Manuel de la parole/07
CHAPITRE II
LES MOTS
257. — Un mot est un son, ou un groupe de sons et d’articulations, exprimant une idée.
Un son est une émission de voix ne renfermant qu’un seul élément sonore, comme eau (ô). Deux éléments sonores, une articulation et une voyelle, peuvent se succéder, étroitement liés ensemble et prononcés aussi par une seule émission de voix, c’est-à-dire sans interruption du souffle, comme dans le mot beau (bô), qui se prononce sans temps d’arrêt ; il en est de même pour les diphtongues, comme dans le mot oui, dont les deux éléments (ou et i) se prononce par une seule émission de voix. Enfin, plusieurs sons et plusieurs articulations peuvent être réunis pour former un mot, qui se prononce par plusieurs émissions de voix, comme dans beauté (bô té), uniformément (u ni for mé man).
258.— On appelle syllabe chaque son ou chaque groupe de sons et d’articulations, dont se compose un mot, et qui peut être prononcé par une seule émission de voix.
Selon que les mots renferment une, deux, trois, ou plusieurs syllabes, on dit qu’ils sont des monosyllabes, des dissyllabes, des trisyllabes, ou des polysyllabes.
259.— On appelle syllabe simple, celle qui ne renferme qu’un son-voyelle ; syllabe composée, celle qui ne renferme qu’une diphtongue ; syllabe directe, celle qui renferme une ou plusieurs consonnes suivies d’une voyelle ou d’une diphtongue ; syllabe inverse, celle qui renferme une voyelle ou une diphtongue suivie d’une ou de plusieurs consonnes ; syllabe fermée, celle qui renferme une voyelle ou une diphtongue placée entre deux ou plusieurs consonnes.
Les combinaisons possibles des voyelles et des consonnes dans la formation des syllabes sont très nombreuses. En théorie, une syllabe pourrait renfermer huit éléments : trois consonnes, les deux voyelles d’une diphtongue, et trois autres consonnes. Mais dans la langue française, on ne rencontre guère que les combinaisons suivantes.
I. Syllabe pure :
| 1 voyelle | exemple : eau | (ô) |
II. Syllabe composée :
| 1 diphtongue | exemple : oui | (oui) |
III. Syllabes directes :
| 1 consonne et 1 voyelle | exemple : la | (la) |
| 1 consonne et 1 diphtongue | "loi | (loa) |
| 2 consonnes et 1 voyelle | "très | (trè) |
| 2 consonnes et 1 diphtongue | "trois | (troa) |
| 3 consonnes et 1 voyelle | "stratagème | (stra ta jè me) |
IV. Syllabes inverses :
| 1 voyelle et 1 consonne | exemple : il | (il) |
| 1 diphtongue et 1 consonne | "ouistiti | (ouis ti ti) |
| 1 voyelle et 2 consonnes | "est | (èst) |
| 1 diphtongue et 2 consonnes | "ouest | (ouèst) |
V. Syllabes fermées :
| 1 consonne, 1 voyelle et 1 consonne | exemple : cap | (kap) |
| 1 consonne, 1 diphtongue et 1 consonne | "voir | (voar) |
| 2 consonnes, 1 voyelle et 1 consonne | "stigmate | (stig ma te) |
| 1 consonne, 1 voyelle et 2 consonnes | "lest | (lèst) |
| 2 consonnes, 1 voyelle et 2 consonnes | "Christ | (krist) |
| 3 consonnes, 1 voyelle et 1 consonne | "structure | (struk tu re) |
| 3 consonnes, 1 voyelle et 2 consonnes | "strict | (strikt) |
| 1 consonne, 1 diphtongue et 3 consonnes | "quartz | (kouarts) |
260. — La voyelle est l’élément le plus important de la syllabe. C’est elle qui porte l’accent et la durée.
Il n’existe pas de syllabes sans voyelle.
Bien que l’articulation des consonnes doive être claire et distincte, ce serait une erreur de lui assigner le rôle principal dans l’émission de la syllabe. Les consonnes ne font qu’encadrer la voyelle ; elles la font ressortir, elle lui donne du corps, de l’énergie. La consonne est sans doute capable d’une certaine harmonie imitative ; mais l’expression ne lui emprunte presque rien. Une articulation trop lourde nuit plutôt à l’expression ; il suffit qu’elle soit claire et distincte.