Mes paradis/Les Îles d’or/Tous les baisers, tous les baisers, premier baiser

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XVIII


Tous les baisers, tous les baisers, premier baiser
Presque en songe, furtif, osant à peine oser,
Baiser qui, stupéfait, s’enfuit de ce qu’il touche,
Baiser plus enhardi qui s’attarde à la bouche,
Papillon, puis abeille y butinant son miel,
Baiser aigle emportant sa proie au fond du ciel,
Baiser cynique en plein soleil qui vous regarde,
Baiser qui dans le cœur entre jusqu’à la garde,
Baiser de nuit trouvant sans lampe d’Aladin
Le Sésame-ouvre-toi du plus secret jardin,
Baiser bu d’un seul coup comme un alcool de flamme,
Baiser bu lentement en vieux vin qui réclame
Toute l’attention muette du buveur,
Baiser reçu comme une hostie, avec ferveur,

Baiser riant, baiser pleurant, baiser de rêve
Qui commence en la chair et dans l’âme s’achève,
Tous les baisers, tous les baisers, tous les baisers,
Baisers martyrisants, baisers martyrisés,
Baisers où semblent joints des muffles de chimères,
Baisers de jalousie aux âcretés amères,
Baisers de rage au goût de sang et de poison,
Baisers d’adieu qui râle et qui perd la raison,
Baisers déments où l’on ne sait plus si l’on souffre.
Si l’on jouit, baisers d’azur, baisers de gouffre,
Baisers toujours en rut et jamais apaisés,
Tous les baisers, tous les baisers, tous les baisers,
Tous ceux où l’on sent vivre et mourir tout son être,
Tous ceux qu’on a connus, tous ceux qu’on doit connaître,
Tous les baisers, tous à la fois, en composer
Chaque baiser qu’on donne et prend, chaque baiser !