Mes paradis/Dans les remous/Ballade des plaisirs

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LXXXIV

BALLADE DES PLAISIRS


Ah ! le plaisir, quel plaisir est-ce,
Si, même avant d’avoir été,
Il darde sous ta rose, Ivresse,
Ton épine, Satiété ?
Ô bonheur d’avance guetté
Par de trop certaines tortures !
Ô pleurs que sème la gaîté !
Plaisirs présents, peines futures.

Est-il vrai, cœur plein d’allégresse,
Que souvent, près d’être fêté,
Au seuil ouvert de ta maîtresse
Brusquement tu t’es arrêté
De battre, pris d’anxiété

Au su des noires aventures
Dont tout amour est maltraité ?
Plaisirs présents, peines futures.

Est-il vrai, quand la faim nous presse.
Devant le repas apprêté,
Que tout parle à la folle ogresse
De la sage sobriété,
Et que, par les désirs fouetté,
On sent déjà les courbatures
Du prochain réveil hébété ?
Plaisirs présents, peines futures.

ENVOI

Prince, oui, le sort l’a décrété :
Les dégoûts sont fils des bitures.
À printemps joyeux, morne été.
Plaisirs présents, peines futures.