Midraschim et fabliaux/Sources/Le Nazir

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Imprimerie Vve P. Larousse et Cie (p. 83-85).
TRADUCTION LIBRE.


« Qui vous demande de venir dans mes parvis ? — Vos néoménies, vos sabbats, vos jours de fêtes me sont indifférents, et vous avez beau les multiplier, JE NE VEUX POINT LES ÉCOUTER. Ce que je demande, c’est que vous soyez purs et vertueux, que vous vous éloigniez du mal, que vous vous attachiez au bien, que vous pratiquiez la justice, que vous secouriez l’opprimé, que vous preniez la défense de la veuve et de l’orphelin. »

(Isaïe, ch. I, verset 12 et seq.)

« Est-ce là ce que vous appelez un jeûne et un jour agréable au Seigneur ? Non. —

« Le jeûne que je demande, le voici :

« Délier les liens du vice, s’affranchir des nœuds de la méchanceté, délivrer les opprimés, partager son pain avec ceux qui sont affamés, donner asile aux indigents et vêtir ceux qui sont nus, rassasier les âmes affligées et briser le joug de l’esprit du mal. »

(Isaïe, ch. LVIII.)

« Toute femme qui prie ou qui prophétise sans avoir la tête couverte DÉSHONORE SA TÊTE ; c’est la même chose que si elle était rasée. »

(1 Corinth., XI, 5.)

Un berger possédait, sans s’en douter, la plus merveilleuse des chevelures.

L’isolement dans lequel il vivait et la nudité de sa chaumière l’avaient continué dans son ignorance de lui-même, lorsqu’un jour, en se désaltérant dans une source, le hasard fit qu’il s’y regarda.

Et la forme, l’abondance, la couleur et les ondulations de sa chevelure l’éblouirent tellement qu’il en conçut un sentiment de vanité.

Et cette vanité s’emparant de son cœur corrompait déjà ses sentiments les plus naturels, lorsqu’il s’aperçut qu’il commettait le péché de l’orgueil.

Le repentir le saisit alors, puis un combat s’établit dans le fond de son âme entre le péché et le repentir du péché.

L’âme du berger était noble, et le repentir finit par triompher du péché ; — mais ensuite le berger s’adressa les plus vifs reproches et ne put se pardonner à lui-même.

Alors, afin d’acquérir sa tranquillité intérieure, le berger fut trouver Rabbi Siméon.

Et il lui raconta tout, — et il lui demanda conseil.

— Essaye du naziréat, mon fils, lut répondit le Rabbi après l’avoir écouté attentivement, — essaye du naziréat.

Et le berger s’empressa de se purifier et d’offrir en sacrifice les deux plus belles colombes qu’il put se procurer.

Puis il se fit raser la tète, — et non seulement la tête, mais le corps tout entier.

Et il passa sept jours en jeûnes et en prières dans l’intérieur du temple.

Et après avoir accompli scrupuleusement ce naziréat, il se rendit chez le Rabbi, — et il lui demanda s’il pouvait en effet se considérer comme dégagé du péché qu’il avait commis.

— Plût à Dieu, mon fils, lui répondit le Rabbi, plût à Dieu que tous les nazirs fussent animés d’un zèle aussi sincère que le tien !

La plupart se figurent qu’au moyen d’une dévotion exagérée, ils peuvent acquérir l’impunité des péchés qu’ils commettent.

Et alors le naziréat vient en aide ou démon.

Car ceux-là se précipitent d’autant plus dans le mal, qu’ils se disent : Commettons d’abord le péché qui nous tente, — puis nous effacerons le péché au moyen du naziréat et nous recommencerons après.

Le naziréat, mon fils, n’est qu’une expression publique du sentiment d’humilité et de repentir d’un péché commis.

Mais qu’est-ce que l’expression d’un sentiment qui n’existe pas, si ce n’est un nouveau péché ?

Tu n’es pas de ceux qui espèrent ainsi tromper Dieu par des pratiques vaines, mon fils ; rassure-toi donc : une seule de tes larmes, issue de la sincérité de ton repentir, t’avait déjà conquis le pardon du Tout-Puissant.

Ce n’est pas le sacrifice, ce n’est pas la chevelure rasée, ce n’est pas le jeûne, ce n’est pas la prière, ce n’est pas le naziréat, mon fils, C’EST LE REPENTIR QUI EFFACE.

(Talmud, d’après le chapitre des Nombres ; traduction libre, Hippolyte Rodrigues, Saint Paul pages 249 à 253.)


Voici maintenant la traduction littérale :


Siméon le juste raconte n’avoir goûté du sacrifice offert par les Nazaréens qu’une fois dans sa vie, à l’occasion suivante :

Un jour vint à moi un habitant du Sud, — c’était un jeune homme d’une beauté remarquable ; son teint était rosé, ses yeux étaient splendides, et sa chevelure en ordre tombait en boucles épaisses.

Je lui dis : Que t’est-il arrivé, pour que tu veuilles sacrifier une chevelure d’une telle beauté ? —

— Maître, répondit-il, j’étais le berger des troupeaux de mon père ; — en puisant dans une source pour remplir l’abreuvoir, l’eau refléta mon image, et aussitôt une pensée vicieuse, pouvant entraîner ma perdition, s’empara de moi.

Je me dis alors : — Pourquoi t’enorgueillis-tu, impie, d’un objet qui ne t’appartient pas, qui sera réduit en poussière et qui deviendra la proie des vers de terres ? — Je veux te sacrifier au ciel. —

Moi, dit Siméon, j’inclinai la tête en signe d’assentiment, je lui donnai l’accolade en disant : qu’il y ait beaucoup de Nazaréens comme toi en Israël ; — toi, tu es comme le veut l’Écriture, un digne Nazaréen de l’Éternel.

Talmud Midrach Rabba Bamidbar, chapitre x. — Talmud de Jérusalem, Nazir, chap. IerTalmud de Babylone Nedarim, f° 9 ; — Idem, Nazir, folio 4b, seconde partie).

Hippolyte Rodrigues. — Saint Paul, chapitre VII, traduction littérale, page 253.