Madame Favart (Duru-Chivot)/Acte II
ACTE DEUXIÈME
Le théâtre représente un salon, avec trois portes au fond, ouvrant sur un parc. — À droite et à gauche au premier plan, portes avec des draperies. — À droite, une cheminée, du même côté un canapé. — À gauche, une petite table sur laquelle sont des papiers, un encrier, une sonnette et un timbre.
Scène PREMIÈRE
Au lever du rideau, Hector est assis à la petite table et feuillette des papiers. — Un agent de police et un tapissier sont debout devant lui, le chapeau à la main. — Madame Favart, à droite, époussette les meubles.
Eh bien ! monsieur le tapissier, où en sont vos hommes ?
Dépêchez-vous… n’oubliez pas que je donne ce soir une grande fête et que vous avez encore cette pièce à décorer.
Le tapissier salue et sort.
Quant à vous, monsieur l’exempt, j’ai lu vos rapports, ils sont en règle et vous pouvez vous retirer.
Pas d’ordres particuliers ?
Aucun… Reprenez votre service et venez m’informer ce soir de ce que vous aurez vu… allez !…
L’agent s’incline et sort.
Bravo ! La parole brève !… le geste plein d’autorité !… Vous étiez né pour commander…
N’est-ce pas ?… Eh bien, et vous, Justine, savez-vous que je vous admire… On dirait que vous avez été soubrette toute votre vie… Seulement, ce qui me désole, c’est de vous voir forcée de continuer le personnage…
Il faut bien s’y résigner… jusqu’au moment où Favart et moi nous trouverons une occasion sûre de passer en Belgique…
J’espère que cela ne tardera pas… du reste, il n’y a encore que huit jours que nous sommes arrivés à Douai et que je suis installé dans mes fonctions de lieutenant de police…
C’est vrai ! Je suis marié.
- Suzanne est aujourd’hui ma femme,
- Et, jugez si c’est merveilleux,
- Elle est ma femme et je proclame
- Que je ne pouvais trouver mieux
- Pour moi c’est le ciel sur la terre,
- C’est plus que mon cœur n’espéra ;
- Et c’est à vous seule, ma chère,
- Que je dois tout ce bonheur-là.
- J’aime une nombreuse famille,
- Or donc, avant trois ou quatre ans,
- Je veux qu’autour de moi fourmille
- Une troupe de garnements.
- Enfin bientôt j’aurai, j’espère,
- Tous les ennuis d’être papa ;
- Et c’est encore à vous, ma chère,
- Que je devrai ce bonheur-là.
Bah !… j’ai eu bien peu de mérite, allez !… Si vous saviez comme ce pauvre marquis a été facile à embobiner…
On le dit pourtant très-dangereux…
Lui !… Allons donc ! C’est une réputation usurpée… J’en suis venue à bout avec quelques sourires et quelques œillades…
De la menue monnaie…
N’importe ! Vous présenter comme ma femme, c’était hardi, et s’il apprenait jamais qu’on s’est moqué de lui à ce point-là, savez-vous qu’il me ferait jeter en prison…
Bah !… Que pouvez-vous craindre ?… Le marquis ne quitte jamais Arras, et il n’y a que vous et moi qui connaissions cette histoire. Votre femme n’en sait rien, ni Favart non plus…
Heureusement ; car il serait capable d’en manquer toutes ses sauces…
Et ce serait dommage… car il les réussit à merveille… il a pris ses fonctions de cuisinier au sérieux… et ma foi, je trouve qu’il est superbe sous le tablier blanc et le casque à mèche…
Superbe, c’est le mot…
Je ne peux pas le regarder sans rire… (Montrant Favart qui a paru au fond, en cuisinier.) Tenez, voyez-moi un peu cette tête ?
Scène II
Elle est bonne, n’est-ce pas, la tête ?… (Entrant et prenant l’attitude d’un domestique qui attend des ordres.) Je viens prendre les ordres de monsieur. Qu’est-ce que monsieur commandera ce matin pour son déjeuner ?… (Changeant de ton et donnant familièrement une poignée de main à Hector.) Bonjour, Hector, ça va bien ?
Pas mal, et vous, cher ami ?
Moi, ça boulotte !… je suis en train de vous préparer le grand souper de ce soir, tous mes marmitons sont l’œuvre… et moi, je les commande, la cuiller à pot à main, ça m’amuse beaucoup !
Tant mieux !…
D’ailleurs, ça me rappelle ma jeunesse… mon premier état… lorsque, élève de mon père, je l’aidais à confectionner des échaudés… ce chef-d’œuvre de légèreté qu’il venait d’inventer…
Jolie invention !
Invention sublime !… et qui prouve que le papa Favart connaissait bien son pays…
- Quand du four on le retire,
- Tout fumant et tout doré,
- Aussitôt chacun admire
- Le gâteau bien préparé.
- Il a fort belle apparence,
- On est pressé d’en manger.
- Mais pour de la consistance
- Il n’en faut pas exiger.
- Mettez-le dans la balance,
- C’est léger, léger, léger !
- Chacun dit : La belle mine,
- C’est un gâteau sérieux,
- Mais pour peu qu’on l’examine,
- On s’aperçoit qu’il est creux.
- Bien des gens dans notre France
- Ainsi peuvent se juger,
- Tout pleins de leur importance
- Vous les voyez se gonfler !
- Mettez-les dans la balance,
- C’est léger, léger, léger !
Bravo, Favart ! toujours la chanson aux lèvres…
Toujours !… Que voulez-vous, la gaîté et moi nous sommes inséparables !… et puis, je suis si tranquille ici…
Oui… Eh bien ! moi je ne le suis pas tant que toi…
Bah depuis quand ?…
Depuis avant-hier… (A Hector.) Depuis la visite de votre tante, la vieille comtesse de Montgriffon…
Pourquoi ?… Que craignez-vous d’elle ?…
Diable, ce serait grave…
Oui, car elle n’est pas bonne, la chère tante, — mais je suis convaincu que vous vous alarmez à tort, et la preuve, c’est qu’elle est partie sans faire la moindre observation et j’ai même remarqué qu’elle avait été charmante pour Suzanne… Tiens, mais à propos, où est-elle donc, Suzanne ?…
Elle vient de sortir, elle est allée faire les dernières commandes pour la fête de ce soir…
Fête de mon installation. J’ai invité tous les notable de la ville… Je crois que ce sera superbe et que… (Grand bruit au dehors.) Hein ? Quel est ce bruit ?
Quelque rixe, sans doute… quelque malfaiteur qu’on vous amène… (A Favart.) Va donc voir, Charles…
Tout de suite…
Il sort. — Nouveau bruit au dehors.
Mais non, écoutez… ce sont des cris de joie, des vivats…
En effet… (Inquiète.) Qu’est-ce que cela signifie ?
Grande nouvelle ! grande nouvelle ! quel honneur pour vous, mon cher Hector…
Quoi donc ?
C’est le marquis de Pontsablé, c’est le gouverneur de l’Artois qui vient vous voir et toute la foule qui le suivait a forcé les grilles… (Criant au fond.) Par ici, par ici, monseigneur !… (A Hector.) Moi je cours endosser ma livrée…
Il disparaît.
Le marquis !… Le marquis chez moi !…
Ah ! mon Dieu !
Et vous qui me disiez qu’il ne quittait jamais Arras…
C’est une fatalité !
Il va me demander à voir ma femme…
C’est évident…
Le voici… (A madame Favart.) Je suis perdu !…
Peut-être !…
Elle sort vivement par la droite.
Scène III
- Honneur, honneur
- A monseigneur
- Le gouverneur !
- Autour de lui que l’on s’empresse
- Et tous pleins d’une douce ivresse,
- Répétons en chœur :
- Honneur, honneur
- A monseigneur
- Le gouverneur !
- Cet accueil très-flatteur dont je suis enchanté
- N’est après tout que mérité,
- Dernier des Pontsablé, je suis la noble trace
- Des chefs de mon illustre race.
- Mes aïeux, hommes de guerre,
- Dans le fond gens excellents,
- Mais sujets à la colère,
- N’étaient pas très-endurants !
- Pour un rien, une vétille,
- Ils rageaient à qui mieux mieux…
- Enfoncer une bastille
- Ce n’était qu’un jeu pour eux !
- Par respect pour ma famille,
- Je fais comme mes aïeux !
- Par respect pour sa famille,
- Il fait comme ses aïeux !
- Mes aïeux auprès des femmes
- Etaient très-entreprenants,
- Et beaucoup de nobles dames,
- Les eurent pour leurs galants.
- Leur longue histoire fourmille
- Des exploits les plus fameux.
- Nobles dames, jeunes filles,
- Rien n’était sacré pour eux !
- Par respect pour ma famille,
- Je fais comme mes aïeux !
- Par respect pour sa famille,
- PONTSABLÉ, à la foule.
Il fait comme ses aïeux !
- Maintenant, vous m’avez bien vu,
- Je vous ai montré ma personne,
- De vos cris je suis rebattu.
- Eloignez-vous, je vous l’ordonne.
- Eloignez-vous, on vous l’ordonne !
- Honneur, honneur
- A monseigneur
- Le gouverneur !
Tout le monde se retire. Les officiers de la suite de Pontsablé restent au fond, dans le parc, en vue du public.
Scène IV
Enfin ! nous pouvons causer… Ce n’est pas moi que vous attendiez, avouez-le…
En effet… j’étais loin de supposer que vous me feriez l’honneur…
Une affaire importante qui m’appelle à Douai…
Ah ! une affaire ?…
Oui… vous comprenez que je n’ai pas voulu descendre chez un autre que chez vous !…
Ainsi, vous voilà tout à fait installé ?
Tout à fait… et je remercie monsieur le marquis de laa faveur qu’il m’a faite en me nommant.
Ne parlons pas de ça… Votre mérite… vos talent : vos hautes capacités vous désignaient à mon choix…
Je suis confus…
Avec moi, jamais de passe-droit… je ne me laisse pas influencer… (Changeant de ton.) Et votre femme, comment va-t-elle ?
Ma femme ?… (A part.) Nous y voilà !… (Haut.) Elle bien, monseigneur, elle va très-bien…
J’en suis ravi… et j’ai hâte de lui présenter mes hommages…
Oui… vous voulez lui présenter ?…
Mes hommages… naturellement…
Naturellement… mais c’est que c’est impossible.
Comment ! impossible ?…
Elle est sortie…
Elle ne rentrera que dans trois jours !…
Dans trois jours !…
Elle est allée voir une pauvre malade, une de ses amies de pension qui a soixante-dix-sept ans… (Le marquis étonné le regarde.) Non… je veux dire… dont la mère a soixante-dix-sept ans !… Alors, vous comprenez…
C’est fâcheux !…
Ah ! oui !…
Et je suis désolé…
Moi aussi…
Est-ce qu’il n’y a pas moyen de la faire prévenir ?…
Oh ! pas moyen… vous comprenez… l’humanité… une malade… quatre-vingt-dix-sept ans !
Scène V
Monsieur !…
Je viens prévenir monsieur que madame est rentrée…
Haigne !… animal !…
Bon… très-bien… C’est que la vieille dame va mieux…
C’est impossible… Il ne sait pas ce qu’il dit… tu te trompes… (Il fait des signes à Favart.) Ma femme n’est pas rentrée.
Mais, si, monsieur, puisque je viens de lui parler…
Il ne comprend rien…
C’est drôle… vous paraissez tout troublé…
Moi… du tout… au contraire… (Vivement.) Monseigneur désirerait-il prendre un verre de liqueur et un biscuit ?
Du biscuit de Savoie… nous en avons de délicieux.
Volontiers, mais plus tard. (A Hector, montrant Favart.) Quel est ce garçon ?…
C’est… Benoît… un de mes domestiques.
Il a l’air fort intelligent, ce Benoît…
Oui, monsieur… Ah ! j’oubliais…
Quoi encore ?…
Madame fait demander à monsieur à quelle heure il faut allumer dans les salons pour la fête de ce soir…
Une fête… Comment, vous donnez une fête ?…
Haigne !… maladroit…
Il fait des signes à Favart.
Qu’est-ce qu’il a donc à faire comme ça ?…
Oh ! une fête… c’est-à-dire…
Une fête superbe… pour célébrer l’installation de monsieur…
Il est enragé !… (Haut.) Quelques personnes…
Monsieur a invité toute la ville… on s’écrasera…
Il ne se taira pas !…
Et vous ne me soufflez pas un mot de tout cela ?…
Pourquoi donc ?… Au contraire… je me ferai un véritable plaisir d’assister à cette fête.
Ah ! bon ! me voilà bien !… (A Favart avec colère.) Va-t’en !
Mais, monsieur, permettez…
Il va encore dire quelque sottise… (Haut.) Veux-tu t’en aller, crétin, idiot !…
Oui, monsieur… (A part.) Si j’y comprends quelque chose…
Comme vous le secouez, ce pauvre garçon… (A Favart.) Mon ami !… (A Hector.) Voulez-vous me permettre de lui donner un ordre ?…
Tout ce que vous voudrez, marquis, vous êtes chez vous !… (A part.) Je n’en puis plus !
Mon ami, va dire à ta maîtresse que le marquis de Pontsablé désire lui présenter ses hommages…
Oui, monseigneur, j’y cours… (Voyant Hector qui lui fait de nouveau des gestes.) Mais qu’est-ce qu’il a donc ? il est malade…
Il sort.
Allons vite… des fleurs partout… Remplissez les jardinières…
Eh ! mais… la voilà… c’est elle…
Justine !…
Scène V
Venez, venez donc, belle dame…
Monsieur de Pontsablé !… Quelle aimable surprise !…
Vous me sauvez encore ! merci !
Que je suis donc ravi de vous revoir… Alors, cette vieille dame va mieux ?…
Quelle vieille dame ?… (Hector lui fait des signes.) Oui… oui… beaucoup mieux… je vous remercie… (Changeant la conversation.) Est-ce que nous aurons le bonheur de vous posséder longtemps à Douai ?
Mon Dieu… je ne sais pas encore au juste… (A part.) Lançons mon hameçon et examinons bien mon lieutenant de police… (Haut. — Regardant Hector en face et accentuant bien chaque mot.) Cela dépendra de madame Favart.
Hein ?
Elle se rapproche doucement de Pontsablé.
Il a tressailli… mes renseignements étaient exacts… (Haut.) Oui, je ne suis ici que pour elle… elle s’est enfuie de son couvent et il faut absolument que je la retrouve… Ordre du maréchal de Saxe…
Ah !… du maréchal !… (Se reprenant aussitôt et d’un air indifférent.) Ah ! du maréchal !
Oui ! (A Hector.) Vous m’aiderez, Boispréau.
Certainement… c’est mon devoir…
On m’a signalé sa présence dans cette ville, avez-vous quelque indice ?…
Aucun…
Aucun !…
Aucun, c’est singulier…
Je ne l’ai même jamais vue…
Ah ! vous ne l’avez jamais… moi non plus, du reste.
Heureusement…
Eh ! ne le sont-elles pas toutes !… Ah ! ces actrices… Ah ! pouah !… quel métier !… Tenez, marquis, ne me parlez pas de ce monde des coulisses… il me porte sur les nerfs…
Je le crois… quand on a votre distinction, votre noblesse… Oh ! du premier coup d’œil on voit la différence qui existe entre ces femmes de théâtre et une femme du monde… comme vous, madame.
Vous êtes physionomiste…
On le dit ! (Il lui baise la main. — À part.) Elle est idéale ! (A Hector.) Mais revenons à cette comédienne. Je vais vous signer un ordre d’arrestation.
Tenez, monseigneur, là… (Pontsablé s’asseoit. — Suzanne parait au fond dans le jardin.) Oh ! ma femme !
Pontsablé écrit.
Me voici…
Tais-toi !
Elle va tout gâter.
Et disparais… ou je suis perdu !…
Il laisse retomber la portière sur Suzanne stupéfaite.
Qu’est-ce donc ?
Je viens… (Il se trouve en face de madame Favart.) Hein !… ma femme en grande dame !
Tais-toi…
À l’autre maintenant.
Pas un mot et disparais…
Elle laisse retomber la portière sur lui.
Qu’y a-t-il ?
Rien, monseigneur, rien… je disais… Quel beau temps… quel superbe temps pour les petits pois…
Les oreilles me cornent donc… (Donnant un papier à Hector.) Voici l’ordre.
Bien, monseigneur… (Regardant la portière de droite.) Quelle position !…
Mais cela, bien entendu, n’empêche pas la fête de ce soir… et je vais vous demander une grâce… mon cher ami…
Laquelle, monseigneur ?… (A part.) Il m’effraie…
Celle de présenter votre charmante femme à toute la noblesse de la ville…
Sa femme !…
Ah ! bon… il ne manquerait plus que ça.
Vous me permettrez seulement d’aller donner quelques soins à ma toilette…
Certainement… ! (Appelant.) Jean !… (Un domestique paraît au fond.) Conduisez monseigneur à sa chambre… la chambre des antiques…
Comment ! des antiques !
C’est la plus belle… Allez, cher marquis, et revenez-nous bien vite…
Le plus tôt possible… (A Hector en sortant.) Boispréau, votre femme est un ange… (Au fond.) Elle est idéale…
Il sort.
Scène VII
- Ah ! c’est affreux !
- SUZANNE.
Ah ! c’est infâme !
- On nous trompait !
- Indignement !
- Parlez, monsieur !…
- Parlez, madame ?…
- Expliquez-vous !…
- Et vivement !
- Deux mots vont suffire
- Pour calmer tes sens…
- Je vais tout te dire,
- Ecoute et comprends…
- Pour que monsieur ton père
- Consente à nous unir…
- De ton réduit sous terre
- Pour que tu puisses fuir…
- Qu’était-il nécessaire
- Avant tout d’obtenir ?
- La place ? Mais que faire ?
- Et comment réussir ?
- Il fallait…
- Qu’une dame…
- HECTOR.
Allât
- Chez le marquis,
- Sous le nom…
- De ma femme…
- J’y courus…
- Bon, j’y suis !…
- J’obtins tout.
- Saprelotte !…
- Or, il faut…
- Devant lui…
- Qu’ici rien…
- Ne dénote…
- Notre fraude…
- Aujourd’hui…
- Car le vieux…
- Mascarille…
- HECTOR.
Par malheur…
- S’il l’apprend…
- Pour Hector…
- La Bastille !
- Et pour moi…
- Le couvent !
- La Bastille !
- Le couvent !
- La Bastille et le couvent !
- Plus souvent !
- Il faut, tu vois bien,
- C’est le seul moyen,
- Quelque part en ville
- Chercher un asile…
- Quoi ! sans nul souci
- Te laisser ici —
- Le charmant programme —
- Seul avec madame !
- Oh ! quant à cela…
- Ne suis-je pas là ?
- Pars, ma chère amie,
- SUZANNE, parlé. Pars, je t’en supplie…
Partir !…
- Après quelques jours seulement
- De ménage,
- A m’en aller complaisamment
- On m’engage,
- Afin qu’une autre, me chassant,
- Quelle audace !
- Près de mon mari sur-le-champ
- Me remplace.
- Non, non ! Halte-là !
- Si cela vous va,
- Moi ça ne peut pas faire
- Mon affaire !…
- Je n’me suis pas marié’pour ça !…
- De l’amour m’en tenant ici
- Au prélude,
- Quand déjà j’ai pris d’un mari
- L’habitude ;
- Il faudrait, hélas ! que bien loin
- Pour vous plaire,
- Je reste dans un petit coin
- Solitaire !…
- Non ! non ! halte-là !…
- Etc.
- Eh bien ! que la Bastille s’ouvre !
- Non ! non ! je vais partir…
- Merci !
- Si toutefois, je ne découvre
- ENSEMBLE Le moyen de rester ici !…
SUZANNE.
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FAVART et MADAME FAVART
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- Avec prudence
- Fuis et bien loin,
- De ton absence
- On a besoin !
- Pour que j’évite
- Un sort fâcheux,
- Il faut bien vite
- Quitter ces lieux !
Suzanne sort avec Hector.
Scène VIII
Pardon, madame Favart, un mot s’il vous plaît !…
Qu’est-ce que tu as ?
Regarde-moi bien en face, entre les deux yeux…
De quoi avez-vous causé l’autre jour avec le gouverneur ?
Des soupçons… Ah ! Charles !
De quoi avez-vous causé ?… De quoi ?
Quels regards !… (Riant.) Ah ! ah ! ah ! ah ! (Apercevant Pontsablé qui paraît au fond.) Tiens, le voici, le gouverneur !… Tu peux le questionner toi-même… (Riant.) Ah ! ah ! ah !
Mais oui, je vais le questionner !
Scène IX
Elle est encore là… Je suis assez coquet… Je peux me lancer…(S’avançant vers madame Favart.) Eh ! mon Dieu ! belle dame, vous me paraissez d’une gaîté…
C’est cet imbécile de Benoît… qui ne dit et ne fait que des sottises… s’il continue, nous ne pourrons pas le garder.
Bon ! elle se moque de moi par-dessus le marché !
Vous, monseigneur ?
Oui… et voici mes arrhes… (Il lui jette une bourse.) Tu vas me servir immédiatement…
Comment ça ?
Tu vas voir… (Revenant à madame Favart.) Mais d’abord à nous deux… L’autre jour, traîtresse, vous vous êtes complètement moquée de moi… à Arras…
Tu vois, jaloux !
Pardonne-moi… je ne le ferai plus…
Me moquer de vous !… Ah ! marquis, pouvez-vous supposer ?… Le respect que je vous dois…
Laissons le respect de côté… et puisque le hasard me procure en ce moment un charmant tête-à-tête, je veux en profiter…
Nous ne sommes pas seuls.
Oh ! un domestique…
Oui, mais si on entrait !…
Moi ?…
Oui… tu vas te placer là… au fond… en sentinelle… et si tu vois venir le mari…
Le mari ?… Ah ! oui, oui… le mari !…
Tu me préviendras…
Mais comment ?
Tiens… en agitant cette sonnette. (A madame Favart.) Vous voyez qu’il n’y a aucun danger…
En effet !…
Allons, va…
Oui, monseigneur… (Au fond.) Eh bien, je vais jouer là un joli personnage ! Il disparaît au fond.
Scène X
La place est à moi !… entamons vigoureusement. Enfin, madame, je puis donc vous dire que vous êtes adorable et que je vous aime à la folie.
Oh ! oh ! comme il s’enflamme… Attends ! je vais te servir un petit plat de ma façon ! Il disparaît un instant.
Oui, vous êtes une déesse, digne d’une position plus élevée… ce qu’il vous faut, c’est un adorateur qui puisse satisfaire vos moindres caprices… Eh, bien ! dites un mot et je mets ma fortune à vos pieds.
- Marquis, grâce à votre richesse,
- Vous offrez — et même au delà —
- A qui sera votre maîtresse,
- Chevaux, voiture et cætera !
- Mon mari ne pourrait, je pense,
- Me donner rien de tout cela ;
- Entre vous, quelle différence…
- Elle est immense !
- Vous, vous me promettez beaucoup,
- Au risque d’être téméraire,
- Lui ne me promet rien du tout,
- Mais me donne le nécessaire,
- Le nécessaire !
- Le nécessaire !
- La belle affaire !
- J’offre mieux entre nous
- Car je t’aime, je t’aime.
- Tu me vois ici-même
- Tomber à tes genoux !
Il se jette à ses pieds. — Favart sonne.
- PONTSABLÉ, essayant de se lever.
Mon époux !
- Votre époux !
Huit petits marmitons entrent vivement portant des plateaux chargés de gâteaux, de bouteilles, de verres, de fruits etc.
- Pour que Bacchus le tienne en joie,
- Nous apportons à monseigneur
- D’excellents gâteaux de Savoie,
- Vins exquis et fine liqueur !
- Ce drôle est des plus négligents !
- Pourquoi laisser entrer ces gens ?
- Vous vous trompez, ce n’est pas moi,
- Ce qui les fit venir, je croi,
- C’est ma petite sonnette,
- Ma sonnette mignonnette.
- C’est la sonnette !…
- Je vous le dis et c’est certain,
- Le coupable c’est la sonnette,
- Ils sont accourus au tin, tin !
- De ma sonnette mignonnette,
- Tin ! tin ! tin !
- Si ce qu’il me dit est certain,
- Si le coupable est la sonnette,
- Que le diable soit des tin, tin !
- De cette sonnette indiscrète,
- Tin ! tin ! tin !
- Il a raison et c’est certain,
- Le coupable c’est la sonnette,
- Ils sont accourus au tin, tin !
- De la sonnette mignonnette,
- LES MARMITONS.
Tin ! tin ! tin !
- Nous devons être, c’est certain,
- Attentifs aux coups de sonnette
- Et nous’accourons aux tin, tin !
- De la sonnette mignonnette,
- Tin ! tin ! tin !
- Au diable ! Au diable allez-vous-en !
- Il est furieux ! c’est charmant !
Sur un geste de colère de Pontsablé, tous les marmitons se sauvent.
- Toi, fais donc plus attention !
- C’est mon grand zèle qui m’emporte…
- C’est bon, reprends ta faction.
- Oui, je garderai bien la porte.
Reprenons… Heureusement que j’ai du ressort… (A Madame Favart, avec feu.) Madame, ne me repoussez pas, vous ne savez pas ce que vous refuseriez… un mari, c’est un amoureux bien tiède, tandis que moi, je suis bouillant, et à toute heure du jour vous me trouverez prêt à vous prouver ma flamme.
- En amour rempli de vaillance —
- Dites-vous — cette flamme-là,
- Pendant toute votre existence,
- A mes yeux se rallumera !
- Mon époux — je le sais d’avance —
- Est bien moins brûlant que cela ;
- Entre vous, quelle différence !
- MADAME FAVART.
Elle est immense !
- Vous, vous me promettez beaucoup,
- Au risque d’être téméraire.
- Lui ne me promet rien du tout,
- Mais me donne… le nécessaire !
- Le nécessaire !
À ce moment et sur un signe de Favart, huit tapissiers entrent et dressent leurs échelles au fond. — Pontsablé, absorbé par sa déclaration, ne s’aperçoit pas de leur présence. — Les marmitons reparaissent aux portes du fond.
- Ici plus de contrainte,
- Dans une douce étreinte
- Laisse-moi t’enlacer,
- Sur mon cœur te presser.
- La demande est hardie,
- Finissez, je vous prie.
- Tu ne peux refuser
- D’accorder un baiser.
- Non, jamais…
- O ma mie
- Un baiser, je t’en prie !
Il se jette à genoux. — Favart sonne.
Montés sur les échelles et clouant des écussons aux murs.
- Pan ! pan ! pan ! pan ! amis, courage !
- Pan ! pan ! pan ! pan ! cognant, frappant !
- Pan ! pan ! pan ! pan ! faisons l’ouvrage !
- Pan ! pan ! pan ! pan ! frappons gaiement !
- Ce drôle est des plus négligents !
- FAVART.
Pourquoi laisser entrer ces gens ?
- Vous vous trompez, ce n’est pas moi ;
- Ce qui les fit venir, je croi,
- C’est ma petite sonnette,
- Ma sonnette mignonnette.
- C’est la sonnette !
- Je vous le dis et c’est certain,
- Etc.
- Si ce qu’il me dit est certain,
- Etc.
- Il a raison et c’est certain,
- Etc.
- Nous devons être, c’est certain,
- Etc.
- Pan ! pan ! pan !
- Etc., etc.
Allez-vous-en !… Par la sambleu !… ventrebleu ! Allez-vous-en !…
Les tapissiers se sauvent par le fond.
Scène XI
C’est inouï !… Ça n’a pas de nom !… impossible de faire ma déclaration au milieu d’un pareil tohu-bohu !… J’y renonce (A madame Favart, très-vite.) Mais il faut que vous sachiez une chose, madame… J’hésitais à vous le dire… par délicatesse… je n’hésite plus… et puisque vous me repoussez, puisque vous me sacrifiez à votre mari, apprenez que, lui, il vous trompe !… Oui, madame, il a une maîtresse !…
Allons donc !
Qu’il cache ici dans votre propre maison !… (Avec éclat) Et cette maîtresse, c’est madame Favart..
Hein ?
Ciel !… (Haut.) Qui a pu vous dire… ?
Une vieille amie à moi… que je n’ai pas vue depuis une trentaine d’années… la comtesse de Montgriffon.
Elle m’avait reconnue…
Elle m’a écrit un petit billet, où elle me donne rendez-vous ici ce soir… et c’est elle-même qui me désignera notre habile comédienne.
Je suis prise !… Maudite vieille ! ah ! il faut absolument que je m’éloigne… Mais que faire ? (Par inspiration.) Ah ! une attaque de nerfs… (Haut.) Ah ! marquis !… marquis !
Quoi donc ?
C’est indigne !
Oh ! que je souffre !… Je ne pourrai paraître à cette fête… mon pauvre cœur brisé… J’étouffe !… (Elle chancelle.) Ah ! ah !
Elle se trouve mal !…
Ah ! mon Dieu !… (Bas à sa femme, pendant que Pontsablé est remonté.) Qu’as-tu donc ?
Tais-toi… c’est pour rire… (Renversant sa tête et criant.) J’étouffe !… ah ! ah !
Bien joué l’évanouissement…
Des sels !… du vinaigre !
Scène XII
Qu’y a-t-il ?
Du vinaigre… des sels… il n’y a donc pas une femme de chambre…
Suzanne !
Je vous avais bien dit que je trouverais un moyen de rester…
Secourez votre maîtresse…
Merci… merci… je vais mieux… (Se levant.) Permettez-moi seulement de me retirer dans ma chambre…
Je vais vous conduire…
C’est inutile… (A Favart.) Votre bras, Benoît…
Voilà, madame…
Elle est furieuse… très-bien !…
Au revoir… cher marquis…
Elle lui tend la main.
Quel regard ! elle est idéale ! mais quel regard !… (Bas en lui baisant la main.) Puis-je donc espérer ?
Oui…
Ah !
Quand vous tiendrez madame Favart !
Elle sort avec Favart qui la soutient.Scène XIII
Elle est à moi !
On n’a plus besoin de vous, vous pouvez vous retirer.
Oui, monsieur !
Elle remonte.
Tiens ! tiens !… mais elle est gentille cette petite… viens ici, petite… Comment t’appelles-tu ?
Toinon, monseigneur… (Bas à Hector.) Elle a pris mon nom, je prends le sien.
Toinon !… c’est tout à fait champêtre… ça sent les foins… (Lui prenant le menton.) Sais-tu bien, soubrette, que tu es agaçante !
Oh ! oh !… devant moi !
Tiens, voilà un louis pour t’acheter une croix d’or.
Merci, monseigneur…
Et un baiser par-dessus le marché…
Il l’embrasse.Oh ! oh !… (A Suzanne.) Sortez, effrontée, sortez !
Oui, monsieur… (A part, en sortant.) Il est jaloux… chacun son tour !…
Elle disparaît.
C’est étonnant comme il rudoie ses domestiques…
Voici déjà des invités de monsieur qui arrivent.
C’est bien, faites entrer.
Scène XIV
M. le comte et madame la comtesse de Beaucresson, M. et madame le Barrois, M. le vidame des Ablettes, M. le baron et madame la baronne de Verpillac…
Mesdames… messieurs…
Je ne vois pas la vieille comtesse de Montgriffon, me manquerait-elle de parole ?
Ma tante !… quel fâcheux contre-temps !
Enfin !… la voilà…
Mais ce n’est pas ma tante !
Chut !… c’est ma femme !
Venez donc, chère comtesse, je vous attendais avec une impatience…
Bonjour, marquis, bonjour ! (Le lorgnant.) Ah ! mon cher ! comme vous êtes changé ! quelle dégringolade !
Vous trouvez… moi je vous ai reconnue tout de suite ! (A part.) C’est une ruine !
Ah ! nous étions mieux que ça autrefois, dans notre jeune temps… mais que voulez-vous ! on ne peut pas être et avoir été, n’est-ce pas ?… ah ! mon existence a été bien remplie, je ne me plains pas.
- Je passe sur mon enfance,
- J’arrive à mes dix-sept ans ;
- Cette époque d’innocence
- Qu’on appelle le printemps !
- Innocente !… j’ose à peine
- Affirmer tant de vertu ;
- Ce bon monsieur Lafontaine
- Déjà !… chut !… je l’avais lu !
- Quand passait sous ma fenêtre
- Un jeune et bel officier,
- Je sentais dans tout mon être
- Un… je ne sais quoi vibrer !
- Le cœur chaud, la tête prompte,
- Quand vinrent mes dix-huit ans,
- J’épousai monsieur le comte…
- Vrai !… Je crois qu’il était temps !
- Puis l’été… de vingt à trente.
- Tout bas, je l’avoue ici… —
- Cette saison trop brûlante…
- Fut fatale à mon mari !
- A quarante ans c’est l’automne.
- Au dire des amoureux,
- C’est alors que l’arbre donne
- Ses fruits les plus savoureux.
- Mais, hélas ! l’hiver s’avance,
- Il neige sur mes cheveux ;
- Aux douceurs de l’existence
- Il faut faire mes adieux !
- A cette vie… un peu leste…
- J’ai renoncé… malgré moi
- Mais le souvenir m’en reste,
- Et c’est encore ça, ma foi !
Peste ! ce fut une gaillarde… (Haut.) Chère comtesse, je vous remercie d’être venue… (Regardant Hector.) Maintenant, je puis démasquer mes batteries…
Ses batteries… qu’est-ce qu’il manigance encore ?…
Je vous ai dit, Boispréau, que j’étais venu à Douai pour y arrêter madame Favart ; vous m’avez promis de m’y aider… Eh bien, la besogne sera facile, attendu que vous cachez madame Favart ici même !…
Moi !
Certainement, petit drôle…
Ah ! ne niez pas, débauché que vous êtes, je l’ai reconnue l’autre jour cette comédienne.
Comment !… et c’est elle-même.
Laissez-la faire… laissez-la faire.
Ah ! ah ! vous êtes confondu… je ne vous en veux pas… (A madame Favart.) Il ne vous reste plus qu’à me la montrer…
Je n’étais venue que pour ça, mais…
Mais quoi ?
C’est impossible !…
Comment, impossible !
Vous êtes arrivé trop tard, mon bon ami… la cage est vide… l’oiseau est envolé.
Envolé !
Madame Favart n’est plus ici depuis une heure…
Elle m’échapperait… mais le maréchal de Saxe va me révoquer… je suis destitué !…
Hein ?
Laissez-la faire… Laissez-la faire !
Vous savez… parlez, parlez vite…
Oh ! la la ! oh ! la la !… Doucement… vous êtes d’une vivacité… pour votre âge. (Tirant un papier de son sac.) Connaissez-vous son écriture ?…
Certainement… J’ai là des lettres d’elle.
Bien, alors… comparez-les avec ce billet qu’elle adressait à mon neveu et que je viens d’intercepter au passage… (A Hector.) Grondez-moi donc, vous…
Oui… (Haut.) Comment ma tante, vous avez osé…
Silence, Hector !
Silence, Hector !… (Comparant la lettre avec des papiers qu’il a tirés de sa poche.) Parfaitement… écriture identique… même signature.
Bon… lisez maintenant.
Nous la tenons, cette péronnelle… mais il ne faut pas perdre de temps…
Pas une minute…
Il faut partir pour Saint-Omer…
À l’instant même…
Vertu de ma vie ! si je n’avais pas mon asthme, j’irais avec vous… partez vite, marquis ! (Bas à Hector.) Grondez-moi donc…
Mais, ma tante…
Silence, Hector !…
Silence, Hector ! (A Favart.) Vite, vite, ma voiture.
Favart remonte au fond pour donner l’ordre.
Dès que vous la tiendrez, vous m’écrirez, n’est-ce pas ?…
Soyez tranquille… Au revoir et merci… (Aux officiers.) En route, messieurs, en route pour Saint-Omer !
Il sort vivement avec les officiers. — Les invités remontent pour le voir partir.Scène XV
Parti !
Enfin !
Eh bien, comment trouvez-vous que je m’en suis tirée ?
Superbe !…
Tu as été tout bonnement splendide…
Ah ! madame, je vous écoutais… et je vous admirais !
Je te ferai un rôle de vieille pour ta rentrée au théâtre…
Oui, mais en attendant, il faut fuir et gagner la frontière…
Tu as raison… la route est libre… partons !
Ils remontent tous les quatre.
Lui !…
Du sang-froid !
Scène XVI
- La fureur le transporte,
- Que va-t-il se passer ?…
- Et qui vient de la sorte,
- Ainsi le courroucer ?
La musique continue en sourdine.
Que signifie, cher marquis ?…
Cela signifie que l’on voulait me bafouer.
Comment ?
Heureusement que la première personne que j’ai rencontrée en sortant d’ici, c’est la vraie comtesse de Montgriffon qui arrivait dans son carrosse.
Aïe !
Très-scénique !… mais bien fâcheux !
Ai-je besoin d’ajouter que l’autre… celle qu’on m’a servie tout à l’heure, c’était madame Favart elle-même.
Je suis prise !
Oui, madame Favart ! que je tiens enfin, et que je vais conduire au camp de Fontenoy… Ordre du maréchal de Saxe !
Du maréchal !… un instant ! je ne la quitte pas !… vous nous arrêterez ensemble !
Qui donc êtes-vous ?
Je suis Favart !
Favart !… le mari et la femme !… je les tiens tous les deux… quel coup de filet !…
PONTSABLÉ.
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MADAME FAVART.
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FAVART.
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SUZANNE et HECTOR.
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- Tous deux il les attrape,
- Il les pince, les happe ;
- C’est avoir du bonheur !
- La bizarre aventure !
- Cette double capture
- PONTSABLÉ. Lui fera grand honneur.
Et maintenant agissons vite… Madame, vous avez un talent exquis…
Il s’avance vers Suzanne.
Moi !…
Que dit-il ?
Oh ! ne niez pas, je sais tout… La vieille comtesse vient de me dire que je trouverais madame Favart, ici sous les habits d’une servante… nommée Toinon… ainsi…
Mais je suis…
Tais-toi !… la Bastille !
Eh bien, vous êtes ?… vous êtes ?…
- Pour mentir il est trop tard,
- Oui, je suis madame Favart !
- Quelle victoire que la mienne !
- Je suis sauvée !
- Et moi, mordienne !
- Je suis un maître sot
- D’avoir parlé trop tôt.
- HECTOR, bas à sa femme, parlé. Laisse-le faire et compte sur moi.
Sois tranquille, je te rejoindrai.
- Et maintenant
- Prenons la chose gaîment,
- Partons sur-le-champ
- Partons pour le camp !
- Avec mon père, souvent
- J’ai visité plus d’un camp ;
- Je vous garantis, vraiment,
- Que c’est un endroit charmant !
- Après la guerre,
- Le militaire
- Aime à s’offrir
- Quelque plaisir ;
- Là, sous la tente,
- On rit, on chante,
- Rien de plus beau
- Que ce tableau !
- La vivandière
- Verse à plein verre
- Maintes liqueurs
- A nos vainqueurs.
- Puis la trompette,
- Tout à coup jette
- Dans tous les rangs
- Ses sons bruyants.
- La foule immense
- Soudain s’élance,
- Et le tambour
- Roule à son tour !
- Tambour et trompette
- Rapatataplan !
- La fête est complète ;
- Rien n’est brillant
- FAVART.
Comme le camp !
- Et puis au commandement,
- Ra ta plan !
- Chacun s’élance gaîment,
- Ra ta plan !
- C’est un bruit étourdissant,
- Ra ta plan !
- Un coup d’œil éblouissant
- Ra ta plan !
- Tambour et trompette
- La fête est complète,
- Rien n’est charmant
- Comme le camp !
- Rantanplan !
- Rantanplan !
Partons, partons sur-le-champ. Partez, partez
- Rantanplan !
Partons, partons pour le camp ! Partez, partez
- Rantanplan !
Le rideau baisse.