Mantithée contre Boethos, II
VIII
MANTITHÉE CONTRE BOETHOS
ARGUMENT
Après avoir perdu son procès sur la question de nom, Mantithée se vit obligé de renoncer à la sentence arbitrale qu’il avait obtenue contre Bœotos sur l’action dotale. Il fut obligé de recommencer la procédure en désignant cette fois son adversaire sous le nom de Mantithée. Ce dernier pourrait encore, comme au début du procès, répondre par une action contraire, car s’il a été débouté de son action par la sentence arbitrale, il est toujours recevable à saisir le tribunal ; mais il se borne à reproduire comme moyen de défense la prétention qu’il avait d’abord fait valoir par action principale, et à soutenir que sa mère Plangon avait apporté cent mines de dot. Mantithée répond que cela n’est pas possible, car Pamphilos, père de Plangon, est mort insolvable, d’autre part la mère de Mantithée était bien l’épouse légitime de Mantias. Elle lui avait donc apporté une dot, et précisément la même dot qu’elle avait déjà apportée à son premier mari Cléomédon. En même temps qu’il défend à l’action de dot, Bœotos a intenté une action contre Mantithée pour le forcer à rendre compte de certaines sommes qu’il aurait reçues pour le compte de la succession. Quoique le tribunal ne fût pas saisi de cette question, Mantithée ne laisse pas que d’en parler, et de montrer qu’il n’a rien reçu, afin de ne pas permettre à son adversaire de jeter aucune défaveur sur sa cause.
L’orateur termine par les personnalités habituelles, et s’y livre avec beaucoup moins de réserve que dans le discours précédent. Le second de ces deux discours parait avoir suivi le premier de très près. On peut donc le placer comme le premier en l’année 345. Quant à l’authenticité, elle a été contestée. Tout le monde reconnaît que le plaidoyer a été réellement prononcé, mais déjà dans l’antiquité plusieurs critiques doutaient que Démosthène en fût l’auteur. Le même doute est partagé par A. Schæfer. Nous n’entrerons pas dans une discussion qui manque de base solide, et d’ailleurs du moment où il n’est pas contesté que nous avons le véritable plaidoyer pour Mantithée, peu importe le nom de l’auteur.
PLAIDOYER.
Rien n’est plus douloureux, juges, que de s’entendre donner par certains hommes le nom de frère, alors que par le fait on trouve en eux des ennemis, et de se voir enfin, à bout de patience, contraint d’aller devant un tribunal, comme il m’arrive aujourd’hui. Le premier de mes malheurs a été que Plangon, la mère de ces hommes, ayant trompé mon père et ouvertement violé son serment, a mis mon père dans la nécessité de les adopter, ce qui m’a coûté les deux tiers de la succession paternelle. Mais les choses n’en sont pas demeurées là. J’ai encore été chassé par ces hommes de la maison paternelle où je suis né, où j’ai été élevé, où ils ont été reçus non par mon père, mais par moi-même, après le décès de mon père ; et je me vois enlever la dot de ma mère, qui fait l’objet du présent procès. Et pourtant je leur ai fait raison sur toutes les actions qu’ils m’ont intentées, sauf peut-être sur la demande contraire (01), qu’ils ont méchamment formée contre moi à l’occasion du procès actuel, ainsi que vous le verrez clairement ; d’eux, au contraire, dans l’espace de onze ans, je n’ai pu obtenir aucune concession raisonnable, et vous êtes aujourd’hui mon unique refuge. Je vous prie donc tous, juges, de m’écouter avec bienveillance, comme un homme qui fait ce qu’il peut pour plaider son affaire ; et si vous trouvez qu’on s’est mal comporté à mon égard, pardonnez-moi de chercher à recouvrer ce qui m’appartient, alors surtout qu’il y va de l’établissement de ma fille. En effet, cédant au désir de mon père, je me suis marié à l’âge de dix-huit ans, et par suite j’ai déjà une fille en âge d’être mariée. Bien des raisons doivent donc vous porter à me venir en aide en maintenant mon droit, et à juger sévèrement la conduite de ces hommes. Il leur était facile, j’en atteste la terre et les dieux, de faire droit à mes réclamations, et d’éviter ainsi une comparution devant le tribunal. Au lieu de cela ils ne rougissent pas de rappeler à vos souvenirs ce que notre père a pu faire d’irrégulier dans sa vie, ce qu’ils ont eu eux-mêmes de torts envers lui, et ils me forcent de plaider contre eux. Pour bien vous faire voir que ce n’est pas ma faute, qu’au contraire c’est uniquement la leur, je vais vous raconter, le plus brièvement que je pourrai, tout ce qui s’est passé, depuis le commencement.
Ma mère, juges, était fille de Polyaratos de Cholarge (02), sœur de Ménexène, de Bathylle et de Périandre. Mariée par son père à Cléomédon, fils de Cléon, elle reçut un talent de dot, et vécut d’abord avec ce mari. Elle en eut trois filles et un fils nommé Cléon ; après quoi, ayant perdu son mari, elle quitta la maison et reprit sa dot. Elle fut ensuite remariée par ses frères Ménexène et Bathylle — car Périandre était encore enfant, — qui lui constituèrent la même dot d’un talent, et elle vécut avec mon père. Je suis né de ce mariage, moi, et un frère plus jeune que moi, qui est mort étant encore enfant. Pour vous prouver que tous ces faits sont vrais, je vais d’abord vous produire les témoins.
TÉMOINS.
Après avoir épousé ma mère, ainsi que vous venez de l’entendre, mon père la reçut dans sa maison comme sa femme légitime ; il m’éleva et me porta l’affection que vous portez tous à vos enfants. Mais en même temps il entretint des relations avec Plangon, la mère de ces hommes ; comment ? Il importe peu, et ce n’est pas à moi de le dire. Toutefois il ne se laissa jamais entraîner par cette passion au point de consentir à recevoir cette femme chez lui, dans sa maison, après la mort de ma mère, ni jusqu’à croire que ces hommes fussent ses fils. Ces hommes restèrent donc longtemps dans la situation d’enfants qui n’étaient pas de mon père, comme le savent la plupart d’entre vous. Mais lorsque Bœotos fut devenu grand, il s’entoura d’une bande de sycophantes conduite par Mnésiclès et par ce Ménéclès qui a fait condamner la Ninos, et avec leur aide il intenta une action à mon père, prétendant être son fils. De nombreux pourparlers eurent lieu à ce sujet, et mon père déclara qu’il ne reconnaîtrait jamais ces enfants comme étant nés de lui, lorsqu’enfin, juges, — car vous saurez la vérité tout entière, — Plangon, de concert avec Ménéclès, parvint à circonvenir mon père et à le tromper en prêtant le serment que tous les hommes regardent comme le plus grand et le plus redoutable. Elle s’engagea, moyennant trente mines, à introduire ces enfants, par adoption, dans la famille de ses frères, et promit que si mon père lui déférait le serinent devant l’arbitre, et la mettait en demeure de jurer que les enfants étaient de lui, elle refuserait le serment ainsi déféré. Par ce moyen ces hommes, sans perdre la qualité de citoyens, auraient cessé d’être un embarras pour mon père, leur mère n’ayant pas accepté la délation de serment (03). Telles furent les conventions, et maintenant, qu’est-il besoin de longs discours ? Lorsque Plangon comparut devant l’arbitre, au mépris de tout ce qui avait été convenu elle accepta le serinent déféré, et prêta en effet un serinent, au Delphinion (04), mais tout contraire au premier. La plupart d’entre vous savent cela, car l’affaire eut un grand retentissement. Mon père qui, en déférant ainsi le serment, avait acquiescé par avance à la sentence arbitrale, fut très affligé du résultat, et eut beaucoup de peine à s’y résigner. Même alors, il ne voulut pas consentir à recevoir ces hommes dans sa maison, mais il fut contraint (05) de les présenter à la phratrie. Il fit donc inscrire celui-ci sous le nom de Bœotos, celui-là sous le nom de Pamphilos. Quant à moi, qui avais environ dix-huit ans, il m’engagea aussitôt à épouser la fille d’Euphémos, voulant avant de mourir, voir des enfants auxquels j’aurais donné le jour. Je me dis alors, juges, que mon devoir avait toujours été de faire plaisir à mon père, mais qu’au moment où ces hommes le tourmentaient par leurs procès et leurs tracasseries, je devais plus que jamais tâcher de lui être agréable en toutes choses. Je me conformai donc à son désir, mon mariage se fit de cette manière, j’eus une fille que mon père put voir, et peu d’années après il tomba malade et mourut. Tant que mon père avait vécu, juges, il m’avait semblé que je ne devais en rien contrarier ses volontés (06). Après sa mort, je reçus ces hommes dans ma maison et je leur donnai une part de tous les biens, non que je les tinsse pour mes frères, — car la plupart d’entre vous n’ignorent pas de quelle façon ils le sont devenus, — mais, du moment où mon père s’était laissé tromper, je crus que je ne pouvais me dispenser d’obéir à vos lois. Je les reçus donc ainsi dans ma maison, et lorsque nous partageâmes la succession de mon père, je demandai à reprendre la dot de ma mère. Mais ces hommes combattirent cette prétention par une autre, et soutinrent que leur mère était créancière d’une dot égale. D’après le conseil des personnes qui étaient là présentes, nous partageâmes tous les biens, à l’exception de la maison et des esclaves attachés au service de mon père. Ces objets furent exclus du partage, la maison pour servir à remplir celui d’entre nous qui se trouverait créancier de la dot ; les esclaves demeurés communs, afin que Bœotos et Pamphilos, s’ils se plaignaient d’omissions faites dans l’inventaire, pussent les interroger, et découvrir la vérité soit par la question, soit par tout autre moyen. Ici encore la vérité de ce que j’avance est prouvée par les témoignages que voici.
TÉMOIGNAGES.
Après cela, donc, ces hommes m’intentèrent des actions, au sujet des griefs qu’ils m’avaient déjà présentés, et moi je fis de même contre eux, au sujet de la dot. Nous constituâmes d’abord pour arbitre Solon d’Erchia (07), avec pouvoir de terminer par sa sentence toutes nos réclamations réciproques. Mais, au lieu de comparaître, ces hommes se dérobèrent, et il se perdit beaucoup de temps. Enfin Solon vint à mourir. Alors, ces hommes, recommençant toute la procédure, intentèrent de nouveau des actions contre moi, et moi de mon côté j’intentai une action contre celui-ci, en lui donnant le nom de Bœotos sous lequel je le désignai dans mon acte de griefs. C’était en effet le nom que mon père lui avait imposé. Sur les actions intentées par eux, l’arbitre me renvoya des fins de la demande, en présence de Bœotos, contradictoirement avec lui, et sans qu’il eût pu fournir aucune preuve à l’appui de leurs réclamations. Il savait bien que ces réclamations n’étaient pas fondées ; aussi ne forma-t-il pas de recours au tribunal, et en ce jour, ce n’est pas à ce sujet qu’il a intenté une action contre moi. Celle qu’il a intentée porte sur des objets différents, et a pour but de paralyser la mienne, par ces réclamations multipliées (08). Il en fut autrement de l’action par laquelle je le poursuivais alors au sujet de la dot ; Bœotos ne se présenta pas devant l’arbitre, quoiqu’il se trouvât en cette ville, et laissa rendre une sentence par défaut. Mais alors, juges, en même temps qu’il s’abstenait de plaider quoique présent, il soutint que la sentence par défaut n’avait pas été prononcée contre lui, qu’en effet son nom n’était pas Bœotos, mais Mantithée, et en contestant ainsi le nom, il me retient effectivement la dot de ma mère. Ne sachant plus comment sortir de cette affaire, j’ai intenté de nouveau la même action contre lui en le prenant sous le nom de Mantithée, et j’ai enfin recours à vous après onze ans d’attente. Pour prouver la vérité de ce que j’avance, on va vous lire les témoignages relatifs à tous ces faits.
TÉMOIGNAGES.
Vous venez d’entendre, juges, comment ma mère, apportant un talent en dot, a été mariée par ses frères, ainsi que les lois l’ordonnent, et a vécu avec mon père ; comment, après la mort de mon père, j’ai reçu ces hommes dans ma maison, comment enfin j’ai été renvoyé des fins des demandes qu’ils ont formées contre moi. Tous ces faits vous ont été attestés et prouvés. Allons, prends encore cette loi sur la dot.
LOI.
La loi étant telle, cet homme, — qu’on l’appelle Bœotos, ou Mantithée, ou de tout autre nom qui lui plaira, — n’aura, je le crois, rien de sérieux ni de fondé à dire pour sa défense ; mais, audacieux comme il est, et ne doutant de rien, il s’efforcera de rejeter sur moi ses revers de fortune. C’est ce qu’il a l’habitude de faire dans ses conversations. Il dit qu’après la confiscation des biens de Pamphilos, qui était père de Plangon, l’excédant du prix de vente fut remis à mon père, qui revint du conseil avec cette somme (09), et il s’efforce ainsi de prouver que sa mère a apporté une dot de plus de cent mines, tandis que la mienne se serait mariée sans dot. À l’appui de cette histoire, juges, il n’a joint au procès aucun témoignage, et il sait bien qu’il n’y a pas un mot de vrai dans tout ce qu’il dit, mais il vous connaît. Si devant vous on confesse ses torts, on ne saurait éviter d’être condamné ; souvent, au contraire, en vous trompant et en vous donnant le change, on parvient à se tirer d’affaire. Aussi, pour que vous ne soyez pas trompés par lui, il me parait à propos de vous dire quelques mots sur ce point. S’il dit que ma mère n’a pas apporté de dot, que la sienne au contraire en a apporté une, c’est là un mensonge évident, songez-y bien. D’abord Pamphilos, père de sa mère, est mort étant débiteur de cinq talents envers l’État. Ses biens ont été saisis et confisqués ; loin qu’il soit resté quelque chose à ses enfants, la dette elle-même n’a pas été complètement payée, et encore aujourd’hui Pamphilos est inscrit parmi les débiteurs de l’État (10). Comment, dès lors, mon père aurait-il pu recevoir une somme quelconque, provenant des biens de Pamphilos, lorsque ces biens n’ont pas même suffi pour payer la dette de Pamphilos envers l’État ? Ensuite, juges, mettez-vous bien ceci dans l’esprit : quand bien même cet excédant de valeur eût existé, comme l’affirment ces hommes, ce ne serait pas mon père qui l’aurait recueilli, ce seraient les fils de Pamphilos, à savoir Boeotos, Hédylos et Euthydème. Capables de tout pour s’approprier le bien d’autrui, ainsi que vous le savez tous, ce n’est pas eux qui auraient laissé sans mât dire mon père emporter le leur. Ainsi, la mère de ces hommes n’a apporté aucune dot, et ce qu’ils disent est un mensonge. Vous voilà, je crois, suffisamment édifiés sur ce point. Il me sera facile maintenant de vous prouver que ma mère en a apporté une. D’abord elle était fille de Polyaratos, qui était en honneur auprès de vous, et possédait une grande fortune. Ensuite les témoins vous ont déclaré que sa sœur, en épousant Éryximaque, beau-frère de Chabrias (11), lui a apporté une dot de même valeur. Ce n’est pas tout. Vous avez vu que ma mère a d’abord été donnée en mariage à Cléomédon, fils de ce Cléon qui conduisit vos ancêtres à la guerre, et fit prisonnier à Pylos tout un corps de Lacédémoniens (12). Or on sait que Cléon était un des plus grands personnages de cette ville. Il n’aurait donc pas pu convenir à son fils d’épouser une femme sans dot. Il n’est pas non plus probable que Ménexène et Bathylle, qui possédaient eux-mêmes une grande fortune, et qui après la mort de Cléomédon avaient retiré la dot, aient enlevé cette dot à leur sœur, au lieu de la lui donner une seconde fois en la mariant à notre père, ainsi qu’il a été déclaré devant vous, et par eux et par les autres personnes de la famille. Songez encore à ceci : si ma mère n’avait pas été l’épouse légitime, et n’avait pas apporté de dot, si c’était au contraire la mère de ces hommes qui eût apporté une dot, quelle raison aurait pu porter mon père à désavouer ces hommes, pour m’adopter et m’élever ? C’est, diront-ils, qu’en leur faisant subir un pareil traitement, mon père cédait à mes suggestions et à celles de ma mère. Mais celle-ci est morte me laissant très jeune orphelin. Leur mère Plangon, au contraire, femme d’une beauté remarquable, avait déjà des relations avec mon père avant ce décès, et les a continuées depuis. Apparemment s’il eût voulu complaire à quelqu’un, c’eût été à cette femme pleine de vie, dont il était épris, et il lui eût sacrifié le fils de la morte. Ni moi, ni celle qui n’était plus n’aurions pu le détourner d’adopter les enfants de cette femme, qui était là vivante, et qui avait des relations avec lui. Mais non. Cet homme pousse la témérité jusqu’à prétendre que mon père a célébré à son sujet le repas du dixième jour. Sur ce point il n’a joint au procès d’autres témoignages que ceux de Timocrate et de Promachos qui ne sont point de la famille de mon père, et n’ont jamais été ses amis (13). Évidemment ils n’ont pas dit la vérité. En effet, quand vous savez tous que cet homme a intenté une action à mon père, et s’est ainsi fait adopter de force, comment admettre d’après la déclaration de ces deux témoins, qui ne sont que deux, comme des recors (14), que mon père ait célébré la naissance de cet homme par le festin du dixième jour ? Cela peut-il être croyable pour un seul d’entre vous ? Il n’a pas même la ressource de dire que mon père, après l’avoir adopté lorsqu’il était enfant, l’a pris ensuite en aversion, par ressentiment contre leur mère. En effet, dans les querelles entre homme et femme, on se rapproche bien souvent à cause des enfants. Il est rare que les enfants communs se trouvent enveloppés dans la haine que l’on éprouve l’un pour l’autre. Si donc il entreprend de plaider cela, ne lui permettez pas de tenir ce langage de mauvaise foi.
S’il veut parler des actions que l’arbitre a jugées en ma faveur, et s’il prétend qu’il a été surpris sans avoir pu se préparer, rappelez-vous d’abord qu’il a eu à sa disposition pour se préparer, non pas peu de temps, mais plusieurs années, rappelez-vous ensuite que c’est lui qui était demandeur. Si donc l’un de nous a été surpris par l’antre sans avoir pu se préparer, il y a toute apparence que c’est moi, et non pas lui. En outre, tous ceux qui ont assisté aux débats devant l’arbitre vous ont déclaré que cet homme, quoique présent en personne lorsque l’arbitre m’a renvoyé des fins de la demande, au lieu de former un recours au tribunal, a donné son acquiescement à la sentence. Eh bien, j’ai peine à comprendre ceci. D’habitude les plaideurs mécontents forment des recours devant vous pour des affaires du plus faible intérêt, lui au contraire, après avoir intenté contre moi une action dotale en payement d’un talent, acquiesce à la sentence arbitrale qui, injustement selon lui, l’a débouté de son action. On me dira peut-être : c’est un homme qui ne veut pas d’affaires et qui fuit les procès. Je voudrais bien, juges, que cela fût vrai. Mais la vérité, la voici : vous êtes humains, vous autres, et bons pour tout le monde, à ce point que vous n’avez même pas voulu envoyer en exil les enfants des Trente (15). Lui, au contraire, m’a tendu un piège, de concert avec Ménéclès, qui a ourdi toutes ces trames. À force de contradiction et d’injures, il a provoqué une rixe. Il s’est frappé lui-même à la tête, et m’a poursuivi pour coups et blessures devant l’Aréopage (16), où il y allait pour moi de l’exil. Si le médecin Euthydicos, à qui ces hommes s’étaient d’abord adressés pour qu’il leur fit ces plaies à la tête, n’était pas venu, de lui-même, déclarer, devant le sénat de l’Aréopage, la vérité tout entière, cet homme aurait obtenu contre moi, qui ne lui avais fait aucun mal, une condamnation que vous ne voudriez pas faire prononcer contre ceux-là mêmes dont vous auriez le plus à vous plaindre. Pour vous prouver que ce n’est pas là une calomnie, lis-moi les témoignages.
TÉMOIGNAGES.
C’est ainsi qu’il m’a jeté dans un péril si grave et si terrible, non par manque de discernement, mais de guet-apens, et par méchanceté. Après cela, au lieu du nom de Bœotos que mon père lui avait imposé, comme vous l’ont dit les témoins, dès que mon père fut mort, il se fit inscrire aux registres du dème sous le nom de Mantithée, et se trouva ainsi avoir le même père et le même dème que moi. C’est alors qu’il a fait recommencer l’instance sur laquelle je plaide maintenant (17). Bien plus, lorsque je fus nommé taxiarque par vos suffrages, c’est lui qui se présenta au tribunal pour y subir l’examen (18) ; enfin condamné sur une action en exécution de jugement (19) il prétend que cette condamnation a été prononcée contre moi et non contre lui. Bref, à force de tracasseries, il m’a forcé à lui intenter une action au sujet du nom, action, juges, qui ne tendait nullement à obtenir contre lui de condamnation pécuniaire, mais qui, si j’arrivais à vous convaincre de la situation intolérable qui m’était faite, et du tort que j’éprouvais, devait avoir pour résultat de forcer cet homme à s’appeler Bœotos, comme mon père l’a ordonné. Pour vous prouver que je dis vrai, prends-moi les témoignages relatifs à ces faits.
TÉMOIGNAGES.
Ce n’est pas tout encore. Lorsque j’étais à la guerre, recrutant, avec Aminias, des soldats étrangers, et faisant venir des fonds de toutes parts, j’obtins, à Mitylène, de votre proxène Apollonide et des partisans d’Athènes, trois cents statères phocéens que j’employai à la solde des troupes afin de pouvoir exécuter une certaine entreprise utile pour vous et pour eux. À ce sujet cet homme m’intente une action, prétendant que j’ai recouvré une créance due à la succession de mon père par la ville de Mitylène. Au fond il est un prête-nom de Camma, tyran de Mitylène, qui est à la fois l’ennemi de votre république et mon ennemi particulier. Les Mityléniens avaient bien en effet décerné une récompense à notre père, mais elle lui fut remise immédiatement, et il ne lui était rien dû à Mitylène. Je vais vous produire, sur ce point, le témoignage de vos partisans.
TÉMOIGNAGE.
J’aurais encore beaucoup à vous dire, juges, et des choses graves, sur les torts qu’a faits cet homme soit à moi, soit à quelques-uns d’entre vous. Mais il ne reste que peu d’eau dans la clepsydre, et je suis forcé de laisser cela de côté. Au surplus ce que je viens de dire suffit, je crois, pour vous montrer combien sa prétention est invraisemblable. Il a dressé contre moi une accusation où il y va de l’exil, il plaide contre moi des affaires qui ne le regardent pas. L’homme qui a fait cela n’a pas pu être pris au dépourvu devant l’arbitre. Si donc il entreprend de se défendre ainsi, j’espère que vous ne l’écouterez pas. S’il prétend qu’il a voulu faire un compromis général, en prenant pour arbitre Conon, fils de Timothée, et que je n’ai pas voulu consentir à cet arbitrage, soyez bien convaincu qu’il s’efforce de vous tromper. En effet, sur toutes les contestations non encore terminées, j’étais prêt à constituer Conon ou tout autre arbitre impartial qui aurait convenu à mon adversaire ; mais il a existé entre nous d’autres contestations ; sur celles-là cet homme a trois fois comparu et plaidé devant l’arbitre, et j’ai été renvoyé des fins de la demande par une sentence arbitrale à laquelle il a donné son acquiescement, ainsi que les témoins vous l’ont déclaré. Pour celles-là je n’ai pas pensé qu’il fût juste de les remettre en question. Où serait le terme de nos compromis si, revenant sur des choses terminées par un arbitrage régulier, j’eusse constitué un autre arbitre pour connaître des mêmes griefs ? Je sais bien qu’en général on ne doit pas abuser d’une sentence arbitrale, mais je sais aussi que si j’ai le droit d’agir à la rigueur envers quelqu’un, c’est envers lui. Voyez en effet. Je suppose qu’on le mette en accusation comme usurpant la qualité de citoyen, et qu’on appuie cette accusation sur le désaveu émané de mon père déclarant avec serment que cet homme n’est point son fils, aurait-il quelque autre moyen à opposer, que le serment prêté par sa mère et l’acquiescement forcé donné par mon père à la sentence de l’arbitre ? Ainsi en vertu d’une sentence arbitrale il est devenu votre concitoyen (20), il a partagé la succession avec moi, toutes ses demandes raisonnables ont été accueillies, et après cela il prétend faire revivre toutes les actions sur lesquelles j’ai obtenu mon renvoi, lui présent, contredisant, acquiesçant à la décision rendue. Il y aurait lieu de se plaindre si cette prétention pouvait vous paraître fondée. Elle se réduit en effet à ceci : Les sentences arbitrales ont force de chose jugée si cela lui convient ; mais, si cela ne lui convient pas, sa volonté sera plus puissante que les décisions rendues d’après vos lois. Et voyez la ruse. Lorsqu’il me faisait sommation de consentir à cet arbitrage, ce n’était pas pour s’arranger avec moi, c’était pour atteindre le but que, depuis onze ans déjà, il poursuivait par ses artifices, c’est-à-dire pour faire tomber les sentences arbitrales qui m’avaient renvoyé des fins de ses demandes, pour reprendre méchamment toutes ces demandes depuis le commencement, et éluder ainsi l’action que je poursuis en ce moment contre lui. Il y a de cela une preuve décisive : il n’a pas accepté la sommation que je lui ai adressée suivant les lois, et même, auparavant, lorsque je consentis à la constitution de Xénippe, que lui-même avait proposé pour arbitre sur l’action relative au nom, il lui fit défense de rendre aucune sentence. La vérité de ces faits va vous être prouvée par le témoignage et la sommation.
TÉMOIGNAGE, SOMMATION.
C’est ainsi qu’il a refusé d’accepter la sommation, et qu’il m’a constamment tendu des piéges en s’efforçant de traîner l’affaire en longueur. Maintenant, paraît-il, ce n’est pas seulement contre moi, c’est contre mon père qu’il va diriger ses accusations. Il va dire que mon père lui a souvent fait tort, pour m’être agréable. Mais vous, juges, vous ne seriez pas disposés à entendre mal parler de vous par vos propres enfants ; eh bien, ne permettez pas davantage à cet homme de dire du mal de son père. Voyez quel contraste ce serait. Après avoir fait la paix avec les hommes qui, sous l’oligarchie, ont fait mourir un grand nombre de citoyens sans jugement, vous observez fidèlement le traité comme il convient à des gens d’honneur, et cet homme qui, du vivant de son père, a transigé avec lui et s’est indûment arrogé de nombreux avantages, vous le laisseriez montrer du ressentiment contre son père, et parler de lui avec amertume ? Non, juges, empêchez-le de faire cela. Que s’il s’emporte malgré vous, et prononce des paroles grossières, dites-vous alors qu’il se condamne lui-même, et qu’à l’entendre on voit assez qu’il n’est pas fils de Mantias. Les véritables enfants, ceux qui sont tels par la naissance, peuvent avoir des différends avec leurs pères vivants, mais ils en parlent avec respect lorsque ceux-ci ne sont plus. Au contraire, les enfants qui se sont fait reconnaître comme tels, quoiqu’ils ne le fussent pas réellement par la naissance, ont facilement des différends avec leurs pères vivants, et ne se font aucun scrupule d’en mal parler lorsque ceux-ci sont morts. Voyez en outre ce qu’il y aurait d’étrange à ce que cet homme vînt se plaindre et dire : « Mon père a commis envers moi de mauvaises actions : » quand c’est précisément à ces mauvaises actions de son père qu’il doit d’être devenu votre concitoyen. Moi, qui ai été dépouillé par leur mère des deux tiers de mon patrimoine, je m’abstiens pourtant de rien dire d’inconvenant à l’égard de cette femme. Lui, au contraire, il se permet d’attaquer devant vous l’homme qu’il a forcé de devenir son père. Bien plus, voyez à quel point il s’oublie : quand les lois défendent de mal parler des morts (22), même de ceux qui ne sont pas nos pères, cet homme viendra insulter celui dont il prétend être le fils, celui dont il devrait défendre la mémoire contre tout diffamateur quel qu’il fût.
Je pense aussi, juges, qu’à défaut d’autres arguments, il se mettra à dire du mal de moi, qu’il essayera d’avancer des faussetés sur mon compte, en disant que j’ai été nourri, élevé, marié dans la maison de mon père et que lui n’a eu aucun de ces avantages (23). Mais rappelez-vous que j’étais tout enfant lorsque j’ai perdu ma mère. Aussi les revenus de la dot ont suffi pour ma nourriture et mon éducation. Au contraire leur mère Plangon, qui nourrissait chez elle ses deux enfants, ainsi qu’un grand nombre de servantes, tout en menant elle-même un grand train, qui abusait de la passion de mon père pour entretenir le luxe dont elle jouissait, et exigeait de lui de grandes dépenses, a profité bien plus que moi de la fortune de mon père. À ce compte j’aurais des répétitions à exercer contre ces hommes plutôt qu’à en subir de leur part. Mais ce n’est pas tout : j’ai emprunté, conjointement avec mon père, une somme de deux mille drachmes au banquier Blepæos, pour l’acquisition de certaines mines. Après la mort de mon père les mines sont revenues à ces hommes, mais c’est à moi que le remboursement du prêt a été demandé. J’ai encore emprunté mille drachmes à Lysistrate de Thorikos pour les funérailles de mon père, et c’est moi personnellement qui ai payé cette somme. Voici les témoignages qui prouvent la vérité de ces nouveaux faits.
TÉMOIGNAGES.
Ainsi ma part se trouve évidemment moins forte que la leur. Suffira-t-il à cet homme de venir ici pleurer et gémir, pour m’enlever encore la dot de ma mère ? Je vous en conjure, juges, au rom de Jupiter et de tous les dieux, ne vous laissez pas émouvoir par ses cris. C’est un être plein de ressources et d’audace, et quand les témoins lui manqueront pour prouver un fait, il aura la mauvaise foi d’affirmer que ce fait est connu de vous. C’est là, juges, l’habitude de ceux qui n’ont rien de sérieux à dire. S’il a recours à de pareils moyens, ne le laissez pas continuer, tenez-le pour convaincu. Si quelqu’un d’entre vous n’a pas vu les choses, qu’il ne se dise pas : « Mon voisin les a vues » non, qu’il exige une preuve complète sur tous les faits avancés. Ne permettez pas à Bœotos de vous dire « vous savez » quand il se sentira à bout de preuves, et d’éluder ainsi la vérité qui le condamne. Voyez plutôt ce qui en est de moi, juges. Vous savez tous de quelle façon, et sous l’empire de quelle contrainte, mon père a adopté ces hommes, et pourtant je n’en observe pas moins, à leur égard, les formes de la procédure, et je produis des témoins qui répondent de leurs déclarations (24). Cependant les risques ne sont pas égaux entre nous. Si vous vous laissez tromper aujourd’hui par ces hommes, je ne serai plus recevable à intenter une nouvelle action au sujet de la dot (25). Eux, au contraire, s’ils prétendent que l’arbitre m’a injustement renvoyé des fins des actions portées devant lui, ils pouvaient dès le début former un recours devant vous, et maintenant encore ils peuvent, s’ils le veulent, s’adresser à vous pour qu’il leur soit fait droit à mon égard. Ce n’est pas tout : si par malheur vous m’abandonnez, je n’aurai pas de quoi pourvoir à la dot de ma fille. C’est moi qui lui ai donné le jour, mais, si vous pouviez voir comme elle est formée, vous la croiriez ma sœur bien plus que ma fille. Au contraire, si vous me venez en aide, ces hommes n’auront rien à débourser de leur fonds. Ils me rendront ce qui m’appartient en m’abandonnant la maison que nous avons, d’un commun accord, exclue du partage pour servir au payement de la dot, et qui n’est habitée aujourd’hui que par eux seuls. En effet, j’ai une fille en âge d’être mariée ; il ne me convient pas de vivre en commun avec des gens de cette sorte, qui, menant eux-mêmes joyeuse vie, introduisent encore dans la maison de nombreux compagnons semblables à eux. Et d’ailleurs je ne crois vraiment pas qu’il fût sans danger pour moi de vivre avec eux sous le même toit. Quand ils ont si ouvertement comploté contre moi pour me faire une affaire devant l’Aréopage, croyez-vous qu’ils soient hommes à reculer devant un empoisonnement, ou tout autre crime ? Par exemple, — ceci me revient à l’instant en mémoire, — ils ont poussé l’audace jusqu’à joindre au procès le témoignage de Criton qui prétend avoir acquis de moi mon tiers dans la maison dont il s’agit. Vous allez bientôt voir que ce témoignage est faux. D’abord, Criton n’est pas assez économe pour acheter la maison d’un autre. Prodigue et déréglé, il dissipe à la fois son bien et celui d’autrui. De plus, ce n’est pas un témoin venant déposer à l’appui de ce que dit cet homme, c’est un adversaire qui vient plaider contre moi. En effet, — qui d’entre vous ne sait cela ? — les témoins doivent précisément n’avoir aucun intérêt dans l’affaire au sujet de laquelle l’action a été intentée. Les adversaires au contraire sont ceux qui ont un intérêt dans l’affaire qui se plaide avec eux. C’est le cas de Criton. J’ajoute ceci : ni parmi vous, juges, qui êtes pourtant si nombreux, ni dans tout le peuple d’Athènes, il ne se trouve aucun témoin qui déclare avoir assisté à cette vente, à l’exception de Timocrate. Lui seul, arrivant comme par un coup de théâtre, déclare que mon père a célébré pour Bœotos le festin du dixième jour, et pourtant il est contemporain du défendeur que vous avez là devant vous. Il affirme avoir pleine connaissance de tous les faits que ces hommes ont intérêt à établir, et aujourd’hui il déclare, à lui seul, avoir assisté Criton lorsque ce dernier a acheté de niai la maison. À qui d’entre vous cela peut-il sembler croyable ? Alors surtout que je plaide aujourd’hui, non sur la maison, pour savoir si Criton l’a achetée ou non, mais sur la dot que ma mère a apportée et que les lois me donnent le droit de reprendre.
Je vous ai montré, par de nombreux témoignages et par des présomptions, que ma mère a apporté en dot un talent, que je n’ai pas fait la reprise de cette somme sur la succession paternelle, et que la maison a été par nous exclue du partage en prévision des reprises à exercer. Eh bien ! exigez de cet homme qu’il fasse de même et qu’il vous prouve ou que je ne dis pas la vérité, ou que je n’ai pas le droit de reprendre la dot. Ce sont là, en effet, les questions sur lesquelles vous avez à voter. Si au contraire, n’ayant à produire pour sa défense ni témoins non suspects, ni rien qui soit digne de foi, il jette à la traverse, par une manœuvre habile, des discours étrangers à la cause, s’il vient pousser des cris et des gémissements dont on n’a que faire ici, au nom de Jupiter et des dieux, ne le laissez pas continuer, mais faites-moi droit d’après tout ce que j’ai dit. Rappelez-vous ceci : En décidant que la dot de ma mère doit servir à doter ma fille, vous ferez une chose beaucoup plus juste que si vous permettez à Plangon et à ces hommes de nous enlever encore, contre tout droit, cette maison, exclue du partage pour fournir à la reprise de la dot.
(01). Ἀντιλαγχάνειν est pris ici non dans le sens restreint de former opposition à un jugement par défaut, mais dans le sens d’intenter une action contraire, pour répondre à l’action directe du demandeur.
(02). Cholarge, dème de la tribu Acamantide.
(03). Voy. les notes du plaidoyer précédent.
(04). Le Delphinion était le lieu où se réunissaient les éphètes pour juger les causes de meurtre.
(05). Mantias se trouva contraint de légitimer Bοeotos et Pamphilos, à cause de la convention qu’il avait faite avec Plangon, et qui était confirmée par une sentence arbitrale. Par là même, il reconnaissait implicitement que Plangon avait été son épouse légitime ; or il n’y avait pas de mariage légitime sans dot.
(06). On vient de voir que Mantias, tout en légitimant Bœotos et Pamphilos, n’avait pas voulu les recevoir dans sa maison.
(07). Erchia, dème de la tribu Aeantide.
(08). Sans doute en opposant la compensation.
(09). Les biens de Pamphilos, père de Plangon, avaient été saisis pour une amende, et vendus aux enchères en présence du conseil des Cinq cents. L’excédant du prix, lorsqu’il y en avait un, était remis aux enfants ou héritiers.
(10). La liste des débiteurs de l’État était publiquement affichée dans l’Acropole.
(11). Chabrias, Timothée, lphicrate, étaient à la fois les premiers généraux et les plus riches citoyens d’Athènes. Leurs noms reviennent souvent dans ces plaidoyers.
(12). C’est la célèbre expédition de Cléon dans l’île de Sphactérie, pendant la guerre du Péloponnèse, en 425. On peut en lire le récit dans Thucydide.
(13). Et qui par conséquent n’ont pas dû assister au festin du dixième jour, en supposant même que ce festin ait eu lieu.
(14). Les κλητῆρες, ou recors, étaient les deux témoins que le demandeur prenait avec lui pour faire une assignation.
(15). L’amnistie que Thrasybule fit voter en 403, après la chute des trente tyrans, n’excluait que les trente eux-mêmes et les dix qui avaient pris le gouvernement après eux. Voy. Andoc., De myster., § 90.
(16). L’Aréopage jugeait les crimes de meurtre, de blessures préméditées, d’incendie et d’empoisonnement. Voy. la loi de Solon dans Démosthène contre Aristocrate, § 22.
(17). L’adversaire de Mantithée avait été condamné sous le nom de Bœotos. Une fois inscrit sous le nom de Mantithée, il soutint que le jugement rendu contre Bœotos était nul comme ne s’appliquant pas à lui, et força ainsi son adversaire à recommencer. C’est ce qu’on appelait δίκην ἀνάδικον ποιεῖν.
(18). Tous les Athéniens appelés à une fonction publique devaient subir, avant leur entrée en charge, un examen devant le tribunal des héliastes. C’est la δοκιμασία. Voy. Hermann, I, § 148.
(19). C’est l’action ἐξούλης. On a vu plus haut, à propos des plaidoyers contre Onétor, quelles en étaient les conséquences.
(20). Nous sommes sans renseignements sur ces faits, comme sur les personnages d’Aminias et du tyran Camma. Les proxènes étaient ce que nous appelons aujourd’hui des consuls. Le statère de Phocée était une monnaie d’or, valant probablement vingt drachmes. Mitylène était la ville principale de l’île de Lesbos.
(21). L’orateur a déjà dit plus haut que Bœotos était Athénien par sa mère, indépendamment de la reconnaissance émanée de Mantias. Mais ce qui est vrai, c’est que cette reconnaissance suivie de légitimation rendait inattaquable la qualité de citoyen chez Bœotos.
(22). La loi de Solon défendait de mal parler des morts, à peine de dommages-intérêts envers leurs enfants, et d’une amende double envers le trésor. Plutarch., Solon, c. xxc ; Dem., Leptin., § 104. Lex rhetor., Dobree, p. 671.
(23). Il pouvait naître de là une question de rapport.
(24). C’est-à-dire qui peuvent être poursuivis pour faux témoignage.
(25). Quand les juges auront statué sur l’action de Mantithée, il y aura chose jugée, tandis que les sentences arbitrales rendues contre Bœotos sont toujours sujettes à un recours devant le tribunal.