Moïse sauvé

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LIVRE V

MOISE SAUVÉ

IDYLLE HÉROÏQUE


PREMIER ÉPISODE[1]

Moïse exposé sur le Nil

S’étant doncque levés[2] qu’encore les étoiles
De la nuit taciturne illuminaient les voiles,
Et qu’une sombre horreur couvrait paisiblement
L’air, le vague liquide et le ferme élément,

Ils s’habillent soudain, s’en vont à la fenêtre
Pour savoir si le jour s’apprêtait à renaître ;
Et furent étonnés qu’en regardant les cieux
Un clair et beau prodige apparut à leurs yeux.
Ce fut un trait de feu qui, comme une fusée,
Commençant sur leur toit une ligne embrasée.
Avec sa pointe d’or les ténèbres perça,
D’un cours bruyant et prompt vers le Nil se glissa,
Fit loin étinceler sa flamme pétillante.
Et, laissant en la nue une trace brillante,
S’en alla dans cette onde éteindre son ardeur.
Et remplir l’air d’autour d’une agréable odeur.

Vois, cria lors Amram, vois ce que nous figure
Le lumineux sillon que forme cet augure ;
Mon soin est confirmé ; ce chemin noble et droit
De l’asile choisi marque le bel endroit ;
C’est entre nos roseaux qu’aboutit sa carrière :
Jette donc à ce coup tes vains doutes arrière,
Mettons la main à l’œuvre et louons l’Eternel,
Qui nous daigne montrer un souci paternel.

En achevant ces mots, jusqu’à terre ils se plient,
Adorent le grand Dieu, l’exaltent, le supplient
De bénir leur dessein, et rendre leur enfant
Des périls redoutés vainqueur et triomphant ;
Puis, dès que, par le temps, la belle aube argentée
Fut du sein de la nuit comme ressuscitée.
Sitôt que sa lueur reblanchit l’horizon.
Que le jour s’échappa de sa noire prison,

Que le bruit réveillé vint de sa violence
Effrayer le repos, la paix, et le silence,
Et que le roi des feux, d’un rayon vif et pur,
Eut refait le matin d’or, de poupre et d’azur,
La faucille à la main, de leur cabane ils sortent,
Vont au premier fossé, sur leur tête en rapportent
L’émail tremblant et vert de deux faisceaux de joncs,
En prennent les plus forts, en joignent les plus longs,
Et de leurs vites doigts en dressent un ouvrage,
Qui de bitume enduit, pour tromper le naufrage,
Ne sait s’il doit au vrai s’appeler un vaisseau,
Ou plutôt un cercueil, ou plutôt un berceau ;
Puis, après maint baiser accompagné de larmes
Que versait Jocabel sur l’enfant plein de charmes,
Après maint dur sanglot et maint soupir aigu,
Elle le couche enfin dans ce lit ambigu ;
Et, voyant qu’il riait d’une douce manière !
Las ! dit-elle, tu ris, ô ma gloire dernière,
Tu ris, mon seul espoir, et tu ne connais pas
Que peut-être ta vie est proche du trépas ;
Tu fais sur ton beau front éclater l’allégresse,
Et tu ne ressens point le péril qui te presse ;
Ah ! chétif, ah ! chétif, qu’il te serait bien mieux
De lâcher maintenant les sources de tes yeux !
O douleur ! ô remède ! ô lit ! ô sépulture !
Fut-il jamais au monde une telle aventure ?
J’égare exprès un bien afin de le trouver ;
Je l’expose aux hasards afin de l’en sauver,

Et, par une pitié sinistre et dangereuse,
Même avant le malheur me rendant malheureuse,
Je cherche ma ruine, y cours aveuglément,
Et du sort que je crains hâte l’événement.
    Amram, qui la regarde et qui voit en sa peine
Le sensible pouvoir de la faiblesse humaine,
D’une âme plus constante et plus raide au souci.
Tout d’un temps la rassure et la reprend ainsi ;
    Qu’est-ce là, Jocabel ? quelle crainte frivole
Se glisse en ton esprit, d’où la raison s’envole ?
Qu’as-tu fait de ton cœur ? Qu’as-tu fait de ta foi,
Ou plutôt de toi-même, au trouble où je te voi ?
Sont-ce là les trésors, les fruits de la sagesse
Dont le ciel t’a douée avec tant de largesse ?
Faut-il que ton ennui trahise ta vertu ?
Parle, chère moitié, pourquoi t’affliges-tu ?
Ah ! je vois ce que c’est : tu te fais trop entendre ;
Aux promesses d’en-haul on ne doit point s’attendre ;
Je t’ai dit une fable, et l’incrédulité
Te fait croire menteur le Dieu de vérité !
    Si jadis hardiment le saint reste du monde
Entra sur sa parole en l’arche vagabonde.
Quand la terre insolente osa heurter les cieux,
Quand l’œuvre de ses mains déplut même à ses yeux.
Quand il se repentit d’avoir fait son image,
Quand son vassal ingrat lui refusa l’hommage,
Quand, dis-je, son courroux, aussi juste qu’amer,
De tous cet univers ne fit rien qu’une mer,

Craindras-tu de commettre à sa puissante garde
Cet enfant que sur l’onde il faut que l’on hasarde ?
Et pourras-tu douter, après le signe vu,
Qu’à ses tendres besoins sa grâce n’ait pourvu ?…

D’un si grave discours enfin persuadée,
Jocabel se résout à la foi demandée,
Surmonte ses douleurs, étouffe ses regrets,
Retient de ses soupirs les mouvements secrets,
Et, commandant soudain à la jeune Marie
Qu’elle mît son troupeau hors de la bergerie,
Tandis qu’à les guider Amram se disposait.
Prend le doux lit de jonc où l’enfant reposait ;
Et de peur que cet astre, à force de reluire,
Ne se trahît chez eux, et ne les fît détruire.
Sortent tous trois ensemble, et, tirant vers les eaux,
Vont en fier l’éclat à l’ombre des roseaux.

Dans la verte épaisseur de ces fragiles plantes
Qui poussaient hors du Nil leurs têtes chancelantes,
S’entr’ouvrait par contoui’s une espèce de sein,
Qu’un favorable sort offrait comme à dessein
De recevoir l’enfant, et garder que sur l’onde
Le courant ne rendît sa barque vagabonde ;
De joncs et de glaïeuls il était renferme,
Et l’art même à propos semblait l’avoir formé.

Sitôt qu’en cet asile ou eut mis la nacelle,
Amram dresse ses pas où le travail l’appelle ;
Et l’aimable bergère, errant à l’environ,
Laisse aller Jocabel revoir le tendre Aaron.

Telle que dans l’horreur d’une forât épaisse
Une biche craintive, et que la soif oppresse,
Quitte à regret son faon, depuis peu mis au jour,
Quand pour chercher à boire aux fosses d’alentour,
Ayant au moindre bruit les oreilles tendues,
On la voit s’avancer à jambes suspendues,
Faire un pas, et puis deux, et soudain revenir,
Et de l’objet aimé montrant le souvenir,
Montrer en même temps, par ses timides gestes.
Le soupçon et l’effroi des images funestes
Oui semblent l’agiter pour autrui seulement :
Telle iiit Jocabel en son éloignement.

IIe ÉPISODE

AU BORD DU NIL

Le grave Mérary, s’exerçant la mémoire,
De l’illustre Jacob contait ainsi l’histoire.
Et le couple discret, à sa bouche pendu.
Gardait à ses propos tout le silence dû.
Quand un monstre cruel, qui nage et qui se treuve
Tantôt dessus la rive et tantôt dans le fleuve.
Un amphibie énorme, un traître qui se plaint,
Qui pour l’homme attraper les pleurs de l’homme feint
Sort du Nil tout à coup, rampe sur l’herbe émue.
De ses louches regards vient surprendre leur vue,
Rompt du noble discours le fil si bien tramé.
Et soit que, sous l’instinct d’un désir affamé.

Il eût senti l’enfant qui reposait sur l’onde,
Soit qu’il fît sans dessein sa route vagabonde,
Tire vers la nacelle, et fait transir de peur,
Sinon les trois ensemble, au moins la chère sœur.

Aussitôt Elisaph, qui, contre ces alarmes,
Quoique simple berger, n’allait jamais saus armes,
Et qui d’un bras robuste et d’un agile corps,
Avait gagné le prix dans les plus grands efforts,
Se saisit d’un épieu dont la pointe acérée
Eclatait au soleil sous la gloire espérée,
Marche au combat, s’anime, et, de l’objet rampant
Le chemin au berceau d’un pas vite coupant,
A son gosier ouvert de pied ferme s’oppose.
Et, montrant au péril tout ce qu’un grand cœur ose
Prévient le péril même, y cherche des appas,
Se courbe, offre son fer, affronte le trépas.
S’apprête au rude choc sur ses jambes raidies.
Tient l’œil vers le besoin, et, de ses mains hardies,
Porte un grand coup au monstre un coup horrible,
Que sans la peau d’écaille il eût été mortel. [et tel

Mais, comme en une forge où la terre s’allume
On voit le dur marteau rebondir sur l’enclume.
Dans le poing qui l’étreint en bruyant retourner
Et du cyclope noir le bras même étonner,
Ainsi revient l’épieu frustré de son attente.
Ainsi résonne-t-il en la main mécontente.
Elisaph s’en irrite, et sa haute valeur
Sent du coup sans effet une noble douleur.

Le monstre, toutefois, étourdi de l’atteinte. Qui sur son fron t de roche avait fait quelque empr ei nte, Demeure quelque temps sans se mettre en devoir D’opposer force à force et pouvoir à pouvoir ; Mais soudain la fierté, le dépit et la rage. Portant sa course à l’homme et sa gueule à l’outrage, Réveillent sa vengeance, et de l’acier pointu Lui font même assaillir l’eftroyable vertu. Il le prend, il le mord ; Elisaph le tient ferme, Tâche de l’enfoncer dans l’ire qui l’enferme. Pousse, tire, repousse, enfin l’arrache aux dents, Se remet en posture et l’offre aux yeux ardents.

Mérary, d’autre part, qui, voyant le reptile, Ne veut pas être vu spectateur inutile, Et qui, bien que plein d’âge, est assez vigoureux Pour répondre au dessein d’un acte généreux, Se prépare au secours, se fait une massue D’une branche de pin encor toute moussue. Sa forte épaule en charge, et, suivit des deux chiens Qui des deux grands troupeaux sont les braves soutiens Avec deux ichneumons et fiers et domestiques. Dont l’ennemi cruel redoutait les pratiques. Joint le vaillant pasteur, et le voit démarcher Comme son arme aux dents il venait d’arracher.

A ce renfort subit, l’âpre monstre s’arrête ; Il regarde, il découvre et l’une et l’autre bête Que de nature il hait, et que l’aversion Ne peut voir par ses yeux qu’avec émotion. Et, poussant aussitôt de son affreuse bouche Un ton qui jusqu’au ciel tous les airs effarouche, Il fait frémir la terre, et d’un rapide cours Vient, ô quelle venue ! attaquer le secours. Elisaph le poursuit, Mérary l’ose attendre, Un haut désir de gloire entre les deux engendre Gertainejalousie, ou du moins d’un beau feu Anime également et l’oncle et le neveu.

Le combat achevé, la pucelle craintive S’approche à pas douteux de la fatale rive Où l’énorme amphibie et les deux chers parents Viennent de décider leurs âpres différends ; Elle avance à leur voix, qui d’un ton de victoire L’instruit de leur bonheur, l’assure de leur gloire : Et comme en leur personne elle a couru hasard, A leur triomphe encore elle va prendre part.

Mais à peine auprès d’eux s’est-elle enfin rangée Que son œil voit sa joie en tristesse changée : Elisaph, qui le frère a si bien défendu, Tombe aux pieds de la sœur, du sang qu’il a perdu

Tant qu’un désir de vaincre allumé dans son âme L’avait dans le combat soutenu de sa flamme, Presque de la morsure il n’avait rien senti. Et rien en sa vigueur ne s’était démenti. Son corps avait toujours, au plus fort de l’orage, Répondu dignement à son noble courage ; Mais le désir éteint par le laurier gagné, Il montre de quel sang le prix en est baigné. II chancelle aussitôt, il pâlit de faiblesse ; De sa plaie en la cuisse au cœur l’amante il blesse ; II sue, il tombe enfin sans haleine et sans pouls. Et d’un ennui cruel afflige un œil si doux.

Cependant Mérary, songeant qu’en ces rivages II avait remarqué certains simples sauvages Dont la vertu secrète et le suc merveilleux Serviraient au berger dans l’état périlleux, Y va tout aussitôt, d’herbe en herbe chemine, Se baisse, arrête l’œil, les feuilles examine, Sent une fleur, sent l’autre, et passe et tourne court, De ses regards cherchant, tout l’environ parcourt. Et représente ainsi, sur la rive champêtre. Le fidèle animal qui, pour trouver son maître, Flaire à droit, flaire à gauchc^et, confus en ses pas, Vatoujoursd’hommeenhomme,etlesienn’atteintpas.

Enfin, d’une main prompte ayant cueilli de l’herbe Qui faisait éclater sa fleur vive et superbe. Et de qui l’on voyait le vert et beau butin Encor tout parsemé des perles du matin. Il broie, il mêle tout, feuille, tige, racine, L’épreint, en prend le suc, l’aigre plaie en bassine, Réitère l’office, et d’un lin déchiré. Que de son chaste sein la vierge avait tiré, Et que d’une manière affectueuse et prompte Elle venait d’offrir, sous une honnête honte. Faisant un cher bandage à l’endroit douloureux,

Fait un second remède au pasteur amoureux.

Mais, ô quelle merveille ! à peine l’angélique
Sur le neveu mordu l’oncle pieux applique,
A peine du seul linge sent-il l’attouchement,
Qu’il se voit hors de mal, de fièvre et de tourment.
Aussitôt il se lève, et d’une belle audace,
Regardant le reptile étendu sur la place,
Semble ne demander qu’un ennemi nouveau
Pour refaire un combat plus sanglant et plus beau.
Ses esprits recouverts, ses forces revenues
S’élèvent en son cœur jusqu’au-dessus des nues.
Et dans le haut désir dont son bras est touché.
De sa propre victoire il est presque fâché.

Après ces mouvements qu’en son âme suggère
L’honorable dessein d’obliger la bergère,
D’acquérir son estime, et d’un vœu solennel
Servir de plus en plus au salut fraternel,
Il passe au monstre mort, l’horrible tête en coupe,
Et, formant de gazon une petite croupe *,
Y dresse un fier trophée auprès du saint enfant,
Qui dans le berceau même est rendu triomphant ;
Puis sous le gré de l’oncle et de l’œil qu’il adore.
De l’œil qu’à son sujet il voit humide encore.
Et dont pourtant la joie enflamme les appas.
Il songe pour eux tous au simple et gai repas.

La figue au jus de miel, prise sur l’arbre même.
Corsant * le noble tronc, il ose aller cueillir.
Non sans faire de peur la belle tressaillir.
Qui, pâle du danger où l’amant se hasarde,

Suit le pied, suit la main, crie en bas, le regarde,

Monte avec lui des yeux, et, d’un cœur suspendu. N’a ni bien ni repos qu’il ne soit descendu ; Le pain rustique et noir, qui dans la panetière Est du bon appétit la friande matière ; Le poisson mis au vent et grillé tant soit peu Sur le brasier nouveau d’un admirable feu. Tiré, non des cailloux, comme est tiré le nôtre, Mais de deux roseaux secs battus l’un contre l’autre ; L’amande et le raisin déjà cuit au soleil, Font de leur doux banquet l’innocent appareil.

IIIe EPISODE

COMBAT DE MOISE ET DE l’ÉGYPTIEN

Le barbare insolent, armé d’une zagaie Humide et rouge encor du sang de mainte plaie, S’avance le premier, et, de son bras nerveux La dardant à Moïse, effleure ses cheveux ; Le bois en vain jeté passe comme un tonnerre, Et se fiche en tremblant plus d’un pied dans la terre ; De la faute du coup l’Egyptien pâlit, Et la rage déçue en sa pâleur se lit.

Moïse, agile et raide, en même temps l’enfonce, Et d’un acier qui brille et qui le meurtre annonce L’éblouit et lui porte un horrible fendant. Qu’il oit, non sans effroi, siffler en descendant ; Il esquive, il recule, et, montrant son adresse. </poem> Saute, rôpée au poing’, vers l’Hébreu qui le presse. L’un charge, l’autre pare, et du glaive soutient Le tranchant furieux qui contre lui revient ; Des fers entre-heurtés il sort mainte étincelle. Ici l’un se tient ferme, et là l’autre chancelle, El,quoiqu’en ce combat leurs corps soient désarmés, Ils n’en sont pas pourtant au choc moins animés. Tous deux grands, tous deux forts, à la palme ils [prétendent ; Le pied, l’œil et la main se suivent et s’entendent ; Le bras s’accorde au cœur, l’art répond au désir, Et de reprendre haleine ils n’ont pas le loisir ; Les ruses, les détours, les surprises, les feintes. Et tout ce que l’escrime en ses vives atteintes A de hardi, d’affreux, de brusque et de cruel. Se mettent en pratique en cet âpre duel.

Mais, quoique le païen vaillamment se comporte. Quoiqu’il paraisse adroit, il ne l’est point en sorte Que du glaive ennemi, formidable à ses yeux, Le ravage mortel ne l’offense en maints lieux. De douleur et de honte il forcené, il blasphème, Il se renfrogne, il hurle, et, d’un dépit extrême, Décrochant à Moïse un regard de travers. Lui lâche sur la tête un rapide revers. Moïse, qui l’observe et qui voit qu’il s’allonge, Loin à l’écart du fer à chef baissé se plonge ; Le fer rencontre un pin, y marque son erreur. Et l’arbre atteint du coup tonne et remit d’horreur. Le païen, confondu de voir que son épée S’est en ce grand effort à son poing échappée, Tourne vite à Moïse, et, sur lui se jetant, De jambes et de bras le saisit à l’instant. Moïse le reçoit : à la lutte ils se nouent, Ramassent leur vigueur, des mains s’entre-secouent, Soufflent, grincent les dents, déchirent leurs habits. De leurs yeux enflammés font d’étranges rubis, Tentent mille desseins, et, redoublant leurs forces, Se donnent l’un à l’autre entorses sur entorses ; Ils changent de posture, ils brûlent d’action. Et l’eau que rend leur corps en cette oppression Montre qu’ils n’ont en eux muscle, artère, ni veine, Ni nerf, qui ne frémisse et ne s’enfle de peine ; Et mon œil agité voit en leur mouvement Leurs pas sur le sablon empreints confusément.

Courage ! du païen la valeur diminue ; La force de son ire est en vain soutenue, Il fléchit, et l’Hébreu, terminant le combat, L’étreint, le fait gémir, le soulève, l’abat. . . Enfin, avec le sang que ses blessures versent. Sa vie et ses esprits s’en vont et se dispersent ; Il pousse en l’air son âme et ses derniers sanglots, Et nage eu un ruisseau fait de ses propres flots.

IVe ÉPISODE

PASSAGE DE LA MER ROUGE

Une troupe d’oiseaux de longtemps prisonnière Dans l’ennuyeux séjour d’une obscure volière, Où, la laissant languir, un maître dédaigneux En a remis la charge à des gens peu soigneux, Qui font que bien souvent la malheureuse endure, Sur de tristes rameaux dépouillés de verdure, Et la soif et la faim, et qu’au lieu de chanter, Elle traîne sa voix et l’use à lamenter, Si quelque doux moyen à sa liberté s’ouvre, Et que de l’air des champs le bien elle recouvre, Elle peut figurer les excès du plaisir Dont se sent Israël émouvoir et saisir : Car, ainsi que les uns, d’un fidèle ramage Bénissent le soleil qui dore leur plumage, Les autres tout de même, au sortir de ce lieu, Par des hymnes sacrés rendent louange à Dieu, fe" Mais j ’aperçois déjà cette excessive joie D’une extrême frayeur être faite la proie ; Ce peuple s’est à peine à l’Égypte ravi. Que de toute l’Égypte il se voit poursuivi. Le monstre, en qui n’ont pu tant d’âpres médecines De la rage obstinée arracher les racines. L’orgueilleux Pharaon, qu’un coupable regret Comble d’un repentir félon, noir et secret. Aussitôt en son cœur rétractant sa parole. S’arme, jure sa perte, et sur un char qui vole, Ceint d’escadrons épais, s’élance après ses pas. Et pousse devant soi l’audace et le trépas. Au bord de l’onde rouge il l’atteint et l’assiège ; Il crie en se dressant : Le voilà dans le piège, C’en est fait, je le tiens, il est pris, l’enchanteur, Qui de ces fugitifs est le beau conducteur ; A ce coup il verra sa finesse trompée ; Je ferai tout passer par le fil de l’épée. Là, d’un côté les monts et de lautre les flots Tiennent à mon souhait ces perfides enclos ; Et quand bien cette mer ne serait pas vermeille, Enflammé du courroux qu’en mon sein je réveille. Je la ferais rougir du sang que j’épandrai Dès l’horrible moment que sur eux je fondrai.

Jacob, qui de sa paix sent troubler la bonace Par le bruit furieux d’une telle menace. Que le vent de l’effroi porte jusqu’à lui. S’étonne, est accablé sous un mortel ennui ; Et, dans le désespoir, l’insolence et la crainte, Osant faire à Moïse une outrageuse plainte, Sans songer au futur, sans égard du passé, Vomit avec aigreur ce langage insensé :

Donc, ô présomptueux, pour plaire à ton envie, Nous devions en ce bord achever notre vie ! Quoi ! les gouffres du Nil manquaient-ils de cercueils Qu’il en fallût chercher autour de ces écueils ? Où nous as-tu conduits ? Crois-tu qu’il soit possible De soutenir ce camp en armes invincible ? Sommes-nous des poissons,sommes-nous des oiseaux Pour franchir aisément ou ces monts ou ces eaux ? O folle ambition 1 ô gloire déréglée ! O vanité d’une âme en son faste aveuglée ! O de régner sur nous trop superbes désirs ! Que vous nous coûterez de sanglants déplaisirs ! Ne valait-il pas mieux nous laisser dans nos chaînes, Dont la longue souft’rance avait dompté les gènes, Que de nous amener, sous un prétexte feint. Non pour un sacrifice en un lieu haut et saint, Mais pour être immolés nous-mêmes à la rage De la mer qui conspire avecque ton courage, Ou pour nous voir demain livrer à la merci D’un cœur par notre fuite au double rendurci ?

Moïse, généreux, excusant ce tumulte. Jette les yeux au ciel, avecque Dieu consulte. Et, d’un saint mouvement aussitôt inspiré. Les regarde et leur tient ce discours assuré :

Peuple, chasse ta peur : cette puissante armée Que tu vois contre toi de colère animée Eprouvera tantôt le bras de l’Eternel, Et rendra par sa fin son renom solennel, Ils mourront, les bourreaux ; une juste vengeance En exterminera l’abominable engeance ; Ils vont être payés des maux qu’ils nous ont faits ; Leur tyran nique orgueil va crever sous le faix. Hébreux, n’en doutez point, les merveilles passées Se croiraient autrement de vos cœurs effacées, De votre peu de foi vos yeux se fâcheraient. Et tous vos sens un jour vous le reprocheraient. Allons, c’est assez dit, le Tout-Puissant l’ordonne : Déjà paraît eu l’air une ardente colonne Qui, montrant le chemin que nous devons tenir, Sera notre soleil dans les nuits à venir.

A ces graves propos les plus mutins se taisent. De la sédition les bruits confus s’apaisent ; La peur s’évanouit, et l’applaudissement Est le signe certain de leur consentement.

Aussitôt, à marcher toute chose étant prête. Le sacré camp déloge, et Moïse, à la tête S’avançant à grands pas avecque son germain, Hausse, pour frapper l’onde, et la verge et la main. L’abîme, au coup donné, s’ouvre j usqu’aux entrailles ; De liquides rubis il se fait deux murailles Dont l’espace nouveau se remplit à l’instant Par le peuple qui suit le pilier éclatant. D’un et d’autre côté, ravi d’aise, il se mire ; De ce fond découvert le sentier il admire. Sentier que la nature a d’un soin libéral Paré de sablon d’or, et d’arbres de coral *, Qui, plantés tout de rang, forment comme une allée Etendue au travers d’une riche vallée, Et d’où l’ambre découle ainsi qu’on vit le miel Distiller des sapins sous l’heur du jeune ciel.

Là des chameaux chargés la troupe lente et forte Foule plus de trésors encor qu’elle n’en porte : On y peut en passant de perles s’enrichir. Et de la pauvreté pour jamais s’affranchir ;

Là le noble cheval bondit et prend haleine

Où venait de souffler uae lourde baleine ;
Là passent à pied sec les bœufs et les moutons,
Où naguères flottaient les dauphins et les thons ;
Là l’enfant éveillé, courant sous la licence
Que permet à son âge une libre innocence,
Va, revient, tourne, saute, et par maint cri joyeux
Témoignant le plaisir que reçoivent ses yeux.
D’un étrange caillou, qu’à ses pieds il rencontre,
Fait au premier venu la précieuse montre.
Ramasse une coquille, et, d’aise transporté,
La présente à sa mère avec naïveté ;
Là, quelque juste eflroi qui ses pas sollicite,
S’oublie à chaque objet le fidèle exercite,
Et là, près des remparts que l’œil peut transpercer.
Les poissons ébahis le regardent passer.

Soudain, à son retour, le grand flambeau du monde
Venant à découvrir l’ouverture de l’onde
Par où l’Hébreu se sauve et trompe la fureur
Qui bouiUait dans le sein du barbare empereur.
Les payens étonnés accourent à la tente
Où ce tyran se flatte en sa cruelle attente.
Lui disent de Jacob l’étrange évasion,
Et le remplissent d’ire et de confusion…
Il prend son glaive, il sort, il écume, il frémit.
Et déjà sous le poids son char plie et gémit ;
Ses rapides chevaux, d’une course effrénée,
Secondent brusquement son ardeur forcenée ;
Un nuage poudreux s’élève sous leurs pas :

D’aller périr en l’onde ils ne s’attendent pas ;
Ils font trembler la terre ; et toi, tyran impie
Que le dard en la main déjà la mort épie,
Toi, prodigue d’orgueil, tu ne sais pas non plus
Qu’en un tombeau flottant tu vas être reclus...


Ve ÉPISODE

le calme

    Ces propos achevés, le Calme et ses compagnes
Prennent soudain leur vol sur les molles campagnes ;
L’ange brille à la tête, et des flots aplanis
Les vents séditieux aussitôt sont bannis ;
Zéphire et le beau temps, suivant leur course ailée,
D’un branle agile et doux rasent l’onde salée,
Désembarrassent l’air de nuages épais,
Et de leurs doigts sereins partout sèment la paix.
Les nageurs écaillés, ces sagettes* vivantes
Que nature empenna d’ailes sous l’eau mouvantes,
Montrent avec plaisir en ce clair appareil
L’argent de leur échine à l’or du beau soleil.
Enfin l’ange et sa troupe en un moment se rendent
Sur la terre où du Nil les rivages s’étendent ;
Borée, à leur abord de l’Égypte chassé.
S’en retourne en prison sous le pôle glacé ;
Le fleuve est un étang qui dort au pied des palmes
De qui l’ombre, plongée au fond des ondes calmes.
Sans agitation semble se rafraîchir.

Et de fruits naturels le cristal enrichir ;
Le firmament s’y voit, l’astre du jour y roule ;
Il s’admire, il éclate en ce miroir qui coule,
Et les hôtes de l’air, aux plumages divers,
Volant d’un bord à l’autre, y nagent à l’envers,
La Rumeur est muette aux approches de l’ange,
Elle n’a plus de bouche ; en yeux elle se change ;
Que s’il en est quelqu’une, elle provient des sons
De mille rossignols perchés sur les buissons,
Où, faisant retentir leur douce violence,
Ils rendent le bruit même agréable au Silence,
Et d’accents gracieux lui forment un salut
Qui se peut égaler aux charmes de mon luth.
A l’air du temps si beau mille bandes légères,
Mille bruyants essaims d’abeilles ménagères,
Vont boire le nectar en des coupes de fleurs
Où de l’aimable Aurore on voit rire les pleurs ;
Le gentil papillon voltige sur les herbes,
Il couronne leurs bouts de ses ailes superbes,
Et, par le vif émail dont se pare son corps,
Qui des plus beaux bouquets efface les trésors.
Fait qu’il semble aux regards que l’abeille incertaine
Dans ses diversités se trouve comme en peine,
Et que son œil confus, suspendant son désir,
D’une fleur ou de lui ne sache que choisir.

202 SAINT-AMANT

Vie ÉPISODE

LA PÊCHE A LA LIGNE

Comme on voit aux beaux jours la gentille hirondelle Vers son nid merveilleux voler à tire d’aile, En atteindre les bords, sur les bords trémousser. De gestes et d’accents ses petits caresser, Puis de l’œil, puis du bec,toujours prompt à repaître Leur innocente faim, qui comme eux vient de naître, Flatter l’un, flatter l’autre, et leur faire sentir De son tardif retour l’aimable repentir. Telle vit^on alors la soigneuse bergère Courir vers le berceau, d’une plante * légère. Flatterie tendre objet de cent mots enfantins, Sourire à ses appas, bénir ses beaux destins. Et de sa belle bouche, au lieu de nourriture, Avec tous les transports qu’exige la nature, Lui faire ressentir, incroyable douceur ! Les baisers d’une mère aux baisers d’une sœur I

Cependant à sa voix l’enfant prête l’ouïe ; De revoir ces beaux yeux son âme est réjouie, Et, comme elle s’agite auprès du lit flottant, Lui de ses bras émus tâche d’en faire autant.

Le berger les admire, et d’une ardeur extrême : Veuille le juste Ciel, se dit-il en soi-même, Que celle qu’en espoir je tiens pour ma moitié Se signale en amour ainsi qu’en amitié. moïse sauvé 2o3

Mais c’est trop désirer, reprend-il tout à l’heure ; Il suffit, il suffit que pour elle je meure, Que ma mort elle plaigne et qu’elle honore un jour De larmes d’amitié les feux de mon amour.

Ces mots secrets finis, ces caresses passées, Mérary, dont les mains à la pêche exercées, Pendant leur belle course, avecque l’hameçon, Avaient trompé le temps en trompant le poisson. Les invite tous deux, d’une langue bénigne, A prendre comme lui le plaisir de la ligne ; Et tous deux aussitôt, la canne entre les doigts. Répondent sur la rive aux désirs de sa voix.

Muse qui si souvent, sur les bords de la Seine, A l’envi de ses eaux faisant couler ma veine, M’as tenu compagnie en de semblables jeux. Loin des émotions de ce siècle orageux. Tandis que la trompette alarmera la terre. Fais sonner à mon luth une plus douce guerre, Une guerre sans coups, sans désordre, sans bruit. Et de qui seulement des muets sont le fruit ; De grâce, accorde-moi qu’en ce lieu solitaire. Comme alors sur le Nil, les vents se puissent taire, Que rien ne m’interrompe, et qu’en esprit sur l’eau Des trois nobles pécheurs je fasse le tableau.

Mais dans l’onde déjà cette guerre s’allume, Déjà le crin retors que le plomb et la plume Tire au fond et retient, à l’œil est dérobé. Et déjà sous l’appât le piège recourbé 204 S\)NT-AMANI

Offre au poisson béant, mu d’une brusque envie, Sa véritable mort sous une ombre de vie ; Déjà la canne ploie, et, déjà baut en l’air, Le nageur étant pris vole comme un éclair.

II s’y secoue en vain, de sa chute on s’approche, On y court, on le prend, du fer on le décroche ; II s’échappe des doigts, tombe, sautille, fuit. Fait voir mille soleils en l’écaillé qui luit. Bat l’herbe de sa queue, et, sur la plaine verte, D’une bouche sans cri, de temps en temps ouverte Bâille sans respirer, comme né sans poumon. Et laisse à qui l’étreint un reste de limon.

Marie, et prompte et simple en sa première épreuve, Jette presque en tremblant la ligne dans le fleuve ; Mais en l’espoir conçu trop d’ardeur la déçoit, Car le poisson rusé, qui l’embûche aperçoit, La rongeant tout autour, d’une lèvre avancée. Et trompant par le poids le bras et la pensée. Fait que la belle main, tirant la ligne à faux, Sent que ses premiers coups sont autant de défauts.

Toutefois, à la fin, et par la patience. Qui presque en toute chose est la seule science. Elle opère si bien qu’avec quelque bonheur Ayant fourbe le fourbe, elle prend le preneur.

Se sentant pris au piège, il s’agite dans l’onde, Va deçà va de là, d’une erreur vagabonde. Tâche à rompre le poil, fait branler le roseau ; Mais enfin de poisson on le change en oiseau. moïse sauvé ? .o5

Il forme un arc en l’air, des ailerons le coupe, Ainsi qu’ont déjà fait les autres de sa troupe ; On le saisit de même, et comme eux sur l’arpent, Si tôt qu’il est lâché, d’oiseau devient serpent.

La pucelle au bel œil, quoiqu’aise de sa proie. Voit avec quelque peur l’incertaine lamproie, Et, remarquant ses plis, qui l’eau semblent chercher Tout à la fois et veut et n’ose la toucher. Mérary, tout auprès, le pied droit sur la rive, La main droite en avant et la vue attentive. Prend tant d’autres poissons qu’on dirait à les voir Qu’un miracle nouveau du ciel les fait pleuvoir. Ainsi, non sans plaisir, sur le vaste Neptune, Où j’ai tant éprouvé l’une et l’autre fortune^ Ai-je vu mille fois^ sous les cercles brûlants^ Tomber comme des cieux de vrais poissons volants. Qui, courus dans les flots par des monstres avides. Et mettant leur refuge en leurs ailes timides. Au sein du pin vogueur pleuvaient de tous côtés. Et jonchaient le tillac de leurs corps argentés.

Vile ÉPISODE

TERMUTH, PRINCESSE d’ÉGYPTE

Des gracieux zéphyrs l’haleine fraîche et lente Avait banni de l’air la chaleur violente ; Les sirènes des bois à chanter s’animaient, Et déjà dans les prés les fleurs se refermaient, 2 06 SAINT-AMANT

Quand du vieux Pharaon la fille auguste et belle,

Et dissemblable en tout à ce père infidèle,

A ce cruel tyran qui ne méritait pas

L’heur d’avoir engendré ce miracle d’appas ;

Quand, dis-je, cette nymphe, aux plaisirs attirée,

Ou plutôt par le Ciel saintement inspirée.

Voulut aller jouir de la fraîcheur des eaux.

Des beautés de la plaine et du chant des oiseaux.

Mais, ô divine Muse ! avant que d’entreprendre Le salut de Moïse, où ma plume doit tendre. Disons de cette reine et la vie et les mœurs ; Célébrons ses vertus, décrivons ses humeurs. Son séjour, ses ébats, ses grâces nonpareilles Et le rare entretien qui charma ses oreilles ; Puis, l’ayant faite ainsi noblement divertir. Je te réclamerai pour la faire sortir.

Assez près de Memphis, et sur le beau rivage De cet immense fleuve utile en son ravage. Qui baigne ses guérets et supplée au défaut De l’humide secours qu’ailleurs on a d’en haut, S’élevait la beauté d’un royal édifice Dont l’exquise matière égalait l’artifice, Et que le grand Joseph, envers qui ses germains Furent, pour son bonheur, autrefois inhumains. Fit richement bâtir pendant l’état auguste De sa haute fortune et si longue et si juste, Afin d’aller parfois y donner à ses sens L’honnête liberté des plaisirs innocents, moïse sauve 207

Y goûter le repos, voir son âme allégée

Du grave faix de soins dont elle était chargée, Et pour jouir surtout, en si belle maison, Des rustiques douceurs de la verte saison.

On y voyait des pins se hausser jusqu’aux nues ; Cent files d’orangers fermaient ses avenues, Où les yeux admiraient, sous un ciel pur et beau, Le printemps et l’automne en un même rameau. Les charmes des regards, les riantes prairies, Capables d’égayer les mêmes rêveries De l’esprit le plus sombre et le plus languissant ; L’odeur que les zéphirs dérobaient en passant, Les grâces de l’été, les bois et les fontaines,

Y bannissaient des cœurs les soucis et les peines ; Et jamais en ces bords, de verdure embellis, L’hiver ne se montra qu’en la neige des lis.

Cette chaste princesse, au monde infortunée Devivre sous le joug d’un ingrat hyménée. Et dolente de voir, en son espoir détruit, Que la fleur de ses ans ne laissait point de fruit, Allait souvent passer en cette solitude Les plus fâcheux moments de son inquiétude. Et même en ce beau lieu par bonheur elle était Le jour que mon héros sur les ondes flottait.

Là tantôt cette nymphe en vertus sans seconde, Pour vaincre les ennuis de sa couche inféconde, Avec ses nobles doigts maniait le pinceau, Ou, prenant les honneurs du riche vermisseau loS SAINT-AMAXT

Dont lui-même en sa mort il t’ait sa sépulture, Elle rendait de l’art jalouse la nature ; Car, soit qu’avec l’aiguille elle voulût tirer Tout ce qu’en un visage on saurait admirer, Soit qu’elle contrefît les beautés d’un parterrre Où le soleil charmé voit la pompeuse guerre Que l’azur livre au blanc, le vert au nacarat. Elle trompait toujours la vue ou l’odorat.

Tantôt, pour réveiller une âme par l’ouïe, Pour de douceur en rendre une autre évanouie, Elle faisait gémir, mais d’un air plus qu’humain, Sur l’ébène d’un luth l’ivoire de sa main ; Et, joignant aux beaux sons des cordes agitées Les grâces de sa voix, par les vents respectées, Elle avait tant d’appas qu’il n’était point de cœurs Dont ses divins accents ne se fissent vainqueurs.

Tantôt, dans un jardin enrichi de statues. De grottes, de canaux et de masses pointues, Où l’on voyait l’orgueil d’un porphyre éclatant Dédaigner son pied même et se perdre en montant, L’esprit de cette belle encore plus sublime, Elevant ses pensers au-dessus de leur cime, Et, comme détaché des liens de son corps, Dont il semblait hair les aimables trésors, S’en allait méditer sur les hautes merveilles Qui servent d’entretien aux studieuses veilles. Et d’objet en objet portant son jugement. Dans ses propres discours se perdait sagement. moïse sauvé 209

Tantôt, sous des lauriers repliés en arcades, Elle prenait plaisir à voir mille cascades, Que, par art et de front, les claires eaux faisaient Vis-à-vis de la place où ses beaux yeux luisaient. Ces charmes, composez d’une onde vive et pure, Semblaient, en descendant avec un doux murmure, Offrir à sa grandeur des degrés de cristal Pour l’induire à monter sur leur tertre natal ; Tandis que d’autres eaux, par le plomb divisées. Sortaient de cent bassins en forme de fusées, Et que d’autres encore allaient en cent façons Grossir un bel étang plein de rares poissons, Un étang précieux dont seulement les cygnes Entre tous les oiseaux s’osaient réputer dignes, Pour la belle raison de la conformité Qu’avait leur innocence avec sa pureté.

Aussi, le plus souvent, cette princesse illustre S’allait-elle accouder sur un riche balustre Qui décorait les bords de ce grand réservoir. Afin de satisfaire au désir de les voir.

Qu’elle sentait son âme et ses peines charmées Lorsque ces beaux vogueurs à voiles emplumées Se laissaient emporter, au gré des doux zéphyrs, Sur le paisible éclat des liquides saphirs 1 Maisavec quels propos son aise exprimerai-je Lorsqu’elle contemplait celte vivante neige Flotter sans se dissoudre et venir privément Exiger de sa main l’heur de quelque aliment ?

i4 SAtNT-VMANT

Ces nageurs blancs et doux%i venaient rendre hom-

[mage Mais sitôt que dans l’onde ils voyaient son image. Ils n’osaient l’approcher, de peur de troubler l’eai Et de faire périr un si rare tableau. Et même les poissons, farouches et stupides, Arrêtant en ce lieu leurs mouvements rapides, Témoignaient être atteints d’amour et de respect Aux traits majestueux de ce divin aspect.

Que si sa belle voix, en charmes sans pareille. Daignait de ces muets frapper parfois l’oreille, Soudain de leur défaut ils étaient consolés, Voyant en même temps tous les chantres ailés Qui poussaient à l’entour d’une gorge hardie Leur gaie et délicate et claire mélodie. Même les rossignols, en cet art si fameux. Devant un si doux son être muets comme eux. Voilà comme Termulh (ainsi se nommait-elle, Cette nymphe d’Égypte et si sage et si belle), Loin de la vaine pompe et du bruit de la cour, Passait sa noble vie en ce rare séjour.

Ville ÉPISODE

LU. CORTÈGE DE LA PRINCESSE

Noble fille du ciel, chère et divine Muse, Qui, loin de ce Parnasse où le monde s’amuse. Du sacré mont d’Horeb fréquentes les sommets, moïse SAUVlî

Et de ses antres saints le sentier me permets, Daigne me laisser boire en Timmortelle source Qui de ses beaux rochers prend à regret sa course, Et fais qu’en cet endroit ce rafraîchissement Soit de ma vive ardeur le vif accroissement. J’ai chanté de Terrauth la demeure et la vie ; Faisons-la promener : le temps nous y convie. Moïse nous rappelle, et le flambeau du jour A déjà fait sur lui la plupart de son tour.

Sitôt que la princesse eut vu l’heure arrivée Que pour jouir des champs elle avait réservée, De son intention son monde elle avertit. Et par un beau jardin de ce beau lieu sortit. Une démarche auguste, une pompe modeste, Ornait sa majesté d’un certain air céleste ; L’habit en était grave, et l’obscure couleur En disait clairement la secrète douleur. Mais, malgré les efforts de la mélancolie Où son âme royale était ensevelie. Malgré ses tristes soins, elle ne laissait pas De ravir tous les cœurs avec ses doux appas. Cent visages divins brillaient à l’entour d’elle. Cent vierges aux beaux yeux, qui, suivant ce modèle De sagesse, d’honneur, de grâce et de vertu, Se détournaient du vice à leurs pieds abattu. Maint eunuque ridé, sous mainte halebarde. Servait à cette troupe et de lustre et de garde. Et maint esclave noir, pourvu d’arc et de traits, SAINT-AMANT

En rehaussait encor les pudiques attraits.

La nymphe étant montée en un grand char d’ivoire Qu’elle seule comblait de splendeur et de gloire, Trois licornes * de front, admirables à l’œil, Foulant à bonds légers, dans l’aise et dans l’orgueil, Les riches ornements dont la superbe Flore Emaille et rajeunit Cybèle, qui l’adore, L’emportent vers le Nil, mâchant l’or de leur frein, Au digne et beau milieu du magnifique train. Ces animaux captifs, mais joyeux de leurs chaînes, Avaient une amazone à gouverner leurs rênes ; Ils défiaient les airs, et, d’un œil enflammé. Semblaient pour le combat avoir le front armé : On aurait dit au moins qu’en leur noble insolence Ils voulaient rompre en lice avec leur fièrc lance, Et jamais, toutefois, leur courage bénin N’en montrait la vertu que contre le venin. Un prince qui régnait en l’ardente contrée Que borne à l’Orient le grand golfe Erythrée, Où virent les Hébreux tant d’ennemis noyés, Les avait pour tribut à l’Égypte envoyés. Ils passaient en blancheur le lustre de la neige ; Il n’est point de coursier plus adroit au manège Qu’ils l’étaient quand la vierge experte à les dompter Sous sa jambe et sa main les voulait agiter. Le royal appareil qui le char acompagne En diverses façons mesure la campagne. L’un fait caprioler * un barbe généreux moïse sauvé 2k5

Dont est, selon le bruit, un lutin amoureux, Qui d’un soin assidu toutes les nuits le panse, Oui lui tresse le crin, de riches nœuds l’agence, Et, fantasque et jaloux, ne voudrait pas souffrir Qu’à ce travail aimé nul homme vînt s’offrir ; L’autre charge le col d’un dromadaire énorme ; L’autre d’une girafe, en un * belle et difforme, Presse le dos de tigre, et l’autre, en s’échauffant, Irrite la lenteur d’un robuste éléphant.

Une branche du Nil, avec art ménagée Et d’arbres immortels en tout temps ombragée. Isole une prairie où les plus rares fleurs. Faisant briller l’émail des plus vives couleurs, Présentent aux regards sur la beauté de l’herbe Tout ce qu’ont nos jardins d’exquis et de superbe. Et semblent chaque soir se dérober aux yeux Afin d’aller reluire entre celles des cieux. Ce prodige éclatant, venu d’obscure race. Cet honneur des bouquets, qui seul change de face Parmi tous les trésoi\s qu’on voit s’épanouir, Et dont le teint divers peut l’air même éblouir, La tulipe sans prix, bizarre et merveilleuse, Y faisait admirer sa richesse orgueilleuse. La gentille anémone au lustre diapré, Où d’un sang pur et doux le lait est empourpré. Et l’œillef, et la rose, y montraient leur peinture Par la profusion de la seule nature ; Et de mille autres fleurs les charmes innocents 2l4 SAINT-AMANT

Y donnaient au soleil leur baume et leur encens.

Le long- et droit canal que ce beau pré renferme S’ornait de deux beaux ponts qui de la terre ferme Aboutissaient à l’île, et l’art y faisait voir Des plus rares ouvriers* l’industrieux savoir. Là, les vieux rois d’Égypte et ses plus nobles mages Semblaient par le ciseau revivre en leurs images ; Chaque arche en portait une, et ces marbres levés Foulaient d’un pied vainqueur cent gestes achevés ; Là, pour le soin du corps, pour garantir ce fleuve Du reptile cruel qui dans ses eaux se treuve. Douze grilles de fer aux pointes de harpons Remparaient sûrement les arches des deux ponts ; Avec même industrie, et pour la même chose. D’un et d’autre côté cette onde était enclose ; Deux longs rangs de barreaux, faits du premier métal, Sur des murs de porphyre en gardaient le cristal ; Entre ces barreaux d’or cent piliers magnifiques, Sous des vases de jaspe ornés d’hiéroglyfiques. De distance en distance arrêtaient les regards Et d’un albâtre pur luisaient de toutes parts.

IXe ÉPISODE

LE BAIN DE LA PRINCESSE

u bord délicieux de l’onde fortunée Qui pour être plus libre était emprisonnée. Qui seule avait l’honneur, aux doux mois revenus,

A MOÏSE SAUVÉ ai5

De voir d’un noble corps les chastes membres nus, Finissait une route en beautés incroyable. Un berceau naturel, sombrement agréable. Par ce digne sentier la nymphe s’y rendit, Et pour aller au bain de son char descendit.

Telle que le pinceau fabuleux et profane Dépeint auprès de l’onde une belle Diane, Quand, au retour des bois où ses pas mensongers Suivent les pas craintifs des animaux légers. Elle s’en vient noyer sa chaleur et sa peine Dans l’humide plaisir d’une claire fontaine, Et veut qu’en même temps toutes les vierges sœurs Plongent leur lassitude en ses fraîches douceurs. Telle apparut la nymphe avecque ses pucelles ; Mais c’était une flamme entre des étincelles. Son allure, ses yeux, sa taille et son aspect Influaient dans le sein l’amour et le respect. Sur la rive superbe elle fut la première. Et jamais le soleil, le roi de la lumière. Lorsqu’il sort de la mer, si beau ne se montra Que cette reine fit lorsqu’en l’onde elle entra.

Cent doigts polis et blancs l’avaient déshabillée Sous l’obscure épaisseur de la verte feuillée, Où, bien loin de sa suite, un pavillon tendu En rendait le spectacle aux hommes défendu. Ses beaux pieds, tout ensemble et hardis et timides, S’abaissent dans le fleuve entre deux pyramides Qui semblent s’élever pour dire au firmament 2l6 SAINT-AMANT

Leur fortune, leur gloire et leur contentement. Un précieux degré, fait de nacre et d’agate. N’eut pas sitôt senti sa plante délicate Qu’il redoubla son lustre, et par ce vif honneur Prouva de ses baisers l’indicible bonheur. Mais quelque excès d’appasque je me puisse feindre, A sa description je ne saurais atteindre. Car l’innocente honte et la pudicité Couvraient d’un voile saint sa belle nudité ; Seulement à ma plume il est permis de dire Que le Nil la reçut, qu’un aimable zéphyre. Dénouant de son chef le mobile trésor. Semblait faire descendre un noble ruisseau d’or Sur le fluide argent des flamboyantes ondes Où brillaient à lenvi ses grâces vagabondes, Et que l’astre du jour la prit en même instant Pour de l’ivoire souple et du marbre flottant.

D’abord de la fraîcheur elle est un peu transie ; Mais, la fraîcheur enfin lui semblant adoucie, Elle avance le pied, douteux et retenu, Sur un sable mollet, insensible et menu ; Sa taille se dérobe, elle entre, elle se plonge, Elle se laisse aller, s’abandonne, s’allonge. Nage, ébranle les flots, et les flots agités Pétillent d’allégresse autour de ses beautés. Ceux que de son chemin ses jeunes bras écartent Avec un doux regret de ses bras se départent. Et, comme s’ils sentaient quelque aflPront rigoureux, moïse s.vuve

Montrent par leurs bouillons leur dépit amoureux ; Ceux que son pied niignard, secousse après secousse, D’une agile façon fout de même repousse, S’émeuvent tout de même, et, n’osant écumer, Dedans leur propre sein tâchent de s’abîmer.

Cependant autour d’elle un beau nombre de filles. En ce bel exercice adroites et gentilles, Déploie au gré de lœil cent mouvements divers, Sillonnant le canal de long et de travers. Ici, l’une se dresse et le fleuve resonde ; Là, l’autre s’ôte à l’air pour se donner à l’onde, Submerge en s’égayant ses roses et ses lys. Fait voir au fond de l’eau des feux ensevelis. D’un cristal pur et mol se couronne et se voile, Et, rehaussant enfin et l’une et l’autre étoile Qui perçaient vivement le liquide bandeau. Redonne à l’air ses feux et les tire de l’eau. Celle-ci, tout debout, rit, chante et se promène ; Celle-là, près du bord, rêve et reprend haleine. Et comme elle médite, une autre, front à front, De ses doigts enjoués la mouille et l’interrompt.

Enfin, de ces plaisirs la nymphe satisfaite. Abandonne les flots, commande la retraite. Refoule du canal le superbe escalier, S’y voit luire en passant de pillier en pillier. En rehausse la pompe et la magnificence, Puis, rendant ces objets tristes de son absence, Va sous le pavillon s’envelopper soudain SXINT-AMANT

Et taire boire anx draps les reliques du bain.

Oh ! que Ion essuya de richesses fondues ! On eût dit, à les voir sur sa gorge épandues, Que de ce double mont, contraint à panteler, La neige se voulût en perles distiller.

Tandis qu’elle s’habille et qu’on remet en ordre L’or de sa chevelure, où l’ivoire ose mordre, La belliqueuse vierge à l’œil élincelant Amène avecque bruit le beau trône roulant. Elle monta dessus sitôt qu’elle fut prête. Et,’ vers le lit du Nil lui faisant tourner tête, Va passer en ces bords ce qui restait du jour, Et repaître ses yeux des charmes d’alentour. Une suite de chars que ses filles remplissent, Foulant le vert honneur dont les champs se tapissent, Se promène après elle, et ses Mores armés Piquent à l’environ leurs chevaux emplumés.

Xe ÉPISODE

MOÏSE SAUVÉ

Quand il (1) voguait ainsi sur la coulante plaine, Tous les vents suspendus retenaient leur haleine, Ou, s’ils soufflaient un peu, c’est que, l’oyant gémir, Ils le voulaient bercer afin de l’endormir. Dès que l’illustre nymphe (2) eut contemplé ses char-

[mes,

(i) Le berceau où était Moïse. (2) La princesse Termuth. moïse S\I]VE

^19

Qu’elle entendit sa voix, qu’elle aperçut ses larmes,

Une vive, une triste et prompte émotion.

Faite d’étonnement et de compassion.

Tira de ses beaux yeux deux torrents pitoyable. ; ,

Fit dans son chaste sein des effets incroyables,

Et ce premier effort, suivi d’un doux progrès.

Disposa sa noble âme à lâcher ses regrets :

« Sans doute cette aimable et tendre créature,

Ce trésor qui sur l’onde errait à l’aventure,

Eprouve l’âpreté du trop cruel édit.

Son geste me le montre et son œil me le dit.

Quelque femme d’Hébreu, quelque chétive mère.

N’ayant pas le courage, en sa douleur amère,

De le meurtrir de coups, de l’éteindre au berceau.

Aura mis tout son bien dans ce frêle vaisseau ;

Et peut-être qu’à l’heure, horriblement touchée

De s’être ainsi soi-même à soi-même arrachée,

La pauvre malheureuse, après lui se jetant,

Aura fait voir l’excès d’un crime repentant.

Mais, qu’elle soit ou non au rang des ombres vaines

Qui ressentent là-bas des plaisirs ou des peines.

Je veux que cet enfant trouve une mère en moi.

Qu’il se voie élever en digne fils de roi,

Et qu’une adoption licite et vertueuse

Console désormais ma couche infructueuse.

Un saint destin me l’offre, et c’est un don du Ciel

Qui de mes longs ennuis adoucira le fiel.

Voilà l’heureux succès de l’étrange et beau songe SAINT-AMAMT

Queje pris l’autre jour pour quelque vain mensonge ; Voilà le diamant qu’un favorable sort Me fit dans le sommeil rencontrer sur ce bord, Et que par un miracle et prorapt et fantastique, Sitôt que de ces lieux le démon aquatique Vint, selon ma croyance, en enrichir ma main, Mon œil vit transformer en un vrai corps humain, Qui gardait toutefois sa nature première, En deux vivants trésors d’amour et de lumière. En deux astres divins, tels que ceux de ce front Par qui le soleil même endure un clair affront rare et bel enfant ! ô céleste visage Où luit de la grandeur l’infaillible présage ! O gloire de mon âme ! ô plaisir de mes yeux ! bien que de là-haut m’ont envoyé les dieux ! Les flots t’ont épargné : leurs monstres effroyables Sont à l’entour de toi devenus pitoyables ; Et moi, plus monstre qu’eux, sous ombre d’un décret Qu’avec juste raison je déteste en secret, Je voudrai que sur terre, à ma rude parole. En ma fîcre présence un barbare t’immole ! J’accourcirai moi-même un si noble destin, Et te ferai trouver ton soir dans ton matin î Ah ! m’arrive plutôt la nuit perpétuelle Qu’à ton beau jour naissant ma main soit si cruelle ! Puissé-je plutôt voir tout le monde au trépas Que d’éteindre ta vie et perdre tant d’appas ! »

Ainsi parlait la nymphe, et montrait en sa plainte

Combien de la pitié son âme était atteinte,
Tandis qu’aux environs, pour redonner vigueur
A l’enfant qu’à ses cris on jugeait en langueur,
D’un sein pourvu de lait on s’était mis en quête,
Comme si la mort même eût pendu sur sa tête…
L’une porte en ses bras le saint et cher enfant.
L’autre charge les siens du berceau triomphant…
Quand tout fut accompli, les heures ténébreuses
Ornaient le firmament de lumières nombreuses :
On découvrait la lune, et de feux animés
Et les champs et les airs étaient déjà semés.
Ces miracles volants, ces astres de la terre,
Qui de leurs rayons d’or font aux ombres la guerre,
Ces trésors où reluit la divine splendeur
Faisaient déjà briller leur flammes sans ardeur ;
Et déjà quelques-uns, en guise d’escarboucles.
Du beau poil de Marie avaient paré les boucles :
Déjà les rossignols chantaient sur les buissons ;
On oyait dans le Nil retomber les poissons ;
Le silence paisible et l’horreur solitaire
Contraignaient doucement les hommes à se taire.
Taisons-nous donc, ô Muse ! et jurons en ce lieu
De ne parler jamais qu’à la gloire de Dieu.


Notes :

  1. Cet épisode correspond à la première partie du poème. La seconde partie raconte l’histoire de Jacob. Les parties suivantes sont consacrées à la vie de Moïse, telle que vue en songe par sa mère, Jocabel. Avec la dixième partie commence le dénouement : Moïse sauvé par la princesse. Il y a douze parties.
  2. Amram et Jocabel, parents de Moïse.