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Malte-Brun - la France illustrée/1/3/7

La bibliothèque libre.
Jules Rouff (1p. 18-19).

Belley (lat. 45° 45’ 28" ; long. 3° 21’ 9" E. ). — Belley (Bellica, Bellicium), à 75 kilomètres sud-est de Bourg, chef-lieu de sous-préfecture, peuplé de 4,970 habitants, siège d’un évêché avec petit séminaire, d’un tribunal de première instance, possédant une société d’agriculture et une petite bibliothèque, était autrefois la capitale du Bugey, chef-lieu d’élection, siège d’un bailliage, et dépendait de l’intendance et du parlement de Dijon, comme annexe de la Bourgogne.

Sans attribuer, comme le font certaines traditions naïves, la fondation de Belley à Créuse, fille de Priam et femme d’Énée ; sans accepter non plus tout ce qui a été avancé, sans preuves à l’appui, sur la prédilection de César pour cette ville et sur les longs séjours qu’il y fit, l’antiquité de Belley est inconteslable ; l’étymologie de son nom, la découverte de plusieurs sculptures anciennes, le maintien d’une louve dans ses armes permettent de supposer qu’elle était placée pendant la domination romaine sous la protection de Bellone, et qu’elle était assez importante pour renfermer plusieurs temples, un entre autres consacré à Cybèle, dont subsiste encore l’inscription dédicatoire : Matri Deum « À la mère des dieux. »

Ce qui est non moins authentique, c’est que cette ville, fortifiée par les Romains contre les Allobroges, fut ravagée, en 390, par Alaric et rebâtie par Wibertus en 412. Le chiffre de sa population, ou la solidité des nouvelles murailles inspirait sans doute quelque sécurité, car au Ve siècle la ville de Nyon, dans le pays de Vaud, ayant été ruinée par les barbares, l’évêché dont elle était le siège fut transféré à Belley. Depuis Audax, le plus anciennement connu de ses évêques, jusqu’à saint Anthelme, nommé en 1163, la capitale du Bugey, administrée par une longue suite de prélats, suivit le sort du reste de la province. La piété exemplaire et les vertus du saint évêque que nous venons de citer lui avaient conquis les sympathies et la vénération de Frédéric Barberousse. Cet empereur, par un diplôme conservé à Belley, conféra à saint Anthelme et à ses successeurs le titre de princes du saint-empire ; il leur abandonna la seigneurie de la ville avec les droits régaliens les plus entiers et les plus absolus, y compris celui de battre monnaie. Les prodiges qui s’accomplirent à la mort du prélat et autour de son tombeau augmentèrent encore le prestige attaché au siège de Belley. Guillaume de Nangis rapporte dans sa chronique qu’au moment où l’on enterrait Anthelme, il tomba du ciel un feu qui alluma les lampes de l’église placées devant le cercueil, à l’exception d’une seule, entretenue par un certain usurier de la ville, et qui ne put s’enflammer. Les princes de Savoie, qui fournirent au siège de Belley plusieurs membres de leur famille, respectèrent toujours les privilèges concédés par Frédéric, mais ne purent excepter la ville de la cession de territoire faite à la France en 1601. Henri IV et ses successeurs assujettirent le siège de Belley aux usages généraux qui réglaient les rapports de la couronne avec l’épiscopat français ; on a remarqué que de leur côté, comme protestation, les papes évitèrent longtemps de mentionner l’intervention royale dans les nominations qu’ils furent appelés à ratifier pour l’évêché de Belley. Le premier prélat appelé à ce siège par les princes français fut Pierre Le Camus, l’ami de saint François de Sales, nommé par Henri IV en 1609. Célèbre par la singularité et la multiplicité de ses ouvrages, mais d’un zèle souvent trop ardent, il se démit de sa dignité en 1624 et eut pour successeur Jean de Passalaigue, bénédictin riche en bénéfices, qui consacra une partie de ses revenus à restaurer la cathédrale et le palais épiscopal ; c’est dans le cours de ces travaux, en rebâtissant la tour du clocher, qu’on retrouva le corps de saint Anthelme ; il était dans un état parfait de conservation ; on le plaça dans une riche châsse, ou il est resté exposé à la vénération des fidèles.

En 1385, un incendie, dont on ne connut pas la cause, avait détruit une partie de la ville ; elle dut, à cette époque, sa reconstruction à Amé VII, duc de Savoie, qui la fit entourer de murs.

Belley est agréablement située entre deux coteaux, à une courte distance du Rhône, dans un bassin fertile qu’arrose le Furan. Il ne reste rien de remarquable des nombreux couvents que renfermait autrefois la ville. Ses principaux monuments sont : le palais épiscopal, la cathédrale, dont la fondation remonte à 889 et la dernière restauration à 1864 ; le séminaire et un riche cabinet de médailles et d’antiques rassemblés par le savant abbé Greppo. Mais ce qui fait la gloire et le charme de Belley, ce sont ses environs, qui offrent une foule de promenades intéressantes : la ferme modèle de Peyrieux, créée par M. Nivière ; la cascade de Glandieux, les ruines de Chatillanet, le lac d’Ambléon, sur la montagne de ce nom ; le lac Bertrand, la cataracte de Serverieux, la source intermittente du Grouin, le pont du Diable, les ruines de la chartreuse d’Arvières et le mont Colombier ; l’ancienne chartreuse de Portes, prison d’État sous l’Empire, aujourd’hui citadelle ; l’Annonciade, les grottes de la Balme, sous Pierre-Châtel ; la grotte de Charvieux, près d’Arandat, etc.

L’industrie de Belley consiste dans quelques fabriques d’indiennes et de mousselines, des tanneries ; dans l’éducation des vers à soie et l’exploitation de carrières de pierres lithographiques regardées comme les meilleures de France. Il s’y fait un important commerce de bestiaux, bois de construction, de truffes noires, et saucissons renommés.

C’est la patrie du savant jésuite Fabri, du baron Costaz, de l’Institut d’Égypte ; des généraux Dallemagne et Bouvier des Éclaz, des conventionnels Mollet et A. Ferrand, de Brillat-Savarin, le spirituel et célèbre auteur de la Physiologie du goût ; des docteurs Récamier et Richerand, du savant docteur Montègre ; et enfin, c’est au collège de Belley qu’a été élevé un des plus grands hommes de notre époque comme poète, historien et orateur, Alphonse de Lamartine.

Les armes de Belley sont : d’argent, à un loup de sinople, armé et lampassé de gueules.