Aller au contenu

Malte-Brun - la France illustrée/0/5/1/8

La bibliothèque libre.
Jules Rouff (1p. xxvi-xxviii).

Voies de communication. — Les voies de communication sont à un pays ce que les artères et veines sont au corps humain ; c’est à sa viabilité, c’est-à-dire à l’ensemble de toutes ses voies de communication que la France doit les progrès de son agriculture, de son commerce et de son industrie.

Les voies de communication sont aquatiques ou terrestres.

Les voies aquatiques comprennent : les rivières flottables, les rivières navigables et les canaux.

Les voies terrestres sont : les routes de terre, les chemins de fer et les voies de télégraphie électrique.

Les rivières flottables sont celles qui, ne pouvant encore porter bateau, sont praticables pour les trains de bois et les radeaux. Les rivières flottables se partagent en deux classes ; elles sont flottables à bûches perdues ou flottables à trains de bois. Dans le premier cas, on abandonne à leur cours sinueux, souvent même torrentueux, les bûches, qui, coupées dans la montagne, sont précipitées dans leurs eaux et viennent s’arrêter en un point où on les réunit en trains de bois. La plupart des rivières de la France qui descendent des montagnes couvertes de forêts (l’Yonne et ses affluents) sont dans ce cas.

Les rivières navigables sont celles qui peuvent porter bateau et qui servent aux transports dans l’intérieur de la France ; leur navigabilité est souvent soumise aux chances des hautes ou des basses eaux. Il faut donc connaître le régime et l’étiage de chacune d’elles, c’est-à-dire la manière dont elle se conduit par rapport aux crues et le niveau des plus basses eaux.

Les rivières flottables ou navigables offrent une longueur d’environ 11,600 kilomètres.

Les canaux de la France sont au nombre de plus de 130 et leur longueur totale est d’environ 5,000 kilomètres. On peut les diviser en deux grandes classes : les canaux de jonction, qui font communiquer les bassins entre eux, et les canaux latéraux, destinés à remédier à l’inconstance de la navigation des fleuves et des rivières.

Le Canal du Midi ou du Languedoc fait communiquer le bassin du Rhône avec celui de la Garonne, ou la Méditerranée avec l’Océan : aussi le nomme-t-on quelquefois Canal d’Entre-les-deux-mers. Il commence près d’Agde et finit à Toulouse. Conçu par Riquet, il a été terminé en 1681. Longueur : 241 kilomètres.

Le Canal du Centre fait communiquer le bassin de la Loire avec le bassin du Rhône par la Saône. Il commence à Digoin sur la Loire, et finit à Châlon-sur-Saône. Longueur : 122 kilomètres.

Le Canal de Bourgogne fait communiquer le bassin de la Seine avec celui du Rhône ; il commence à La Roche-sur-Yonne et finit à Saint-Jean-de-Losne. Longueur : 242 kilomètres.

Le Canal du Rhône au Rhin fait communiquer le bassin du Rhône avec le bassin du Rhin ; il commence à Saint-Symphorien-sur-la-Saône, et, à l’aide du Doubs et de l’Ill, vient déboucher au-dessous de Strasbourg. Longueur : 322 kilomètres.

Le Canal de la Marne au Rhin fait communiquer le bassin de la Seine avec les bassins de la Meuse et du Rhin ; il commence à Épernay, sur la Marne, et finit à Strasbourg. Longueur : 318 kilomètres.

Le Canal de Briare fait communiquer le bassin de la Loire avec le bassin de la Seine ; il commence à Briare, sur la Loire, et finit à Montargis, sur le Loing (longueur : 55 kilomètres ) où il se soude au Canal du Loing, qui va joindre la Seine près de Moret. Le canal de Briare est le plus ancien de tous ; il remonte au règne de Henri IV.

Le Canal d’Orléans, qui de Montargis va à Combleux, est une branche latérale de ces deux derniers (longueur : 74 kilomètres).

Le Canal de Saint-Quentin joint les bassins de l’Escaut, de la Somme et de la Seine ; il commence à Chauny, sur l’Oise, gagne Saint-Quentin, sur la Somme, et de cette ville arrive à Cambrai, sur l’Escaut. Longueur : 98 kilomètres.

Le Canal des Ardennes fait communiquer le bassin de la Seine avec celui de la Meuse ; il commence à Semoy, sur l’Aisne, et finit à Donchery, sur la Meuse.

Le Canal d’Ille-et-Rance fait communiquer le bassin de la Vilaine avec celui de la Rance ; il commence à Rennes, sur l’Ile, affluent de la Vilaine, et finit à l’écluse du Châtelier, sur la Rance.

Le Canal de Nantes à Brest fait communiquer entre eux les bassins de la Loire, de la Vilaine, du Blavet et de l’Aulne. Sa longueur est de 360 kilomètres.

Le Canal du Berry fait communiquer le Cher et la Loire ; il a trois branches. Sa longueur est de 252 kilomètres.

Les autres principaux canaux sont : le Canal de l’Ourcq, qui se joint au Canal Saint-Denis et au Canal Saint-Martin ; les canaux d’Aire à La Bassée, de la Deule, de la Sensée, de la Sambre à l’Oise, du Blavet, d’Arles à Bouc, de Beaucaire, etc.

Les principaux canaux latéraux sont : le Canal latéral de la Somme, le Canal latéral de la Loire, le Canal latéral de la Garonne, et ceux de l’Oise, de l’Aisne, de la Marne, de la Haute-Seine, du Loing, etc.

Les routes se divisent en France en routes nationales, routes départementales, chemins vicinaux de grande et de petite communication, routes stratégiques.

Les routes nationales sont entretenues aux frais de l’État ; elles sont de première, de deuxième ou de troisième classe. Leur nombre dépasse 200, et leur longueur est d’environ 38,000 kilomètres. Les principales venant de Paris ont leur point de départ au pilier qui divise en deux la porte principale de l’église métropolitaine de Notre-Dame.

Les routes départementales sont tracées et entretenues aux frais des départements. Leur nombre est de plus de 1,600, et leur développement dépasse 48,000 kilomètres.

Les chemins vicinaux sont déclarés de grande communication lorsque leur importance l’exige : alors ils sont entretenus à l’aide de subventions des fonds départementaux ou communaux ; leur longueur doit dépasser 52,000 kilomètres. Les chemins vicinaux ordinaires sont à la charge des communes dont ils sillonnent le territoire. Leur longueur dépasse 586,000 kilomètres.

Les routes stratégiques, dont l’entretien est à la charge du ministère de la guerre, sont exécutées par le génie militaire ; elles desservent les places fortes ; ou bien elles sont exécutées dans les départements de l’Ouest, qui en possèdent 38. Leur longueur approche de 1,500 kilomètres.

Les chemins de fer établissent de rapides communications entre la capitale de la France, les grandes villes du pays, les frontières et l’étranger ; ils sont donc d’une extrême importance au point de vue du commerce, de la défense du pays et des relations internationales.

On trouvera à la description générale de chacun de nos départements la nomenclature complète des lignes, embranchements, tronçons, etc., du réseau des chemins de fer français ; nous nous bornerons à signaler ici qu’en 1883 la longueur des chemins de fer exploités en France était de 28,867 kilomètres, savoir :

Réseau de l’État
2,775
Réseau des six grandes compagnies
21,315
Compagnies diverses
1,036
Chemins de fer non concédés
1,031
Chemins de fer d’intérêt local
2,552
Chemins de fer à voie étroite
158
Total
23,867
Les six grandes compagnies sont :

1° Le Chemin de fer du Nord (710 kilom.) se dirige sur la Belgique. Il jette des embranchements vers Maubeuge par Saint-Quentin, vers Boulogne, Dunkerque, Calais et Valenciennes. Il joint par Lille et Valenciennes le réseau français aux réseaux belge, hollandais et prussien ; en un mot, au grand réseau européen.

2° Le Chemin de fer de l’Est (783 kilom.) se dirige sur la frontière d’Allemagne par Châlons et Nancy. Il se soude au chemin de fer de Strasbourg à Bâle, et, par l’embranchement de Metz à Forbach et à Sarrebrück, il communique avec les lignes du Rhin.

3° Les Chemins de fer Paris à Lyon (383 kilom.), de Lyon à Avignon, d’Avignon à Marseille, de Marseille à Toulon, et d’Avignon à Cette, constituent la grande ligne de Paris à la Méditerranée, qui relie Paris à l’Algérie et l’Angleterre aux Indes par Calais et Marseille ; de nombreux embranchements en construction doivent l’unir aux autres lignes.

4° Les Chemins de fer d’Orléans constituent la ligne de Bordeaux et la grande ligne du Centre (1,116 kilom.), qui est destinée à se ramifier considérablement et à jeter un réseau très compliqué entre les lignes de Paris à Lyon et de Paris à Bordeaux. L’ensemble du réseau a l’avantage immense d’ouvrir des débouchés à la partie de la France centrale qui est privée de canaux. En outre, le réseau d’Orléans se dirige vers la Bretagne et rejoint à Landerneau la ligne de Brest (réseau de l’Ouest).

Le Chemin de fer de Paris de Bordeaux se confond de Paris à Orléans avec les lignes du Centre. Ses embranchements le relient à la grande ligne précédente.

5° Le réseau du Midi commence à Bordeaux et aboutit à Cette, où il se relie au réseau de Paris-Lyon-Méditerranée. Il envoie plusieurs lignes vers l’Espagne.

6° Le Chemin de fer de l’Ouest se dirige de Paris sur Rennes, Brest et Granville. Il traverse la Beauce, le Maine, l’Anjou, la basse Normandie et la Bretagne. Des embranchements doivent le faire communiquer aux grandes lignes de Paris à Nantes et à celles de Paris à Cherbourg.

Le Chemin de Paris à Rouen (138 kilom.) et du Havre (229 kilom.) évite la longue navigation de la Seine de Paris à la mer. Il jette des embranchements sur Dieppe, sur Cherbourg, par Évreux, Lisieux, Caen, etc., etc.

Le Réseau des Chemins de fer de l’État se compose de lignes ou tronçons de ligne qui unissent entre eux les grands réseaux. Les principales lignes sont celles : de Nantes à Bordeaux par La Roche-sur-Yon, Saintes et Coutras ; de Nantes à Limoges par Saintes et Augoulême ; de Tours aux Sables-d’Olonne ; de Tulle à Clermont-Ferrand, d’Orléans à Châlons-sur-Marne, d’Orléans à Rouen.

Les six grandes lignes de chemins de fer sont unies entre elles dans l’intérieur de Paris par le Chemin de fer de Petite-Ceinture (30 kilom.), et au dehors par le Chemin de fer de Grande-Ceinture (120 kilom.), qui dessert aussi les routes stratégiques du nouveau système de fortifications dans les départements de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne.

La télégraphie électrique sert à transmettre les dépêches utiles au commerce, à l’industrie et aux relations privées. La vitesse de cette transmission est prodigieuse et surpasse l’imagination : elle l’emporte sur la vitesse de la lumière, qui est de 70,000 lieues par seconde. La transmission des signaux électriques peut être considérée comme instantanée. Un signal arrive à Marseille, Vienne, Berlin, presque en même temps qu’il part de Paris ; on peut transmettre 120 signaux par minute. Le réseau télégraphique français a aujourd’hui plus de 60,000 kilomètres, dont plus de la moitié longe les lignes de chemins de fer.