Ma méthode/Texte entier

La bibliothèque libre.
Maison Quantin (p. T-168).


J.-B. CHARLES
Professeur d’Escrime.

MA MÉTHODE

PARIS
MAISON QUANTIN
Compagnie générale d’impression et d’édition
7, Rue Saint-Benoît.
1890


À
M. LE PRÉSIDENT
ET À MM.
LES MEMBRES DU CERCLE D’ESCRIME
De la rue de Bourgogne.


Permettez-moi de vous dédier cet opuscule, à vous, Messieurs, qui gardez si religieusement, en ce qui concerne le noble exercice de l’escrime, les glorieuses traditions de ces gentilshommes du passé, dont le nom était synonyme d’honneur et de loyauté, et dont vous êtes les dignes émules.

J.-B. Charles.

PRÉFACE


Vous voulez, mon cher Charles, que je vous écrive une préface. C’est un honneur dont je ne suis pas digne. Sans sortir de mon Comité de Propagation des Exercices physiques, vous auriez pu vous adresser à M. Féry d’Esclands, au commandant Dérué, à M. de Villeneuve qui manient la plume aussi bien que l’épée ; mais je devine que vous m’avez préféré à eux parce que je suis votre élève : un bien mauvais élève, il est vrai, qui fait de longues infidélités à la salle d’armes au profit d’un bateau qu’il possède quelque part, sur la Seine… Mais, vous aussi, vous êtes coupable d’infidélité à votre métier. De professeur d’escrime, voilà que vous passez homme de lettres ; et, ma foi ! la clarté de votre enseignement se retrouve tout entière dans votre style, la franchise de vos parades reparaît dans vos démonstrations, et la loyauté de vos attaques dans vos critiques. En sorte que je suis presque tenté d’engager les écrivains débutants à faire des armes pour apprendre à écrire.

L’escrime est capable, au reste, d’opérer des miracles ; elle délie les doigts et la pensée, elle donne de la grâce et de l’assurance, elle s’accommode à merveille des élégances chevaleresques de nos pères ; elle est pour nous le plus national en même temps que le plus poétique des sports. Ce n’est pas qu’il ne soit très poétique de parcourir sur la glace des distances inaccoutumées, d’errer sur les rivières, le long des berges pleines de soleil et de verdure, de galoper dans la montagne sur un ardent coursier ; mais la lutte fine, réfléchie, rapide, audacieuse, le croisement des deux fers, la tension des muscles, l’esprit à l’affût… tout cela ne met-il pas en jeu les qualités les plus nobles de l’homme et ne donne-t-il pas satisfaction à ses désirs les plus virils ?

Il y eut des gentilshommes, au temps d’autrefois, qui échangeaient galamment quelques blessures en manière d’amusement. L’instinct qui les poussait nous anime encore ; seulement nous mouchetons nos épées, afin de savourer les charmes du combat, sans manquer aux lois de la civilisation ; presque inconsciemment nous obéissons au courant mystérieux qui s’échappe de ces deux mots : « Se battre » et se traduit aux jours de vrai danger, par un petit frisson fait d’effroi, de plaisir et d’ivresse.

J’aime aussi la boxe, plus moderne et plus naturaliste, mais qui ne mérite pas le dédain où la tiennent encore quelques retardataires. La boxe c’est le struggle for life, l’image de la lutte pour la vie ; on prend bien son moment, on choisit son endroit et pan ! on délègue à son adversaire un coup de poing dans lequel on a mis toute la force et tout l’à-propos qu’on possède. C’est une jouissance ! et l’utilité d’un tel exercice n’est pas à démontrer. Mais, quand vous quittez le gant de boxe pour prendre en main le fleuret, ne vous semble-t-il pas que vous quittez le xixe siècle pour rentrer dans le passé ? Vous jetez un coup d’œil sur vous-même afin de contrôler la correction du costume, et droit, sérieux, bien posé, vous élevez d’un geste gracieux l’arme légère à la hauteur du visage… Je n’ai jamais salué mes camarades de canotage ; mais il me serait pénible, avant l’assaut, de ne pas abaisser courtoisement ma pointe devant messire l’Ennemi.

Vous aimez ces usages et vous les défendez : il importe en effet de conserver à l’escrime cette nuance de raffinement, ce parfum d’ancienneté qui lui vont si bien. Les vrais escrimeurs seront avec vous, mon cher Charles, sur ce point comme sur bien d’autres. Ils applaudiront encore le jugement sage et modéré que vous portez sur le duel, cette terreur des mères de famille, ils condamneront les ridicules rencontres et déploreront les combats sérieux, rendus parfois nécessaires. Ils souriront comme vous, au souvenir de ces présidents d’assauts, sommeillant dans leurs fauteuils et glapissant le : « Faites la belle, Messieurs », qui précède d’ordinaire la partie la plus médiocre de l’assaut. Enfin, ils vous complimenteront chaudement, et mon privilège est d’avoir pu, le premier, formuler un éloge, que je devine déjà sur leurs lèvres.

Pierre de Coubertin.
Paris, 22 janvier 1890.


AVANT-PROPOS



Il serait presque inutile de faire ressortir l’utilité de l’escrime, tellement il est reconnu aujourd’hui, que c’est le complément nécessaire et indispensable de toute bonne éducation. Prenez, en effet, deux individus : faites faire des armes à l’un et négligez d’en faire faire à l’autre, et vous pourrez faire la comparaison pour l’agilité, la souplesse de l’un et de l’autre.

Malheureusement, il est regrettable de constater, que les résultats obtenus aujourd’hui, sont de beaucoup inférieurs à ceux d’il y a une trentaine d’années ; cela tient à ce qu’un grand nombre de professeurs négligent les bons principes et enseignent une leçon trop compliquée, qui fatigue l’élève moralement et physiquement et le dégoûte bientôt de l’escrime.

Remédier aux nombreux inconvénients que présente la méthode enseignée actuellement dans presque toutes les salles d’armes, en la remplaçant par une démonstration simple et concise, par une leçon courte et rapide, ne fatiguant pas l’élève et lui permettant de faire des progrès en peu de temps, tel est le but de ce travail ; heureux s’il peut apporter la plus minime amélioration dans l’art de l’escrime ! La méthode que j’indique est celle que je pratique depuis trente-cinq ans que je professe les armes. C’est elle qui m’a permis de faire délivrer, dans le cours de ma carrière, cinquante brevets de maîtres et prévôts, de remporter cinq médailles et diplômes dans divers concours internationaux contre cent cinquante maîtres français et étrangers, et de diriger plus de cent duels sans jamais avoir eu un malheur à déplorer.

Les faits parlent donc pour elle, et je crois rendre service à tous les tireurs en la publiant.

Je le fais, non par ambition, comme bien des gens pourraient le supposer, mais simplement parce que j’aime mon métier et que je crois qu’il est bon de réagir contre cet engouement pour ce que j’appellerai « la ferraillerie », qui s’est emparé de la plupart des escrimeurs actuels et qui est cause que, dans nos salles comme dans nos assauts, on néglige de plus en plus les bons principes, et l’on fait de tout bien souvent, à part de l’escrime.

J.-B. Charles.

MA MÉTHODE


I

Critique sur la démonstration actuelle de la leçon.


Depuis la création de l’école de Joinville-le-Pont, où l’on fabrique des maîtres d’armes en moins de temps qu’il n’en fallait il y a trente ans pour former un prévôt, on ne voit plus guère que des professeurs sans jugement, sans expérience, sachant à peine démontrer, n’ayant pas de pratique et, en général, peu de bons principes, attendu qu’ils ont eu affaire à des instructeurs qui, n’en ayant pas reçu eux-mêmes, n’ont pas pu leur en donner. Car le nombre des bons professeurs dans cette école est vraiment trop restreint, pour qu’ils puissent s’occuper de tous les élèves. Ces derniers sont donc obligés de se donner la leçon entre eux et de se former mutuellement ; et cette leçon n’étant pas pratique, attendu que les mouvements comme attaques et comme parades et ripostes sont trop compliqués ; et qu’en outre, la série de ces mouvements est mal suivie, il s’ensuit que cette trop grande complication fatigue leur intelligence en même temps que leurs membres, en les obligeant à rester en garde un temps infini durant l’énumération des mouvements à exécuter, et qu’ils arrivent à ne rien connaître de sérieux comme démonstration et comme tir. Quelques-uns, doués d’excellentes dispositions naturelles, parviennent, à force de travail et de persévérance, à un bon résultat ; mais c’est le petit nombre. Aujourd’hui, l’on veut courir avant de savoir marcher ; en quatre ou cinq ans l’on vous fait un maître d’armes, alors que dans le temps il fallait au moins dix ans ; et encore en travaillant beaucoup, pour parvenir à ce résultat, et qu’au lieu d’être démontré par des tireurs de fantaisie, on suivait les leçons de professeurs ayant de quinze à vingt ans de sallè, faisant des armes et démontrant d’une manière irréprochable.

Aussi, qu’arrive-t-il ? C’est que l’on délivre des brevets comme on distribuerait des prospectus, et cela à des gens qui n’ont jamais su former un prévôt. On ne les donnait pas à si bon compte il y a trente ans, car il fallait avoir fait ses preuves. On travaillait alors d’une façon classique et brillante ; on était toujours correct dans la tenue et dans la position de la garde ; élégant sur la planche ; et on ne cherchait pas, comme aujourd’hui, à dévier des bons principes pour éviter « un coup de bouton ». On partait de pied ferme et à fond, on revenait en garde en parant ; jamais il ne serait venu à l’idée d’un tireur sérieux de rester fendu après l’attaque ; on parait et ripostait sur place en suivant les feintes de son adversaire ; on n’aurait pas allongé le bras sur une attaque portée ; mouvement excessivement dangereux dont je parlerai plus loin, car, si l’on remarquait un coup double dans un assaut, tout le monde haussait les épaules et on passait pour ne rien savoir. On cherchait, au contraire, à parer toutes les attaques de son adversaire ; car, à cette époque, il n’y avait aucun avantage à vouloir arrêter, à moins d’arrêter avec opposition, vu que la ligne était toujours observée et que l’on croisait toujours le fer étant en garde.

En un mot, l’on cherchait à bien faire ; on ne connaissait pas cette fierté ridicule, cet orgueil démesuré, qui font qu’aujourd’hui un fort se croirait humilié de croiser le fer avec un faible ; l’on faisait des armes loyalement et en bons camarades. Celui des deux adversaires qui était le plus fort se faisait un devoir de reprendre le plus faible qui l’écoutait avec déférence et attention et mettait de suite en pratique les bons conseils qu’il venait de recevoir. Et c’est ainsi, que l’on faisait des tireurs solides et brillants. Aujourd’hui, que professeurs et amateurs se croient tous plus forts les uns que les autres, les choses se passent différemment.

Aussi, le résultat est loin d’être le même ; et, pour s’en convaincre, il suffit de prendre les anciens professeurs du temps dont je parle et de les faire tirer avec les nouveaux ; l’on sera fixé immédiatement. Au lieu de chercher à parer, vous verrez tous ces escrimeurs de la nouvelle école essayer d’éviter le coup de bouton en se tournant, en se couchant, en se sauvant sur l’attaque, enfin par tous les moyens possibles ; ils se soucient fort peu de faire des armes par principes. Ils n’ont qu’une ambition, qu’un but, c’est de toucher leur adversaire, que ce soit en ferraillant ou autrement, cela ne fait rien ; pourvu qu’ils touchent c’est suffisant, et en suivant cette jolie méthode, l’on en arrive, dans les assauts publics, à des discussions ineptes, qui n’ont d’autres résultats que de scandaliser la galerie et d’attirer aux tireurs la réputation de mauvais joueurs.

Du reste, le jeu actuel n’est plus guère qu’un jeu de surprise. Vous dites à votre élève dans la leçon, lorsqu’il est en garde : « Engagez l’épée », et vous, professeur, vous ne l’engagez pas quand vous faites assaut ; vous lui dites encore, quand vous voulez lui faire porter une attaque : « Allongez le bras », et vous partez le bras à demi tendu ; vous lui commandez de développer et vous n’attaquez jamais de 16 pied ferme et à fond ; vous n’attaquez qu’en courant et sans engagement avant le départ ; comment voulez-vous faire des armes dans de pareilles conditions ? C’est complètement impossible, n’est-ce pas ? Si vous n’engagez pas le fer, vous ignorez si votre adversaire parera votre attaque, ou s’il vous arrêtera, vu que vous ne vous rendez pas maître de son fer au départ, et que vous faites l’éventail avec la pointe de votre épée en dehors de la ligne ; bien souvent encore, vous ne vous couvrez pas, aussi qu’arrive-t-il ? C’est que vous faites coup double chaque fois que vous attaquez. En inculquant de pareils principes à vos élèves, vous en faites de véritables nullités. Ils se figurent savoir quelque chose et ils ne connaissent rien, et cette confiance qu’ils ont en une force qu’ils ne possèdent pas fait que, s’ils ont plus tard une affaire d’honneur à régler, ils se trouvent blessés ou tués par des gens qui n’ont jamais mis une épée à la main, attendu qu’ils partent aussi bien sur la pointe qu’à côté et qu’ils s’enferrent euxmêmes ; car j’ai toujours remarqué, dans les nombreux duels que j’ai dirigés, que celui qui ne savait rien faire allongeait le bras instinctivement, car, ne sachant ni attaquer ni parer, il faisait ainsi le mouvement le plus naturel.

Ne compliquez donc pas la leçon ; car vous fatiguez ainsi l’intelligence de votre élève, et vous le dégoûtez bientôt de l’escrime. Enseignez-lui plutôt des mouvements simples qu’il saisisse facilement, et qu’il puisse faire avec tous les tireurs, et, de votre côté, travaillez d’arrache-pied de façon à vous perfectionner dans cet art si difficile. L’escrime ne s’improvise pas ; on ne devient pas fort du jour au lendemain ; on apprend tous les jours quelque chose ; c’est malheureusement cette vérité qui pourrait à bon droit passer pour un axiome que beaucoup de professeurs ne veulent pas admettre. Dès qu’ils ont leur brevet de maître, ils se croient des phénix et ne veulent plus travailler, ni chez eux, ni en public, car ils ont peur de perdre une réputation qui, comme l’épée de Damoclès, ne tient qu’à un fil, et qui est plutôt due à un heureux hasard qu’à une connaissance approfondie de leur métier. Et c’est ainsi que la plupart des escrimeurs d’aujourd’hui, dressés par de tels maîtres, font des assauts sans jugement, sans vitesse, remplis de coups doubles qui, selon eux, ne comptent pas.

Demandez-leur donc s’ils étaient sur le terrain avec de bonnes épées bien pointues s’il serait nul, le coup ? Je serais curieux de connaître leur réponse. Et voilà les mouvements passés à la mode ! Eh bien, mon avis est que, dans la leçon actuelle, on s’écarte trop des véritables principes de l’escrime, et que l’on doit quitter au plus tôt cette mauvaise voie sous peine de ne plus avoir dans quelques années que des ferrailleurs pour qui l’escrime sérieuse sera certainement lettre morte.


De la manière dont on tient un fleuret.


Pour bien tenir soit un fleuret, soit une épée ou un sabre, on doit le tenir à pleine main. C’est ce qu’un grand nombre de tireurs ne font pas ; car n’ayant pas de confiance dans leur attaque, ils font glisser au moment du départ la poignée de leur arme jusqu’à l’extrémité des doigts pour gagner de la distance. Ces tireurs ne se rendent certainement pas compte du danger auquel ils s’exposent en faisant ce mouvement ; car, s’ils ont affaire à un adversaire de jugement, ils risquent fort de se faire désarmer au départ chaque fois qu’ils porteront une attaque et de recevoir la riposte en pleine poitrine. Beaucoup de ces gens-là, s’ils se trouvent désarmés et s’ils sont touchés à la riposte, vous feront observer que vous n’aviez pas le droit de riposter, puisqu’ils ne tiraient plus leur arme.

Ce raisonnement est d’une naïveté vraiment plaisante. Supposez, en effet, qu’un tireur de cette sorte ne soit pas désarmé et qu’il touche son adversaire, comme c’est son but, attendu qu’il essaye de le surprendre par la distance qu’il gagne sans déplacer le corps ; le coup serait bon, n’est-ce pas ? Eh bien, la riposte est également bonne et loyale ; car chaque fois qu’après une parade, l’homme se trouve désarmé en faisant de fausses attaques ou en tenant mal son arme, et qu’il n’y a pas de temps d’arrêt entre la parade et la riposte, le coup est loyal et dans toutes les règles, vu que la riposte est donnée, quand la parade est bien faite, avant que le pied de celui qui attaque soit posé à terre. Le désarmement est donc impossible à prévoir.

Vous en trouvez aussi qui, manquant de vitesse, sont presque certains, en vous portant une attaque, de ne pas vous toucher et qui, pour éviter la riposte, se laissent désarmer et vous disent ensuite que vous ne deviez pas riposter.

Ce sont des farceurs qui voudraient endormir leur monde sans chloroforme, mais qui, heureusement, n’y réussissent pas toujours. La riposte est bonne comme je l’ai dit, à condition qu’elle suive immédiatement la parade ; dans le cas contraire et s’il y a un temps d’arrêt marqué entre ces deux mouvements, il est évident que c’est alors un coup déloyal, indigne d’un honnête homme. On s’expose donc en tenant mal son arme aux plus grands des malheurs. Il est impossible aussi, en ayant l’arme au bout des doigts, de parer par contres rapidement, on ne peut donc parer que par opposition. Si l’on ne rencontre pas le fer de son adversaire, on se trouve infailliblement en dehors de la ligne, et l’on a ainsi le corps complètement à découvert. Si l’élève est d’aplomb et bien en garde, il n’a pas besoin de faire glisser son arme pour gagner de la distance ; s’il est placé trop loin pour atteindre son adversaire, il marche à petits pas, tout en se tenant prêt à parer s’il venait à être attaqué à sa marche, et prêt aussi à attaquer, si l’occasion s’en présente. De cette façon, il ne s’expose pas et peut parer et riposter sans ébranler le corps et sans s’écarter de la ligne. Voilà ce qu’on ne saurait trop enseigner aux élèves en les faisant marcher, rompre et développer jusqu’au moment où ils sont bien d’aplomb et reviennent en garde sans ébranler le corps (car tout part de la bonne position de la garde) ; en leur faisant tendre le bras droit sans secousse et sans faire monter l’épaule, et en leur faisant aussi observer entre l’épaule et le menton une distance telle, que l’on puisse, l’homme étant fendu, y passer le poing fermé. Si cette distance n’est pas observée, l’élève fera ses feintes de l’épaule, ou bien il baissera la tête, ce qui le forcera à porter le haut du corps en avant. Dans cette position, il lui sera très difficile de se relever, ses feintes ne seront pas justes, car, pour bien les faire, il faut qu’elles soient faites sans secousse et en gagnant insensiblement sur le fer de son adversaire, de façon à forcer ce dernier à y répondre. Bien peu de tireurs réussissent leurs feintes d’une manière irréprochable. Ils font presque tous sauter la pointe ; ce qui d’abord leur fait perdre du temps vu qu’ils restent sur place au lieu d’avancer, et, ensuite, nuit à la justesse de leur attaque. Pour éviter de faire sauter la pointe, il ne faut serrer que le pouce et l’index, et maintenir le poids de la lame avec les trois derniers doigts, sans abandonner la poignée. Il n’en est pas de même pour la parade. L’on doit toujours parer avec tout le nerf que l’on possède : plus l’on serre les doigts et moins l’on s’écarte de la ligne, et la riposte est d’autant plus directe. En ne déviant pas de la ligne et en faisant la parade sèche et sur place, l’on peut riposter du tac au tac.


Du danger que l’on court n’étant pas bien en garde.


Si vous voulez attaquer n’étant pas d’aplomb, vous ne partez pas de pied ferme, et vous portez votre attaque en courant, ce qui vous expose à vous faire arrêter au départ, attendu que votre coup est mal dirigé ; il est impossible de courir et d’ajuster ses feintes en même temps. Si, au contraire, vous êtes bien placé en garde, vous partez étant de pied ferme et vous tendez le jarret, ce qui vous donne de la vitesse, car la tension du jarret chasse le corps en avant et fait que vos attaques sont portées rapidement. Vous pouvez également revenir en garde promptement, car le pied gauche étant bien placé vous sert de point d’appui. De cette façon, vous ne restez pas à la merci de votre adversaire, ce qui arriverait inévitablement si votre position de garde était mauvaise. Étant mal placé, vous ne pouvez pas marcher à l’épée sans bouger le haut du corps et sans faire voir à votre adversaire le mouvement que vous voulez exécuter, ce qui lui permet de vous attaquer à votre marche. Si vous avez affaire à un tireur de jugement et de vitesse, vous êtes à peu près certain d’être touché, car il vous sera impossible de parer le pied levé.

Pour rompre, le danger est moins grand, vu que vous vous éloignez, quoique, si vous n’êtes pas d’aplomb, vous ne pouvez pas parer à moins de rompre à petits pas, ce qui vous fait perdre la riposte. Si votre bras n’est pas bien placé, vous laissez deux lignes à combattre, vu que l’avant-bras ne vous en coupe aucune. Dans une mauvaise position de garde, il vous est encore impossible de faire de fausses attaques sans vous exposer à recevoir l’attaque de votre adversaire, vu, que vous ne pouvez plus arriver à la parade, que vous livrez toutes les lignes et que vous ne pouvez pas faire vos feintes justes ; donc, en résumé, vous courez tous les risques de vous faire toucher.

Par conséquent, l’on ne saurait trop recommander aux professeurs de faire marcher, rompre et développer leurs élèves de pied ferme jusqu’à ce qu’ils aient acquis l’ensemble des deux mouvements du bras avec la jambe, chose indispensable pour devenir fort tireur.

Notre garde, du reste, lorsqu’elle est bien observée est la meilleure de toutes. Je puis l’affirmer en toute connaissance de cause, car j’ai fait des armes avec des tireurs de presque tous les pays d’Europe, et tous, dans leur position de garde, ont quelque chose de défectueux. Les Italiens ont constamment le bras tendu et le haut du corps en avant, ce qui est très regrettable, car ce sont généralement des tireurs de tempérament, doués d’excellentes dispositions, qui, s’ils possédaient notre garde, seraient certes aussi forts que nous. Ils reconnaissent d’ailleurs parfaitement l’infériorité de leur garde vis-à-vis de la nôtre, et ils tendent de plus en plus à se rapprocher de la garde française, notamment à Rome.

Les Belges ont aussi les mêmes défauts, à part un petit nombre. Ils ont généralement trop de garde, ce qui les oblige à porter le haut du corps en avant. Dans cette position, il leur est impossible d’attaquer à fond et de bien parer, vu qu’ils ne sont pas d’aplomb sur la partie gauche, alors ils allongent le bras et jouent quitte ou double. Mais un tireur de jugement peut facilement combattre leur jeu. Quant aux Allemands, ils sont complètement nuls en fait de pointe, et ne font que du sabre et encore d’une manière incomplète, vu qu’ils n’admettent que les coups de figure et jamais ceux qui sont portés au corps. Aussi, il arrive qu’avec les jeux français, il leur est impossible de combattre avec avantage ; car, ne connaissant ni les attaques, ni les parades des coups de banderole, de flanc ou de manchette, ils livrent constamment le corps à merci de leur adversaire. Du reste, les coups qu’ils admettent ne sont encore pas les meilleurs. On peut très bien par un coup de figure vous couper le nez ou une oreille ou bien encore la joue, sans pour cela vous tuer, tandis que les coups de banderole ou les coups de flanc, lorsqu’ils sont bien appliqués, sont généralement mortels. Leur méthode est donc mauvaise et ne doit pas être suivie.


De l’emploi de la main gauche.


Dans la position de la garde, la main gauche sert de balancier au bras droit, et permet au tireur de revenir plus facilement en garde, car, en la lançant fortement en arrière, elle oblige le poids du corps à se porter sur la partie gauche. Si elle est bien derrière et à hauteur du sommet de la tête, elle vous force également à effacer le côté gauche de la poitrine, ce qui fait que vous n’avez qu’une ligne à combattre au lieu de deux. Son emploi comme moyen de défense sur le terrain a été la cause de bien des malheurs. Qu’il me soit donc permis de donner mon avis à ce sujet. Je crois que la faute doit être attribuée, en grande partie, aux témoins (à part un petit nombre) par suite bien souvent de leur ignorance complète des choses de l’escrime. Ne connaissant rien, il leur est impossible de saisir le moment juste où il faut arrêter les combattants pour éviter les corps-à-corps, et, lorsque vous avez affaire à ces natures impressionnables qui ne se connaissent plus, lorsqu’elles voient l’épée devant elles, vous arrivez le plus souvent à un résultat désastreux.

Je n’admets pas l’emploi de la main gauche, pour chasser le fer de la face du corps ; mais je ne suis pas d’avis que l’on cherche à paralyser ses mouvements, car cela nuirait énormément à l’attaque et à l’aplomb de la garde. Je crois que le seul moyen d’éviter son emploi comme parade, est de simplifier les mouvements comme attaques et comme parades et ripostes. En n’ayant que des coups simples à exécuter, les combattants risqueront beaucoup moins, attendu que les corps-à-corps résultent du trop de complication des mouvements. Si celui qui dirige le duel, laisse arriver les tireurs l’un sur l’autre, ceux-ci, en se portant leurs coups, ne peuvent pas se couvrir, et risquent fort de se toucher tous les deux en même temps, chaque fois qu’ils resteront fendus. Ils combattent ainsi en dehors de toutes les règles de l’escrime, perdent vite la tête, et, instinctivement, se servent de leur main gauche pour écarter la lame de leur adversaire. Ils s’exposent encore bien mieux de cette façon à être tués, car, en faisant ce mouvement, ils livrent toute leur poitrine ; et s’ils ne sont pas tués, ils risquent fort de se faire percer la main. Mais la peur ne raisonne pas. Celui qui, perdant la tête, écarte ainsi la lame de la face du corps pour éviter d’être touché, doit s’en tenir là et cesser le combat sur-le-champ. Il y en a malheureusement qui maintiennent l’épée dans leur main et tirent sur leur adversaire qui se trouve alors sans défense. Cela constitue un véritable crime, qu’à mon avis, l’on ne saurait trop punir. Et voilà où peuvent conduire l’ignorance et l’incapacité d’un témoin. L’on devrait remédier à cet état de choses, et pour cela il suffirait de prendre des professeurs très forts et ayant une grande habitude des jeux de terrain, qui seraient capables de faire arrêter les combattants juste à temps, car, tant que les corps-à-corps existeront, nul ne pourra prévoir l’emploi de la main gauche.

De cette façon, bien des malheurs seraient évités ; mais cet avis est, je le crains, trop bon pour être écouté et sera négligé, comme tout ce qui est du reste sérieux et pratique[1].


Faire travailler de la main gauche.


On néglige beaucoup aujourd’hui dans la démonstration de faire travailler l’élève de la main gauche, lorsqu’il est droitier, et des professeurs prétendent que cela nuit aux progrès que pourrait faire la main droite. Assurément, ceux qui tiennent un pareil raisonnement ne se sont jamais donné la peine de travailler pour s’assurer de la vérité, car alors, ils s’apercevraient bien vite qu’ils sont dans leur tort. En effet, en faisant des armes des deux mains, vous équilibrez le corps. Remarquez les tireurs qui ne font des armes d’une façon sérieuse que d’une seule main : ils ont tous la partie droite du corps beaucoup plus forte que la gauche, cela est même très visible chez quelques-uns.

Pour mon compte personnel, voici trente-cinq ans que je fais des armes des deux mains dans la leçon comme à l’assaut, et je m’en suis toujours très bien trouvé. Mes élèves tirent également de la main gauche et s’en trouvent aussi fort bien. Ils ont tous un aperçu du jeu de gaucher, et à l’occasion ne seraient pas embarrassés pour se défendre s’ils en rencontraient un. L’on ne saurait trop recommander aux professeurs de travailler des deux mains, car bien souvent, on ne peut prévoir ce qui peut arriver, et, en supposant qu’un jour ils ne puissent plus travailler de la main droite, ils pourraient toujours du moins enseigner de la gauche, et gagner leur vie de cette façon.

En travaillant des deux mains, il est certain que le développement est plus difficile à obtenir ; mais avec de la persévérance on y arrive. Je ferai remarquer également à ceux qui trouvent que ce travail est nuisible à la main droite, que presque tous les professeurs gauchers travaillent davantage de la main droite pour démontrer la lecon et pour faire tirer leurs élèves sur eux, et qu’en général aussi ils sont plus forts que les droitiers. Seulement, pour obtenir ce résultat, il faut beaucoup travailler. Voilà pourquoi ceux qui ne veulent pas se donner la peine d’apprendre, trouvent que c’est mauvais ; comme cela, ils ont tout de suite fini ; car enfin les natures sont les mêmes ; et, puisque le travail de la main droite ne nuit pas aux gauchers, il n’y a pas de raison à donner, pour que le travail de la main gauche nuise aux droitiers.

L’élève ne doit travailler de la main gauche, que lorsqu’il a bien saisi la position de la garde, et les parades et ripostes de la main droite. Cela lui fera comprendre plus facilement, ce qu’il a à faire, à la reprise de la main gauche. L’élève arrivera ainsi à connaître les engagements, les parades et les ripostes du jeu de gaucher.

Beaucoup de personnes prétendent que deux gauchers ne peuvent pas faire ensemble un jeu classique et brillant comme le feraient deux droitiers. C’est que, probablement, elles n’ont jamais vu combattre deux tireurs sérieux connaissant bien l’escrime. Il n’y a pas de raison pour que le jeu ne soit pas aussi brillant d’un côté que de l’autre, vu que l’engagement est le même des deux côtés. Tout bon professeur doit connaître les jeux des deux mains, et mon avis est que l’on fait toujours bien lorsque l’on sait travailler.


De l’emploi de l’épée à la Leçon.


Beaucoup de gens n’admettent pas que l’on remplace, pour une partie de la leçon, le fleuret par l’épée, sous prétexte que cela contracte les muscles et donne de la raideur à la main. Pour ma part, j’ai pris plus de leçons avec l’épée qu’avec le fleuret, et cela ne m’a jamais nui, au contraire. Je fais également travailler mes élèves avec l’épée, et ils s’en trouvent très bien aussi. Du reste, les petits inconvénients dont j’ai parlé plus haut, en admettant qu’ils existent, n’existent certainement pas pour tout le monde, et ils sont en outre grandement compensés par les avantages suivants :

Tout d’abord, l’épée vous donne le « doigté », qualité indispensable en escrime, vu que la lame est lourde, et qu’en parant rapidement, son poids vous oblige à serrer tous les doigts ; de plus, elle vous empêche, étant fendu, de porter le haut du corps en avant ; car la lame ne cède pas et vous oblige ainsi à rester le corps droit et d’aplomb sur les hanches. Cela vous habitue à ne pas vous coucher étant fendu : ce qui fait que, lorsque vous poussez une botte, si vous ne touchez pas votre adversaire en attaquant, vous revenez en garde plus facilement.

Le fleuret, au contraire, cède en touchant, le corps naturellement suit le mouvement de la lame, et vous restez fendu dans les jambes de votre adversaire, ne pouvant plus vous relever, et de là s’ensuit le corps-à-corps. D’un autre côté, étant familiarisé avec le maniement de l’épée, lorsqu’il s’agit de vous en servir sur le terrain, vous n’êtes pas dérouté. Néanmoins, l’on ne doit pas abuser de cet exercice, il faut, au contraire, l’arrêter dès qu’on se sent fatigué.

Autant que possible, l’élève ne doit pas prendre de leçon avec un fleuret dont la lame est flexible. En ayant le soin de prendre une lame droite, il sera forcé de tendre le bras et de lever la main étant fendu, ce qui l’obligera à rester le corps d’aplomb et, en ripostant, à allonger le bras. Il sera ainsi couvert pour éviter la remise, vu qu’il aura la main haute.

Tous ces mouvements seront d’autant plus faciles à exécuter, qu’après une reprise à l’épée, le fleuret lui paraîtra aussi léger qu’une plume. En employant l’épée dans la leçon, j’ai obtenu et j’obtiens tous les jours d’excellents résultats ; c’est pourquoi je me permets de donner mon avis, qui est du reste celui de beaucoup d’anciens et excellents professeurs.


Pour bien juger un tireur.


Pour bien se rendre compte si un tireur possède l’ensemble du bras droit et du jarret gauche, l’on doit remarquer si le coup qu’il porte en partant à fond, est arrivé sur la poitrine de son adversaire avant que le pied droit ne soit posé à terre en développant d’un seul temps. Ce mouvement est assez difficile à obtenir de l’élève ; bien des professeurs mêmes ne le possèdent pas. Il est cependant indispensable pour acquérir de la vitesse. Si, en effet, vous tendez le jarret et que vous ne tendiez le bras qu’après, le choc qui résulte de ce mouvement vous fait perdre toute la vitesse que la tension du jarret aurait pu vous donner ; il en est de même, si vous tendez le bras avant le jarret. Il n’y a que les coups simples qui puissent vous faire arriver à l’ensemble de ces mouvements. Si vous touchez votre adversaire une fois que le pied est posé à terre, c’est que votre bras n’était pas tendu au départ du pied. Vous risquiez donc de vous faire arrêter au moment où vous vous prépariez à partir. Tous ces mouvements faux que tant de tireurs possèdent sont dus, le plus souvent, à la négligence des professeurs. Ils ne veulent pas se donner la peine de faire répéter le mouvement au début, lorsqu’ils font faire à l’élève la leçon à la demiallonge, seul moyen pratique pour par- 42 venir à un bon résultat ; car l’on forme un élève comme position et comme développement dans trois mois, comme on le manque pour toute sa carrière. En escrime, le tout dépend de la manière dont on s’y prend.

L’on ne doit pas engager l’épée, avant d’avoir obtenu cet ensemble, sans lequel il n’y a pas de tireur classique et brillant. J’expliquerai du reste plus loin, dans ma leçon, la manière dont on doit s’y prendre pour faire développer par principes.


Des parades de contraction.


Bien des discussions ont été soulevées au sujet des parades de contraction, et les opinions sont très divisées parmi les tireurs. Certains prétendent que le tort vient de celui qui attaque ; d’autres, de celui qui pare. Beaucoup de tireurs ne se rendent pas compte de la différence qui existe entre cette parade et une parade régulière. La parade de contraction est très dangereuse pour celui qui la fait ; car, au lieu de parer où le fer se présente quand on lui porte l’attaque, l’homme prend la parade inverse. Il fait ainsi parcourir à la pointe de l’épée de son adversaire toutes les parties de la face du corps, ce qui peut le faire arrêter, et en outre, la riposte n’est pas directe.

Prenons un exemple : si votre adversaire vous attaque par un dégagement sur les armes, au lieu de parer soit par l’opposition de sixte, soit par le contre de quarte, vous le parez par le contre de sixte. Vous faites ainsi passer la pointe de votre adversaire devant tout le corps, tandis que, si vous aviez paré par l’opposition de sixte ou le contre de quarte, la riposte aurait été directe et vous ne vous seriez pas exposé à vous faire arrêter, attendu que la ligne était ouverte après la parade, tandis que, dans l’autre ligne, votre riposte se trouvait coupée par la parade de contraction, et était par conséquent perdue. À mon avis, c’est celui qui pare, s’il a affaire à un tireur de jugement, qui est dans son tort, ainsi que le prouve le raisonnement suivant :

Quand vous faites faire dans la leçon un coup droit à votre élève, vous le faites parer par une opposition sans changer de ligne ; quand vous lui faites faire un dégagement, vous le faites parer soit par une opposition, soit par un contre, dans la ligne où il vous a attaqué. Eh bien, en admettant que j’aie l’intention de faire « une-deux », s’il répond par une opposition à ma première feinte, je pars à fond au deuxième dégagement, et je suis dans les règles de l’escrime ; car j’ai trompé sa parade par mon deuxième dégagement, chose que je devais faire. Si, au lieu de parer mon attaque de une-deux dans les armes par sixte et contre, il la pare par sixte et contre de quarte, il fait donc la contraction. Je ne suis pas obligé de suivre ses parades indéfiniment, et je suis absolument dans mon droit en partant, après avoir fait parer ma première fausse attaque.

En ne répondant pas à mon attaque, et en ne faisant pas la parade qu’il doit exécuter d’après les règles, mon adversaire tire sans jugement ; car quand on emploie ces parades, c’est que l’on n’est pas sûr d’arriver assez vite par les moyens ordinaires pour éviter l’attaque, et que l’on cherche à contrarier le jeu de son adversaire de quelque façon que ce soit pour éviter le coup de bouton.

Le jeu de ces tireurs est d’ailleurs facile à combattre. Pour cela, il suffit de rester en ligne sans leur donner de fer, ce qui les force à parer dans le vide. Étant bien d’aplomb en garde, on saisit le moment où ils changent de ligne et l’on part à fond par un coup droit précédé d’un battement.

Si vous possédez une bonne vitesse, vous êtes certain de votre attaque, car votre adversaire est ébranlé par la complication de ces parades.

Pour faire ces sortes de parades avec quelques chances de succès, il faut être très fort tireur. On en rencontre malheureusement un grand nombre qui parent sans être attaqués et dans toutes les lignes. Cela n’est assurément pas le fait d’un bon tireur, car on doit toujours ménager ses attaques et ses parades, et ne les faire qu’à propos, afin d’arriver juste à temps à la riposte.

Des défauts naturels des Élèves.


On rencontre parfois certains élèves qui ne possèdent pas toutes les qualités physiques nécessaires pour devenir forts tireurs. Vous en avez, par exemple, qui sont faibles des reins. Dans ce cas, le professeur, en faisant développer son élève, doit bien faire attention qu’il ne porte pas le haut du corps en avant ; car alors, il ne pourrait plus revenir en garde et serait obligé de faire une retraite du haut du corps, ce qui lui fatiguerait les reins et le mettrait à la merci de son adversaire pour recevoir les ripostes.

D’autres, ne possèdent pas un bon jarret. Le professeur doit alors s’attacher à ne faire développer ces tireurs que le moins possible, car leurs moyens ne leur permettant pas de surprendre par la vitesse en portant leurs attaques, ils courent alors les risques de se faire arrêter au départ, ou de recevoir la riposte à la retraite.

Si l’élève ne possède pas beaucoup de jugement, on ne doit lui faire exécuter que des coups simples se comprenant facilement. Car, si on veut lui donner la même leçon qu’à un élève dont l’intelligence est très développée, on n’arrivera à aucun résultat, attendu qu’il est une chose bien certaine, c’est que l’on ne peut pas faire entrer dans la tête de quelqu’un ce que Dieu n’y a pas mis. En voulant apprendre une leçon trop compliquée à ces élèves d’une intelligence médiocre, on réussira tout simplement à les abrutir ; ils ne feront aucun progrès et finiront par prendre l’escrime en dégoût. Certains ont les hanches nouées, au point qu’étant en garde, si on les fait développer, ils ne peuvent pas gagner la longueur d’une semelle en avant.

Il m’est arrivé d’en rencontrer qui restaient dans cet état pendant une assez longue période de temps ; mais, malgré tout, en y mettant de la persévérance, ils parvenaient à développer d’un seul temps à la distance de quatre semelles d’un talon à l’autre, et à revenir en garde d’un seul temps. Plusieurs même sont arrivés à dépasser la moyenne des tireurs.

En un mot, si le professeur connaît son affaire, il doit s’apercevoir de suite des défauts comme des qualités de ses élèves et régler la leçon selon leur plus ou moins de dispositions, en leur faisant exécuter les mouvements auxquels ils se prêtent le mieux, sans toutefois négliger l’ensemble.

C’est ce que beaucoup de maîtres ne font pas dans le civil, et ce qu’on ne fait pas du tout dans l’armée, où la leçon est la même pour tout le monde. Que vous compreniez ou que vous ne compreniez pas, cela laisse les instructeurs parfaitement indifférents ; aussi, en suivant ces principes, on en arrive aux pitoyables résultats que l’on est à même de constater aujourd’hui.


Des pressions d’épée.


Si, dans la leçon, le professeur fait précéder les attaques d’une pression, il doit faire comprendre à l’élève que, pour que la pression soit bien faite, il faut que le bras soit demi-tendu et que la pression soit faite assez fortement sur la pointe de la lame de l’adversaire, en serrant tous les doigts sans s’écarter de la ligne, de façon à faire répondre l’adversaire, pour atteindre le but que l’on cherche.

Des Feintes.


Les feintes consistent à menacer l’adversaire dans une ligne pour tirer dans une autre. Elles ont donc pour but de tromper l’adversaire en attirant son épée dans une ligne autre que celle où l’on veut porter le coup.

Elles doivent se faire au moyen des doigts, en allongeant le bras de toute sa longueur, en passant les feintes à un centimètre de chaque côté de la garde, et en les faisant un peu plus haut que la garde, en évitant la lame de l’adversaire, la main à hauteur du menton de façon à être couvert au départ. Il ne faut jamais marquer de temps d’arrêt, lorsque vous avez le bras tendu, car alors vous vous exposez à vous faire toucher, attendu que, dans cette position, vous êtes complètement à découvert.

Beaucoup de tireurs prétendent qu’il faut baisser la main en marquant les feintes dans la ligne basse ; à mon avis, c’est une grande erreur. La main doit toujours rester à la hauteur du menton, et c’est par un mouvement de doigté que vous devez faire baisser votre pointe de façon à exécuter vos feintes.

En laissant votre main à hauteur du menton, il arrivera que, lorsque vous serez fendu, la main se trouvera sans faire de mouvement à hauteur du sommet de la tête et la pointe de l’épée plus basse que la main, ce qui est la véritable position pour être couvert étant fendu, et ce qui permet de porter le coup de bouton en pointant, au lieu de le plaquer comme cela arriverait, si vous portiez votre attaque en baissant la main. En partant la main basse, vous ne gagnez d’abord pas de distance et vous vous exposez à être arrêté au départ, vu que la poitrine est complètement découverte ; vous arriverez en outre fatalement au coup double, si l’adversaire ne pare pas vos attaques. Vous jouez donc votre vie sans la garantir. Il est de toute nécessité de supprimer ces mouvements qui sont complètement faux et en dehors de tous les bons principes et d’engager l’épée, au contraire étant en garde, vu que vous ne pouvez pas prévoir si votre adversaire parera ou s’il vous arrêtera, lorsque vous n’êtes pas maître de son fer.


Des Contres.


L’exercice des contres est certainement celui qui fait faire le plus de progrès à l’homme qui a déjà acquis une certaine force. Il assouplit l’articulation du poignet, donne de la fixité au bras et de la promptitude dans le coup d’œil. Il est beaucoup trop négligé aujourd’hui, et c’est un tort ; car d’abord il établit une transition naturelle et facile entre la leçon et l’assaut, et ensuite il forme des tireurs de vitesse et de jugement, d’un jeu correct et élégant. Cet excellent exercice a surtout pour but, de rectifier ce que les mouvements et la position du tireur peuvent avoir de défectueux. L’on ne saurait trop recommander aux professeurs et aux élèves de pratiquer constamment cette leçon. L’on doit tirer de pied ferme sans jamais déplacer le pied gauche, parer et riposter également de pied ferme, sans jamais bouger le haut du corps. L’on doit porter ses attaques à fond et le plus rapidement possible. Cela forme le jarret. L’on doit aussi partir le bras complètement déployé avant le départ du pied et marquer un léger temps d’arrêt après chaque attaque et après chaque riposte, de façon qu’on ait bien le temps de tendre le jarret, avant de revenir en garde. De cette façon aussi, l’adversaire a le temps de bien calculer sa riposte.

Il ne faut pas se surprendre dans les attaques.

Pour cela, il faut avoir le soin de bien engager l’épée avant de partir ; il faut aussi donner le temps à l’adversaire de bien revenir en garde et ne jamais chercher à l’ébranler par de fausses attaques. Tous les coups doivent être portés franchement. C’est l’exercice qui peut vous faire arriver le plus rapidement à la vitesse, qualité indispensable en escrime ; car, pour toucher, il faut surprendre, et le seul moyen de surprendre, c’est d’aller vite. En parant par contres, si l’adversaire tire en ligne, vous êtes certain de rencontrer son fer dans toutes les lignes, et vous conservez toujours la main devant la face du corps. Les parades par contres sont de beaucoup préférables aux parades par oppositions. Ces dernières en effet, ne coupent qu’une ligne, et vous forcent à vous découvrir si vous ne rencontrez pas le fer de votre adversaire. En parant par contres, vous avez encore l’avantage de parer plusieurs feintes par un seul contre. Si vous avez affaire à un tireur qui vous fasse des feintes sur la pointe sans vous donner le temps de parer, ou s’il vous attaque le bras demitendu, pour parer avec jugement, il faut le faire, au moment où il lève le pied pour partir à fond. Un fort tireur laissera toujours faire les feintes à son adversaire et parera juste au dernier moment. En agissant ainsi, il aura tout le temps de préparer sa parade sans se fatiguer, et la riposte sera directe.

Les parades d’opposition n’empêchent pas votre adversaire de gagner de la distance, si vous suivez ses feintes, et de cette façon il arrivera à vous toucher malgré vos parades, ou à faire coup double, si vous ne possédez pas un grand jugement.

Dans cet exercice des contres, on peut également juger de la force de deux tireurs ; car, si les attaques sont portées à fond ou de pied ferme à distance juste, celui qui n’arrive pas à parer à temps et qui par conséquent est touché, est le moins fort.

Le professeur doit s’attacher autant que possible à faire repasser toute la leçon en faisant cet exercice.


De la Démonstration dans l’Armée.


À part les anciens professeurs élevés à bonne école, qui savent ce qu’il faut faire pour former de bons élèves et quelques nouveaux qui ont reçu de bons principes, on ne voit plus guère dans l’armée que des instructeurs fabriqués, pour ainsi dire, à la vapeur, et qui, chose malheureusement trop vraie, et qu’il est regrettable de constater, ne brillent pas précisément par l’intelligence.

La leçon, qui est réglementaire aujourd’hui dans tous les corps, n’est pas pratique, attendu qu’elle est trop compliquée et renferme un grand nombre de mouvements dont l’utilité est très discutable. Les hommes ne peuvent arriver à aucun résultat sérieux d’abord le temps leur manque ; car il est prouvé, qu’en tenant compte des maladies, des manœuvres, des services de garde et de police, des changements de garnison, des permissions, etc., un homme ne peut guère prendre plus de cent leçons dans le cours de son service militaire ; en outre, la plupart ne viennent à la salle d’armes que pour éviter une punition ; ils ne mettent donc aucun goût à apprendre la leçon qui leur est démontrée, par des prévôts qui, généralement, ne connaissent pas grand’chose et qui, n’étant pas rétribués d’une façon satisfaisante, ne sont pas précisément dévoués pour le service et naturellement suivent le mouvement de la troupe.

Eh bien, en simplifiant la leçon, vu le peu de temps donné aux hommes et le peu de leçons qu’ils ont à prendre, on arriverait, sinon à en faire de bons tireurs, du moins à leur apprendre quelque chose.

Du reste, pour la cavalerie, ils n’ont besoin que de savoir porter un coup de pointe et un coup de sabre à droite et à gauche, et ils n’ont que deux parades à faire, qui sont « quarte » à gauche et « tierce » à droite. À mon avis, la parade de « prime » devrait être supprimée. Elle est complètement inutile étant à cheval et en même temps très dangereuse ; car l’on peut vous désarmer facilement, vu que votre main est dans la position de « tierce ».

Si vous faites cette parade en levant la pointe, vous risquez fort de recevoir un coup de sabre en pleine poitrine ; car si votre adversaire vous porte la pointe du coup de tête et que vous alliez à la parade en formant la prime la pointe haute, il n’a qu’à vous tromper cette parade par un coup de banderole, et il peut vous blesser très grièvement et même vous tuer. Étant à cheval, vous n’avez que deux parades à faire, vu que vous vous trouvez garanti par le paquetage, et qu’étant au galop, vous portez le haut du corps en avant. Il faut, en parant quarte ou tierce, laisser la pointe de votre sabre à hauteur du sommet de la tête. De cette façon, si votre adversaire vous porte un coup de tête, vous vous trouvez, sans faire de mouvement, en position de recevoir sa lame qui viendra mourir sur le fort de la vôtre. En opposant sans vous écarter de la ligne du côté où il vous portera le coup, vous serez garanti et votre riposte sera directe. Pour la ligne de tierce en dehors, mêmes principes, moyens inverses, vu que les coups ne peuvent pas être compliqués, puisque vous passez à la charge l’un à côté de l’autre et que vous ne portez qu’un seul coup, soit comme attaque, soit comme riposte.

Les coups compliqués sont donc inutiles, comme je le disais plus haut ; et l’on ne devrait faire que des coups droits et des dégagements en ligne haute et en ligne basse, avec les parades de ces attaques-là. Même dans une salle d’armes, lorsqu’un cavalier saura se mettre en garde et développer à fond avec ces principes, il saura faire des armes.

Il ne faut pas négliger d’apprendre aux hommes à bien porter leurs coups de pointe à fond, en déployant le bras de toute sa longueur d’un seul temps, et en tenant la poignée du fleuret ou du sabre à pleine main. Il faut aussi les faire riposter aussitôt qu’ils auront rencontré le fer en parant ; c’est le seul moyen d’éviter les remises. Il ne faut pas abuser des coups de sabre, vu qu’il est impossible d’en porter un à son adversaire sans se découvrir complètement la face du corps en prenant l’élan du coup. Du reste, ces coups ne sont pas toujours mortels ; car, dans les régiments de grosse cavalerie, où les hommes sont guindés dans leur armure, il leur est impossible de porter des coups de sabre sérieux ; à part le coup en avant ou à droite, tout le reste est insignifiant.

Ils ne peuvent faire également que deux parades, quarte et tierce, qui leur permettent de se rendre maîtres du fer de l’adversaire, de rester en ligne et de jouir de l’avantage de la riposte.

D’ailleurs, j’en parle d’autant plus savamment, que j’ai porté la cuirasse pendant sept ans aux carabiniers.

Faites donc faire des coups simples, ne demandant pas beaucoup d’intelligence et de jugement de la part de l’homme. Au moins, quand le moment sera venu de mettre en pratique ce qu’il aura appris, le soldat pourra le faire sans difficulté et avec succès.

Le sort d’une bataille dépend parfois d’une charge bien menée ; eh bien, le cavalier qui connaîtra à fond les mouvements dont je parle, pourra certainement combattre avec avantage et assurer ainsi le succès de la bataille ; car les coups simples se font avec tous les tireurs. Moimême, dans le cours de ma carrière, lorsqu’il m’est arrivé parfois de toucher mon adversaire, je n’y suis jamais parvenu que par un coup droit, un dégagement ou un une-deux, précédés d’un battement ; car il y a beaucoup de tireurs qui étant en garde. ne se couvrent pas complètement dans la ligne où ils sont engagés ; vous avez alors la ligne ouverte, et avec vos coups simples, vous ne bougez pas le haut du corps comme en faisant des fausses attaques ou des coups compliqués, et vous êtes en possession de tous vos moyens comme vitesse et comme jugement. Il est donc inutile, encore une fois, de compliquer les mouvements ; d’abord, si votre adversaire répond à vos feintes, si vous en faites plusieurs, c’est qu’il est plus fort que vous ; sans cela, il ne vous laisserait pas aller comme cela indéfiniment ; il vous couperait la ligne, en faisant une parade inverse à celle que vous demandez ; si d’un autre côté, vous continuez le mouvement bien qu’il ne réponde pas à vos feintes, vous tomberez naturellement sur sa pointe, car vous ne serez plus maître de son fer au départ ; donc, vous ne pouvez pas compliquer vos attaques si votre adversaire ne s’y prête pas ; c’est donc celui qui pare, qui règle l’attaque pour les coups compliqués. Si vous n’attendez pas les parades qui doivent répondre à vos feintes, vous êtes obligé de les faire le bras raccourci, ou bien sur la pointe de l’épée de votre adversaire, sans vous être fait livrer de place pour toucher, ce qui vous force à faire toutes ces fausses attaques très larges et en dehors de la ligne.

Vous tirez ainsi sans jugement, sans savoir où vous allez, vous exposant à tout moment à vous faire blesser ou tuer d’une façon véritablement ridicule. Laissez donc la complication pour les escrimeurs de pacotille, vous vous en trouverez beaucoup mieux.

De la démonstration dans les lycées et collèges


Dans la plupart des établissements universitaires, les élèves sont démontrés par des prévôts qui malheureusement, à part quelques exceptions, ne sont pas toujours à la hauteur du service qui leur est confié. Cela vient de ce que certains professeurs se croient trop grands seigneurs pour prendre le plastron, pour démontrer la leçon. Ils aiment mieux tirer leur fauxcol et leurs manchettes, et se faire remplacer par des incapables, que par économie ils préfèrent naturellement à un prévôt sérieux qu’il faudrait rétribuer en raison de ses capacités. Aussi, en agissant ainsi, on en arrive à un résultat tout à fait mauvais.

Les élèves mal démontrés, ne recevant pas de bons principes, contractent de mauvaises habitudes que l’on ne peut pour ainsi dire plus rectifier à leur sortie de pension, et infailliblement, ils vont grossir le nombre déjà si grand des escrimeurs pour rire. Cela est d’autant plus regrettable que l’on a affaire à des jeunes gens intelligents qui, s’ils étaient bien démontrés, deviendraient en peu de temps de bons tireurs. L’administration, à mon avis, dans l’intérêt des élèves et aussi dans celui des parents qui payent souvent fort cher pour faire faire des armes à leurs enfants, devrait exiger du professeur d’un lycée ou d’un collège qu’il vienne constater les progrès que peuvent avoir faits ses élèves, rectifier ce qu’il peut y avoir de mauvais dans la manière de tirer de chacun et donner leçon lui-même au besoin. Comme cela, aidés des conseils du maître, les élèves pourraient parvenir à un bon résultat, et ne seraient au moins pas empruntés le jour où ils arriveraient au régiment, ce qui est à considérer.


Des effets indispensables pour faire des armes.


Pour se garantir et éviter les accidents malheureusement si fréquents aujourd’hui dans les salles d’armes, faute de précautions, ensuite pour faire assaut avec sécurité, il faut :

1° Un masque renforcé à doubles ressorts avec bavette. On ne doit jamais prendre la leçon sans masque. De cette façon, on évite ce qui pourrait arriver de fâcheux, et en outre l’élève s’habitue vite à voir clair avec le masque, qui le gênerait certainement s’il ne le mettait que par hasard.

2° Deux gants avec crispin bourré.

3° Une paire de sandales avec semelles en buffle, pour éviter de glisser.

4° Une ceinture en cuir avec de l’élastique sur les hanches pour maintenir les reins et vous garantir d’une hernie, si parfois vous veniez à développer trop loin involontairement.

5° Un gilet en peau et un cuissard pour vous garantir la ligne basse ; enfin une paire de fleurets.

L’on ne doit jamais faire d’armes dans une salle en souliers ou avec des bottes, car cela peut occasionner les accidents les plus graves. Le fleuret doit toujours être garni d’une fausse garde, en cuir généralement, qui est destinée à garantir l’ongle du pouce, car sans cela, la pointe de votre adversaire peut rentrer dans la garde et vous blesser. Le pantalon doit être assez large, de façon à ne pas vous gêner en développant et à vous laisser tous vos mouvements libres.

Tous ces effets sont indispensables pour faire des armes avec sécurité, et le professeur ne devrait pas prendre la responsabilité des accidents qui peuvent arriver à ses élèves, si ceux-ci ne sont pas garantis par la tenue que je viens d’indiquer.

La tenue blanche est, à mon avis, la seule véritablement correcte pour faire des armes. La tenue noire qui est portée par un certain nombre de tireurs, est en effet de pure fantaisie, et elle est souvent une cause de discussion, attendu que l’on ne voit pas quand on a touché. Vous apercevez d’ici ce qui en résulte, si celui qui la porte n’est pas loyal. Du reste, elle n’est pas admise dans les concours internationaux où l’on concourt pour des prix, et où l’on vous trace sur la poitrine la ligne partant de la hanche droite, prenant la moitié du corps et arrivant au défaut de l’épaule jusqu’au cou. En dehors de cette ligne, les coups de bouton comme attaques et comme ripostes ne comptent pas. Dans ces concours, l’on trempe le bouton du fleuret dans le bleu, de façon à bien voir si le coup a porté ; l’on fait arrêter les combattants après chaque passe d’armes, et l’on ne compte que les coups directs comme attaques et comme ripostes, ainsi que les coups de temps si l’on n’est pas touché et la remise si l’on ne riposte pas. Deux coups doubles dans un assaut, vous mettent hors de concours. C’est là le vrai moyen de faire des armes d’une manière classique et de juger de la force des combattants. Si l’on exigeait l’observation rigoureuse de ces principes, l’on finirait par faire attaquer de pied ferme et à fond et l’on parviendrait aussi à faire parer et riposter sur place. Beaucoup de tireurs qui se croient forts seraient bien embarrassés si on leur traçait la ligne ; c’est pourtant, à mon avis, ce que l’on devrait faire dans les assauts publics. L’on devrait aussi supprimer la tenue noire ; car si quelques tireurs sérieux et loyaux la portent, beaucoup en revanche ne s’habillent ainsi que pour attirer sur eux les regards de la galerie, et ils trouvent à cela double avantage : d’abord cette petite coquetterie flatte leur amour-propre et ensuite elle leur permet de carotter quelques coups de bouton à leur adversaire.



II

Des accidents dans les salles d’armes.


Il y a trente ans, lorsqu’un malheur arrivait dans une salle d’armes, l’on considérait cela comme un véritable événement, et toute la presse en parlait. Aujourd’hui, les accidents sont si fréquents que, s’il n’y a pas mort d’homme, on n’y fait même plus attention.

La fréquence de ces accidents est encore une preuve de plus à l’appui de la théorie que je soutiens.

Si la leçon n’était composée que de coups simples, on verrait beaucoup moins de ferrailleurs portant leurs attaques en courant, ne parant et ne ripostant jamais sur place, risquant à tout moment par leurs coups impossibles de casser leur lame et, par suite, de blesser leur adversaire. Les ignorants ou ceux qui sont de mauvaise foi, vous diront, que les lames sont mal trempées, et qu’elles cassent au moindre choc. Plaisanteries que tout cela ! Ce n’est pas les lames qu’il faut supprimer, c’est la façon dont on s’en sert. Vous n’éviterez aucun des accidents que l’on a à déplorer malheureusement trop souvent aujourd’hui, tant que vous continuerez à travailler comme vous le faites, en dépit du bon sens, en chargeant l’un sur l’autre sans engagement, en faisant des corps-à-corps, en tendant le bras sur les attaques, en restant fendu et en étant mal placé en garde.

Voilà la mauvaise trempe qu’il faut changer et laisser les lames comme elles sont ; et en suivant mon avis, vous arriverez à éviter ces accidents qui font tout à la fois le malheur de la victime et celui du maladroit et de l’inconscient qui en est la cause.


De l’assaut. — Réforme d’un terme. Nécessité d’un bon président d’assaut. Des applaudissements.


Après un assaut de deux tireurs, professeurs ou amateurs, on entend dire au président pour faire terminer l’assaut : « Messieurs, faites la belle. » Ce terme, à mon avis, est très mal employé, surtout pour désigner le dernier coup de bouton. Il ne rend pas du tout l’idée que l’on doit se faire du dernier coup, ou plutôt il rend cette idée d’une façon tout à fait inexacte.

D’abord, il peut très bien arriver, dans un assaut, que l’un des deux combattants ne touche pas son adversaire ; dans ce cas, il n’y a pas de « belle » à faire, ensuite, presque toujours, le dernier coup de bouton d’un assaut est le plus mal fait de tous.

Les deux tireurs sont fatigués, ils ne sont plus en possession de tous leurs moyens, ni comme attaque, ni comme parade ou riposte, ni comme jugement ; c’en est même au point que bien souvent ils ne peuvent pas se toucher, ou s’ils se touchent, ce n’est que par un coup en dehors des règles. Il ne faut donc pas juger deux tireurs sur le dernier coup de bouton. Ce terme de « faites la belle » est donc absolument impropre, et l’on devrait le remplacer par celui de « faites le dernier » qui indiquerait de suite, que l’assaut est terminé d’une façon beaucoup plus claire et plus conforme à la logique. Pour moi, le plus fort de deux escrimeurs faisant assaut est celui touche le premier. Le premier coup de bouton, du reste, est généralement le plus beau. Deux tireurs, en effet, qui se rencontrent pour la première fois sur la planche, ne connaissent pas leurs jeux. Supposez qu’ils soient sur le terrain au lieu d’être dans une salle d’armes, il faudrait cependant bien qu’il y en ait un qui fût touché, et naturellement, c’est celui qui aurait touché le premier son adversaire qui aurait été le plus fort. Eh bien, dans une salle d’armes, le jeu est absolument le même que sur le terrain ; je le maintiendrai toujours, comme je maintiendrai également que tout ce que l’on a écrit pour démontrer le contraire est absolument faux. Il n’y a qu’une question de jugement et de vitesse qui fait que vous touchez le premier, et qu’incontestablement vous êtes le plus fort. Du reste, mon avis est partagé par un grand nombre d’anciens professeurs de ma connaissance (faisant des armes dans les règles, ceux-là), et qui m’ont toujours dit que du moment où ils avaient réussi dans un assaut à prendre le premier coup de bouton, ils se considéraient comme satisfaits.

Il arrive bien souvent que lorsque deux tireurs se présentent sur la planche, on applaudit à tout rompre, avant même qu’ils aient commencé leur assaut. Ces applaudissements sont du dernier ridicule et l’on devrait s’en abstenir entièrement. Les trois quarts, en effet, de ceux qui applaudissent ainsi, ne connaissent même pas les tireurs et sont les premiers à crier « assez » avant la fin de l’assaut ; car bien souvent les combattants font de tout, à part de l’escrime. C’est à croire, ma parole d’honneur, qu’ils ne claquent dans leurs mains que pour le plaisir de faire du bruit. Je suis d’avis que l’on félicite les tireurs, certainement, mais seulement après leur assaut, et s’ils ont bien fait des armes ; car alors, ils auront mérité les compliments qui leur seront adressés ; mais je ne saurais trop critiquer ces bons camarades qui, si leur ami est touché, ne disent absolument rien, et s’il touche au contraire, même par un coup en dehors des règles et bien souvent sans s’en douter, applaudissent à faire trembler la salle. Cette manière d’agir, on le reconnaîtra comme moi, n’est pas absolument conforme à la justice et à l’impartialité qui devraient présider à tous les actes d’un spectateur franc et loyal, et en outre, c’est un très mauvais service à rendre à un tireur qui ne sait rien faire, ce tireur fût-il même votre ami, que de lui prodiguer ainsi des flatteries imméritées.

Cela indispose naturellement celui qui a bien fait et qui n’est pas applaudi ; et de là proviennent ces discussions regrettables que l’on constate malheureusement trop souvent aujourd’hui. Si l’on veut que la concorde et la bonne harmonie règnent dans les rapports entre les tireurs, professeurs ou amateurs, on doit donc s’abstenir autant que possible de ces applaudissements. On ne devrait entendre de part et d’autre dans un assaut, qu’un seul mot, celui d’annoncer la botte. Au lieu de cela, ce sont des discussions sur tous les coups, et des réflexions sur la planche, dans le genre de celles-ci : « passé, effleuré, trop court — j’ai paré et vous êtes arrivé après ma parade. — C’est que vous n’avez rien paré du tout, si vous aviez paré, vous n’auriez pas été touché ; — etc. ». Tout cela est d’un très mauvais goût, et devrait être supprimé absolument.

Ce que l’on ferait bien aussi de supprimer, ce sont ces présidents d’assaut qui ne sont pas à la hauteur de leur mission (et ils sont nombreux). Ce sont eux le plus souvent la grande cause des discussions qui s’élèvent dans les assauts entre combattants.

À part un petit nombre, ils sont, par leur manque de savoir et de pratique, dans l’incapacité absolue de suivre les différentes passes d’armes des tireurs, et de juger de leur force respective. Comment voulez-vous qu’un amateur, qui ne se doute même pas bien souvent de ce qu’il faut savoir pour bien faire des armes, et de la façon dont on démontre la leçon par principes, aille juger des professeurs qui lui ont mis l’épée à la main ? Et comment voulez-vous aussi que lesdits professeurs tiennent compte des observations qui leur sont faites ? C’est complètement impossible.

Que l’on rende des honneurs aux amateurs qui encouragent l’escrime, que l’on les nomme présidents honoraires, vice-présidents, rien de mieux, mais que l’on n’aille pas leur confier la direction d’un assaut. C’est une chose inadmissible.

Laissez le soin de remplir cette tâche délicate à des professeurs accomplis, avant tout justes et impartiaux, dont la compétence en matière d’escrime ne pourra être discutée par personne, et qui pourront dire en toute certitude aux combattants sans avoir à craindre d’être repris par eux : « Le coup est bon ou il est mauvais ; cessez le combat ou continuez-le. »

De cette façon, toutes les discussions sont évitées, et le public sera satisfait ; car il n’y a rien de plus désagréable pour la galerie que d’entendre discuter sur les coups de bouton. Ces discussions, il faut le reconnaître, sont parfois inévitables, car il arrive de temps à autre que l’on tombe sur un adversaire grincheux qui ne veut pas admettre qu’on l’ait touché, même lorsque tout le monde a vu porter le coup. Cette manière d’agir attire à son auteur le mépris de la galerie. Il n’y a pas de déshonneur à être touché dans un assaut. Tout le monde n’est pas de la même force. On peut parfaitement recevoir un coup de bouton, et malgré cela bien faire des armes. On doit donc toujours, lorsqu’on est touché, s’empresser d’annoncer la botte, car avant tout l’Escrime est un jeu loyal et franc.

On rencontre aussi de ces tireurs qui restent sur le coup de bouton pour faire voir qu’ils ont touché.

Ce procédé est de la dernière inconvenance et prouve, outre le manque absolu de savoir-vivre de celui qui en est l’auteur, son manque de justesse dans le coup d’œil, car lorsque la distance est bien observée, on doit arriver à toucher juste sur le plastron de son adversaire ; on ne peut donc pas faire plier la lame sur la poitrine. En outre, en restant ainsi fendu, on s’expose à recevoir une bonne remise. Lorsque l’on a affaire à des tireurs de cette sorte, le meilleur est de s’en débarrasser au plus vite, et pour le faire d’une façon polie, on les invite à faire le dernier.

S’ils restent fendus dans vos jambes, il y a un moyen bien simple de les faire revenir en garde. Au lieu de chercher le fer pour parer, vous visez l’oreille et, tout en vous excusant de n’avoir pas rencontrer le fer en parant, vous leur appliquez un bon coup de votre fleuret sur ladite oreille. Ce moyen m’a toujours réussi. Je vous promets qu’après ils reviennent en garde avec une rapidité dont vous êtes vous-même émerveillé.

On en rencontre qui ont la main très dure et qui vous font grand mal lorsqu’ils vous touchent. Ces tireurs sont très dangereux, car si leur arme venait à se briser, avec la force qu’ils mettent à s’en servir, ils pourraient vous blesser très grièvement. D’autres, au lieu d’annoncer le coup de bouton, touchent après avoir été touchés, et en même temps poussent un cri, pour détourner l’attention du public, et lui faire croire qu’eux seuls ont touché.

On use avec tous ces tireurs des mêmes procédés qu’avec les précédents ; mais on ne doit jamais se permettre la plus petite observation sur leur jeu et leur manière de tirer. Pour éviter les remises et les ripostes dans le genre de celles dont je viens de parler, on fait suivre la riposte aussitôt que l’on a rencontré le fer en parant, et l’on revient immédiatement en garde, en parant un contre, ce qui permet de rencontrer le fer dans les deux lignes et d’éviter les coups doubles. On doit également, avoir grand soin de ne jamais attaquer, sans être maître du fer. Si vous parez juste, et que vous ripostiez du tac au tac, votre adversaire sera touché, avant que son pied droit ne soit posé à terre, s’il part à fond d’un seul temps ; et en revenant en garde de suite, vous vous trouverez hors de distance pour pouvoir être atteint. Pour mon compte, j’ai rarement reçu une contreriposte, vu que mes ripostes étaient données ainsi que je l’indique. Bien des tireurs, après avoir porté une attaque, qu’ils aient touché ou non, font demitour sur la planche, et tournent le dos à leur adversaire. Ce mouvement est non seulement peu poli, mais encore très dangereux. Ceux qui le font, espèrent de cette façon, s’ils n’ont pas touché à l’attaque, annuler la riposte de leur adversaire. Erreur profonde ! L’adversaire a tout le droit de riposter dans le dos, car l’on doit toujours faire face à celui avec lequel on tire et chercher à parer avec son épée au lieu de parer avec ses jambes. On doit rester carrément sur la planche, quitte à recevoir un coup de bouton si on ne peut pas le donner : mais avant tout, abandonner ces mauvais principes, qui n’ont d’autre résultat que de vous attirer les railleries des assistants.


Du duel et des témoins.


Bien des volumes ont été écrits jusqu’à ce jour, au sujet du combat sur le terrain. Cette question a été traitée savamment par quelques écrivains compétents ; mais beaucoup, en revanche, ont écrit leurs livres complètement en dehors des règles de l’escrime, en exposant des idées personnelles souvent fausses, ou dont la valeur est parfaitement discutable. Si je me permets de donner mon avis sur cette question délicate, c’est que je m’y crois autorisé par la grande pratique que j’ai acquise du jeu de terrain, depuis trentecinq ans que je fais des armes, et que je pense être approuvé par tous les tireurs sérieux qui me feront l’honneur de me lire.

Tout d’abord, en dehors des leçons que l’on prend à la salle d’armes, il y a deux choses que le professeur, si habile qu’il soit, ne peut donner à son élève. Ce sont le courage et le sang-froid, qualités absolument indispensables pour se battre en duel avec avantage. Si, possesseur de ces qualités, vous avez en outre une certaine connaissance de l’escrime, et qu’avec cela vous ayez bonne envie de vous battre, vous êtes certain que le duel ne durera pas plus d’un quart d’heure. À mon avis, un combat qui dépasse ce laps de temps, est un duel de pure fantaisie où les adversaires sont des peureux qui vont se battre avec la ferme conviction de ne pas se toucher, ou bien des fats qui vont là par orgueil, et qui considèrent le duel comme un excellent moyen de réclame, ou bien encore des incapables qui, comme on dit vulgairement, tendent la perche sans oser avancer ni reculer.

En combattant loyalement et courageusement, vous finirez votre duel rapidement, et vous aurez tout à y gagner ; car plus vous resterez longtemps sur le terrain, moins vous aurez de chance de toucher votre adversaire, attendu que vous vous fatiguerez ; que la vitesse que vous pouvez posséder, diminuera peu à peu en raison de cette fatigue, et que vous perdrez vite votre sang-froid, si vous n’avez pas une grande habitude de l’épée.

Le résultat de votre hésitation sera une piqûre insignifiante, que vous donnerez ou que vous recevrez, dont le public rira, et grâce à laquelle vous passerez pour un fumiste, car elle sera presque toujours insuffisante à compenser la gravité de l’offense reçue. Je ne suis pas partisan du duel ; loin de là, j’estime que l’on ne doit aller sur le terrain qu’à la dernière extrémité, et pour une affaire dans laquelle votre honneur est en jeu ; mais je le crois nécessaire, surtout dans l’armée où l’on rencontre parfois de ces individus, véritables brutes, qui, s’ils n’étaient pas retenus par la crainte du duel, abuseraient journellement de leur force physique sur des hommes moins bien doués qu’eux sous ce rapport. J’ai même remarqué qu’en général, ces matadors, qui brisaient tout à coups de poing, étaient sur le terrain, lorsqu’ils se voyaient la poitrine nue et la pointe devant le corps, d’une poltronnerie inqualifiable.

Le jeu du terrain doit être le même que celui de la salle, et la leçon de duel, si à la mode aujourd’hui, est absolument inutile, je dirais même nuisible et complètement en dehors des bons principes de l’escrime. Voici, du reste, qui prouve la véracité indéniable de ce que j’avance.

Dans la leçon ordinaire, lorsque votre élève est en garde, vous lui faites engager l’épée, vous lui commandez « déployez le bras, fendez-vous », et vous le faites revenir en garde de suite ; dans la leçon de terrain, au contraire, vous lui défendez de partir à fond quand vous lui faites porter une attaque, et vous lui recommandez de se sauver sur l’attaque, en allongeant le bras, ce qui peut permettre à son adversaire de croiser le fer ou de le désarmer. En enseignant une pareille méthode à votre élève, vous lui apprenez tout simplement à se faire tuer bêtement et sans défense. Mais, pourquoi alors, me direzvous, une si mauvaise leçon a-t-elle été adoptée si promptement ? À cela je répondrai : « Parce qu’elle ne demande ni position de garde, ni jugement, ni calcul, puisque vous n’engagez pas l’épée, et que l’on est toujours plus porté à adopter ce qui s’apprend sans peine, que ce qui exige un certain travail. »

Et c’est ainsi que les malheurs arrivent. Avec de pareils principes, vous faites coup double à chaque coup, vu que vous n’êtes jamais couvert ; et notez bien que de tels tireurs se croient très forts. Vous les entendez dire parfois avec un aplomb superbe : « Mais à quoi bon apprendre l’escrime ? ce ne sert absolument à rien, et si j’ai jamais une affaire d’honneur à régler, j’irai prendre une leçon de duel et j’en saurai tout autant qu’un escrimeur de dix ans de salle ? »

Il n’y a rien à répondre à de pareilles inepties.

On n’a qu’à leur mettre dix hommes sachant faire des armes, et dix autres ne sachant rien, et ils verront à la fin du combat quels sont ceux qui resteront debout.

J’ai dit plus haut que le jeu de la salle et le jeu du terrain étaient les mêmes ; en effet, dans l’un et dans l’autre, le meilleur est encore d’employer les coups simples. On ne doit jamais partir sans s’être rendu maître auparavant du fer de son adversaire, soit par un battement, soit par un liement ou un froissement ; ne jamais compliquer ses attaques de plus de deux dégagements, dans la crainte de se faire arrêter le bras tendu et de ne pas avoir le temps de revenir en garde pour pouvoir parer. Si votre adversaire ne vous livre pas de fer et qu’il se sauve, le plus simple est de le laisser aller. Tant qu’il sera hors de distance, il ne vous touchera pas, et lorsqu’il reviendra pour vous attaquer, restez bien en garde, et saisissez sa marche en lui portant une attaque à fond ; ou bien forcez-le par de fausses attaques vous donner du fer, en le menaçant près du corps. Généralement, votre adversaire vous présentera le fer, attendu qu’il croira à votre départ. Faites tous vos mouvements sans bouger le haut du corps et en ramenant vivement, après chaque attaque, le bras à sa position primitive, de façon à pouvoir parer si vous êtes attaqué. Si vous avez affaire à un adversaire qui tire en ligne, il faut toujours parer son attaque ; car si, au lieu de cela, vous allongez le bras, vous n’êtes pas certain qu’il ne vous touchera pas en même temps.

En parant, si vous rencontrez le fer, la riposte est directe ; et si vous ne le rencontrez pas après avoir pris un contre, c’est que votre adversaire ne tire pas en ligne. Vous pouvez alors l’arrêter sans danger, et de cette façon vous garantissez votre vie au lieu de la jouer. Lorsque votre coup est bien jugé, partez à fond sans hésiter, c’est le vrai moyen de toucher. Ne vous préoccupez pas de la riposte, cela vous ferait perdre la vitesse que votre jarret pourrait vous donner pour attaquer rapidement ; en ne partant pas, vous vous exposez à vous faire toucher par de fausses attaques, par des coups doubles ou par des remises ; vous ne faites plus qu’un jeu d’aventure en dehors de toutes les règles et vous en arrivez ainsi aux corps-à-corps, ce qui, bien souvent, est cause de votre perte.

Une chose dont on se préoccupe fort peu, et qui cependant est essentielle, c’est le choix des témoins. Lorsque vous devez vous battre en duel, vous allez trouver deux de vos amis, pour qu’ils vous assistent dans le combat, que vous allez avoir à livrer.

Ces amis, à part quelques rares exceptions, ne savent pas se mettre en garde, n’ont peut-être seulement jamais vu un fleuret. Généralement ils accueillent favorablement votre demande et acceptent de vous servir de témoins, tout en sachant bien qu’ils ne connaissent absolument rien en escrime, et sans réfléchir à la lourde responsabilité qui pourra peser sur eux plus tard, si l’issue du combat venait à être fatale à l’un des combattants. Et ils arrivent sur le terrain sans savoir ce qu’ils ont à faire, réglant les distances en dépit du bon sens, et une fois que les épées sont engagées, laissent les combattants aller comme ils veulent, d’où résultent les coups doubles qui sont du reste si bien à la mode. Et voilà comment se font les trois quarts des duels d’aujourd’hui.

On devrait, il me semble, défendre expressément de servir de témoin à tous ceux qui ne sont pas compétents dans l’art de l’escrime. On ne devrait prendre comme arbitres sur le terrain que des professeurs expérimentés, capables de mesurer la distance d’un seul coup d’œil et dont la parole autorisée serait écoutée des combattants. De cette façon, bien des malheurs seraient évités. Du reste, assez souvent, les combattants n’attendent que le commandement « halte » pour s’arrêter. Le cas s’est présenté pas mal de fois devant moi. Avant le combat, j’avais affaire à des gens qui voulaient absolument se tuer ; eh bien, quand ils avaient reçu l’un ou l’autre une légère blessure, je vous assure qu’ils ne demandaient plus à continuer.

Les témoins ne sont pas là pour parer les coups portés, comme bien des personnes se le figurent. On doit même s’en abstenir complètement, car en parant un coup porté, vous pouvez faire tuer celui qui le porte. Supposez, en effet, que l’insulté soit plus fort en escrime que son adversaire et que ce soit le seul moyen pour lui de se venger ; si au moment où il porte une attaque, vous en annulez l’effet en relevant sa lame, et que pendant ce temps-là, son adversaire se fende à fond sur lui, vous l’avez fait tuer sans défense.

On doit bien veiller aussi, si un des deux combattants vient à tomber en rompant à ce que son adversaire ne lui courre pas dessus pour le frapper alors qu’il n’est plus en possession de ses moyens. Ces faits, qu’aucune expression ne saurait qualifier, se produiront certainement. très rarement ; mais enfin ils peuvent se produire ; car vous pouvez avoir affaire parfois à des natures violentes et emportées, avec lesquelles il faut tout prévoir. En observant toutes ces règles, si les combattants ne tiennent pas compte de vos recommandations, votre responsabilité est du moins sauvegardée. Je n’ai jamais paré qu’une attaque sur le terrain, dans toute ma carrière, et cela faillit me coûter cher, ainsi qu’on va le voir. Je connaissais très bien les deux combattants, ils dépassaient la moyenne des tireurs comme force à l’épée, et ils s’en voulaient depuis bien longtemps. Avant le combat, je les ai calmés du mieux que j’ai pu, chose que je ne saurais trop recommander aux témoins ; puis, je les ai placés à distance entière, afin qu’ils ne pussent pas se surprendre. Le signal est donné, et ils arrivent à distance juste, de façon à pouvoir se toucher. Je m’étais placé par côté, en face des pointes des deux épées. À un moment donné, je vois l’un des combattants qui se préparait à partir à fond pour porter un coup qui aurait pu tuer son adversaire. J’avais à la main un fourreau de sabre. Au moment où il lève le pied pour partir, je relève sa lame. Au même instant, son adversaire part à fond et me passe la lame de son sabre entre la chemise et la peau du ventre. Deux centimètres en arrière, il me traversait de part en part. Je vous laisse à penser l’effet que cela m’a produit sur le moment ; je vous réponds que cela passe froid. Il est vrai qu’en compensation, ça vous donne grand chaud à la réflexion. Voilà à quoi l’on s’expose en voulant parer une attaque portée. Avis aux amateurs.

Lorsque vous avez affaire à deux tireurs ne connaissant rien, le cas n’est plus le même, vous n’avez plus guère alors que la distance à faire observer. Lorsque vous irez sur le terrain, ayez toujours le bras droit et la main bien en ligne ; tenez votre arme à pleine main, le coude bien rentré devant la face du corps, la lame de votre épée presque horizontale, en ayant bien soin de ne jamais laisser la main immobile ; car si vous ne faites pas faire de mouvements à votre main, vous livrez ainsi un point de mire à votre adversaire. Si votre bras est bien en ligne, il sera très difficile de vous toucher, vu que votre main et l’avant-bras seront garantis par la garde de votre épée. Si au lieu de laisser le bras ainsi que je l’indique, vous écartez le coude de la ligne, en le plaçant en dehors de la face du corps, il ne se trouve plus alors dans la direction de la main ; la garde par conséquent, ne sert plus à rien, et l’on vous touche très facilement. Il en est de même pour votre épée, si vous faites monter la pointe au lieu de la laisser presque horizontale ; vous découvrez par ce mouvement, la main et l’avant-bras, et de là s’ensuivent des blessures que vous ne recevriez certainement pas, si vous aviez une bonne position de garde ; et pour acquérir cette bonne position, il n’y a tel, je ne saurais trop le répéter, que les coups simples.

La grande cause des coups doubles provient, de ce que voulant faire plusieurs feintes à la fois, sans vous occuper si votre adversaire les suivra, vous bougez le haut du corps en parant et vous perdez ainsi l’aplomb de la garde ; vous partez alors sans être couvert, sans tirer en ligne, et votre adversaire n’ayant pas suivi vos feintes, ne sait plus où il en est, et allonge le bras en désespéré, d’où le coup fourré. Si au contraire, vous vous rendez bien compte, que vous ne devez faire vos feintes que lorsque votre adversaire fait ses parades sur les feintes que vous lui portez, vous tirez alors avec jugement et vous aurez toute chance d’atteindre le but que vous cherchez. Vous devez aussi bien remarquer la taille de votre adversaire, chose qui est absolument nécessaire et vous devez régler votre garde sur la sienne, d’après sa taille. S’il est plus petit que vous, vous devez baisser la main de façon à ne pas lui faciliter l’entrée de la ligne basse, vu qu’il se trouve plus rapproché pour vous toucher. En lui coupant cette ligne, vous l’obligez à vous attaquer dans la ligne haute, qui est plus éloignée et vous pouvez arriver plus facilement à la parade, ou l’attaquer à sa marche, vu qu’il est obligé de marcher pour pouvoir vous atteindre. Si le tireur auquel vous avez affaire est plus grand que vous, il faut, au contraire, lever la main de façon à lui couper la ligne haute, vu qu’il est bien placé pour forcer votre fer et vous surprendre par des coups droits ou des coups d’arrêt.

Il faut autant que possible précéder son attaque d’un battement. Vous ébranlez ainsi la poignée de votre adversaire, tout en chassant la lame de la face du corps. Cela vous évite ainsi les coups d’arrêt. Il faut avoir bien soin de fermer tous les doigts, de façon à ne pas aller chercher l’élan du battement trop loin, ce qui vous ferait découvrir si vous ne rencontriez pas le fer. Ne jamais attaquer dans la ligne basse soit par un liement, soit par un demi-liement de demi-cercle, d’octave ou de seconde, sans bien vous rendre maître du fer de votre adversaire ; car vous tomberiez directement sur sa pointe en portant votre attaque. Il faut faire ses parades le bras demi-tendu, de façon à bien prendre le faible de la lame de votre adversaire avec le fort de la vôtre ; faire l’opposition, en parant de façon à ne pas tomber sur la pointe, et bien saisir le moment où votre adversaire a le bras tendu pour vous livrer la ligne basse, et en même temps, pour pouvoir vous emparer du faible de sa lame ; car s’il n’a pas le bras complètement tendu et qu’il ait le poignet aussi fort que vous, vous ne pouvez vous rendre maître de son fer et alors vous tirez en dehors de la ligne, et vous courez les risques de vous faire arrêter au départ.

Les témoins doivent avoir grand soin de choisir un terrain uni et ferme pour les combattants et ne jamais placer les tireurs dans un endroit où le soleil donne ; car la réverbération nuit énormément à la justesse du tir, surtout pour celui qui fait face au soleil.

On ne doit jamais conserver la chemise pour se battre, même en hiver. Il vaut mieux endurer un peu de froid : de cette façon, vous vous battrez mieux, ne seraitce que pour vous réchauffer, ce qui vous évitera de faire la promenade pendant une heure, sans vous toucher ni l’un ni l’autre, chose absolument ridicule, qui, pourtant, se voit aujourd’hui.

La chemise peut arrêter bien des coups qui auraient passé sans cela, soit comme attaque, soit comme riposte ; en outre, si l’un des deux combattants est blessé, sans chemise, les témoins peuvent s’en rendre compte immédiatement ; au lieu que, l’homme étant couvert, bien souvent ils ne voient pas la blessure. Alors qu’arrive-t-il ? C’est que si le combat est au premier sang, et que celui qui a été touché ne le déclare pas, et qu’il continue le duel, il peut blesser son adversaire qui aurait été exempt de cela si les témoins s’étaient aperçus du fait. Parfois aussi, il arrive, que vous ayez affaire à un malheureux qui ait une cotte de mailles sous sa chemise ; le cas s’est présenté quelquefois, notamment en 18…, époque à laquelle eut lieu ce fameux duel à la cuirasse, dont tout le monde se souvient encore aujourd’hui.

Comme on le voit, le port de la chemise dans un combat sur le terrain a de grands inconvénients et mon avis est qu’on ne devrait pas le tolérer.

Je n’en dirai pas autant du gant, car il a un bon côté, c’est qu’il permet de mieux tenir son arme, et n’offre aucun désavantage pour les combattants.

Les épées doivent être solides et bien montées. Car, si les lames sont trop flexibles, il peut arriver que vous rencontriez la garde de votre adversaire, soit en attaquant, soit en parant, et que vous cassiez votre lame ; ce qui vous exposerait à recevoir une riposte ou un coup d’arrêt sans défense. Il est de toute nécessité, que les armes soient bien en main, chose très difficile à obtenir. Il n’y a que les bons professeurs qui soient capables de se rendre parfaitement compte si l’arme est bien en main. Ce n’est certes pas un armurier qui ne s’est jamais servi d’une épée que pour la mettre en montre dans sa vitrine, qui pourra vous monter une épée d’une façon convenable. Pour apprécier comme il convient leur incapacité, on n’a du reste qu’à prendre une épée ou un sabre de la troupe, on sera fixé de suite. Une épée mal montée n’est pas maniable. Elle vous force à serrer tous les doigts, ce qui fait que vous ne pouvez diriger vos feintes justes.

Puisque nous en sommes sur le duel, parlons un peu du duel au pistolet. Je n’en suis pas partisan du tout et je l’ai toujours combattu, car je trouve qu’il manque absolument de loyauté.

Ce duel est passé de nos jours à l’état d’une véritable fumisterie. Sur cent combattants, vous en avez quatre-vingt-dix-huit, qui commandent à déjeuner, avant de partir se battre, tellement ils sont sûrs de ne pas se toucher. Ils échangent une ou deux balles, sans résultat naturellement, et après un combat (si on peu appeler cela un combat) qui a été beaucoup plus dangereux pour les témoins que pour les tireurs, ils se serrent très tranquillement la main, et l’honneur est déclaré satisfait. C’est dérisoire et honteux, et cependant cela est. Si, par extraordinaire, le duel est sérieux, vous pouvez être tué, car il n’y a pas de milieu dans le duel au pistolet : ou l’on vous tue ou l’on ne vous touche pas. Il peut arriver que votre arme soit mal chargée, qu’elle rate au moment de partir, et que votre adversaire fasse feu dans ce moment-là. Vous pouvez alors être tué sans défense. Si vous n’êtes pas habitué à tirer au commandement et que vous ayez affaire à un adversaire, qui lui, soit familiarisé avec cet exercice et qui tire au moment même où la dernière syllabe est prononcée, vous pouvez être touché avant d’avoir pu ajuster votre coup.

Le cas s’est, du reste, présenté pas mal de fois.

D’un autre côté, si vous ne savez pas tirer et que vous tombiez avec un fort, vous êtes encore le dindon de la farce, et vous avouerez que dans ce cas la farce est mauvaise. À l’épée, au contraire, tous ces inconvénients sont écartés. Même en ne connaissant rien, vous pouvez toujours vous défendre, je ne dis pas avec succès, mais enfin vous risquez beaucoup moins qu’au pistolet. Vous pouvez toujours rompre et de cette façon vous ne vous exposez pas. Si vous êtes blessé, vous l’êtes la plupart du temps légèrement ; très rarement la blessure est mortelle. Vous n’êtes pas tenu de rester en place pour attendre la mort, chose que vous êtes bien souvent forcé de faire au pistolet. Si vous connaissez l’escrime, il n’y a pas de surprise dans le commandement, vu que vous êtes toujours en garde hors de distance. Le jeu est donc plus loyal et plus franc qu’au pistolet ; c’est une chose indiscutable. L’épée a tous les avantages du pistolet, sans en avoir les inconvénients. Si vous vous en voulez à mort, vous pouvez tout aussi bien vous satisfaire à l’épée qu’avec l’arme à feu. Vous pouvez toujours vous approcher de votre adversaire et lui faire une blessure mortelle, comme si vous êtes plus fort que lui, vous pouvez l’épargner, si telle est votre intention. Mais à l’épée, il faut absolument que l’un des deux adversaires soit touché ; voilà pourquoi les douillets et les fumistes qui veulent bien se battre, mais qui ne veulent pas avoir de mal, choisissent le pistolet ; car ils savent bien qu’ils ont quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent, de s’en tirer sans la moindre égratignure. On ne devrait pas tolérer ce genre de combat. Le duel est une chose trop sérieuse pour que l’on se permette de le ridiculiser.

Du reste, ce genre de sport coûte énormément cher. L’on ne devient fort au pistolet qu’à condition de dépenser beaucoup d’argent, et tout cela sans prendre d’exercice pour sa santé. L’escrime, au contraire, vous donne la santé si vous ne l’avez pas, et vous la conserve si vous la possédez. Du jour où vous mettez les pieds dans une salle d’armes, vous prolongez votre vie de dix ans ; c’est une chose tellement connue que je ne me donnerai même pas la peine d’en prouver la véracité. Faites donc des armes, et laissez le pistolet de côté ; vous en vivrez plus vieux, et cela vous coûtera moins cher.


Des bottes secrètes.


Les fameuses bottes secrètes dont on a tant parlé et dont on parle encore aujourd’hui, et à l’efficacité desquelles beaucoup de gens croient fermement, ne sont, à mon avis, qu’un moyen inavouable qu’emploient certains professeurs à la conscience élastique, pour palper l’argent des nigauds qui veulent bien croire tous les boniments qu’on leur débite à ce sujet.

La botte secrète en réalité n’existe pas, et du reste n’a aucune raison d’être. Si, en effet, vous vous mettez membre d’un cercle d’escrime, ou si vous faites partie d’une salle, c’est apparemment comme dirait La Palice, pour apprendre à faire des armes et acquérir les moyens qui vous permettront de sauvegarder votre vie, au cas où vous auriez une affaire d’honneur à régler. Si donc, le professeur que vous payez, et dans lequel vous avez confiance, vous enseigne, par exemple, une méthode pendant une dizaine d’années, et que la onzième, devant aller sur le terrain, vous soyez obligé d’en apprendre une autre, il vous aura donc volé votre argent pendant ces dix ans, puisqu’il ne vous aura pas appris à défendre votre vie avantageusement, but que vous cherchez en venant prendre des leçons. Il n’en est heureusement pas ainsi ; sans cela ce serait vraiment à douter de l’honnêteté des meilleurs. De tout temps, ce que l’on a appelé botle secrète n’a jamais été qu’une série de coups fantaisistes, complètement en dehors des règles de l’escrime et par cela même très dangereux.

Telle est, par exemple, l’action de se fendre du pied gauche en arrière pour éviter l’attaque, sous le fallacieux prétexte d’embarrasser son adversaire par ce mouvement inusité. En agissant ainsi, vous risquez fort de vous faire toucher ; car supposez que votre adversaire vous attaque en deux temps ou à la demi-allonge, à la première fausse attaque, vous ne pouvez plus rompre dans la position que vous occupez, Telle est encore l’action de faire un écart à gauche ou à droite, au moment où l’adversaire vous attaque, et de venir ensuite le frapper par côté. Tous ces mouvements sont complètement faux, et très dangereux pour celui qui voudrait les mettre en pratique. Il ne faut jamais 116 chercher à les employer sur le terrain ; car ils sont dignes d’un bretteur et non d’un honnête homme. On ne doit se servir que des coups appris à la leçon et qui sont dans les règles de l’escrime, et de cette façon vous garantissez votre vie, tout en combattant franchement et loyalement.

On rencontre aussi de ces gens, qui attendent au dernier moment, pour apprendre à faire des armes. Vu leur bon caractère, ils se figurent ne jamais être obligés d’aller sur le terrain ; et un beau jour, ils sont tout étonnés, quand ils se voient dans la nécessité d’aller se battre. Ils s’empressent, alors, d’aller trouver un maître d’armes, pour qu’il leur apprenne une botte qui touche et qui les exempte de l’être ; et beaucoup malheureusement, croient à l’efficacité de cette leçon prise à la veille du duel. Eh bien, messieurs les retardataires, croyez les conseils d’un vieux professeur. Si vous ne connaissez rien en escrime, il n’y a pas de maître qui puisse vous enseigner en deux ou trois leçons une méthode pour garantir sûrement votre vie. Si vous ne connaissez rien, ne cherchez pas à apprendre en quarante-huit heures ; c’est inutile, car vous pourriez parfois supposer connaître quelque chose ; ce qui pourrait vous être fort désavantageux sur le terrain.

L’on a cité des exemples de gens ne connaissant rien, et qui ayant été sur le terrain après avoir pris deux ou trois leçons, avaient blessé leurs adversaires. Cela est le fait du hasard, ni plus ni moins ; car ces gens-là avaient certainement affaire à des personnes, qui, comme eux, ne connaissaient rien.

Du reste, les forts tireurs vont rarement en duel.

Depuis que je fais des armes, je n’ai pas vu quatre maître d’armes se battre. Cela va étonner certainement beaucoup de gens, qui s’imaginent que l’on apprend l’escrime, dans le but de tuer son semblable. C’est une très grande erreur de croire une chose pareille. L’on fait des armes pour sa santé (car il est indéniable que l’escrime remplace avantageusement tous les autres exercices), et non pour provoquer le monde sans raison. Du reste, il est reconnu, que ceux qui sont les premiers à provoquer, ce sont ceux qui ne connaissent rien. Aussi, lorsqu’ils arrivent sur le terrain, ils ont tellement confiance dans leur savoir-faire, que la plupart emploient la neuvième parade de l’escrime, qui consiste à se sauver ; ou bien, s’ils se touchent au bout de quarante-cinq minutes de combat pour rire, il faut que les témoins soient obligés de faire, ce que j’ai fait quelquefois au régiment, c’est-à-dire, de presser la peau entre le pouce et l’index, à l’endroit où l’homme avait été touché, pour faire sortir une goutte de sang, ce qui mettait fin au duel, et permettait en même temps, de déclarer l’honneur satisfait.

Comme on le voit, c’est de la plaisanterie toute pure. Et pourtant, allez dire à ces fameux duellistes, qu’ils n’ont pas fait preuve de courage, ils vous riront au nez et vous enverront au docteur Charcot. Voilà le monde !

On fait des armes, je le répète, pour acquérir de la force et de la vigueur, de la grâce et de la correction dans le maintien ; en un mot, pour prolonger son existence, et non pour l’abréger. Faites faire des armes aux jeunes gens et aux jeunes filles d’aujourd’hui, et vous verrez beaucoup moins de bossus et d’anémiques. Vous remplacerez ainsi la génération de petits crevés que nous possédons aujourd’hui, par des gaillards solides et qui seront capables de rendre des services à leur patrie, au jour bien proche peut-être où la France aura besoin d’eux.


Des devoirs du Professeur et de l’Élève.


Le professeur doit être poli, prévenant envers tous ses élèves, ne jamais s’emporter dans la démonstration ; ni en faisant des armes ; avoir une conduite irréprochable, attendu qu’il est appelé à donner leçon à des jeunes gens de bonne famille, et qu’il doit avant tout montrer le bon exemple ; il doit toujours être calme et d’égale humeur, prévoir les querelles qui pourraient survenir entre élèves dans la salle, se présenter aux assauts publics dans une tenue correcte ; être franc et loyal, et ne jamais discuter sur un coup de bouton. Il doit également s’abstenir de toucher ses élèves en leur donnant la leçon, soit pour leur faire voir sa supériorité, soit pour tout autre motif ; car cela peut nuire énormément aux progrès de l’élève. Si ce dernier, en effet, reçoit un coup de bouton, au moment où il ne s’y attend pas, il peut se fâcher, ou, s’il ne se fâche pas, il montrera certainement de l’hésitation au moment de partir à fond, et ne sera pas en possession de tous ses moyens. De même pour les parades et les ripostes : si l’élève suppose qu’il puisse être touché, il ébranlera le haut du corps, et instinctivement déplacera la main de devant lui, ce qui le forcera à faire des mouvements en dehors de la ligne. Si, au contraire, il ne craint rien, vous pouvez lui porter vos fausses attaques près du corps, cela l’obligera à activer ses parades, et lui donnera par conséquent de la vitesse. En outre, il ripostera en ligne. Il ne doit jamais exister de désaccord entre le professeur et l’élève. Tout doit se passer en bonne intelligence. Le professeur ne doit jamais également se mêler à la conversation de ses élèves, à moins qu’il n’y soit invité, et ne jamais se permettre la moindre familiarité. Cette recommandation, inutile, je crois, pour les maîtres en général, ne l’est certes pas pour les prévôts ; car si, dans le nombre, il y en a qui possèdent cette éducation et ce savoir-vivre qui font l’homme bien élevé, beaucoup en revanche pèchent par l’excès contraire.

L’élève, de son côté, doit être poli envers son instructeur, et suivre avec attention la leçon qu’il lui donne. Il ne doit en aucun cas chercher à froisser son amour-propre, même en étant aussi fort que lui ; car beaucoup d’amateurs ont la prétention d’être aussi forts que les maîtres. Cela est certainement vrai pour quelques-uns ; mais ils sont en petit nombre. Par contre, il y en a beaucoup qui se figurent être dans ces conditions. C’est un grand tort, et c’est la grande cause pour laquelle on arrive aujourd’hui à de si minces résultats. Ces gens-là ont trop d’ambition ; car ils ne doivent pas ignorer qu’il y a toujours à apprendre pour bien faire des armes ; et que plus l’on travaille, plus l’on s’aperçoit qu’il faut travailler, si l’on veut se rapprocher de la perfection. Il faut être plus modeste et travailler davantage. C’est de cette façon que l’on parvient à prouver à ceux qui se croient très forts, qu’en réalité ils ne connaissent pas grand’chose, et qu’ils ont besoin de travailler, pour pouvoir soutenir ce qu’ils avancent.

En agissant ainsi, vous leur rendez service ; car, s’ils ont de l’amour-propre, ils quittent le jeu de ferraille qu’ils ont pratiqué jusque-là, pour faire de l’escrime. selon les règles.

Leçon du mur.


Le salut, tel qu’il existe actuellement, est, à mon avis, beaucoup trop compliqué. On pourrait, il me semble, simplifier les mouvements pour marcher et pour rompre, qui demandent, pour être exécutés d’une façon brillante, un assez grand espace. Beaucoup de salles d’armes actuelles, sont trop petites, pour que le salut puisse y être fait d’une manière correcte.

En outre, dans un assaut public, la complication de la leçon du mur fait que l’on perd un temps infini. S’il y a seulement une trentaine de tireurs, il faut plus d’une heure pour l’exécuter. Pour ne pas fatiguer les spectateurs, on ne peut donc faire exécuter le salut qu’à un tout petit nombre de combattants : ce qui fait des jaloux ; car ceux qui ne le font pas ne sont pas satisfaits. Pour contenter tout le monde, il faut donc absolument l’abréger. C’est pourquoi, je propose une nouvelle leçon qui a, je crois, tous les avantages de l’ancienne, sans en avoir les inconvénients.

Le professeur commence par faire prendre aux tireurs la première position de la garde, leur fait faire un tour d’épée complet, leur fait prendre l’engagement de quarte, et commande « tombez en garde ! » Dans cette position les tireurs saluent, en commençant du côté où se trouve le président ; en allongeant le bras, la main de quarte à hauteur du menton, les yeux tournés dans la direction de la pointe ; puis ensuite renversent la main de tierce, et saluent à droite en observant les mêmes principes. Le salut terminé, ils joignent le fer en quarte. Le plus jeune des tireurs, invite alors le plus ancien, à prendre sa mesure, par les mots : « À vous, monsieur ! » Ce dernier répond « par obéissance » et développe à fond, puis revient en garde. C’est toujours celui qui répond « par obéissance » qui doit développer le premier. De cette façon on évite les accidents ; car s’il n’en était pas ainsi, les deux adversaires pourraient se fendre en même temps, et se blesser. Celui qui a développé le premier, porte alors quatre dégagements à fond, en tirant bien à toucher l’adversaire, le bras complètement tendu, la main à hauteur du sommet de la tête et la lame appuyée à l’oreille, en regardant l’adversaire entre le fleuret et le bras.

Le tireur auquel est porté le dégagement par tierce laisse tomber la pointe à gauche, de façon à ne pas conserver sa lame, devant la face du corps de celui qui attaque. La parade doit être « sèche » de façon à bien renvoyer en arrière la lame de l’adversaire. Le premier dégagement terminé, celui qui a dégagé revient en garde, rejoint le fer en tierce, et exécute alors son deuxième dégagement. L’adversaire pare alors quarte, en laissant tomber la pointe à droite. Le troisième dégagement se fait comme le premier, et le quatrième comme le second. Ces quatre dégagements terminés, celui qui les a portés revient en garde. Le plus jeune des tireurs prend alors sa mesure, en exécutant les mêmes mouvements que le premier ; puis fait à son tour ses quatre dégagements. Il revient ensuite en garde. Dans cette position, les combattants recommencent à saluer à gauche et à droite, rejoignent le fer en quarte, allongent le bras de toute sa longueur, rassemblent le pied gauche au pied droit, et se saluent mutuellement.

Ce salut ne demande guère plus d’une minute pour être bien exécuté, et en outre n’exige pas l’espace que demandait l’ancien, et peut être fait dans toutes les salles d’armes.


Règles générales à observer dans la leçon.


Première reprise. — Le professeur fera, tout d’abord, tomber son élève en garde, rectifiera tout ce qu’il peut y avoir de défectueux dans la position de la garde du tireur, le fera marcher, rompre, développer et revenir en garde jusqu’à ce qu’il ait bien acquis l’aplomb de la garde. Ensuite, il lui présentera l’épée dans la ligne haute de quarte, en ayant soin de la placer de telle façon qu’en joignant le fer, l’élève se trouve couvert dans cette ligne. Le professeur répétera ce mouvement pour toutes les lignes, et il fera développer l’élève à fond, sans lui faire prendre d’engagement d’épée après lui avoir fait joindre le fer, afin de bien lui faire comprendre les lignes ; car on obtient très difficilement d’un commençant une bonne exécution des changements d’engagement, attendu qu’il faut que le poignet parcoure la face du corps d’une ligne à l’autre, de manière à se rendre maître du fer de son adversaire du côté où on tient le fer, tout en laissant toujours la pointe devant la face du corps ; et qu’en général tous les élèves, au début de leurs leçons, lèvent le coude en faisant leurs engagements, ce qui leur fait découvrir la ligne. Étant engagés de quarte, lorsqu’ils engageront l’épée en sixte ou tierce, ils lèveront presque tous le coude et découvriront ainsi la ligne basse en dehors. Il est donc de toute nécessité, avant de faire exécuter les engagements à l’élève, de bien lui faire comprendre les lignes, de façon qu’il se rende bien compte de la manière dont il faut être placé pour être bien couvert et rester en ligne.

On doit toujours faire développer à fond d’un seul temps ; car il est nécessaire d’exagérer beaucoup le développement à la leçon pour obtenir juste ce qu’il faut à l’assaut. On doit bien faire comprendre aussi à l’élève la nécessité d’une prompte retraite pour revenir en garde, et lui faire exécuter des appels du pied droit pour s’assurer qu’il est bien d’aplomb sur la partie gauche ; ou du pied gauche, si le tireur est gaucher. Lorsque l’élève aura porté une attaque, le professeur lui fera faire la parade de cette attaque, en faisant la même attaque que lui. De cette façon, l’élève acquerra vite la connaissance de toutes les parades, ce qui lui sera d’une grande utilité à l’assaut. On devra aussi bien lui recommander de faire suivre la riposte, aussitôt qu’il aura rencontré le fer en parant ; de manière à éviter les remises et les corps-à-corps. En donnant cette première reprise de la leçon, on ne dépassera pas la première série des coups composés d’un coup droit ou d’un dégagement ; ces coups précédés soit d’un battement, d’un froissement, d’une pression ou d’un liement. Cette reprise sera donnée de pied ferme, ce qui permettra à l’élève d’acquérir l’aplomb et la fixité du pied gauche, ainsi que l’ensemble du bras et du jarret.

On devra faire reposer l’élève souvent, de façon à ne pas lui fatiguer la main ; ce qui lui ôterait toute la justesse de ses feintes, et finirait par lui faire prendre l’escrime en dégoût.

Deuxième reprise. — Cette deuxième reprise sera composée des coups compliqués de deux dégagements. Le professeur fera faire la leçon en marchant et en rompant ; en faisant exécuter à l’élève, lorsqu’il reviendra en garde, les parades des attaques qu’il aura portées ; et en le faisant passer d’une ligne dans l’autre sans décomposer. Comme cela, l’élève arrivera à parer dans les quatre lignes tout en laissant la main devant lui ; et parera et attaquera avec rapidité, tout en observant bien la ligne. Il fera de la sorte un tireur de jugement, correct et brillant.

Pour tant qu’aux coups compliqués de trois ou quatre dégagements, et pour ce qui est des parades et des ripostes de ces attaques-là, bien peu de tireurs peuvent les mettre en pratique d’une manière sérieuse et avantageuse. La plupart feront coup double ou se feront arrêter au départ en partant sans être couverts ; car ils porteront le plus souvent leur attaque sans la calculer. Il n’appartient qu’à un tireur d’un grand jugement, très maître de lui comme retenue de corps et comme vitesse, de mettre ces coups en pratique, si l’occasion s’en présente ; mais comme les tireurs dont je parle se comptent, voilà pourquoi je suis d’avis que l’on n’enseigne pas ces coups à la grande majorité des élèves, car ce serait leur apprendre à se faire tuer ou blesser inévitablement ; car la trop grande complication qui existe dans ces mouvements les embrouillerait certainement, et, ma foi ! lorsqu’il n’y a plus rien dans la tête, il n’y a plus rien dans les doigts. C’est donc au professeur à juger si oui ou non, son élève peut mettre en usage cette série de coups. On les voit très rarement bien faits à l’assaut, et à plus forte raison sur le terrain. On doit donc les laisser de côté, et n’apprendre que les coups simples[2] qui sont, sans contredit, ceux avec lesquels on court le moins de danger, l’épée à la main.

De l’épée, du fleuret, de la garde.


Le fleuret se compose de deux parties qui sont la monture et la lame. La monture se compose de trois parties qui se nomment la garde, la poignée et le pommeau. La lame se compose de quatre parties : la partie de la lame qui passe dans la monture se nomme la soie ; de la garde au milieu de la lame, c’est le fort ; du milieu au bouton, le faible et le bouton. Pour bien tenir l’épée, il faut la tenir avec tous les doigts, sans trop la serrer ; il faut que le pouce soit allongé et à plat sur le dos de la poignée, de manière que l’extrémité arrive à un demi-centimètre de la garde. Il faut que l’index soit séparé des autres doigts ; afin que la seconde phalange corresponde avec l’extrémité du pouce.

Position de la garde. — Première position. — L’élève doit faire face au maître, placer le pied gauche droit, rapporter le talon du pied droit contre la cheville du pied gauche ; les pieds formant un angle droit, les jarrets tendus, le corps droit et d’aplomb sur les hanches, les épaules effacées, les deux bras tombant naturellement, la paume de la main gauche en dehors, les doigts joints et allongés ; la tête haute et tournée à droite sans être gênée.

Deuxième position. — Élever le bras droit de toute sa longueur, les ongles en avant, la lame dans le prolongement du bras ; plier le bras, la main à hauteur de la figure, les ongles en avant et à huit centimètres du menton ; renverser la main les ongles en dedans ; saluer sur la droite le bras tendu, la main de quarte, la pointe dirigée presque à terre.

Troisième position. — Faire passer la lame horizontale devant le corps ; faire passer la main gauche, les doigts joints et allongés, sur le fort de la lame ; que l’extrémité des doigts arrive à deux centimètres de la garde ; élever les bras au-dessus de la tête en rasant le corps, laisser le bras gauche demi-tendu derrière la tête, formant un demi-cercle ; les doigts demi-allongés et à hauteur du sommet de la tête ; détacher l’épée devant soi, le bras droit demi-tendu, la main de quarte, le poignet à hauteur du téton droit et la pointe à hauteur des yeux.

Quatrième position. — Pour tomber en garde, il ne faut pas déplacer la position des bras ni du corps ; au commandement un, fléchir sur les genoux, de façon qu’une perpendiculaire abaissée de la pointe des genoux tombe à deux centimètres en avant de la pointe des pieds ; au commandement deux, porter la jambe droite en avant, à la distance de deux semelles, en rasant le sol et vis-à-vis du talon gauche. Dans cette position, vous êtes en garde.

Pour être bien en garde. — Il faut qu’une perpendiculaire abaissée de la pointe du genou droit tombe entre le cou-de-pied et la cheville ; que la cuisse soit parallèle au terrain ; qu’une perpendiculaire abaissée de la pointe du genou gauche tombe à deux centimètres en avant de la pointe du pied gauche ; le corps d’aplomb sur les hanches, les épaules effacées, la tête haute, le bras gauche demi-tendu formant un demi-cercle, les doigts joints et demi-allongés ; la main à hauteur du sommet de la tête, le bras droit demitendu, la main en quarte, le poignet à hauteur du teton droit et la pointe à hauteur des yeux. Le bras droit doit rester demi-tendu, de manière que la main n’ait pas plus de distance à parcourir pour se rapprocher du corps si la défense l’exige, qu’à s’en éloigner à sa plus grande distance, si l’attaque le demande.

Marcher et rompre. Appels. — En marchant et en rompant, il ne faut pas déplacer la position des bras ni celle du corps ; marcher à l’épée environ d’une semelle, du pied droit le premier en rasant le sol ; faire suivre le pied gauche de la même quantité ; afin de conserver la distance de deux semelles entre les deux talons.

Rompre. — Porter le pied gauche en arrière d’une semelle ; et faire suivre le pied droit de la même quantité, le corps restant d’aplomb.

Deux appels. — Les appels se font dans le but d’attirer l’attention de l’adversaire et de l’ébranler : pour bien faire les appels, il faut porter tout le poids du corps sur la jambe gauche, afin que la partie droite soit libre ; et faire les appels sur place.

Au commandement : « Deux appels », l’élève frappe deux fois le sol du pied droit. Ce mouvement doit se faire légèrement, sans trop lever le pied.

Développement. — Le développement se compose de quatre mouvements :

Premier mouvement. — Allonger rapidement le bras droit sans saccade, la main de quarte, les ongles en dessus, le poignet à hauteur du menton, la pointe de l’épée dans le prolongement du bras.

Deuxième mouvement. — Laisser tomber le bras gauche sur la partie extérieure de la cuisse gauche à seize centimètres, la paume de la main du côté de la poitrine. Le bras gauche doit servir de balancier au bras droit.

Troisième mouvement. — Tendre vivement le jarret gauche, sans déranger le pied.

Quatrième mouvement. — Porter la jambe droite en avant, à la distance de deux semelles, en rasant le sol et vis-à-vis le talon gauche ; sans faire de mouvement de corps. La garde exacte est de deux semelles de distance, et le développement de quatre semelles, du talon gauche au talon droit. Ces quatre mouvements ne doivent former qu’un seul temps, mais le seul moyen de faire saisir l’ensemble à l’élève est de le faire décomposer.

Pour être bien fendu. — Il faut qu’une perpendiculaire abaissée de la pointe du genou droit tombe entre le cou-de-pied et la cheville ; que la cuisse soit parallèle au terrain, le corps d’aplomb sur les hanches, les épaules effacées, la tête haute et tournée à droite sans être gênée ; le bras droit tendu, la main de quarte à hauteur du sommet de la tête, la pointe un peu plus basse que la main ; le bras gauche tombant à seize centimètres de la partie extérieure de la cuisse gauche ; les doigts joints et allongés, le jarret gauche tendu, le pied gauche fixe, et la cheville du pied brisée. Cette positon est le développement.

En garde. — Pour revenir en garde, il faut lever la main gauche à hauteur du sommet de la tête, plier sur le jarret gauche et rapporter le pied droit à la même position qu’il occupait avant de partir à fond ; plier le bras droit demi-tendu et revenir en garde dans la position primitive. Ces quatre mouvements ne doivent former qu’un seul temps.


Lignes. — Parades.


En escrime, il y a cinq lignes :

1° La première se nomme prime.

2° La ligne haute dans les armes se nomme quarte.

3° La ligne haute sur les armes se nomme tierce ou sixte.

4° La ligne basse dans les armes se nomme demi-cercle.

5° La ligne basse en dehors se nomme octave.


Parades.


Il y a huit parades dans la pointe :

La parade de prime, la main de tierce.

La parade de seconde, dans la ligne basse en dehors, la main de tierce.

La parade de tierce, dans la ligne haute en dehors.

La parade de quarte, dans la ligne haute dans les armes.

La parade de quinte, dans la ligne basse, la main de tierce, et riposter la main de quarte.

La parade de sixte, dans la ligne haute en dehors.

La parade de demi-cercle, dans la ligne basse en dedans.

La parade d’octave basse en dehors.

En résumé, il y a deux positions de main, qui se nomment quarte et tierce.


Leçon de pointe.


Première reprise. — 1. Le professeur fait tomber son élève en garde, lui présente le fer dans la ligne haute de quarte et lui commande : « Joignez mon fer, déployez le bras, fendez-vous » ; le fait ensuite revenir en garde d’un seul temps et lui porte un coup droit dans la ligne de quarte ; le fait parer quarte et riposter étant en garde ; en lui faisant observer qu’il faut toujours que le mouvement du bras précède celui de la jambe, et qu’il faut toujours partir à fond d’un seul temps. Ceci dit une fois pour toutes.

2. Mêmes principes, moyens inverses, dans la ligne haute en dehors.

3. Faire joindre le fer dans la ligne basse de demi-cercle, faire partir à fond, faire revenir en garde ; parer demi-cercle et riposter dans cette ligne.

4. Mêmes principes, moyens inverses, dans la ligne basse d’octave en dehors.

5. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte, pressez sur le faible de ma lame, tirez droit ; en garde, parez quarte et ripostez droit.

6. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

7. Joignez mon fer dans la ligne basse de demi-cercle, pressez, tirez droit ; en garde, parez demi-cercle et ripostez.

8. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

9. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte ; je presse sur votre épée, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez le contre de quarte et ripostez droit.

10. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

11. Joignez mon fer dans la ligne basse de demi-cercle ; je presse sur votre épée ; dégagez dans la ligne d’octave en dehors, fendez-vous ; en garde, parez octave et ripostez[3].

12. L’inverse dans la ligne de demi-cercle en dedans.

13. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte ; faites la feinte du coup droit. J’oppose. Dégagez, fendez-vous, en garde ; parez contre de sixte et ripostez droit.

14. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

15. Joignez mon fer en quarte dans la ligne haute. Faites la feinte du coup droit dérobé dans la ligne basse de demi-cercle, fendez-vous, en garde ; parez demi-cercle et ripostez droit.

16. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

17. Joignez mon fer en demi-cercle, faites la feinte du coup droit dans la ligne basse, tirez dessus ; en garde, parez demi-cercle et quarte et ripostez.

18. L’inverse dans la ligne en dehors.

19. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte, pressez ; je réponds à la pression ; dégagez, fendez-vous, en garde ; parez le contre de sixte et ripostez droit.

20. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

21. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte, pressez, tirez dessous dans la ligne de demi-cercle, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez.

22. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

23. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte, battez tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez le contre de quarte et ripostez.

24. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

25. Joignez mon fer en demi-cercle, battez, tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez. 26. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

27. Joignez mon fer dans la ligne haute de quarte, double battement, tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez quarte et ripostez droit.

28. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

29. Joignez mon fer en demi-cercle, double battement, tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez.

30. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

31. Joignez mon fer en quarte dans la ligne haute, double battement, dégagez fendez-vous ; en garde, parez le contre de quarte et ripostez droit.

32. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

33. Joignez mon fer en demi-cercle, double battement, dégagez, fendez-vous ; en garde ; parez demi-cercle et ripostez.

34. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

35. Joignez mon fer en quarte ; j’allonge le bras la pointe haute ; froissez le fer, fendez-vous ; en garde.

36. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors. On chasse le fer en tierce.

37. Joignez mon fer en demi-cercle, j’allonge le bras ; froissez le fer, fendez-vous ; en garde, ripostez.

38. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

39. Joignez mon fer en quarte ; j’allonge le bras la pointe basse ; croisez le fer, fendez-vous ; en garde ; ou faites un liement complet, en prenant un contre très serré, et la riposte est directe.

40. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

41. Joignez mon fer en demi-cercle, j’allonge le bras, liez l’épée au contre de sixte, revenez dessus, fendez-vous ; en garde, parez le contre de sixte, et ripostez droit.

42. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

43. Joignez mon fer en quarte ; à mon changement d’engagement, tirez droit sur les armes, fendez-vous ; en garde, parez le contre de quarte et ripostez droit.

44. L’inverse dans la ligne haute dans les armes.

45. Joignez mon fer en demi-cercle, à mon changement, tirez droit en octave, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez droit.

46. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

47. Joignez mon fer en quarte ; à mon changement d’engagement, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez le contre de sixte et ripostez droit.

48. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

49. Joignez mon fer en demi-cercle ; à mon changement, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez droit.

50. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

51. Joignez mon fer en quarte ; à mon changement d’engagement, battez, tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez quarte et ripostez droit.

52. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

53. Joignez mon fer en demi-cercle. À mon changement d’engagement, battez, tirez droit, fendez-vous ; en garde, parez demi-cercle et ripostez droit.

54. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

55. Joignez mon fer en quarte ; à mon changement d’engagement, battez, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez le contre de sixte et ripostez.

56. L’inverse dans la ligne haute de sixte en dehors.

57. Joignez mon fer en demi-cercle ; à mon changement, battez, dégagez, fendez-vous, en garde ; parez demi-cercle et ripostez droit.

58. L’inverse dans la ligne d’octave en dehors.

59. Joignez mon fer en quarte ; à mon changement, double battement, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez le contre de sixte et ripostez.

60. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

61. Joignez mon fer en demi-cercle ; double battement, dégagez, fendez-vous ; en garde, parez octave et ripostez.

62. L’inverse dans la ligne en dehors.

63. Joignez mon fer en quarte. Sur mon battement, coupez, fendez-vous ; en garde, parez le contre de sixte et ripostez droit.

64. L’inverse dans la ligne de sixte en dehors.

65. Joignez mon fer en demi-cercle ; sur mon battement, coupez dans la ligne d’octave en dehors.

66. L’inverse dans la ligne de demi-cercle en dedans[4].

Deuxième reprise. — 67. Engagez l’épée, feinte du coup droit, une-deux, parez sixte et contre en vous relevant ; en garde et ripostez.

68. L’inverse dans la ligne en dehors.

69. Engagez l’épée dans la ligne basse, feinte du coup droit, une-deux, fendez-vous, parez sixte et demi-cercle en vous relevant ; en garde et ripostez.

70. L’inverse dans la ligne en dehors.

71. Engagez l’épée, pressez, faites une-deux, fendez-vous, parez sixte et contre en vous relevant ; en garde et ripostez.

72. L’inverse dans la ligne en dehors.

73. Engagez l’épée dans la ligne basse, pressez, faites une-deux, fendez-vous ; parez demi-cercle et octave en vous relevant ; en garde et ripostez.

74. L’inverse dans la ligne en dehors.

75. Engagez l’épée dans la ligne haute de quarte ; battez, faites une-deux, fendez-vous, parez sixte et contre en vous relevant ; en garde et ripostez.

76. L’inverse dans la ligne en dehors.

77. Engagez l’épée en demi-cercle, battez, faites une-deux, fendez-vous, parez octave et demi-cercle ; en garde et ripostez.

78. L’inverse dans la ligne en dehors.

79. Engagez l’épée en quarte ; à mon changement d’engagement, battez, faites une-deux, fendez-vous, parez quarte et sixte en vous relevant ; en garde et ripostez.

80. L’inverse dans la ligne en dehors.

81. Engagez l’épée en demi-cercle ; à mon changement, battez, faites une-deux, fendez-vous ; parez demi-cercle et octave en vous relevant ; en garde et ripostez.

82. L’inverse dans la ligne en dehors.

83. Engagez l’épée dans la ligne haute. de quarte ; doublez sur les armes, fendez-vous ; parez deux fois le contre de quarte en vous relevant ; en garde et ripostez droit.

84. L’inverse dans la ligne en dehors.

85. Engagez l’épée dans la ligne basse. de demi-cercle ; doublez, fendez-vous ; parez demi-cercle et contre en vous relevant ; en garde et ripostez.

86. L’inverse dans la ligne en dehors.

87. Engagez l’épée, feinte du coup droit, doublez, fendez-vous, parez deux fois le contre de sixte, en garde, ripostez droit.

88. L’inverse dans la ligne en dehors.

89. Engagez l’épée dans la ligne basse ; feinte du coup droit, doublez, fendez-vous ; parez demi-cercle et contre en vous relevant ; en garde, ripostez.

90. L’inverse dans la ligne en dehors.

91. Engagez l’épée en quarte ; pressez, doublez, fendez-vous ; parez deux fois le contre de sixte ; en garde, ripostez droit.

92. L’inverse dans la ligne en dehors.

93. Engagez l’épée en sixte, à mon changement doublez, fendez-vous ; parez deux fois le contre de quarte ; en garde, et ripostez droit.

94. L’inverse dans la ligne en dehors.

95. Engagez l’épée dans la ligne basse ; à mon changement, doublez, fendez-vous, parez octave et contre en vous relevant ; en garde, ripostez.

96. L’inverse dans la ligne en dehors.

97. Engagez l’épée en quarte, à mon changement, battez, doublez, fendez-vous ; parez deux fois le contre de sixte ; en garde, ripostez droit.

98. L’inverse dans la ligne en dehors.

99. Engagez l’épée en demi-cercle. À mon changement, battez, doublez, fendez-vous ; parez octave et contre en vous relevant ; en garde, ripostez droit.

100. L’inverse dans la ligne en dehors.

101. Engagez l’épée en quarte ; à mon changement, double battement, doublez, fendez-vous, parez deux fois le contre de sixte ; en garde, et ripostez droit.

102. L’inverse dans la ligne en dehors.

103. Engagez l’épée en demi-cercle ; à mon changement, double battement, doublez, fendez-vous, parez octave et contre ; en garde, ripostez droit.

104. L’inverse dans la ligne en dehors.

105. Engagez l’épée ; à mon changement, battez, coupez, dégagez, fendez-vous, parez contre de sixte ; en garde, ripostez droit.

106. L’inverse dans la ligne en dehors.

107. Engagez l’épée de quarte ; double engagement, feinte de dégagement ; je prends le contre. Doublez, fendez-vous, en garde. Parez le contre de tierce, formez la prime ; coupez en portant la riposte, la main de quarte.

108. L’inverse dans la ligne de sixte. Prendre le contre de sixte ; primez et ripostez la main de tierce en ligne haute ou seconde en ligne basse.

109. Engagez l’épée dans la ligne haute de quarte ; doublez, fendez-vous, parez contre de quarte ; prenez le temps en sixte, en opposant sur mon deuxième dégagement.

110. L’inverse dans la ligne haute de quarte.


Leçon de contre-pointe.


Beaucoup de tireurs font de la contrepointe, sans connaître bien souvent le plus simple des principes, sans lesquels il est impossible d’arriver à un bon résultat. Ils se contentent de frapper comme des sourds ; et naturellement, le bon public de rire. Les combattants, eux, prennent ce rire qui est soulevé par leur manière ridicule de faire de la contre-pointe, pour une approbation ; et sont en conséquence très satisfaits. Ils n’ont pourtant pas lieu de l’être, et sont dans la plus profonde erreur, lorsqu’ils se figurent avoir fait beau jeu, parce qu’ils ont porté de véritables coups de masse, au risque de se faire grand mal, et sans pouvoir ajuster leurs attaques ; car la justesse d’un coup porté à la main diminue toujours en raison de l’élan que l’on est obligé de lui donner, pour qu’il ait de la force. Tous les coups, soit comme attaques, soit comme ripostes, doivent être faits très légèrement. On doit marquer les coups sans frapper, et les porter à fond en tranchant, en retirant le bras de façon à trancher au lieu de frapper par côté ; vu que le coup porté en frappant ne coupe rien, ni en attaquant, ni en ripostant. De cette façon, on ne se fait pas de mal en tirant à la leçon, et sur le terrain on peut s’en faire beaucoup. En faisant assaut, l’on doit faire peu de coups de pointe et surtout ne les faire qu’à coup sûr ; car si vous arrêtez votre adversaire au moment où il vous porte une attaque à fond, vous pouvez le blesser mortellement ; vu que l’on ne peut pas porter un seul coup de sabre sans aller chercher l’élan du coup, et sans par conséquent se découvrir entièrement la face du corps ; ce qui vous met à la merci de votre adversaire. Voilà pourquoi le jeu de contrepointe est très dangereux. Si vous avez affaire à un adversaire qui ne suive pas vos feintes, il peut vous arrêter chaque fois que vous voudrez l’attaquer ; et s’il porte ses coups la main haute en revenant en garde rapidement, il est à peu près certain de vous toucher et de ne pas l’être.

J’ai beaucoup pratiqué la contre-pointe étant professeur à l’École de Saumur, et j’ai exercé un coup grâce auquel je n’ai jamais été touché.

L’on ne doit démontrer la contrepointe à un élève que lorsqu’il est bien placé en garde, qu’il développe parfaitement, et qu’il a bien la main fixée devant lui. Si l’élève n’est pas certain de ses mouvements à la pointe, il ne fera qu’un jeu très large : ce qui est juste le contraire de ce qu’il faut pour bien faire. Au lieu de cela, s’il possède une bonne position et une connaissance sérieuse de l’escrime, il pourra arriver à connaître la contre-pointe en deux mois ; attendu les parades sont les mêmes qu’à la pointe, et que pour la position de garde, la main droite est en tierce au lieu d’être en sixte, et la main gauche sur la hanche gauche, au lieu d’être derrière le sommet de la tête. Il est bon de savoir combattre que tous les jeux ; mais celui qui est fort à la pointe peut combattre tous les jeux de contre-pointe, de canne et de bâton, s’il veut rester au jeu de la pointe. Donc il faut avant tout faire de l’escrime, et pratiquer le coup droit, qui est sans contredit le plus rapide et le plus dangereux de tous.


Leçon.


Il y a cinq parades à faire dans la leçon de contre-pointe qui sont : Prime. Seconde. — Tierce. — Quarte et quinte.

Il y a sept coups de sabre à porter, qui sont :

Coup de tête. — Coup de figure à droite. — Coup de figure à gauche. — Coup de flanc. — Coup de banderole. — Coup de manchette et coup de cuisse.

i. En garde par deux moulinets. — Portez un coup de figure en dedans à fond ; parez le flanc en vous relevant ; portez un coup de banderole ; parez le ventre, le flanc et la tête, allongez le bras la main de tierce ; un coup de pointe.

2. Engagez le sabre en dedans. — Portez un coup de figure en dehors à fond ; parez le ventre en vous relevant ; portez un coup de figure en dedans, parez le ventre, le flanc et la tête en vous relevant ; et un coup de pointe. En garde, deux moulinets.

3. Feinte d’un coup de pointe et d’un coup de tête à fond ; parez la tête en vous relevant ; portez un coup de banderole ; parez le ventre, le flanc et la tête, portez un coup de pointe à fond. En garde, deux moulinets.

4. Portez un coup de banderole ; parez le ventre en vous relevant ; portez un coup de pointe à fond, parez la tête en vous relevant ; portez un coup de banderole, parez le ventre, le flanc et la tête ; et portez un coup de pointe à fond. En garde, deux moulinets.

5. Engagez le sabre en dedans. — Portez un coup de cuisse en dehors à fond ; parez la tête sans vous relever ; portez-moi un coup de pointe, et parez la tête en vous relevant ; portez un coup de figure en dedans à fond, formez la prime en vous relevant ; et un coup de pointe à fond. En garde, deux moulinets.

6. Engagez le sabre en dedans. — À mon coup de cuisse, échappez la jambe droite en arrière, et portez un coup de tête en vous remettant en garde ; écrasez le fer, un coup de tête ; écrasez le fer, un coup de tête à fond, parez la figure en dedans en vous relevant ; portez un coup de figure en dehors, formez la prime, et un coup de pointe à fond. En garde, deux moulinets.

7. Feinte d’un coup de figure en dedans et en dehors à fond ; écrasez le fer, un coup de tête, parez le ventre en vous relevant ; portez un coup de figure en dedans, formez la prime en vous relevant, et un coup de pointe. En garde, deux moulinets.

8. Parez la figure en dedans, parez la figure en dehors, échappez la jambe gauche en arrière ; arrêtez-moi par un coup de pointe ; parez la tête en vous relevant ; portez un coup de banderole ; formez la prime et ripostez par un coup de flanc. En garde, deux moulinets.

9. Portez un coup de pointe à fond, parez le ventre en vous relevant ; portez un deuxième coup de pointe, parez la tête en vous relevant ; feinte au flanc et un coup de tête à fond, formez la prime, allongez le bras et un coup de pointe à fond. En garde, deux moulinets.

10. À mon coup de pointe, formez la prime ; portez-moi un coup de pointe, parez la tête, feinte au flanc ; un coup de tête, formez la prime, allongez le bras, et un coup de pointe. En garde, deux moulinets.

11. Feinte au flanc et à la tête ; un coup de flanc, parez le ventre en vous relevant ; portez un coup de pointe, parez la tête en vous relevant ; feinte au flanc, un coup de tête, formez la prime, allongez le bras et un coup de pointe. En garde deux moulinets.

12. Feinte à la tête et au flanc, un coup de tête ; parez le ventre, portez un coup de pointe, parez la tête en vous relevant ; feinte au flanc et un coup de tête, formez la prime, allongez le bras, et un coup de pointe. En garde, deux moulinets[5].



MAISON QUANTIN
7, RUE SAINT-BENOIT, 7


  1. Vous avez même des élèves qui, dans une salle, tout en étant très bien garantis et ne courant aucun risque, utilisent inconsciemment, pour ainsi dire, la main gauche comme moyen de parade. À plus forte raison, ils l’utiliseront sur le terrain.
  2. Tels que je vais les indiquer à la leçon.
  3. Faire bien comprendre à l’élève, lorsqu’il est engagé dans la ligne basse, que les dégagements se font par-dessus la lame, et non par-dessous.
  4. Le professeur pourra faire exécuter à l’élève, outre les ripostes directes, des ripostes par un « coupez dessus ou dessous » à la retraite ou de pied ferme.
  5. Le professeur fera varier les ripostes après les parades de tête et des coups de figure à droite et à gauche, par des coups tranchants à la figure et au cou, en revenant en garde. Il fera joindre le sabre de façon que l’élève se rende bien compte de la ligne dans laquelle il se trouve engagé.