Mademoiselle de la Ralphie/05

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F. Rieder et Cie (p. 83-104).



V


L’expédient de Mme  Boyssier n’eut pas tout le succès qu’elle en attendait. Sans doute, elle avait communié ; mais, pourquoi avait-elle quitté l’abbé Turnac ? Telle était la question que se posaient les bonnes commères de Fontagnac. L’abbé, vexé de cette espèce d’infidélité d’une pénitente bourgeoise, ne perdait pas une occasion d’en manifester hypocritement son étonnement. Son caractère de prêtre et la charité chrétienne lui interdisaient d’en rechercher les motifs ; mais il se pouvait que tous les fidèles n’eussent pas la même retenue. Et, en effet, les langues dévotes et autres s’agitaient fort dans la ville. Mme  Laugerie, qui était un peu « braque », comme disait Mme  Decoureau, ne manquait pas, selon l’occurrence, de faire des allusions transparentes à ce mince événement de confessionnal : en petit comité, elle s’exprimait même très carrément là-dessus. Les autres dames l’imitaient, avec plus de réserve, cependant, en sorte que dans les visites de premier de l’an que se rendaient ces dames, la conversation roulait à peu près exclusivement sur les amours de Mme  Boyssier avec le clerc. « Où en est-elle avec ce garçon ? » disaient quelques-unes ; et les actes les plus indifférents étaient disséqués avec une patience d’entomologiste, et les commentaires abondaient sur la plus petite circonstance. Les plus indulgentes croyaient à une passion violente, pleine de péchés d’intentions, mais non pas à l’adultère : Mme  Boyssier était trop pieuse, trop calme pour avoir poussé jusque-là l’oubli de ses devoirs, disaient quelques-unes, avec le secret désir d’être contredites.

Mais la femme du capitaine, qui avait toujours fait l’amour à la hussarde, rejetait bien loin tous ces doutes.

— Voyez-vous, Mesdames, pour les femmes, comme pour les hommes, il y a un temps pour le plaisir : jeunes ou vieilles, il faut que ce temps arrive !

Cette théorie, renouvelée de Rousseau, faisait exclamer ces dames. Toutes, individuellement, protestaient d’un air pincé contre la généralité de l’aphorisme. « Certes, il y avait des personnes délicates de sentiments qui répugnaient aux vilenies de la chair ; des femmes vertueuses qui n’avaient rien à se reprocher… »

— Bah ! ripostait Mme  Laugerie avec une franchise soldatesque due au milieu où elle avait vécu, les très laides seules ont quelques chances de rester vertueuses et elles n’y réussissent pas toujours. Quant aux sentiments, c’est très beau, mais on finit toujours par en venir au fait ! Mme  Boyssier n’a eu guère d’agrément avec son mari pendant une vingtaine d’années ; elle prend sa revanche maintenant et rattrape le temps perdu : c’était forcé. Moi, je la trouve bien heureuse d’avoir mis la main sur un beau garçon comme celui-là, et, pour dire la vérité, dans sa position, nous ferions comme elle.

Les prudes se pinçaient les lèvres ou se récriaient mais, quelques-unes, plus franches, éclataient de rire :

— Oh ! cette Mme  Laugerie !

Pendant que les dames de Fontagnac épiloguaient sur son cas, Mme  Boyssier, dans la droiture de son cœur, s’efforçait de tenir loyalement la promesse qu’elle avait faite à l’archiprêtre de chasser ses coupables désirs. Elle tâchait, de bonne foi, d’innocenter sa pensée tournée vers Damase et fuyait toutes les occasions d’être près de lui et même de le voir. À table, il lui fallait bien s’asseoir à côté du jeune homme, lui parler, le regarder ; mais elle observait en ceci une grande réserve, et, hors de là, l’évitait avec soin, et m’allait plus, comme auparavant, dix fois le jour à l’étude, sous un prétexte quelconque. Le soir, elle s’enfermait héroïquement dans sa chambre, comme pour s’interdire, par cet acte matériel, la pensée et la possibilité de recommencer une de ces ascensions nocturnes dont le souvenir la troublait. Elle contenait sévèrement la passion qui la dévorait, sentant bien qu’à la moindre imprudence elle était perdue.

Pendant quelque temps, Damase ne fut pas étonné de cette attitude ; il comprenait cette bonne foi de la femme pieuse et croyante qui s’efforçait de tenir sa parole et de justifier l’absolution qu’elle avait reçue : il l’en eût estimée moins de revenir à lui au lendemain de ses dévotions. Mais il était jeune, et sa liaison avec Mme  Boyssier avait eu trop de charmes pour qu’il acceptât indéfiniment cette nouvelle situation. Le souvenir de l’amour qu’elle lui avait si tendrement témoigné, des plaisirs qu’il lui devait et de ceux qu’il lui avait donnés, lui faisaient désirer ardemment le retour des nuits heureuses des premiers temps. De ce désir résulta un changement dans sa manière d’être avec elle. Au commencement, elle avait fait toutes les avances, elle s’était offerte, presque imposée, et, maintenant, c’était lui qui la recherchait, qui lui témoignait, par ses paroles, par ses regards, que sa pensée était occupée d’elle ; c’était lui qui s’efforçait de renouer cette intimité délicieuse dont le souvenir le poursuivait. Maintenant, l’amour de Mme  Boyssier lui était devenu nécessaire. Il s’était habitué à ces douces caresses, à ces tendres effusions de cœur d’une maîtresse qui l’idolâtrait. Pour y renoncer, il lui eût fallu une hauteur de vertu rare dans un tout jeune homme encore enivré des joies débordantes d’une première liaison. La pauvre femme n’avait pas songé à cette interversion de rôles ; elle n’avait envisagé que la possibilité, bien incertaine, hélas ! de résister aux entraînements de son propre cœur ; mais comment se refuser aux ardentes prières, aux supplications de celui qu’elle aimait passionnément et qui lui demandait le bonheur ?

— Va ! lui dit-elle en l’étreignant, les larmes aux yeux, la première nuit qu’il vint la trouver dans sa chambre, sois heureux et que je sois damnée !

Malgré la bonne contenance de Mme  Boyssier en toute occasion, bientôt, dans la petite ville, grâce aux insinuations fielleuses de l’abbé Turnac et aux bavardages des dames « de la société », comme on disait alors, personne ne douta plus de sa liaison avec Damase. Ce fut pour tout le monde une chose acquise, certaine, démontrée, comme si elle avait été attestée par des témoins dignes de foi. De la ville, cette certitude pénétra au couvent et ce fut encore Liette qui l’y apporta.

Mlle  de La Ralphie et la petite Beaufranc avaient acquis sur ce sujet de l’amour quelques connaissances encore un peu superficielles, peut-être, mais pourtant assez précises sur certains points essentiels pour comprendre toute la portée de la nouvelle. L’indiscrétion de personnes comme Mme  Laugerie, des conversations surprises, les confidences de jeunes filles plus âgées, les leçons de choses qui courent les rues, et, par-dessus tout, cet invincible penchant qui porte la jeunesse à scruter la nature des relations entre les sexes et lui fait quelquefois découvrir, par intuition, les mystères de l’amour ; tout cela avait donné aux deux amies quelques rudiments de la science du bien et du mal.

Aussi, lorsque Valérie apprit de Liette ce qui faisait l’objet des conversations de la ville, elle en conçut une violente colère que, par orgueil, elle dissimula sous un mépris affecté. Ce n’était plus une jalousie vague qu’elle ressentait à l’endroit de Mme  Boyssier, mais une haine féroce. Elle s’indignait et s’irritait que « cette vieille », comme elle disait, eût osé s’approprier un être qu’elle considérait comme sien. C’était un outrage sanglant que d’avoir détourné d’elle, de lui avoir volé ce garçon dont elle disposait orgueilleusement comme de sa chose, en vertu du servage tacite qu’il lui avait voué. Ses sentiments, à l’égard de Damase, étaient moins violents. En de certains moments, pleins de ressouvenirs, elle soupçonnait que, malgré tout, il ne l’avait pas oubliée ; aussi elle l’excusait presque d’avoir, selon toutes les apparences, cédé aux sollicitations de sa patronne. Dans son esprit, plein de préjugés d’un autre temps, la situation de subordination de Damase dans la maison du notaire l’obligeait presque, lui semblait-il, à se prêter au caprice de Mme  Boyssier. Lorsque la nuit, ramassant ses pensées, elle se représentait les deux amants au milieu des plaisirs que sa nature sensuelle lui faisait pressentir, elle était prise d’une sourde rage qui lui faisait enfouir sa tête brûlante dans son oreiller. Non pas que son esprit altier consentît à être pour Damase ce qu’était Mme  Bovyssier ; non, elle eût cru déchoir en ceci ; mais, physiquement, elle se sentait attirée vers lui, elle le désirait : il y avait comme une lutte entre ses préjugés et ses sens. Ses rêveries amoureuses ne revêtaient pas ces formes tendres et vagues par lesquelles débutent le plus souvent les jeunes filles ; c’était quelque chose de concret, d’impérieux comme la passion du maître pour l’esclave préférée. Aussi, sa fureur contre la femme du notaire qui lui avait pris ce jeune homme tout à sa dévotion s’augmentait-elle de l’impuissance où elle était de se venger. Trop fière pour recourir à ces basses perfidies familières aux âmes vulgaires, elle se réduisait à souhaiter qu’un événement quelconque vint rompre cette liaison et faire cesser cette mainmise d’une femme, sa rivale, sur un être sien. Ses souhaits se réalisèrent bientôt d’une manière inattendue.

Le vieux Latheulade, surnommé Caïus Gracchus, à l’époque où il présidait le Comité révolutionnaire de Fontagnac, et qu’on appelait encore Caïus, s’était pris d’affection pour Damase dès son entrée dans la maison du notaire. La complaisance du jeune garçon pour sa vieille servante boiteuse avait été la première occasion de ses sentiments bienveillants. Un jour comme la Françon revenait péniblement de la fontaine, Damase avait pris sa cruche et l’avait portée jusqu’à l’évier. Depuis, lorsqu’il passait devant la maison de Latheulade en allant à la Font-des-Moines, il demandait toujours à la bonne femme :

— Avez-vous besoin d’eau, Françon ?

Ces attentions de Damase avaient touché le vieux révolutionnaire qui gardait avec tous, sauf avec l’archiprêtre, son ancien collègue de la Société Populaire, une réserve farouche, d’ailleurs justifiée par la haine aveugle que lui avaient vouée les nobles, les bourgeois et les dévots. Peu à peu, le jeune garçon s’était familiarisé dans la maison, encouragé par la franche bienveillance du vieillard qui lui prêtait des livres et lui parlait de la grande Révolution. Un matin, Damase entra, comme le vieux jacobin déjeunait dans la cuisine, aux poutres noircies par la fumée qui s’échappait de la vaste cheminée quand soufflait le vent d’ouest. Au bout de la table massive était étendue une « touaille » grossière sur laquelle fumaient des châtaignes blanchies à la mode du Périgord, et, de chaque côté, étaient attablés le vieux Caïus et la Françon.

— Te voilà, mon drôle, en veux-tu ?

Et Damase, sans façon, s’asseyant à côté du vieillard, s’était mis à manger de ces belles châtaignes couleur d’or pâle, en buvant, comme c’est la coutume, de larges rasades de piquette.

Depuis lors, le jeune garçon fréquentait familièrement la maison du bonhomme, qui, en toute occasion, l’entretenait de l’épopée révolutionnaire, lui inculquait ces fortes maximes d’indépendance, d’égalité, de désintéressement, de frugalité, de dévouement à la Patrie qui avaient été en honneur au temps de sa jeunesse ; maximes qui contrastaient étrangement avec les mœurs avachies, les sentiments et les aspirations de la bonne société de Fontagnac, royaliste ou juste-milieu, mais toujours dévote, sensuelle et mesquinement éprise d’intérêts matériels. La flamme qui s’allumait dans les yeux du vieux jacobin, en racontant les grandes journées de la Révolution, émouvait Damase, et ces récits le transportaient en ces temps héroïques où des va-nu-pieds, exaltés par la Marseillaise, faisaient reculer les despotes étrangers et les émigrés. Le soir, au temps des veillées, le vieux Caïus s’oubliait longuement à raconter ses souvenirs, et le jeune garçon s’en allait la tête pleine de rêves de ces époques épiques et des visions des hommes de la Révolution, reniés par la bourgeoisie vaniteuse et oublieuse d’aujourd’hui.

Ce rude vieillard était la bête noire des nobles, des prêtres, des bourgeois et de toute cette population d’artisans et de journaliers qui formait leur clientèle. Les nobles haïssaient en lui l’ancien membre du Comité révolutionnaire, le promoteur d’une adresse à la Convention, lors du jugement de Louis XVI ; les prêtres abhorraient l’ancien président de la Société populaire qui avait reçu l’abjuration des curés et des moines d’alentour ; le jacobin qui avait intronisé la déesse Raison dans l’église paroissiale enlevée au culte catholique. Les bourgeois détestaient le ferme républicain qui, plus de quarante ans après, gardait sa foi civique, et dont l’attitude et les paroles leur reprochaient leur apostasie ; enfin, le peuple, ignorant et abusé par les prêtres et la gent dévote, n’était pas loin de voir un suppôt de Satan dans ce vieillard que ses pères avaient acclamé.

Lorsque, le soir, on le voyait revenir des champs avec la vieille Françon, lui, droit et vert, la pioche sur l’épaule ou un fagot de bois, elle, clopinant, son panier au bras où étaient quelques pommes de terre ou des raves pour le souper, les âmes pieuses les regardaient passer avec des regards haineux, pleins d’une sainte horreur, et, quelquefois, des bonnes femmes à l’esprit affaibli se signaient sur son passage. Lui, prenait tout ce monde en pitié, et, à l’occasion, ne ménageait pas les coups de boutoir à ses agresseurs :

— Le plus clair de ta fortune vient des biens nationaux acquis par ton père ! dit-il une fois à M. Decoureau qui déplorait devant lui les malheurs de la Révolution.

Et, un jour, comme M. de Brossac lui faisait un grief de la démolition de l’ancien château des comtes de Fontagnac, il lui avait répondu, en le tutoyant comme M. Decoureau, car il gardait avec tous cette habitude révolutionnaire :

— C’est que, vois-tu, je me suis rappelé tous les crimes, les vols, les pillages et les assassinats des anciens seigneurs de Fontagnac ; que je me suis souvenu des vingt-neuf paysans que Geoffroy VI, cet affreux brigand, fit étouffer avec du soufre dans la Croze des Andrieux. »

Ce qui exaspérait surtout les dévots et particulièrement les prêtres, c’était le mépris dans lequel il tenait tout ce qu’il appelait les « mômeries des calotins » ; c’était la haine qu’il portait à l’esprit dominateur et tyrannique du clergé ; haine qui lui faisait dire parfois à Damase :

— Vois-tu, mon garçon, tant qu’il y aura un prêtre, l’humanité ne sera pas libre !

Le vicaire Turnac, un prêtre habitué appelé Dutour et un ancien jésuite qui résidait dans la paroisse, on ne savait trop pourquoi, rageaient à froid en voyant ce grand vieux rester ferme et debout dans sa foi philosophique, et, à peu près seul, dans la ville, avec sa servante, échapper à leur influence. Des intrigues s’étaient nouées pour l’amener à résipiscence, ou plutôt pour le convertir, selon le langage dévot. L’archiprêtre, sondé à cet égard, avait eu un sourire quelque peu méprisant en répondant à son vicaire :

— Caïus est de la forte race de Quatre-Vingt-Treize, vous ne l’aurez pas !

Nous l’aurons mort, sinon vivant ! dit le jésuite à l’abbé Turnac, qui lui rapportait cette réponse.

Vers le temps où Mme  Boyssier allait se confesser à l’archiprêtre, la vieille Françon tomba malade. Pendant quelques jours, le bonhomme Caïus fit la soupe et soigna sa servante ; mais obligé de s’absenter assez souvent pour aller aux champs ou à sa vigne, il sentit la nécessité d’avoir une femme pour le remplacer. Précisément, une voisine avait, à diverses reprises, rendu à la Françon de ces petits soins auxquels les hommes sont inhabiles et elle s’offrait. Cette femme, venue tout exprès à Fontagnac, appelée secrètement par l’abbé Turnac à l’instigation de l’ex-jésuite, se disait veuve, mais, en réalité, c’était une vieille fille, ancienne gouvernante d’un curé, qui vivait seule d’une pension viagère que lui avait faite son défunt maître. Le bonhomme Latheulade se défiait des femmes, en général, mais, comme la Bernotte s’exprimait assez librement sur le compte des prêtres et qu’elle n’allait pas à la messe, ce qui l’avait fait soupçonner d’être higounaoudo, ou huguenote, par les vieilles dévotes, sa défiance naturelle s’endormit, la nécessité aidant.

La Françon traîna encore six mois, pendant lesquels la Bernotte acheva de se rendre nécessaire et gagna la confiance du méchant jacobin par le zèle avec lequel elle avait repoussé les tentatives de l’abbé Turnac qui feignait une grande ardeur pour la conversion de la vieille servante, aussi incrédule que son maître. Lorsque le cercueil de la défunte, suivi seulement de Caïus et de la Bernotte, fut déposé dans un coin maudit du cimetière, plein de ronces et d’orties, le vieillard, complètement abusé par la comédie concertée avec Turnac, dit à l’autre :

— À cette heure, tu vas demeurer à la maison, n’est-ce pas, Bernotte ?

Quelques mois après l’installation de celle-ci chez lui, le vieux Caïus eut une attaque de paralysie qui présageait sa fin : c’était « un mauvais coup de cloche », comme on dit dans le pays. La nouvelle s’étant sue rapidement, l’abbé Turnac profita d’une absence de la Bernotte, commandée par lui, pour s’introduire dans la maison. En le voyant entrer avec une effronterie hypocrite, l’ancien président du Comité révolutionnaire fut pris d’une violente colère, et, de son bras valide, saisit dans la ruelle du lit un bâton pour écarter l’abbé. Le voyant encore en état de résister, celui-ci s’esquiva.

Le vieillard se remit un peu après cette secousse et put se lever, mais il ne quitta plus le coin du foyer. Puis, survint une seconde attaque qui le cloua dans le lit, à peu près inerte, et n’ayant guère conservé que l’usage de la parole et toute sa tête. Quoiqu’il n’eût pas de soupçon sur le rôle odieux qu’elle jouait près de lui, sa confiance en la Bernotte était un peu ébranlée par quelques circonstances qui lui faisaient craindre qu’elle ne se laissât corrompre par les prêtres lorsque la maladie l’aurait rendu incapable de se défendre de leurs entreprises. Aussi, souvent, lorsque venait Damase, il lui disait :

— Lorsque tu me verras tirer à ma fin, ne me quitte plus, parce que, lorsqu’ils me sentiront mourant, les calotins reviendront encore, comme les grolles : ne les laisse pas approcher !

L’abbé Turnac revint, en effet, mais Damase, se trouvant là, se planta sur le seuil de la porte et lui refusa le passage malgré son insistance et ses adjurations cagotes. Mais, comme le vieillard s’affaiblissait chaque jour et que les nouvelles que lui faisait passer secrètement la Bernotte, annonçaient sa fin prochaine, l’abbé, de concert avec l’ex-jésuite, alla trouver M. Boyssier et eut avec lui un entretien d’où sortit une machination infâme. Deux jours après, le paralytique étant au plus bas, Damase, qui était près de lui, fut mandé par son patron et dut s’apprêter à l’accompagner pour aller recevoir un testament. Avant de partir, le clerc revint chez Caïus et recommanda fortement à la Bernotte de ne laisser pénétrer aucun prêtre près du malade. Sur les assurances formelles qu’elle lui donna, il partit avec M. Boyssier.

Le tape-cul du notaire ne fut pas à une demi-lieue de la ville, que l’abbé Turnac sortit du presbytère, se rendit à l’église et sonna un glas funèbre. À ce signal annoncé d’avance, les sœurs de l’hospice et toutes les bigotes de Fontagnac accoururent. Lorsqu’une centaine de personnes, où les femmes étaient en grande majorité, furent réunies dans l’église, l’abbé Turnac, debout, sur les marches de l’autel, dit hypocritement :

— Mes très chers frères, Dieu a enfin exaucé nos ardentes prières. Je viens d’être averti que Latheulade demande les secours de la religion. Nous allons lui porter l’extrême-onction, car je ne pense pas qu’il soit en état de recevoir le saint viatique. Je conjure chacun de vous d’unir ses prières aux nôtres, afin que Dieu fasse miséricorde à ce grand pécheur !

Puis, ayant revêtu un surplis, accompagné de l’abbé Dutour, du jésuite, et suivi des fidèles auxquels se joignirent quelques curieux, l’abbé Turnac s’achemina processionnellement vers la maison de Caïus.

— Il vous attend pour se confesser, vint lui dire effrontément la Bernotte, sur le seuil.

Lorsque le vicaire entra seul dans la chambre du malade, celui-ci agita désespérément une main qui lui restait libre et s’efforça, mais en vain, de se soulever sur son lit :

— Va-t’en ! lui cria-t-il. Bernotte, fais-le sortir et va quérir Damase !

Mais l’abbé Turnac ne bougeait pas, et la servante complice ne venait point. Fatigué par cet effort et suffoquant de colère, le malade soufflait bruyamment.

— Mon fils, dit le vicaire, la miséricorde de Dieu est infinie ; il n’a pas voulu que son plus grand ennemi, en cette ville, mourût sans se réconcilier avec lui. Au moment où vous allez comparaître à son tribunal, il vous envoie le plus humble de ses prêtres pour recevoir votre confession…

— Je n’ai pas besoin de toi ! sale hypocrite ! Sors d’ici !

Mais l’abbé poursuivit imperturbablement :

— Rappelez-vous donc vos fautes et vos impiétés, hélas ! trop nombreuses ! Souvenez-vous de tous vos péchés contre la religion et déposez-les dans mon sein…

— Fous-moi le camp ! méchant calotin ! Damase ! Damase !

Et sa main s’agitait convulsivement sur la couverture comme la main « de gloire » des sorciers.

— Mon fils, si vous n’êtes pas en état de faire une confession générale, avouez en masse toutes les profanations, tous les sacrilèges, tous les blasphèmes, tous les crimes dont, surtout à l’époque de l’odieuse Révolution, vous vous êtes rendu coupable envers Dieu et envers ses ministres :

— Ah ! gémit le vieillard, nous les avons trop épargnés !

Et, par quelque réminiscence des vers de Diderot, il ajouta, d’une voix faiblissante encore :

— Eussé-je vu étrangler le dernier prêtre avec les boyaux de Capet !

— Vous vous repentez, mon fils, vous détestez vos erreurs et vous maudissez vos crimes ; Dieu en soit loué ! faites votre acte de contrition, afin que Dieu très miséricordieux vous absolve comme je le fais !

Et l’abbé triomphant, railleur, le sourire de la haine sur les lèvres, leva la main au-dessus de la tête du mourant et, les yeux fichés sur les siens, prononça la formule sacramentelle de l’absolution, tandis que celui-ci, épuisé par cette lutte, appelait, d’une voix sourde, à son secours : « Damase ! Damase ! » et que sa main, comme un tronçon de serpent coupé, se tordait sur le lit.

— Maintenant, mon fils, continua Turnac, admirez la bonté de Dieu qui a permis qu’un grand pécheur comme vous fût lavé dans les eaux de la pénitence avant de paraître devant lui ! Et admirez aussi la profondeur de ses desseins ! Il a voulu que cette paroisse, que vous avez tant contristée par vos crimes et vos sacrilèges, fût consolée par votre foi chrétienne. Il a voulu que les fidèles que vous avez tant scandalisés par vos impiétés et vos blasphèmes, fussent témoins de votre repentir et de votre réconciliation avec lui ! Ils sont là, en grand nombre, devant votre maison, priant pour vous, mon cher fils ; ils vont entrer, lorsque nous allons vous administrer le dernier sacrement, et ils seront édifiés par votre humble soumission à notre sainte mère l’Église et par l’abjuration solennelle que vous avez faite de vos abominables erreurs en demandant à mourir dans son sein !

Le vicaire savait où il frappait. À la pensée de cette apostasie menteuse et forcée des sentiments de toute sa vie, le vieux révolutionnaire poussa un rugissement étouffé, puis il ferma les yeux, et, la bouche ouverte, le rommeau de la mort dans la gorge, resta anéanti, tandis que sa main, dont se retirait la vie, s’agitait dans les dernières convulsions.

Turnac, vainqueur, le contempla un instant, radieux, satisfait, puis il alla ouvrir la porte et la foule des dévotes entra à la suite du jésuite, des sœurs et de l’abbé Dutour, qui portait l’huile des infirmes. Toutes ces femmes s’agenouillèrent dans la vaste chambre, et, pour la plupart, un chapelet à la main, se mirent à prier. De temps en temps, elles jetaient un regard furtif sur le grand lit à quenouilles où gisait le vieux Caïus et sur le modeste mobilier, composé de quelques chaises grossières, d’une petite table au chevet du lit, d’un coffre et d’une vieille « lingère » aux ferrures rouillées. On voyait, dans l’attitude de ce troupeau crédule, docile aux ordres des prêtres, un certain étonnement, et, même chez les plus simples, quelque frayeur de se trouver dans cette maison maudite qu’un missionnaire, dans un élan d’éloquence, avait appelée : « Arche de Satan : Arca Satanæ ! »

Lorsque tout ce monde fut tassé dans la chambre et dans la cuisine dont la porte de communication était restée ouverte, au milieu du léger murmure des versets du rosaire sur les lèvres des femmes, la funèbre cérémonie commença.

Turnac prit un peu d’huile dans le récipient que lui tendait l’abbé Dutour, et, avec le pouce, oignit les yeux fermés du vieux jacobin qui poussa un sourd gémissement.

Per istam unctionem et suam piissimam misericordiam, indulgeat tibi Dominus quidquid peccati per visum…

Et il continua ainsi sur les oreilles, les narines, la bouche et les mains. Lorsqu’il souleva la couverture pour oindre les pieds, une sensation de froid saisit le moribond qui entr’ouvrit les yeux un instant, et, inconscient, murmura en patois :

Mas que me vol a quel home ?

Puis il retomba dans un accablement comateux.

Ayant terminé, le vicaire s’agenouilla devant le lit et commença la prière des agonisants, suivie par tous les assistants. Lorsqu’elle fut achevée, il se retira et tout le monde avec lui, sauf une sœur du couvent, qui resta pour garder le mourant et s’assit au pied du lit, son chapelet dans les mains et ses mains dans ses larges manches.

Une demi-heure après, n’entendant plus la respiration du vieux Caïus, la sœur se leva et vit qu’il était mort. Aussitôt, elle mit un napperon sur la petite table, alluma un cierge et disposa, dans une assiette creuse, de l’eau bénite avec un brin de buis des Rameaux. Ensuite, aidée de la Bernotte, elle arrangea le mort sur son lit, lui croisa les bras sur la poitrine, et dans ses mains plaça un grand crucifix de cuivre. Tout cela avait été préparé d’avance et fut fait rapidement, en sorte que les premiers visiteurs informés du décès trouvèrent dressé cet appareil religieux. Les gens entraient, faisaient un signe de croix, jetaient quelques gouttes d’eau sur le corps et s’en retournaient étonnés, pour la plupart, de cette soudaine conversion. Quelques rares hommes d’âge, seulement, osèrent exprimer leur surprise, mais sans s’expliquer sur les moyens dont Dieu s’était servi, tant était grande la crainte des prêtres et des gens bien pensants dans cette ville où ils régnaient en maîtres.

Une heure après la mort de Latheulade, le juge de paix, prévenu, vint avec son greffier. Après avoir laissé prendre à la religieuse le linge nécessaire, il apposa les scellés sur la « lingère », où la Bernotte avait déjà farfouillé, puis sur le coffre et sur le tiroir de la petite table, et, ayant fait, se retira.

Il était six heures du soir lorsque Damase, très inquiet, revint avec son patron. Le prétendu testateur avait déclaré qu’il n’en était pas encore là, Dieu merci, d’où des explications assez embrouillées avec le fils, qui convint bien avoir parlé au notaire de certains arrangements de famille, mais comme consultation et sans rien arrêter. Damase remarqua que son patron ne contredisait pas ouvertement cette assertion : sans doute, il avait mal compris, mais il n’y avait pas grand inconvénient à ça ; parler de testament n’est pas mortel ; ce n’était qu’une après-midi de perdue : bref, il s’efforçait, comme on dit, de « rompre les chiens ». Pour un homme qui n’aimait pas à se déranger inutilement, cette attitude était singulière, et le clerc en conçut des soupçons qui s’aggravèrent lorsqu’il vit M. Boyssier accepter de faire collation, contre sa coutume, et consumer à table deux bonnes heures.

Tout le long de la route, Damase resta silencieux, songeant avec anxiété au vieux Caïus et sentant monter en lui une violente colère à la pensée que peut-être son patron s’était fait le complice des prêtres et l’avait joué.

Lorsqu’il entra dans la maison mortuaire, la Bernotte, qui était en train d’écailler du poisson, aidée de la sœur, car c’était un vendredi, vint à lui hypocritement :

— Notre pauvre monsieur est mort !

Damase la regarda durement, ce qui lui fit baisser les yeux, et, sans répondre, entra dans la chambre du défunt. En voyant le cierge allumé et tout cet appareil religieux, il comprit ce qui s’était passé :

— Pauvre vieux ! dit-il en posant la main sur le front déjà froid du mort, ils n’ont pas voulu te laisser mourir tranquille, les misérables ! Mais dors en paix, je ne les laisserai pas te déshonorer !

Et, passant devant la sœur interloquée, qui avait repris son poste, il alla vers la lingère pour prendre, dans un tiroir intérieur, le testament que Caïus, par une sorte de pressentiment, lui avait dit contenir une clause expresse au sujet de ses funérailles ; mais il s’arrêta devant les scellés :

— Les gredins ! ils ont pensé à tout.

Et, sortant de la maison, fou de colère, il s’en fut chez son patron.

Celui-ci était dans l’étude, attendant qu’on l’appelât pour le souper, lorsque Damase entra, les yeux enflammés, les narines gonflées, les poings crispés.

À l’attitude de M. Boyssier, il fut aussitôt convaincu de sa complicité.

— Savez-vous, lui dit-il, que vous êtes une fière canaille !

— Que dis-tu, polisson ? fit le notaire en sursautant.

— Je dis, reprit-il en s’avançant menaçant vers son patron, que vous vous êtes fait le complice des prêtres ; je dis que c’est vil, que c’est lâche et que vous êtes le dernier des hommes !

Blême de fureur, mais effrayé de la contenance de Damase, M. Boyssier reculait vers la porte de l’étude en criant :

— Sors ! mauvais drôle ! Je te chasse !

— Il n’est pas besoin de me chasser ! Croyez-vous que je vivrais une heure de plus sous votre toit ? Il me faudrait pour cela être aussi misérable que vous… Ne tremblez pas ainsi, je ne vous toucherai pas et je vais sortir de votre maison pour n’y plus rentrer.

Au bruit de l’altercation, Mme  Bovyssier et la servante étaient accourues.

— Qu’y a-t-il donc, Damase ?

— Madame, dit-il, la voix haletante d’émotion, le vieux Caïus, guetté depuis longtemps par les prêtres, m’avait chargé de le défendre d’eux, et j’avais une fois, déjà, empêché le vicaire d’arriver jusqu’à lui. Aujourd’hui, je l’ai laissé mourir, tourmenté par ce Turnac et les autres. Ils se sont moqués de ses refus, ils se sont réjouis de son agonie impuissante, ils ont avancé son dernier moment et l’ont fait mourir désespéré, parce que M. Boyssier, de connivence avec ces gueux, m’a emmené au loin, sous un prétexte menteur…

Mme  Boyssier jeta sur son mari un regard singulier et Damase poursuivit :

— Adieu, Madame ! Soyez bénie pour toutes vos bontés ! Je me souviendrai, jusqu’au dernier jour de ma vie, que vous avez eu pitié d’un pauvre enfant abandonné !…

Et, l’attendrissement le gagnant en songeant au passé, en voyant la douleur de Mme  Boyssier, il prit son chapeau, jeté sur une table, et partit.

Le surlendemain, le clergé local constata bruyamment sa victoire en donnant toute la solennité possible à l’enterrement du vieux Caïus. Les curés du voisinage, invités par l’abbé Turnac, vinrent prendre part à la joie de leurs confrères qui avaient arraché cette âme à Satan, et aussi au copieux déjeuner qui suivit la cérémonie. Ce fut un service de première lasse, ou plutôt hors classe. Tout ce qui, de près ou de loin, touchait à l’église, les bonnes sœurs, les membres de l’archiconfrérie de Sainte-Philomène, les dames de Miséricorde, les confréries du Saint-Rosaire, tout ce monde était présent. Il y avait « la croix et la bannière » comme on dit, car la confrérie des Pénitents était là au grand complet, avec sa croix de bois et sa bannière grossièrement peinte. Et ce n’était pas un spectacle ordinaire que celui de ces hommes revêtus d’une longue chemise blanche, ceinturés d’une corde et masqués d’une cagoule percée de deux trous pour les yeux, qui semblaient des revenants du moyen âge. Ils marchaient sur deux rangs, un cierge à la main, et les gamins de Fontagnac se poussaient pour les voir et disaient :

— C’est Thôny, de chez Labarthe ! Non ! c’est Jullian, le bourrelier !

La levée du corps se fit au milieu d’une foule considérable, et le cortège se dirigea vers l’église, décorée de tentures noires et d’un superbe catafalque. L’abbé Turnac, revêtu du plus riche ornement de deuil de la paroisse, officia avec une gravité composée, les yeux baissés pour ne pas laisser voir sa joie. Il semblait que tous ces prêtres voulussent savourer leur triomphe, car les chants funèbres se déroulaient avec une majestueuse lenteur, accompagnés de l’ophicléide et du serpent des grands jours. Mais, tout a une fin, et, après les aspersions et les encensements rituels, l’immense convoi se dirigea vers le cimetière. Sur le bord de la fosse, Turnac récita les dernières prières, puis, saisissant le goupillon que lui tendait le marguillier, il lança quelques gouttes d’eau sur le cercueil, d’un mouvement sec et satisfait qui disait clairement :

« Maintenant, mon bonhomme, tu y es ! »

Pendant ce temps, Damase errait dans la campagne, poursuivi par le bruit des cloches qui sonnaient à toute volée.

Il n’est point besoin de dire que la conversion subite et la mort édifiante du vieux Caïus servirent de thème au sermon du dimanche suivant. Turnac sut trouver des accents convaincus pour peindre la ferveur avec laquelle l’ancien jacobin s’était accusé de ses crimes et de ses sacrilèges, et le ravissement qu’il avait éprouvé après sa réconciliation avec son Dieu. Du reste, il ne dissimula pas qu’il y avait quelque chose d’étrange, de quasi-miraculeux dans ce revirement soudain d’un des plus fermes coryphées de l’impiété révolutionnaire. Oh ! il ne s’en attribuait pas le mérite ! Non, il n’avait été que l’humble instrument dont s’était servi Celui qui tient dans ses mains les peuples et les rois et sait donner à tous de terribles et d’édifiantes leçons.

Les curés des environs brodèrent de leur mieux sur ce thème, comme Turnac, et le répétèrent dans leurs conversations particulières, si bien que, de dévot en bigot et de bigot en cagot, au bout de quelques jours, la conversion de feu Latheulade, dit Caïus, passa pour miraculeuse parmi les bonnes femmes du pays, et les gens bien informés la racontaient avec force détails extraordinaires : ainsi se forment les légendes pieuses.

Il y eut pourtant une note discordante dans ce concert.

Lorsqu’on leva les scellés, le juge trouva un testament olographe par lequel le défunt Latheulade donnait tout son bien, mobilier et immobilier à Damase. En outre, ce testament, qui fut déposé chez le confrère de M. Boyssier, contenait une déclaration formelle d’irréligion. Le vieillard, quelques jours avant sa fin, déclarait mourir dans les sentiments d’incrédulité qu’il avait professés toute sa vie, et vouloir être enterré sans aucune marque de culte ou de religion quelconque. Il adjurait, en outre, Damase, comme il l’avait fait de vive voix, d’écarter de lui les prêtres, qui ne manqueraient pas de chercher à s’emparer de son cadavre.

L’ex-clerc pour laver la mémoire du vieux Caïus de la honte de l’apostasie in extremis qui lui avait été infligée par la fourberie de Turnac, montra à tous la grosse du testament qui lui avait été délivrée, et répandit un grand nombre de copies de la déclaration irréligieuse du défunt. Il y eut, à ce sujet, de grandes discussions à Fontagnac. Damase et quelques autres soutenaient que le vicaire avait joué une odieuse comédie ; mais les dévots répliquaient qu’au dernier moment Dieu avait touché le cœur du jacobin endurci. Quant aux prêtres, ils s’en moquaient : Caïus avait été bien et dûment confessé et extrême-onctionné au vu et au su de tout le monde ; ils l’avaient enterré solennellement ; c’était un fait bien constaté ; le vieux révolutionnaire était mort dans les bras de l’Église, qu’importait le reste ?

Turnac, en particulier, se gaussait de tout cela. Cette conversion l’avait mis en relief ; il venait de recevoir de « Monseigneur » la promesse de la succession de l’archiprêtre Toussaint, et il se frottait les mains.

Il est à noter que l’archiprêtre fut un de ceux qui doutaient de la conversion soudaine de son ancien collègue de la Société Populaire. Lorsque son vicaire alla lui faire part de la fin chrétienne de Caïus, il le regarda étrangement et se contenta de dire :

— L’abbé, cela m’étonne.