Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/De la bouche, du mors

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VI

DE LA BOUCHE DU CHEVAL ET DU MORS.


J’ai déjà traité ce sujet assez longuement dans mon Dictionnaire raisonné d’Équitation ; mais comme je développe ici un exposé complet de ma méthode, je crois nécessaire d’y revenir en quelques mots.

Je suis encore à me demander comment on a pu attribuer si longtemps à la seule différence de conformation des barres ces dispositions contraires des chevaux qui les rendent si légers ou si lourds à la main. Comment a-t-onpu croire que, suivant qu’un cheval a une ou deux lignes de chair de plus ou de moins entre le mors et l’os de la mâchoire inférieure, il cède à la plus légère impulsion de la main, ou s’emporte, malgré les efforts des deux bras les plus vigoureux ? C’est cependant en s’appuyant sur cette inconcevable erreur qu’on s’est mis à forger des mors de formes bizarres et si variées, vrais instruments de supplice, dont l’effet ne pouvait qu’augmenter les inconvénients auxquels on cherchait à remédier.

Si on avait voulu remonter un peu à la source des résistances, on aurait reconnu bientôt que la roideur de la mâchoire ne provient pas de la différence de conformation des barres, mais bien du mauvais équilibre du cheval. C’est donc en vain que nous nous suspendrons aux rênes et que nous placerons dans la bouche du cheval un instrument plus ou moins meurtrier ; il restera insensible à nos efforts tant que nous ne lui aurons pas donné cette légèreté qui peut seule le mettre à même de céder.

Je pose donc en principe qu’il n’existe point de différence de sensibilité dans la bouche des chevaux ; que tous présentent la même légèreté dans la position du ramener, et les mêmes résistances à mesure qu’ils s’éloignent de cette position importante. Il est des chevaux lourds à la main ; mais cette résistance provient de la longueur ou de la faiblesse des reins, de la croupe étroite, des hanches courtes, des cuisses grêles, des jarrets droits, ou enfin (point important) d’une croupe trop haute ou trop basse par rapport au garrot ; telles sont les véritables causes des résistances ; le serrement de la mâchoire, la contraction de l’encolure, ne sont que les effets.

Je n’admets, par conséquent, qu’une seule espèce de mors, et voici la forme et les dimensions que je lui donne pour le rendre aussi simple que doux :

Branche droite de la longueur de 16 centimètres, à partir de l’œil du mors jusqu’à l’extrémité des branches ; circonférence du canon, 6 centimètres ; la liberté de la langue, 4 centimètres à peu près de largeur dans sa partie inférieure, et 2 centimètres dans la partie inférieure. Il est bien entendu que la largeur seule devra varier suivant la bouche du cheval.

J’affirme qu’un pareil mors suffira pour soumettre à l’obéissance la plus passive tous les chevaux qu’on y aura préparés par l’assouplissement ; et je n’ai pas besoin d’ajouter que, puisque je nie l’utilité des mors durs, je repousse, par la même raison, tous les moyens en dehors des ressources du cavalier, tels que martingales, piliers, etc.[1]

  1. Voir, dans le Dictionnaire raisonné d’Êquitation, les mots Mors, Barres et Martingales.