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Méthode d’équitation basée sur de nouveaux principes/Progression du dressage

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PROGRESSION DU DRESSAGE.




Travail avec la cravache.


À PIED.


Faire venir le cheval à l’homme.

Faire reculer le cheval, l’encolure élevée, le cavalier tenant dans chaque main une rêne du filet, les bras élevés de toute leur extension. (Voir la planche n° 16.) Le cavalier commencera à combattre les résistances du poids et de la force, par les demi-temps d’arrêt successifs et les vibrations répétées. Cette position élevée de l’encolure, obtenue par une force de bas en haut, prévient l’acculement en reportant en arrière le poids dans la limite du mouvement rétrograde.

On ne fera reculer le cheval qu’un pas, en le conservant aussi droit que possible d’épaules et de hanches. On comprend que la moindre déviation de la croupe serait un obstacle à cette juste translation du poids : aussi doit-on avoir le plus grand soin de ne recommencer un deuxième pas en arrière qu’après avoir replacé le cheval parfaitement droit, afin d’éviter les résistances qui l’empêchent de comprendre les intentions du cavalier. Ce travail du reculer fait pas à pas, chaque pas suivi d’un moment d’arrêt qui permet la cessation de toute contraction musculaire autre que celle qui sert à la station, sera alterné avec celui de deux pistes à droite et à gauche, avec les pirouettes renversées et ordinaires, en ayant soin de ne demander qu’un pas au cheval et de l’arrêter dès qu’il a achevé ce pas. L’essentiel, c’est que les parties qui doivent être momentanément immobilisées, ne se mobilisent pas (pirouettes), et que la translation du poids ait lieu selon les lois de l’équilibre et l’harmonie du mouvement. (Reculer et travail sur les hanches.)

On passera ensuite aux flexions, avec le filet d’abord et la bride ensuite, en insistant sur la flexion directe et demi-latérale de la mâchoire. Le cavalier se place, en face du cheval et lui élève la tête avec les deux rênes du filet séparées et tenues à douze centimètres des anneaux, pour faire céder (point essentiel) la mâchoire avant la tête. Cette même flexion se fera ensuite avec le mors, le cavalier tenant dans chaque main une branche du mors pour lever la tête du cheval et obtenir le même effet.

Le cheval qui a cédé à l’action plus directe du filet, pourra, les premières fois, résister à l’action du mors à cause de l’obstacle apporté par la gourmette ; on reviendra au filet, pour reprendre de nouveau le mors, et dès que le cheval y répondra comme au filet, ce sera la preuve évidente qu’il a bien compris les intentions de son maître.

Remarque. La flexion directe et semi-latérale de la mâchoire, avec le soutien de l’encolure et l’élévation de la tête, a détruit les résistances que la mâchoire pourrait présenter dans n’importe quelle position. La flexion latérale de l’encolure détruit les résistances provenant de la contraction des muscles de l’encolure. Ce travail préparatoire durera quatre jours, pour rendre le cheval familier à l’homme, sage au montoir, et lui faire apprécier la domination de l’homme.

Les chevaux de troupe peuvent être exercés à ce travail à pied, pendant huit ou dix jours, au commencement de chaque leçon. Ce travail rend l’obéissance du cheval plus facile et établit des rapports d’intimité entre lui et son cavalier. L’instructeur, enchanté des progrès de sa monture, devient plus indulgent et traite son cheval avec plus de douceur. — 209 —

À CHEVAL.

En place.

Avec les rênes du filet séparées, élever l’encolure et ne rendre qu’après cession de la mâchoire. Éviter l’acculement ; s’il y a résistance, agir par demi-temps d’arrêts successifs et vibrations répétées. Règles générales. Dès les premières leçons, le cavalier se servira de ces nouveaux effets de main pour détruire toutes les résistances du poids ou de la force, toutes les fois qu’elles se présenteront.

Répéter les flexions latérales et semi-latérales de l’encolure, comme à pied. Dès que le cavalier a obtenu un commencement de soutien de l’encolure et de mobilité de la mâchoire, il mettra son cheval au pas et le travaillera à main droite et à main gauche (s’il est dans un manège) sur les lignes droites et circulaires, en recherchant la légèreté et en employant les nouveaux effets de main pour détruire toute résistance du poids ou de la force : éviter l’emploi simultané des jambes et de la main.

Il procédera à cheval comme il a agi à pied, c’est-à-dire, qu’il marchera un pas ou deux, et qu’il arrêtera en ne rendant de la main qu’après avoir obtenu la mobilité de la mâchoire : descente de main, et repos pour le cheval. Il reprendra les rênes, demandera de nouveau la légèreté et portera le cheval un pas ou deux en avant, pour l’arrêter et suivre la même gradation. Il alternera ce travail au pas, ainsi gradué, avec le reculer, les pirouettes, le travail sur les hanches. L’importance de décomposer chaque mouvement est tellement grande et produit des résultats tellement extraordinaires, que je ne crains pas de me répéter, et d’engager tous les cavaliers intelligents à suivre exactement cette gradation : 1° rechercher si le cheval est léger ou présente une résistance à la main ; 2° la détruire de suite par les demi-temps d’arrêt et les vibrations, selon la nature des résistances, obtenir la mobilité de la mâchoire, et porter le cheval un pas ou deux en avant, en combattant de suite toute résistance par les nouveaux moyens ; arrêter le cheval et ne lui rendre delà main que lorsqu’il est léger, le garder calme, immobile en place, pendant une demi-minute, et le reporter de nouveau au pas, après s’être assuré de la mobilité de la mâchoire.

De même pour le reculer, les pirouettes renversées et ordinaires, et le travail de deux pistes, ne demander qu’un pas, arrêter, redonner la position ou la légèreté, et laisser le cheval calme en repos quelques instants, pour continuer en suivant toujours la même gradation. Ces moments de repos, répétés avec cette scrupuleuse attention, produisent des résultats qui surprendront le cavalier. La contraction musculaire cesse d’être en jeu, le cheval éprouve du bien-être, réfléchit, et reprend son travail sans fatigue. De plus, par le calme de ce travail ainsi gradué, le cavalier grave dans l’intelligence du cheval l’idée de la supériorité morale de l’homme et assure ainsi sa domination sur sa monture, tout en lui rendant l’obéissance plus facile. Pour arrêter son cheval le cavalier se servira d’abord des effets d’ensemble (opposition graduée de jambes et de main) ; mais bientôt la main suffira pour arrêter le cheval droit d’épaules et de hanches.

Puisque l’action combinée des jambes et de la main immobilise le cheval, on comprend par cela même que lorsqu’il s’agit de mouvement, on ne doit pas employer les mêmes moyens.

Le cavalier mettra ensuite son cheval au trot, et l’arrêtera après quelques foulées, en suivant la même gradation qu’au pas ; c’est-à-dire qu’il lui donnera la position ou la légèreté (mobilité de la mâchoire) avant de partir au trot ; pendant ces quelques foulées, il combattra les moindres résistances en se servant des nouveaux effets de main, et en arrêtant son cheval, il lui demandera de nouveau la mobilité de la mâchoire, en le maintenant quelques instants calme et immobile. Il continuera pendant quelques minutes le travail au trot, sur les lignes droites et circulaires, en suivant la même gradation qu’au pas, c’est-à-dire, en faisant toujours succéder le repos au travail, dans une mesure plus ou moins égale.

Le cavalier essayera ensuite en place quelques apparences de mobilité des extrémités, pour préparer les premiers temps du rassembler, et il terminera la leçon par quelques départs au galop, sur les deux pieds, en suivant toujours la même gradation qu’au pas et au trot.

Le cavalier aura soin d’employer le maniement des rênes, tel que je l’ai indiqué au chapitre des nouveaux effets de main, c’est-à-dire, d’alterner le jeu des rênes du filet et des rênes de bride, pour habituer le cheval à conserver de lui-même son équilibre et sa bonne position.

Ici se place une observation très-importante.

En se servant, au galop, de la rêne directe, rêne droite, si le cheval galope sur le pied droit, et rêne gauche, si le cheval galope sur le pied gauche, pour détruire les résistances, par demi-arrêts ou vibrations, le cavalier obtient de suite une grande légèreté, conserve son cheval droit, et rend les départs et par conséquent les changements de pied d’une très-grande facilité.

Tout ce travail doit se faire sans aucune fatigue pour le cheval, et dès le début les efforts du cavalier doivent tendre à obtenir l’équilibre parfait ou la légèreté constante : aussi devra-t-il demander au cheval la mobilité moelleuse de la mâchoire avant de le mettre en mouvement : il est sûr alors que la machine est prête à fonctionner. On comprend les progrès extrêmement rapides que cette gradation amènera dans l’éducation du cheval.

Le professeur initie dès les premiers pas son élève à toutes les difficultés de la route qu’il doit parcourir, en lui donnant les moyens de les vaincre, et en corrigeant immédiatement les moindres fautes que le cheval peut commettre par ignorance. Aussi, deux mois de cette éducation raisonnnée ne se seront pas écoulés que le cavalier intelligent jouira d’un résultat qu’il n’aurait jamais pu obtenir, s’il n’avait pas donné à son cheval l’équilibre du premier genre ou cette légèreté parfaite et constante qui permet à l’animal d’exécuter avec la plus grande facilité tous les mouvements demandés, sans l’ombre d’une résistance, parce qu’il apprécie immédiatement les moindres effets de la main ou des jambes du cavalier. Le maître commande, et le serviteur obéit.

Quand un cheval, par l’application de tous les principes enseignés dans cette dernière édition, a été amené à l’équilibre du premier genre, toutes les résistances ayant disparu, les moyens doux doivent seuls être employés. La main agira par une force lente, délicate et finement graduée.

J’ai dit ce que je crois être la vérité équestre. Je pense être utile aux cavaliers intelligents et sérieux, en leur recommandant de suivre la progression que je viens d’indiquer. Je me permets de leur donner un conseil d’ami, et j’ose dire, d’un vieil ami, en leur disant : rejetez mes principes, s’ils ne vous conviennent pas ; mais si vous y reconnaissez la vérité en équitation, acceptez-les en entier, ne les mutilez pas, et rappelez-vous que l’auteur qui a étudié pendant quarante ans, connaît assez l’œuvre de toute sa vie pour apprécier l’importance de toutes ses parties.




L’armée, comme je l’ai dit souvent, a toujours eu et aura toujours mes sympathies. Le rêve de toute ma vie a été de rendre ses cavaliers d’abord, ses écuyers ensuite, les meilleurs de l’Europe. Je ne crois pas que Dieu me permette d’en voir la réalisation ; mais j’ai confiance. Je sais que la vérité fait son chemin lentement et qu’elle finit toujours par percer.

Pourquoi ne le dirais-je pas ? C’est la consolation de mes vieux jours de voir bien des hauts personnages, des généraux éclairés rendre justice à mes principes. Chaque fois que le nom d’une célébrité équestre de l’armée arrive à mes oreilles, je consulte mes souvenirs, et c’est bien souvent, j’allais dire presque toujours, celui d’un de mes élèves ou du moins d’un partisan de ma méthode. Ce sont eux que je vois diriger l’enseignement de l’équitation dans les écoles du Gouvernement. Au moment où j’écris, j’apprends avec plaisir que le commandement du manège de Saumur vient d’être donné à M. le chef d’escadrons L’hotte[1], qui m’a fait, pendant douze ans, l’honneur de me demander mes conseils et dont la réputation comme écuyer ne peut craindre, avec raison, le rapprochement d’aucune autre.

  1. Aujourd’hui colonel du 18e dragons.