Mes paradis/Les Îles d’or/Ah ! celles dont les fontaines

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VI


Ah ! celles dont les fontaines
Sont de beaux miroirs d’argent
Où les gueux en s’engageant
Se voient déjà capitaines !

Les mêmes dont des échos
À toutes les voix données
Vous rendent des claironnées
De joyeux cocoricos !

Ne dites pas qu’on s’y trompe !
On a bien le regard clair,
Et ce n’est pas l’air en l’air
Qui sonne ainsi de la trompe.


On entend le chant joyeux,
Diane de bon augure,
Et ce qu’on a pour figure
On le voit de ses deux yeux.

Accuser de flatterie
L’eau si pure ? Oh ! non, vraiment.
Et l’écho ? Est-ce qu’il ment ?
Il répond ce qu’on lui crie.

Et pourtant, quoi ? Mais enfin,
Cette eau, ce qu’elle reflète,
C’est bien la double épaulette
Et le hausse-col d’or fin.

Et l’écho, ce qu’il répète,
Même quand on y pleura,
C’est un taratantara
De fanfarante trompette.

Et courez ça, courez ci,
Partout la chose est certaine,
C’est ainsi chaque fontaine,
Tous les échos c’est ainsi.


Partout merveilles pareilles ;
Et puisqu’on voit, qu’on entend,
Il faut en croire pourtant
Et ses yeux et ses oreilles !

On n’est pas un entêté,
Et force est bien qu’on se treuve,
Tout vous en offrant la preuve,
Plein de gloire et de gaîté.

Peut-être de bons génies,
Pour qui nous sommes charmants,
Ont de leurs enchantements
Peuplé ces îles bénies.

Soit ! Mais si leur charité
Nous fait riches de courage,
Il suffit, et ce mirage
Deviendra la vérité.

Il l’est déjà, puisqu’en somme,
Nous sachant beaux et vainqueurs,
Dans le temple de nos cœurs
Le miracle se consomme.


Et donc à tous les échos
Nos louanges soient sonnées,
Sincères, aux claironnées
Des joyeux cocoricos,

Et dans toutes les fontaines
Où brille un miroir d’argent,
Soldats, en nous engageant,
Saluons-nous capitaines !