Mes heures de travail/Avant-propos

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Société générale d’imprimerie (p. 5--).

AVANT-PROPOS


Devenu octogénaire depuis l’an dernier, ne pouvant plus manier aisément la plume, ni me livrer à un travail dont l’utilité soit appréciable, je pense profiter de ce que la mémoire d’un passé déjà lointain est du moins très présente à mon esprit, pour dicter quelques mots qui s’y rapportent et, à ce propos, les remettre entre les mains de mes enfants qui m’ont vu à l’œuvre.

Le moment de ces réminiscences me paraît bien choisi, avant que l’affaiblissement inéluctable de mes facultés m’empêche de bien saisir l’enchaînement des divers travaux auxquels je me suis livré, et de jeter sur leur ensemble un coup d’œil qui me permette de juger le rôle modeste qu’il m’a été donné de remplir dans ce monde.

Au surplus, je ne compte pas entrer dans le détail de toutes mes occupations. Je me propose seulement de rappeler les principaux actes que j’ai accomplis comme travailleur, en laissant de côté ce qui rentre dans le cadre de ma vie privée. Je ne dirai rien par conséquent, dans ce qui va suivre, de ma famille, ni de mes relations, de ma vie religieuse, de mes délassements, de mes voyages, etc., particularités qui ne sauraient trouver place que dans une biographie proprement dite, que je ne me propose point de composer.

Pour mettre de l’ordre dans cet exposé, j’y mentionnerai, en premier lieu, ce qui est relatif à un temps pendant lequel ma sollicitude s’est portée presque exclusivement sur mes compatriotes (Genevois et Suisses d’autres cantons) ; cela formera la première partie de ces souvenirs, celle pendant laquelle j’ai fait, en quelque sorte, mon apprentissage d’altruisme. Puis j’aborderai la période où j’ai été conduit à déployer mes ailes et à m’aventurer dans une sphère plus vaste, fixant spécialement mon attention sur la guerre, le droit international et la civilisation de l’Afrique. J’appellerai cette deuxième période activité mondiale et la précédente activité helvétique. Sur tout cela, au surplus, je serai concis, ne me permettant des développements que sur certains points dont j’ai fait la matière de notes additionnelles.

Novembre 1907.