Matelot (Loti)/12

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Matelot (1892)
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 54-55).
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XII


Quinze jours de plus. — À présent ils se donnaient des rendez-vous, une demi-heure après qu’elle avait passé, dans un lieu écarté, presque à la nuit. Elle se laissait prendre des baisers et les lui rendait pareils ; mais c’était tout, et vite elle s’échappait, derrière les grands murs, menaçant de ne plus revenir. Et lui, comprenant l’impossibilité de la rechercher si elle ne voulait plus, craignant de la perdre, chaque soir la laissait aller… « Si tu devais rester ici, alors, oui !… disait-elle… Ou si seulement tu devais revenir… » — Revenir, mais il ne savait rien lui-même de ses lendemains ; pauvre novice d’un humble bateau de commerce, sans liberté, sans argent, quels projets pouvait-il bien faire ? À la merci absolue de l’homme sombre qui commandait, il ne pouvait rien dire ni rien promettre. Alors il devait se contenter de ce que la fille blonde voulait bien donner…

Et quand la nuit devenait plus noire, les autres marins du bord l’emmenaient dans un bouge où des femmes grecques, encore belles, lui laissaient prendre plus que des baisers.