Ideler lit avec quelques manuscrits : L’huile au lieu de l’eau ; mais cette leçon n’est pas acceptable, et le sens que je donne est celui qu’explique tout au long le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée.
  625. Doivent être classifiés, le texte dit précisément : Dénommés. — D’après la quantité qu’ils renferment, on les classe dans l’eau s’ils contiennent plus d’eau que de terre ; et dans la terre, s’ils contiennent plus de terre que d’eau. — Tout à la fois, j’ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus claire. — Se coagule, comme s’ils contenaient plus de terre que d’eau. — Et peut bouillir, comme s’il contenait plus d’eau que de terre. — C’est le vin doux, ou peut-être mieux : Le sirop.
  626. De tous les corps, mélangés de terre et d’eau. — La vapeur se condense, l’observation est vraie, et elle était sans doute assez nouvelle au temps d’Aristote. — Sous forme aqueuse, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — Si l’on se donne la peine de la recueillir, Alexandre d’Aphrodisée cite les couvercles des marmites d’airain où la vapeur se condense en gouttes d’eau. — C’est qu’il est de la terre, le texte n’est pas tout à fait aussi formel.
  627. Parmi ces corps, qui sont composés de terre et d’eau. — Ainsi qu’on l’a dit, voir plus haut, livre IV, ch. 6, § 5. — Coagule, ou bien encore : solidifie. — Il coagule et dessèche l’eau, j’ai suivi la leçon adoptée par M. Ideler, et qu’autorisent plusieurs manuscrits avec le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. — Et il épaissit l’air, j’ai conservé l’expression même du texte ; mais elle n’est pas exacte ; et nous dirions que dans ce cas le froid condense l’air, en le convertissant en eau. — La coagulation, ou solidification, ou encore congélation. Le mot du texte a un sens très vague.
  628. Que de terre, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Le miel est de terre, pour comprendre ceci, il faut se rappeler dans quelle large acception les anciens prenaient ce mot de Terre. « Le miel est de terre » signifie seulement que le miel est plutôt solide que liquide ; ce qui est vrai.— Est d’air et d’eau, quelques manuscrits disent seulement : Est d’air ; mais d’autres ont aussi l’addition que je donne et qui semble indispensable, ainsi que le remarque Alexandre d’Aphrodisée.
  629. Le lait et le sang, il sera surtout question du lait, dans ce §, et du sang, dans le § suivant. — Tous les corps humides ou liquides. — Et les sels, ou le sel.
  630. Il y a même des pierres, c’est sans doute du sel gemme qu’il s’agit ici ; mais toute cette phrase pourrait bien n’être qu’une glose et une interpolation. — Il est brûlé, c’est-à-dire qu’il se vaporise. — Par la présure, c’est-à-dire que la présure, en faisant prendre le lait, dégage la partie solide de la partie liquide. M. Ideler, pour bien prouver l’antiquité de cet usage, cite l’Iliade d’Homère, chant V, v. 902. — Quand ils font tourner le lait pour quelque médicament, le texte n’est pas aussi formel ; mais c’est là le sens qui résulte des explications d’Alexandre d’Aphrodisée.
  631. Le petit-lait et la crème, le texte dit précisément : le fromage au lieu de la crème. — Consumé comme de l’eau, c’est-à-dire qu’il se vaporise sous l’action du feu. — Et il nourrit moins, Aristote s’est occupé très attentivement de la nature du lait, Histoire des Animaux, livre III, ch. 20, p. 521, b, 27, édit. de Berlin, et p. 522, a, 25. — Le lait n’a plus du tout de crème, il y a quelques manuscrits qui donnent une leçon précisément contraire : « Quand la crème n’a plus de lait. »
  632. Il en est de même du sang, c’est-à-dire, selon l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée, que le sang a plus de terre que d’eau.— Comme celui du cerf, je ne sais si le fait est exact. — Que de terre, c’est-à-dire qu’ils sont plus liquides que les autres sangs et qu’ils contiennent de la fibrine en moindre quanti. Aristote insiste sur ce fait et l’explique dans le traité des Parties des animaux, livre II, ch. 4, p. 650, b, 14, édit. de Berlin. — Les fibres sont de la terre, c’est toujours le sens exceptionnel et très large du mot de Terre. — Si elles manquent, le texte dit précisément : « Quand elles sont enlevées. »
  633. Et cela vient alors de ce qu’il ne se dessèche pas, Alexandre d’Aphroisée n’a pas commenté cette phrase. — Comme pour le lait, quand il ne reste plus que le petit lait, et que toute la partie butireuse en a été séparée. — Les sangs qui sont malades, Aristote a approfondi ce sujet, Histoire des Animaux, livre III, ch. 19, p. 524, a, 28, et des Parties des animaux, livre III, ch. 5, p. 668, a, 5 et suiv., édit. de Berlin. — Ne veulent pas, c’est l’expression même du texte, que j’ai cru devoir conserver. — Pleins d’humeur et de pus, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Parce qu’alors le sang, le texte n’est pas aussi explicite. — Il résiste à la coction naturelle, même remarque.
  634. De plus, malgré cette liaison apparente, les idées qui suivent ne se rattachent pas très directement à celles qui précèdent. — Qui sont solubles, évidemment par l’eau. Voir plus haut, ch. 6, § 12. — Comme le nitre, ceci est une répétition de ce qui a été déjà dit plus haut, ch. 6, § 12. — L’argile et la pierre, pour la pierre c’est de toute évidence ; mais pour l’argile, l’eau la dissout en partie, quand elle est en petite quantité, bien que, dans le sein de la terre, l’argile retienne les eaux. — S’amollir par le feu, le texte dit simplement : s’amollir ; j’ai ajouté : par le feu, en me reportant à ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 8. — Par exemple l’argile, ceci semble contredire ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 7.
  635. Les contraires causent les contraires, voir plus haut, ch. 6, § 2 et surtout § 13.
  636. Qu’ils se coagulent… qu’ils ont été coagulés, le texte n’est pas aussi formel. — Les plus insolubles de tous, soit par l’eau, soit par le feu. L’auteur aurait bien fait de désigner précisément quelques-uns de ces corps. Les indications qui suivent sont trop vagues.
  637. Se coagulent par le froid, on se solidifient en se refroidissant, ou se gèlent par l’action du froid. J’ai préféré conserver l’expression même du texte. — Sort et suinte, cette expression peut paraître assez singulière appliquée à la chaleur ; mais le texte va jusqu’à dire que la chaleur dégoutte, c’est-à-dire qu’elle sort sous forme de gouttelettes. — Par le froid, qui est produit relativement au corps par l’air extérieur.
  638. Ne dissout pas ces corps, c’est-à-dire les corps qui, après avoir été amollis par la chaleur, se sont solidifiés sous l’action du froid. Le texte d’ailleurs n’est pas aussi formel. Non plus par l’eau, l’eau n’agit pas plus que la chaleur sur ces corps. Il eût été plus clair de désigner quelques-uns des corps dont on veut parler.
  639. Se coagule, ou se solidifie. — Il a besoin des deux, c’est-à-dire du chaud et du froid. — À l’eau, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Ils sont de terre et d’air, il faut toujours se rappeler le sens exceptionnel de ces expressions. — Si l’on en excepte l’ébène, il y a plusieurs bois encore qui sont plus lourds que l’eau ; mais les anciens, au temps d’Aristote, ne connaissaient que l’ébène ; ou bien, ils confondaient plusieurs espèces de bois sous ce nom commun.
  640. Plus d’air que celui-là, ou bien : plus d’air que de terre, comme le veut Alexandre d’Aphrodisée. Le texte est tout à fait indéterminé.— Plus de terre, que d’air, sous-entendu.
  641. L’argile, il faut entendre, ici comme plus haut, l’argile convertie par le feu à l’état de poterie. —N’est plus que la terre, et ne peut plus être liquéfiée, comme l’explique Alexandre d’Aphrodisée. — Elle se coagule, ou se solidifie. — N’a plus les entrées, c’est l’expression même du texte ; c’est-à-dire que les pores, par où l’air est sorti, lors de la cuisson qui a solidifié l’argile, sont trop petits pour que l’eau puisse y passer à son tour.
  642. La coagulation et la fusion, c’est-à-dire les deux états solide et liquide, par lesquels certains corps peuvent passer. Alexandre d’Aphrodisée remarque que l’auteur n’a pu donné de définitions précises de la coagulation ni de la fusion, et il essaye de suppléer lui-même ces définitions.
  643. Se forment, peut-être faudrait-il ajouter : et prennent e et leur consistance naturelle. — Qui produisent…. les façonnent, il n’y a qu’un seul mot dans le texte — En petit nombre, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Ces éléments sont actifs, Voir plus haut, ch. 1, § 1 — Qui sont en partie formés des uns et des autres, le texte dit simplement : « Les corps communs. »
  644. D’eau et de terre, il faut toujours se rappeler le sens très large de ces expressions, qui, pour nous sont beaucoup plus spéciales que pour les anciens. — Les corps à parties similaires, d’après l’explication d’Alexandre d’Aphrodisée, ce sont les os, par exemple, les tendons, les muscles, les veines, etc., dans les animaux ; ce sont le bois, les feuilles, etc., dans les plantes. C’est d’ailleurs une expression dont Aristote fait un très fréquent usage dans ses études d’histoire naturelle. Voir plus loin, ch. 10, § 2, la définition de ce mot. — Les corps métalliques, c’est singulier tout au moins de n’avoir pas fait une classe à part pour des corps aussi distincts que les métaux. — De ces deux éléments, c’est-à-dire de terre et d’eau. — L’exhalaison qui est renfermée dans tous les deux, c’est-à-dire dans la terre et dans l’eau : la première, sèche ; et la seconde, humide. — Ainsi qu’on l’a dit ailleurs, à la fin du troisième livre, comme le remarque Alexandre d’Aphrodisée ; voir plus haut, livre III, ch. 7, § 4. Ailleurs, indique peut-être aussi le livre spécial des Métaux, qu’on attribue parfois à Aristote.
  645. Qu’ils causent sur nos sens, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Un certain effet sur nous, même remarque. — Sur notre sensibilité idem. — La fusion, la coagulation, c’est-à-dire que les corps peuvent se présenter à l’état liquide ou à l’état solide, etc. — Toutes passives, Voir plus haut, ch. 1, § 1. L’humide et le sec sont passifs, tandis que le froid et le chaud sont actifs.
  646. L’os et la chair, dont l’un est dur et dont l’autre est mou. — Le nerf et le bois, même opposition. — De parties similaires, Voir plus haut, § 2. Ceci veut dire que tous les os, par exemple, sont composés de la même manière ou à peu près ; que toutes les chairs sont composées de la même manière ou à peu près, etc., etc. Voir plus loin, ch. 10, § 2.
  647. Selon qu’ils peuvent ou ne peuvent pas, j’ai conservé autant que l’ai pu l’expression du texte.
  648. Incoagulable, je ne réponds pas que ces mots soient parfaitement français ; mais j’ai dû les adopter pour mieux marquer l’opposition qui se forme ici par une simple négation. J’en dis autant de plusieurs autres mots parmi ceux qui suivent, et pour lesquels je dois présenter la même excuse. — Non flexible, parce que le mot d’inflexible a un autre sens. — Visqueux, sec, l’opposition n’est pas mieux marquée dans le texte lui-même. — Invaporisable, le mot n’est pas français certainement ; mais j’ai dû le forger.
  649. Antérieurement, dans le chapitre précédent tout entier. Voir aussi ce même chapitre, § 23.
  650. Qui se coagulent et qui se durcissent, c’est-à-dire qui passent de l’état liquide à l’état solide, quelles que soient d’ailleurs la consistance et la dureté qu’ils acquièrent par cette modification.
  651. Pour ceux qui sont d’eau, il faut toujours se rappeler le sens très général que les anciens donnaient à cette expression, comprenant tous les corps liquides sous le terme général d’Eau. — Qui sont de terre, même remarque, les anciens comprenant sous le nom de Terre tous les corps solides sans exception. — L’argile, il faut entendre ici l’argile cuite par l’action du feu, et convertie en un corps dur et insoluble à l’eau. — Et la terre qui vient de la boue, et qui a été durcie, soit par la chaleur, soit par le froid, à la différence de la terre qui viendrait de l’argile, comme le remarque Alexandre d’Aphrodisée.
  652. Ceux qui se coagulent, ou se solidifient. — Par privation de chaleur, soit que l’état qu’ils prennent soit permanent, soit qu’ils ne prennent qu’un état passager. — La glace, le plomb, il est assez singulier d’associer deux corps aussi différents.
  653. Qui n’ont pas d’humidité aqueuse, ceci ne s’applique pas bien aux deux exemples cités un peu plus bas, du miel et du vin doux. — Plus de chaleur et de terre, ceci peut se dire jusqu’à un certain point du vin doux qui fermente ; mais ce n’est plus applicable au miel. — Bouillants, j’ai conservé le mot du texte ; mais évidemment il s’agit de fermentation. — Ont plus d’air que d’eau. — L’huile, Voir plus haut, ch. 7, § 2. — Le vif-argent, le texte dit précisément : « l’argent fondu, » qu’Alexandre d’Aphrodisée explique par Hydrargyre, ou argent liquide.
  654. Parmi les substances coagulées, ou solidifiées. — Amollissables, je n’ai pas pu trouver de mot plus convenable dans notre langue. — Qui ne sont pas d’eau, c’est-à-dire celles qui n’ont pas été d’abord liquides et ne se sont pas ensuite congelées. — Car toute glace vient d’eau, cette parenthèse n’était pas très nécessaire, et peut-être n’est-elle qu’une interpolation. — Le nitre et les sels, Voir plus haut, ch. 7, § 10. — De composition irrégulière, comme l’argile, la pensée est obscure quoique les mots ne le soient pas ; c’est qu’elle n’est pas assez développée. Alexandre donne de ce passage deux explications aussi peu satisfaisantes l’une que l’autre : « ou l’argile a une humidité irrégulière ; » ou bien : « l’argile a les pores irréguliers, parce qu’ils ne sont pas en ligne droite. » Ma traduction est indécise comme le texte, qui évidemment n’était pas plus clair pour les commentateurs grecs que pour nous. — Sans être de l’eau, il y a des manuscrits qui ne donnent pas ces mots ; ils ne semblent pas en effet s’accorder très bien avec la suite des pensées. Plusieurs commentateurs ont proposé de les retrancher ; mais je les garde, parce qu’Alexandre d’Aphrodisée les a, et qu’ils ne paraissent pu faire la moindre difficulté pour lui. — Et les bois, il s’agit sans doute ici des bois que l’on courbe à l’aide du feu.
  655. Qui fondent et ne fondent pas, c’est la seconde classe des propriétés diverses des corps dont il a été parlé plus haut, ch. 8, § 6. — Inhumectable, j’ai forgé le mot pour rendre l’opposition plus sensible. — La laine et la terre, la laine ne reçoit pu l’eau comme la terre, et l’exemple n’est pas bien choisi.
  656. Comme le nitre et les sels, il semble encore que l’exemple n’est pas ici très bien choisi. Le sel se dissout en effet dans l’eau ; mais la terre s’y dissout aussi, quoique moins complètement, et il ne paraît pas qu’elle soit plus humectable que lui. — La laine et les fruits, on ne comprend pas bien non plus que la laine et les fruits puissent être réunis à ce point de vue. Les fruits sont en général humides et juteux ; ils ne sont pas fondants pour cela ; mais on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas humectables. Peut-être aussi n’ai-je pas bien saisi la nuance du texte, quoique les mots ne prêtent ici à aucune obscurité.
  657. On appelle humectables, cette définition de ce que l’auteur entend par humectable, ne rend pas sa pensée beaucoup plus claire. Peut-être le serait-elle davantage en substituant le mot de spongieux à celui d’humectable. — Qui, étant de la terre, le mot de Terre est pris ici dans l’acception générale et vague que j’ai déjà signalée. — Qui sont plus dures que l’eau, l’eau alors pénètre dans le corps qu’elle imbibe ; mais elle ne le dissout pas. — Qui sont entièrement percés par elle, ou : « Qui ont des pores dans toute leur étendue. »
  658. Soit tout à la fois liquéfiable et humectable, Alexandre répond que cette différence d’état tient à la différence même des espèces de terre, selon que les pores sont plus ou moins réguliers ou irréguliers. Les pores traversent de part en part, et qu’alors l’eau peut pénétrer dans toutes les parties du corps, pour le dissoudre et le liquéfier. — Tout disjoints et ne se correspondent pas, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Est différente, de celle que subit le nitre.
  659. Qui sont flexibles, le texte ne suit pas tout à fait ici l’ordre indiqué plus haut, ch. 8, § 6.
  660. Flexibles et droits, il serait plus exact de dire : « Qui tout à la fois peuvent se fléchir et se redresser. » — Dont la longueur, c’est la tournure même dont se sert le texte. — Soit en haut soit en bas, cette différence ne résulte que de la position différente des mains de celui qui tient le corps.
  661. Si la flexion s’appliquait aussi à la ligne droite, il y a contradiction dans les mots eux-mêmes. — Le droit ne peut pas être courbe, il semble que ceci est par trop évident et qu’il n’y avait guère besoin de le dire.
  662. Il n’y a pas de courbure possible en ligne droite, même remarque. Ceci d’ailleurs ne fait guère que répéter ce qui vient d’être dit au § précédent. — Flexibles ou rigides, ou peut-être : droits au lieu de rigides.
  663. Frangibles et friables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — Ainsi le bois, cet exemple est bien choisi. — Ne sont pas frangibles, ce serait plutôt : fragiles ; mais soit frangibles, soit fragiles, il ne semble pas que cet exemple soit exact. Il faudrait donc peut-être lire : « La glace et la pierre sont à la fois friables et frangibles ; » mais cette leçon n’est autorisée par aucun manuscrit. — L’argile, une fois qu’elle a été cuite et convertie, par exemple, en poterie.
  664. En grands morceaux, ceci est assez exact. — En un nombre de morceaux quelconque, ceci ne l’est pas autant ; et il aurait mieux valu dire : « En morceaux très ténus. » — Pourvu que ce soit plus de deux, ceci est encore moins exact ; mais c’est peut-être une simple glose.
  665. Se sont coagulés, ou solidifiés. — Pour que cet effet se produise, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Les deux espèces de composition, même remarque. — Les deux propriétés, d’être frangible et d’être friable.
  666. Comme l’airain et la cire, le fait est exact dans sa généralité ; mais cependant il y a grande différence entre les deux corps ; et pour faire une empreinte sur l’un ou sur l’autre, les moyens qu’on doit employer ne se ressemblent pas. — L’argile et l’eau, ici encore les exemples semblent assez mal choisis. L’argile, à moins qu’elle ne soit presque liquide, garde fort bien les empreintes ; et l’eau ne les garde jamais. En se cuisant, l’argile ne conserve pas moins bien les empreintes qu’on y peut faire. Alexandre d’Aphrodisée ne fait aucune remarque sur ce point, qui ne paraît pas lui causer le moindre embarras. Ou bien peut-être l’auteur veut-il dire que l’argile cuite ne se raie pas facilement ; mais il en est aussi de même de l’airain ; et l’on ne voit pas davantage comment on peut à cet égard les opposer l’un à l’autre. Il est vrai que l’argile se casse, si elle est trop violemment frappée.— L’empreinte, ce serait plutôt ici : La dépression. — Par un contact quelconque, plus ou moins pressant ; c’est toujours une contusion. Le texte, d’ailleurs, n’est pas aussi précis que ma traduction. De ce genre, c’est-à-dire qui peuvent recevoir des empreintes, et s’affaisser sous le coup qu’ils reçoivent. — Qui sont durs, comme l’airain, et qui n’en fléchissent pas moins sous les contusions. Comme l’argile, c’est trop dire, et l’argile cuite peut bien recevoir aussi des contusions qui la marquent sans la briser. — Ne cède pas en profondeur, ceci n’est pas très exact ; et sans fléchir beaucoup, cependant l’argile cède aussi avant de se camer. — Non par parties, cela tient à l’incompressibilité des liquides, que les anciens ne connaissaient pas sous ce nom précisément, mais qu’ils n’ignoraient pas non plus tout à fait, comme le prouve l’observation consignée dans le texte. Voir aussi plus bas, § 15 et § 18.
  667. Qu’on peut modeler, comme l’argile avant d’être cuite. — Faciles à empreindre, j’ai voulu conserver l’analogie verbale qui est dans le texte. — Comme la laine et l’éponge, exemples bien choisis. — Modelables, Voir plus haut, ch. 8, § 6.
  668. Qui serrés peuvent rentrer sur eux-mêmes, cette définition est très exacte. — Une molécule, le texte dit précisément : Une partie. — L’eau qui se déplace tout entière Voir plus haut, § 13.
  669. La pression est le mouvement, cette définition est aussi fort exacte. — Se produit par le contact, ce qui distingue la pression du coup, c’est qu’il n’y a point de déplacement pour la pression. — De translation, c’est-à-dire d’un certain déplacement dans l’espace.
  670. Vides de matières homogènes, le texte dit précisément : « Vides d’un corps homogène. » Homogène s’entend d’une matière homogène à celle du reste du corps. — Ou dans leurs propres pores, c’est-à-dire revenir à l’état qu’ils avaient avant d’être comprimés. — Le corps même, par exemple, les pores de l’éponge sont pleins d’air ; et l’air est plus mou que l’eau, qui le remplace dans les pores où elle entre. — L’éponge, la cire, la chair, ces trois corps sont de nature trop différente pour qu’on puisse ainsi les réunir entre eux ; et les modifications qu’ils offrent sous la pression d’un agent quelconque ne se ressemblent pas.
  671. Incompressiblespar pression, le texte grec ne présente pas cette analogie ; et les deux mots, dont il se sert, sont différents par l’étymologie ; notre langue ne m’a pas offert la même ressource. — Et l’eau, Voir plus haut, § § 13 et 15.
  672. Peut se déplacer obliquement, ce dernier mot veut dire ici simplement : « soit en longueur, soit en largeur, » en excluant la profondeur. Voir la même expression plus haut, livre 1, ch. 4, § 12. — Vers le corps qui cause le mouvement, par exemple la main qui tire le corps élastique et l’allonge vers elle. — La pâte « de farine, » sous-entendu. — Inextensible, au lieu d’extensibles, on pourrait employer aussi le terme d’élastiques.
  673. Le flegme, il est difficile de savoir ce que l’auteur veut précisément désigner par ce mot ; mais c’est évidemment quelqu’une des sécrétions du corps humain. — Qui n’est pas compressible, en tant que liquide. — Mais elle ne s’allonge pas, ceci n’est peut-être pas fort exact.
  674. Comme l’airain, l’auteur cite sans doute ce métal composé, comme étant celui que les anciens employaient le plus et connaissaient le mieux. — Les corps sont ductiles, cette définition est acceptable. — Partiellement, c’est-à-dire la partie où porte l’instrument avec lequel on frappe. — Ils ne peuvent pas subir cet effet, le texte n’est pas tout à fait aussi formel.
  675. Sont susceptibles d’empreinte, Voir plus haut, §§ 13 et 14. — Par exemple le bois, Voir plus haut, § 14, où il a été dit que le bois n’était pas très facile à empreindre. — Sont réciproques, c’est-à-dire que l’un est généralement accompagné de l’autre. — La laine et l’eau ne le sont point, ce passage a l’air d’impliquer que l’eau pourrait être compressible ; ce qui a été nié formellement plus haut, § 18. Peut-être faut-il supprimer ces mots : « et l’eau. »
  676. Comme le bois, en effet, le bois est le corps où cette propriété est la plus visible et la plus ordinaire, bien que tous les bois ne se fendent pas. — Comme l’argile, qui ne se fend précisément sous aucune forme, ni sous sa forme naturelle, ni sous la forme que lui donne l’industrie de l’homme.
  677. Qu’elle peut se fendre, la définition est exacte. — Au-delà du point, c’est la condition essentielle pour qu’on puisse dire d’une chose qu’elle peut se fendre. — Car elle ne se fend, répétition peu utile. — Dans la coupure, c’est en effet la différence qui existe entre les deux phénomènes de couper et de fendre ; mais les deux propriétés peuvent se rencontrer à la fois dans un même corps. Le bois, par exemple, peut être en général tout à la fois coupé et fendu. Voir plus bas, § 27.
  678. Rien de ce qui est mou, c’est une assertion trop absolue ; et l’auteur la modifie lui-même dans ce qui suit. — Absolument molles par elles-mêmes, il est bien difficile de spécifier les choses qui sont molles de cette façon ; mais peut-être l’auteur ne veut-il désigner par là que les liquides. — Le fer lui-même, relativement à d’autres corps plus durs, par exemple le diamant ; ou peut-être le fer pourrait-il être considéré comme mou, parce qu’il fond sous l’action du feu. — Tous les corps durs, le fait est exact. — Impressibles, Voir plus haut, §§ 13 et 14. — Des pores allongés, il serait mieux de dire des fibres plutôt que des pores ; mais l’explication n’en est pas moins ingénieuse.
  679. Susceptibles d’être coupés, ou sécables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — N’anticipe pas nécessairement, Voir plus haut, § 24. — Ou à peu près liquides, le texte n’est pas tout à fait aussi précis.
  680. Tout à la fois susceptibles d’être coupés, Voir la note du § 24. — Dans sa longueurdans sa largeur, il aurait mieux valu dire que les choses ne peuvent pas être fendues dans tous les sens. La longueur et la largeur ne dépendent que de la forme du corps et non de sa nature.— Là où plusieurs longueurs se réunissent en une seule, c’est-à-dire là où les fibres diverses se touchent dans le sens de leur longueur. — Plusieurs largeurs se réunissent en une seule, la largeur étant considérée comme une simple ligne, on conçoit qu’il en faut plusieurs pour que le corps puisse être divisé ; mais l’expression n’en a pas moins quelque chose d’étrange.
  681. Qu’il est visqueux, les détails qui suivent prouvent qu’il s’agit des corps élastiques, plutôt encore que des corps visqueux ; mais je n’ai pu changer l’expression du texte ; et il est possible que la langue grecque n’eût pas un mot spécial pour rendre cette idée d’élasticité. — Humide ou mou, ceci se rapporte bien à l’idée de viscosité ; mais tous les corps visqueux ne sont pas élastiques. — Par le déplacement de ses parties, le texte n’est pas aussi formel.— Quand il est composé d’anneaux, même remarque. — Comme les chaînes, le terme dont se sert ici le texte n’est pas très clair, et Alexandre d’Aphrodisée ne l’explique pas. — Sont secs, je n’ai pas trouvé de meilleur équivalent en notre langue ; peut-être eût-il fallu dire : non gluants, ou non tenaces.
  682. Aplatissables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — Non aplatissables, j’ai dû composer ce mot pour bien conserver l’opposition des termes grecs. — Incompressibles, Voir plus haut, § 15.
  683. Combustibles, Voir plus haut, ch. 8, § 6.— La pierre et la glace, les deux exemples ne devraient peut-être pas être réunis. L’auteur veut dire sans doute que la pierre ne flambe pas, et en ce sens elle est comme la glace ; mais il y a de la pierre, comme la houille, qui brûle et jette de la flamme. De plus, la pierre en général peut se cuire ; et la glace ne fait que fondre sous l’action du feu. — Capables de recevoir le feu, ou en d’autres termes : « la chaleur. » — Disposés en ligne droite, cette condition ne paraît pas indispensable. — Une humidité plus faible que le feu, c’est-à-dire incapable de résister à la chaleur, et que la chaleur peut absorber tout entière. — Plus forte que le feu, c’est-à-dire en trop grande quantité pour que le feu l’absorbe entièrement. — Et les végétaux très verts, le texte n’est pas aussi précis.
  684. Sont vaporisables, voir plus haut, ch. 8, § 6. — Vaporisables… la vapeur, le texte se sert ici de mots différents ; je n’ai pas pu rendre cette opposition dans notre langue. — En air ou en vent, le texte a ces deux mots ; le second signifie souffle aussi bien que vent. — De la chaleur brûlante, c’est-à-dire causée par un combustible en ignition. — Et étant humide elle-même le texte n’est pas tout à fait aussi précis ; peut-être aussi faudrait-il traduire : « et pouvant elle-même humecter. »
  685. Se sécrètent…. et se changent, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Quelques-unes disparaissent, il eût été bon de désigner spécialement ces substances. — Deviennent de la terre, c’est-à-dire qu’elles laissent en se vaporisant un certain résidu solide. — Cette sécrétion, qui se produit par la vaporisation de certaines substances. — Qu’elle n’humecte pas, comme la vapeur venue de l’eau bouillante, par exemple. — Du vent, c’est-à-dire qu’elle n’agite pas l’air de manière qu’elle soit sensible.
  686. En longueur, sans parler de l’épaisseur. Il semble en effet que le vent est une simple ligne, bien que l’air soit agité par lui dans une assez vaste étendue et dans une couche assez épaisse. — La sécrétion commune du sec et de l’humide, de manière que la substance entière du corps finisse par disparaître. — Elle colore plutôt, il y a en effet une foule de vapeurs qui altèrent la couleur des objets.
  687. Je comprends aussi dans ce genre les os, c’est-à-dire que les os, les poils, etc., font de la fumée, comme en fait le bois quand il brûle. — Pour la fumée de toutes ces choses, le texte n’est pas tout à fait aussi explicite. — Comme le dit aussi Empédocle, Voir les Fragments d’Empédocle, p. 6, vers 216, édit. de Firmin Didot. M. Ideler a voulu voir une contradiction entre la pensée prêtée ici à Empédocle et la citation qui se trouve dans le Traité de l’âme, livre II, ch. 4, § 7, p. 191 de ma traduction. Il me semble que ces deux passages peuvent très bien s’accorder, au lieu de se contredire. — Lignys disse, j’ai conservé les deux mots grecs, parce que notre langue ne m’offrait pour les remplacer que le mot de suie. Nous n’avons pas distingué par des noms spéciaux ces divers genres de fumée. Voir plus loin, § 42.
  688. Et n’épaissit pas, l’auteur a dit le contraire plus haut, ch. 7, § 2. — Elle est fumeuse, la distinction est difficile à saisir ; et notre langue ne m’a pas offert d’expression plus exacte. — Elle ne se vaporise pas, comme l’eau qui est absorbée usez vite tout entière par l’évaporation. — Quand il est doux, c’est-à-dire, qu’il n’a pas encore fermenté. — Est fumeux, il est difficile de savoir à quel phénomène réel ceci se rapporte. Il est gras, ou plutôt : « onctueux. » — Ne se brûle pas, on ne voit pas non plus ici à quel phénomène ceci peut s’appliquer bien exactement. — Il ne grise pas, il semble que c’est le contraire. Mais l’auteur veut dire seulement sans doute que le vin doux n’enivre pas autant que le vin fermenté. — Le vin ordinaire, c’est-à-dire le vin qui a fermenté.— Une faible évaporation, ou « Exhalaison. » — Il peut produire de la flamme, quand on le jette sur un feu déjà tout allumé. Pour les anciens, ce phénomène se présentait très souvent dans les libations des sacrifices. Il n’est pas probable que l’auteur veuille ici parler de l’alcool.
  689. Sont combustibles, un peu plus haut, § 30, l’auteur a déjà traité des corps combustibles ; il y revient ici ; et les détails intéressants qu’il donne eussent été plus régulièrement placés avec les précédents. — Qui se coagulent, ou « se solidifient. » — Ces corps, on pourrait entendre aussi qu’il s’agit du froid et du chaud, dominés par le feu. — Dominés par le feu, on ne conçoit pas bien que le feu domine la chaleur que lui-même produit. Mais l’auteur veut parler sans doute de cette chaleur antérieure qui a fait passer les corps à l’état solide, et qui les y maintient bien qu’elle soit à l’état latent. — La pierre à cachets, c’est la traduction du mot grec. — Charbon, peut-être aurais-je dû garder le mot même d’Anthrax, qui est dans le texte. Pour plus de clarté, j’ai ajouté : « ou escarboucle. »
  690. Les uns s’enflamment, la distinction est très exacte. — De faire du charbon, ou « de devenir des charbons. » Ce sont surtout les bois. — Flamme…. inflammables, la tautologie est dans le texte.
  691. Peuvent cependant se vaporiser, c’est-à-dire se consumer sans laisser de cendre. — Quand on les mêle, le texte n’est pas tout à fait aussi formel. — Charbonneux, ou « capables de produire du charbon, » de se convertir en charbon. — Plus de terre, il faut toujours se rappeler l’acception générale et vague du mot de Terre dans les théories des anciens. Voir plus haut, ch. 8, § 9.
  692. Qui, étant fusibles, Voir plus haut, § 2. — L’airain, dont les anciens faisaient, à ce qu’il semble, plus d’usage que de tous les autres métaux. — Comme l’encens, qu’on avait connu davantage après les expéditions d’Alexandre, ainsi que le remarque M. Ideler.
  693. La cause en est, cette explication est évidemment bizarre et inexacte ; mais dans les théories des anciens, on supposait toujours que c’était l’humidité qui alimentait le feu. — Et continu dans toutes ses parties, parce qu’on suppose aussi que les pores du bois sont disposés en ligne droite, et qu’ils se correspondent. Voir plus haut, § § 27 et 30. — Qui en a bien dans chacune de ses parties, il est assez étrange que l’airain contienne de l’humidité entre ses pores ; mais c’est une exigence logique de la théorie de la combustion, telle que l’auteur semble la concevoir. — Pour produire de la flamme, mais en assez grande quantité, cependant, pour que le métal se fonde. — En partie d’une façon, ceci n’est pas très clair ; mais je n’ai pas voulu préciser davantage, de peur de trop m’écarter de la pensée de l’auteur.
  694. Parmi les corps qui se vaporisent, ce passage eût été plus clair, si l’auteur avait cité spécialement quelques-uns de ces corps. — Trop de terre, Voir plus haut la note du § 38 et passim. — Est-elle de l’air, le texte dit positivement : « un souffle. »
  695. L’évaporation des bois, Voir plus haut, § 34. — De la lignys…. de la cnisse, voir plus haut la note du § 34, où j’ai dit pourquoi je croyais devoir conserver les deux mots grecs. — C’est par l’humide que la transformation se fait, cette phrase pourrait bien n’être qu’une interpolation ; et il y a des éditeurs qui l’ont omise. — Onctueux, je n’ai pas trouvé d’équivalent meilleur.
  696. Qui se vaporisent, il semble qu’il s’agisse ici de liquides combustibles. — (Comme l’huile et la poix), ces mots, que j’ai mis entre parenthèses, ne semblent pas avoir été dans le texte au temps d’Alexandre d’Aphrodisée. Plusieurs éditeurs les ont supprimés, comme étant une interpolation peu intelligente. En tout cas, il faudrait comprendre qu’il s’agit de la poix rendue liquide par l’action du feu
  697. Par ces différences… diffèrent, la tautologie est dans le texte. — Les corps homogènes, cette expression est expliquée au § suivant. — Ainsi que nous l’avons dit, Voir plus haut, ch. 8, §§ 2, 3 et 4. — Par l’odeur, le goût, Voir le Traite de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 2, p. 48 de ma traduction.
  698. J’entends par corps homogènes, Voir plus haut, ch. 8, § § 2, 3 et 4. — La pierre, peut-être est-ce la pierre d’aimant que l’auteur veut désigner. — J’entends aussi par corps homogènes, le texte n’est pas aussi formel. — Les parties non homogènes, c’est-à-dire composées de plusieurs éléments différents. — Le visage, dans lequel se trouvent munies toutes les parties constitutives qu’on vient d’énumérer et qui diffèrent entre elles.
  699. Comme ces corps homogènes, j’ai conservé à toute cette phrase, qui est très longue, le mouvement qu’elle a dans le texte, plutôt que de la couper en plusieurs autres phrases. — Par l’action d’une autre cause, qui leur a donné la forme qu’elles ont ; cette cause est la génération par exemple, ou la nature, etc. — En tant que matière, et matière passive. Voir plus haut, ch. 1, § 1. — L’eau et la terre, comprises dans le sens si large et si indéterminé que les anciens donnaient à ces deux expressions. — La puissante empreinte, j’ai dû, dans ce passage, paraphraser le texte.— Les éléments actifs, j’ai ajouté ce dernier mot, qui est implicitement compris dans le contexte. — C’est avec le sec et l’humide, le texte n’est pas aussi formel — Et coagulent ou « solidifient. » — Homogènes et les parties similaires, il n’y a qu’un seul mot dans le texte
  700. Qui ont été formés par la nature, j’ai ajouté ces derniers mots pour bien préciser la pensée. — Sont humides, ou « liquides. » Antérieur, Voir plus haut, ch. 8, §§ 7 et 8.
  701. Parmi les corps humides, ou « liquides. » — Ceux qui se vaporisent, sans doute sans laisser aucun résidu solide. — Comme le lait, l’exemple ne paraît pas très bien choisi ; mais dans les théories de l’auteur, toute partie solide est de terre, et le lait a une partie solide qui demeure après que la partie aqueuse a disparu. — Comme le bois, Vicomercatus et quelques éditeurs ont pensé qu’il fallait substituer le miel au bois ; M. Ideler adopte cette correction, qui paraît d’abord assez plausible ; mais le miel n’est pas non plus un liquide, et par conséquent la correction ne serait pas suffisante. J’ai préféré laisser le texte tel que l’avait Alexandre d’Aphrodisée, qui se borne à remarquer ici qu’il s’agit de bois verts. Il est évident d’ailleurs que le bois ne peut être classé parmi les liquides ; mais il est question dans ce passage des corps humides, et non pas seulement des corps liquides.
  702. Tous les corps qui sont épaissis, il eût été bon de désigner spécialement quelques-uns de ces corps. — Parmi les corps humides, ou « liquides. — Se vaporiser, comme l’eau, sans laisser aucun résidu. D’ailleurs, le doute dont parle ici l’auteur consiste à savoir s’il faut ranger le vin parmi les liquides purs, ou parmi les mixtes, composés de terre et d’eau. — Il s’épaissit, de manière à former une sorte de sirop.
  703. A plus de terre, au sens ou le mot de Terre est pris dans les théories chimiques des anciens. — De chaleur et de terre, même remarque. — Le racler pour le boire, on ne peut plus dire alors que ce soit du vin ; c’est le résidu d’un vin desséché.
  704. Sont de la terre, en comprenant sous ce nom de Terre toutes les substances solides, quelles qu’en soient d’ailleurs les différences. — Sont composés aussi de plusieurs éléments, Voir plus haut, § 6. Par « Plusieurs éléments, » il faut entendre ici la terre, l’eau et l’air.
  705. Parmi les corps solides, l’expression dont se sert le texte est un peu moins précise. — Sont de l’eau, comme plus haut. — Sont de la terre, idem. — Coagulés, ou « solidifiés. » — Par le refroidissement, ceci ne semble qu’une répétition assez peu utile de ce qui vient d’être dit. — La seule privation de l’humide, ce qui est bien aussi un effet de la chaleur. — Toutes les espèces de terre épurées, le texte est ici assez obscur, et Alexandre d’Aphrodisée ne donne aucun éclaircissement. — Ne se coagule, ou « ne se solidifie. » — Par les deux, le chaud et le froid. — Ces deux éléments, la terre et l’eau.
  706. D’où l’humidité tout entière, c’est le sens donné par Alexandre d’Aphrodisée à l’expression du texte, qui est assez obscure.— Comme l’argile, il semble qu’il est ici question de l’argile solidifiée par la cuisson ; et alors il est assez singulier de la rapprocher de l’ambre.
  707. L’ambre paraît aussi de cette famille, les anciens n’ont jamais su l’origine véritable de l’ambre ; et aujourd’hui même on n’est pas très sûr de la bien connaître. On racontait, pour l’expliquer, une foule de fables plus ou moins probables ou intéressantes. — Des animaux, le fait est exact ; et l’on peut en tirer cette conséquence certaine qu’avant de passer à l’état solide, la matière qui forme l’ambre a été liquide. — Par l’action de l’eau du fleuve, le texte dit simplement : « Par le fleuve. » Ceci fait sans doute allusion à une de ces fables qui étaient répandues sur l’origine de l’ambre. Il tombait goutte à goutte de quelques arbres placés sur le bord d’un fleuve, l’Éridan, disait-on ; les gouttes liquides était refroidies sur-le-champ par le contact de l’eau. On ajoutait que ces gouttes étaient les larmes des sœurs de Phaéton, changées après son malheur en peupliers qui pleuraient sans cesse. L’allusion du texte n’est pas d’ailleurs suffisamment indiquée. — Du miel bouillant, il y a beaucoup de substances qui, liquéfiées par la chaleur, se coagulent et se condensent tout à coup quand on les jette dans l’eau. — Qu’on vient de nommer, j’ai ajouté ces mots pour éclaircir la pensée.
  708. Parmi ces corps, le texte n’est pas aussi formel. — Comme l’ambreles stalactites, ces deux substances sont rapprochées ici, parce que dans les théories de l’auteur, elles se produisent toutes deux sous forme de gouttes qui tombent peu à peu. — Ces stalactites se forment comme les pierres, le texte n’est pas tout à fait aussi précis. — L’humide en sort, tout ce passage a été commenté insuffisamment par Alexandre d’Aphrodisée, et il reste fort obscur.— Dans les autres corps, il aurait fallu désigner spécialement ces corps. — Qui ne sont pas desséchés tout entiers, c’est le sens indiqué par Alexandre d’Aphrodisée ; mais l’expression du texte est très vague et tout à fait indéterminée. — Que de l’eau, j’ai ajouté ces mots pour éclaircir la pensée et la compléter. — Comme le fer et la corne, on ne comprend pas bien comment ces deux corps sont réunis et cités ici. — Quant à l’encens, Alexandre d’Aphrodisée n’a pas commenté cette phrase ; elle n’est peut-être qu’une interpolation.
  709. Comme il faut mettre, ici encore Alexandre d’Aphrodisée se tait presque entièrement ; et son commentaire se réduit à quelques mots. — Se liquéfient et se fondent, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Il faut considérer ces corps, le texte n’est pas aussi explicite. — De l’eau et de la terre, j’ai ajouté cette glose pour plus de clarté, et d’après le commentaire d’Alexandre d’Aphrodisée. — Comme la cire, qui fond sous une chaleur très modérée. — Ceux qui sont dissous, ces idées se suivent peu, et elles ne sont guère que des répétitions de ce qui a été déjà dit plusieurs fois. — Un mélange des deux, c’est-à-dire de la terre et de l’eau. Le texte d’ailleurs est lui-même assez obscur et assez embarrassé.
  710. Si donc tous les corps, Alexandre d’Aphrodisée entend qu’il s’agit ici des corps homogènes et à parties similaires, dont il a été parlé plus haut, § 1. — Les propriétés que nous avons dites, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — Tous les caractères indiqués par nous, le texte n’est pas aussi formel.
  711. L’or, l’argent…. Voir plus haut, § 2, une énumération analogue, où tous ces métaux sont compris aussi parmi les corps homogènes. — Le verre, il paraît assez étonnant de comprendre le verre parmi les métaux, ou du moins de l’indiquer à la suite de tous les métaux qui précèdent. Alexandre d’Aphrodisée n’a pas commenté spécialement ce passage. — Et beaucoup de pierres qui n’ont pas de nom, et qui n’en présentent pas moins de grandes différences. — Fondent par la chaleur, ceci peut s’appliquer au verre. — Sont de l’eau, dans le sens général où ce terme d’eau est toujours pris par les anciens.
  712. Le fer, la corne, l’ongle, etc., tous ces corps sont bien différents les uns des autres pour qu’on les confonde ainsi. — De la terre, dans le sens général et indéterminé de cette expression.
  713. Qu’on appelle des larmes, Voir plus haut, § 10. — La pierre de tuf, je ne suis pas sûr que ce soit bien le sens du mot grec. — Sont aussi de la terre, comme au § précédent. — Le soient plus, cette réserve même aurait dû indiquer combien la théorie était insuffisante.
  714. Sont également de la terre, j’ai ajouté ces mots pour compléter la pensée que le texte n’achève pas. — Sont à la fois, de terre, d’eau et d’air, même remarque qu’aux deux § § précédents sur ces termes si généraux et si vagues. — Le sang qui a plus de fibres, nous dirions aujourd’hui plus de fibrine. — Sont d’eau, c’est-à-dire sont plus aqueux que les autres. — Ne se coagulent-ils pas, le mot du texte pourrait signifier aussi : « Ne gèlent-ils pas. » — Le sperme se gèle par le froid, M. Ideler remarque qu’Aristote dit précisément le contraire dans le Traité de la génération des Animaux, livre II, ch. 2, p. 735, a, 35, édit. de Berlin.
  715. Ceux donc qui sont d’eau, même remarque que dans plusieurs passages du chapitre précédent sur le mot : d’eau. — La lessive, qui est censée avoir conservé quelque chose de la chaleur nécessaire pour la former. — Comme la chaux et la cendre, même remarque.
  716. Que la matière, prise dans le sens le plus indéterminé et le plus général. — Puisque ce sont des éléments passifs, Voir plus haut, ch. 1,§ 1.— Les corps de ces éléments, c’est-à-dire les substances où se montrent spécialement ces deux qualités naturelles des corps. — Caractérisées par la froideur, ceci semble contredire ce qui vient d’être dit un peu plus haut pour la terre, qui a été représentée comme chaude par elle-même. — D’un seul de ces deux éléments, même remarque. — Comme en reçoit, le texte n’est pas tout à fait aussi explicite. — Qu’elle a traversées, j’ai ajouté ces mots qui ressortent du contexte.
  717. C’est pour cela, ce § semble interrompre un peu l’ordre de la pensée ; et ce n’est peut-être qu’une interpolation. D’ailleurs, Alexandre d’Aphrodisée commente ce passage comme tout le reste. — Il se produit alors dans ces substances, le texte n’est pas aussi explicite. — La chaleur particulière, qui les maintenait dans l’état spécial qui les constitue.
  718. Tout à la fois de terre et d’eau, c’est le sens que donne Alexandre d’Aphrodisée ; le texte dit simplement : « Qui sont communes. » — Qui les a cuits, j’ai conservé l’expression même du texte, quoiqu’elle soit obscure. — Se décomposent en se liquéfiant, il n’y a qu’un seul mot dans le texte. — Que de la pourriture, le texte met le pluriel au lieu du singulier. — Terre ou eau, et il a été dit plus haut, § 3, que la terre et l’eau sont naturellement froides.
  719. Pour l’une ou pour l’autre, les une les rapportant à l’eau ; les autres les rapportant à la terre. — Les uns, il eût été bon de désigner les philosophes auxquels il est fait ici allusion. — Et coagulés, il semble que coagulés n’est pas assez directement opposé à chauds ; mais par la coagulation, on peut entendre ici la congélation, et par conséquent le froid.
  720. Ainsi qu’on l’a expliqué. Voir plus haut, § 2. De l’eau…. la terre ou l’air, il faut se rappeler les remarques que j’ai déjà faites bien souvent sur le sens très général de ces expressions.
  721. Et qu’ils deviennent très chauds, le texte n’est pas aussi explicite. — Par l’action d’une chaleur étrangère, comme l’eau qu’on fait bouillir. — Qui se resserrent le plus, ou peut-être : « Qui se congèlent le plus. ». — Les plus solides, les exemples cités plus bas expliquent cette expression. — S’ils sont privés de chaleur, comme l’eau, qui se congèle sous l’action du froid. — Les plus brûlants, comme l’eau bouillante. — Qui brûle plus que la fumée, le fait est évident. — Et la pierre plus que l’eau, cette observation est aussi exacte que l’autre.
  722. Il faut en venir aux détails, et expliquer, le texte n’est pas tout à fait aussi formel, et j’ai dû le paraphraser. — De quels éléments, la terre, l’eau et l’air, sous l’action du froid et du chaud, du sec et de l’humide. — Leurs espèces…. quelle espèce, cette répétition est dans le texte.
  723. Toutes les œuvres de la nature, les plantes et les animaux, par exemple. — Des éléments qu’on a indiqués, la terre, l’eau et l’air. —De leur définition, le terme dont se sert ici le texte est très vague. La définition dépend d’ailleurs elle-même de l’espèce à laquelle l’être appartient. Peut-être faudrait-il traduire : « Quant à leur essence, elle n’est comprise que par la raison. »
  724. Qu’on s’élève dans l’ordre des choses, le texte dit simplement : « Par les choses postérieures, » c’est-à-dire par les parties des êtres qui ne sont plus homogènes, et qui viennent après les parties homogènes. — Qui sont des instruments, on pourrait traduire, en retenant le mot grec lui-même : « Qui sont des organes. » — De même que des flûtes de pierre, ce membre de phrase a l’air d’une interpolation ; et cet exemple assez peu utile aura bien pu n’être ajouté qu’après coup. — Que des instruments, ou : « que des organes. »
  725. Ceci devient un peu moins évident, c’est-à-dire, la distinction des choses qui pourraient être confondues sous un même nom, et par simple homonymie. La pensée d’ailleurs n’est pas très claire, et elle pouvait être exprimée d’une manière plus nette. — Que la matière domine davantage, le texte dit précisément : « Qu’il y a le plus de la matière. » — Les choses dernières, c’est-à-dire dans les derniers éléments des choses, qui ne peuvent plus se réduire qu’à eux-mêmes. — Se rapproche, je n’ai pas voulu être plus précis que le texte ; mais on pourrait compléter la pensée en disant : « se rapproche du but spécial que la nature poursuit dans chaque cas. » — De l’eau ou du feu, éléments qui entrent dans l’organisation des êtres animés, pour y constituer certains liquides et une certaine chaleur. Mais l’eau et le feu ont été transformés dans l’emploi nouveau qu’en fait la nature. — Il n’est pas non plus simplement, soit chair, soit intestin, mais il concourt en outre à quelque fonction générale de la vie dans l’être animé. — De la main ou du visage, la fonction de la main et celle du visage, concourant à un certain but que la nature s’est proposé, sont plus évidentes encore que les fonctions de la chair. A mesure que les fonctions s’élèvent, elles deviennent de plus en plus faciles à comprendre.
  726. Tous les corps sont ainsi déterminés, grande et profonde pensée vraiment digne d’Aristote et souvent répétée par lui. C’est le système des causes finales. Il faut rapprocher de ce passage celui de la Physique, livre II, ch. 8, p. 52 de ma traduction, où Aristote combat énergiquement la théorie du hasard dans la nature.
  727. C’est bien encore ainsi qu’est la chair, c’est-à-dire, la fonction propre de la chair n’est pas moins déterminée que toute autre ; mais elle est moins frappante. — Sa destination, le texte dit précisément : « son œuvre. »
  728. Leurs raisons d’être, le texte dit simplement : « leurs raisons ; » et peut-être aussi : « leurs définitions. » Alexandre d’Aphrodisée explique que ce sont les puissances et les propriétés des choses, d’après lesquelles on définit l’essence de ces choses,
  729. Quand la fonction existe, le texte est beaucoup plus indéterminé : « quand cela est et quand cela n’est pas. » — Tout à fait détruite, le texte dit mot à mot : « Tout à fait exténuée, » réduite à rien.— Quand on veut les toucher, le texte n’est pas aussi formel. Ces vaines représentations, même remarque. — Avec du lait coagulé, il est clair qu’il s’agit d’objets qu’on imitait avec de la crème, comme on le fait encore pour certains plats qu’on sert sur nos tables.
  730. Les parties homogènes, le texte n’est pas aussi déterminé ; mais il ne peut pas y avoir de doute sur le sens, que précise la fin de ce §, comme le montre Alexandre d’Aphrodisée. — Solidifiées, le texte dit : « Coagulées. » — La chair, l’os, Voir plus haut, § 1.
  731. Diffèrentpar les différences, la tautologie est dans le texte. — Antérieurement, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — L’extension, la traction, etc., ce ne sont pas tout à fait les mêmes qualités qui ont été énumérées plus haut.
  732. Ne paraissent pas présenter entre eux de ces différences, c’est le sens indiqué par Alexandre d’Aphrodisée ; mais le texte est tout à fait indéterminé. — Des choses telles, le texte n’est pas aussi formel. — La scie, la burette, le coffre, toutes choses faites avec des métaux qu’a produits le simple mouvement de la chaleur et du froid. — De même… de même, la phrase du texte n’est pas aussi symétrique. — C’est l’art… c’est la nature, et par conséquent, ce n’est plus le mouvement aveugle des éléments. Il y a une intention et un but.
  733. D’une manière générale, le texte dit précisément : « De quel genre. ». — Il faut rechercher, ceci annonce des études nouvelles qui ne font plus partie de la Météorologie. Ce sont sans doute les divers traités d’histoire naturelle, et entre autres les Traités des parties des animaux et de la Génération des animaux. — Le sang, la chair, le sperme, Voir le Traité de la génération des animaux, livre I, ch. 17, p. 721, a, 30, édit. de Berlin, et le Traité des parties des animaux, livre II, ch. 3, p. 649, b, 30 et suiv., édit. de Berlin.
  734. Les corps à parties non homogènes, Voir les deux traités qui viennent d’être cités. — L’homme, Aristote a étudié spécialement l’homme dans l’Histoire des animaux, livre VII, ch. 1, p. 581 et suiv., édit. de Berlin. — La plante, il ne reste rien de la Botanique d’Aristote. Le petit Traité des plantes, compris parfois dans ses œuvres, est apocryphe. Mais Aristote s’était certainement occupé de cette partie de l’histoire de la nature, que Théophraste, son disciple, devait déjà porter si loin. Le catalogue de Diogène de Laërte (p. 116, ligne 49, édit. de Firmin Didot), mentionne deux ouvrages d’Aristote sur les plantes. — Voir plus haut, livre I, ch. 1, § 3, où Aristote annonce comme ici ses travaux sur les animaux et les plantes.