Mes mémoires (Groulx), tome I/vol. 1/Note de l’éditeur

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Texte établi par Notes de Juliette Lalonde-RémillardFides (p. 7-8).


NOTE DE L’ÉDITEUR




Le chanoine Lionel Groulx fut et demeure l’historien le plus prestigieux du Canada français. Tout entier voué à la cause qu’il a si brillamment servie au cours d’une longue et fructueuse carrière, il joua parmi les siens le rôle d’une sorte de conscience nationale. Son œuvre est bien connue et constitue par son ampleur, sa lucidité et sa fermeté de pensée un des regards les plus attentifs et les plus pénétrants jamais portés sur notre passé aussi bien que sur notre présent et notre avenir. Les Mémoires qu’on va lire couronnent cet ensemble imposant et nous livrent les derniers accents d’une voix dont les propos n’ont pas fini de nous révéler à nous-mêmes et de nous émouvoir.

À première vue, il existe chez Groulx de grandes différences entre l’historien et le mémorialiste. Le second emprunte assez peu, semble-t-il, au premier. Alors que celui-ci opte presque toujours pour la rigueur dans le raisonnement et pour le ton mesuré de l’expression, celui-là choisit volontiers le style frémissant de la vie et de la passion retrouvées. Ce que l’auteur ressent le besoin de dire ici, c’est le fond de sa pensée où se révèlent, inextricablement mêlés, les élans du cœur et les démarches d’une intelligence brillante, le tempérament de l’homme et les ressources de l’écrivain, les impatiences d’une volonté pressée d’agir sur le destin d’un peuple et les péripéties d’une lutte menée à longueur de vie avec une ardeur exemplaire. Rien dans ces pages qui ne soit mouvement de la conscience, trait de caractère, humeur de l’homme engagé dans l’action. De là cette vue particulière des gens et des faits, ces jugements et ces mises au point que le lecteur n’est pas tenu de faire siens. L’optique de Groulx vaut d’abord et avant tout par ce qu’elle révèle d’un homme dont la liberté fut entière, la sincérité inattaquable. Que demander de plus à ces Mémoires qu’une image fidèle de l’auteur et de sa vie ?

Dans une note manuscrite, reproduite ci-après et qui, pour l’écrivain, avait valeur testamentaire, ce dernier invite son héritière et son éditeur à ne publier ses souvenirs qu’après avoir pris conseil de « personnes prudentes, averties ». Nous avons tenu à respecter ce désir en soumettant l’œuvre à un certain nombre de lecteurs compétents et impartiaux. Leur jugement nous fut particulièrement utile, et nous les en remercions de tout cœur. Il nous a permis, entre autres choses, de prendre conscience de la nécessité de proposer le plus tôt possible aux lecteurs et aux chercheurs le bilan d’une vie riche en leçons et en expériences de toutes sortes. Trois ans après sa mort, Lionel Groulx demeure au centre de nos luttes, de nos aspirations et de notre quête collectives. Pour avoir longtemps vécu de sa pensée dynamique et exaltante, la génération actuelle éprouve encore le besoin d’entendre cette grande voix libre de toute entrave, fière et d’une autorité indéniable. Au-delà de l’expérience vécue, chacun aura vite fait de retrouver, dans ces Mémoires, une âme généreuse et combative, de belle trempe et de haute exigence. Celle que nous aimons parce qu’elle est la parfaite expression de notre espoir le plus tenace et de notre vouloir vivre le plus irréductible.



Les notes contenues dans le présent ouvrage ne sont pas de l’Auteur, mais de Mme Juliette Lalonde-Rémillard à qui nous exprimons notre profonde gratitude.[1]

  1. Note Wikisource — Ces notes ont dû être supprimées du fait qu’elles ne sont pas du domaine public. Seules les notes de l’éditeur ont été conservées.