Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Mobilisation du cheval par les forces instinctives

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IV

TRAVAIL À PIED.


MOBILISATION DU CHEVAL, AU MOYEN DES FORCES INSTINCTIVES, POUR OBTENIR L’ÉQUILIBRE DU POIDS.

EMPLOI DE LA CRAVACHE POUR APPRENDRE AU CHEVAL À VENIR À L’HOMME, LE RENDRE SAGE AU MONTOIR, ETC.

Dès le début de l’éducation du cheval, il est essentiel de lui donner une première leçon d’assujettissement et de lui faire connaître toute la puissance de l’homme. Ce premier acte de soumission, qui pourrait paraître sans importance, servira promptement à le rendre calme, confiant, à réprimer tous les mouvements qui détourneraient son attention et retarderaient son éducation.

Quelques leçons d’une demi-heure suffiront pour obtenir ce résultat chez tous les chevaux ; le plaisir que l’on éprouvera à jouer ainsi avec le cheval portera naturellement le cavalier à continuer cet cice autant qu’il sera nécessaire, et à le rendre aussi instructif pour le cheval qu’utile pour lui-même. Yoici comment on s’y prendra : le cavalier s’approchera du cheval, sa cravache sous le bras, sans brusquerie ni timidité ; il lui parlera sans trop élever la voix, et le flattera de la main sur le chanfrein ou sur l’encolure, puis, avec la main gauche, il saisira les rênes de la bride, à 16 centimètres des branches du mors, en soutenant le poignet avec assez d’énergie pour présenter autant de force que possible dans les instants de résistance du cheval. La cravache sera tenue de la main droite, la pointe vers la terre, puis on l’élèvera lentement jusqu’à la hauteur du poitrail pour en frapper délicatement cette partie à une seconde d’intervalle. Le premier mouvement naturel du cheval sera de reculer pour éviter les attouchements de la cravache. Le cavalier suivra ce mouvement rétrograde sans discontinuer toutefois la tension des rênes de la bride, ni les petits coups de cravache sur le poitrail. Le cavalier devra rester maître de ses impressions, afin qu’il n’y ait dans ses mouvements et dans son regard aucun indice de colère ni de faiblesse. Fatigué de ces effets de contrainte, le cheval cherchera bientôt par un autre mouvement à éviter la sujétion, et c’est en se portant en avant qu’il y parviendra ; le cavalier saisira ce second mouvement instinctif pour l’arrêter et flatter l’animal du geste et de la voix. La répétition de cet exercice donnera des résultats surprenants, même à la première leçon. Le cheval, ayant bien compris le moyen à l’aide duquel il peut éviter la cravache, n’en attendra pas le contact, il le préviendra en s’avançant de suite au moindre geste. Ce travail, d’ailleurs trèsrécréatif, servira de plus à rendre le cheval sage au montoir, abrégera de beaucoup son éducation, et accélérera le développement de son intelligence. Dans le cas où, par suite de sa nature inquiète ou sauvage, le cheval se livrerait à des mouvements désordonnés, on devrait avoir recours au caveçon, comme moyen de répression, et l’employer par petites saccades. Quand le cheval se portera franchement en avant à l’action de la cravache, le moment sera venu de faire une légère opposition avec la main de la bride, afin d’obtenir un effet de ramener, sans discontinuer l’allure du pas.

On commencera aussi quelques temps de reculer, qu’on alternera avec les mouvements en avant, jusqu’à disparition complète des résistances.

Cet exercice est très-important pour déplacer, par les forces purement instinctives, d’abord, mais que nous régulariserons ensuite, le poids qui se fixerait trop sur l’arrière ou sur l’avant-main.

Faisons une remarque sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Le poids du cheval surcharge naturellement la partie antérieure du corps ; c’est pour cela qu’en vertu du principe qui oppose les forces au poids dans l’ordre naturel, la nature a donné une si grande puissance aux muscles postérieurs du cheval qui doivent, aux différentes allures et surtout au galop, non-seulement recevoir le poids de l’avant-main, mais encore projeter toute la masse en avant. Dans le reculer, cette distribution du poids induit souvent en erreur le cavalier inexpérimenté. Il s’imagine que le mouvement rétrograde est produit par le déplacement total du poids par les forces, tandis qu’il n’est dû qu’au reflux des forces impulsives, qui, refoulées par une opposition de main, n’ont entraîné avec elles qu’une partie du poids. Aussi, bien que le cheval recule, l’avant-main se trouve souvent surchargé d’un poids comparativement énorme. D’où il suit que le mouvement est irrégulier, jusqu’à ce que l’écuyer, revenu de son erreur, ait su alléger l’avant-main de manière à équilibrer le poids et les forces. Les moyens d’atteindre à ce but seront donnés ultérieurement. Alors nous appellerons l’attention du lecteur sur l’emploi des aides, que la pratique seule peut rendre judicieux.

Les exercices précédents à l’aide de la cravache, tels que : porter le cheval en avant, les commencements de ramener et de reculer, seront suivis, toujours à l’aide de la cravache, soit des pas de côté, soit des pirouettes ordinaires ou renversées.

Pour les pas de côté, la main, en se soutenant, facilite le mouvement des épaules dans le sens indiqué par la cravache. Dans le cas de résistance provenant de la croupe, le cavalier en triompherait par une opposition de la main qui ne reprendrait sa position que lorsque le mouvement serait commencé.

Dans les pirouettes renversées, la main se maintiendra pour forcer la croupe à obéir à la cravache, et la faire tourner autour des jambes du cheval, dont l’une doit lui servir de pivot.

Dans les pirouettes ordinaires, la cravache agira sur la croupe, pour la fixer et fournir aux jambes antérieures, mobilisées par la main, le pivot nécessaire à leur mouvement de rotation.

Ces divers exercices disposeront le cheval aux mouvements qu’il devra exécuter avec son cavalier en selle.

Bien entendu que dans le cours de l’éducation du cheval, il faudra revenir souvent à ces exercices préliminaires, afin qu’il ne perde pas le fruit de ses leçons précédentes.