Midraschim et fabliaux/L’Absence
L’absence est, aux cœurs amoureux,
Comme le vent des colonies ;
Elle éteint tous les petits feux,
Elle attise les incendies.
On dit que les absents ont tort,
Qu’il ne faut pas quitter sa place ;
Que, quand le mari chasse fort,
La femme aussi se met en chasse.
Mais ces proverbes sont menteurs,
Et l’on sait que c’est dans leurs textes
Que la plupart des malfaiteurs
Savent emprunter des prétextes.
Dans un corps sain, quand l’âme est saine,
Quand le cœur est resté naïf,
Si la confiance est certaine,
L’absence n’est qu’un chagrin vif.
Simoun du désert, vent de sable,
Et vous, siroco[1] ; vous, mistral[2],
Mousson[3], galerne[4] lamentable ;
Vous, harmattan[5] du Sénégal,
Vents furieux, vents de colère,
Vents qui ne pardonnez jamais
Et semblez siffler sur la terre,
Pour lui reprocher ses forfaits ;
Vous êtes fiers d’être méchants,
Eh bien, vents de nos colonies :
Comparez à vos ouragans,
La tourmente des perfidies.
Mais ne plaignez pas la douleur
D’une âme bien passionnée,
La douleur n’est pas sans douceur,
Quand elle est noblement portée.
L’absence est, aux cœurs amoureux,
Comme le vent des colonies ;
Elle éteint tous les petits feux,
Elle attise les incendies.