Modorf-les-bains/07

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Imprimerie Joseph Beffort (p. 57-60).

Maladies de l’appareil digestif.

Le catarrhe chronique de l’estomac, dont le symptôme essentiel est la dyspepsie, est peut-être l’affection qui conduit le plus de monde aux eaux thermales. Les causes de cette affection si commune sont tellement nombreuses, tellement variées, que leur explication dépasserait le cadre de cette brochure. Je suis du reste convaincu qu’un chacun pourra, en faisant avec l’aide de son médecin de corps un examen de conscience sérieux, parfaitement découvrir les causes pour son cas spécial et en tirer les conséquences qu’il comporte. Les anciens disaient fort brutalement : Plures gula occidit quam gladius. Ce dicton serait peut-être à modifier dans ce sens : Tous n’en meurent pas, mais beaucoup s’en trouvent atteints ! Il paraît donc que nous mangeons, l’un comme l’autre, trop et trop bien ; la gourmandise serait de tous les états et de toutes les professions, et nous aurions le tort de négliger l’excellente pratique de Charlemagne, qui, en bon chrétien, se soumettait à un jeun sévère chaque fois qu’il avait trop festoyé. Les boissons alcooliques, l’abus du tabac, la vie sédentaire, les soucis et les contrariétés de l’existence, sont des causes plutôt secondaires, mais d’une importance réelle.

Il s’agirait donc en premier lieu d’éviter les causes signalées ; puis de ramener l’organe à son fonctionnement normal. Pour produire cet effet, les eaux de Mondorf sont d’une efficacité incontestable surtout dans le traitement des dyspepsies anciennes et rebelles. Mondorf, la dernière arrivée parmi les eaux chlorurées sodiques, peut, sous ce rapport, produire une brillante statistique de résultats obtenus dans les cas les plus graves, dans les situations les plus compromises. En effet, beaucoup d’eaux minérales et des plus diverses, alcalines et gazeuses, ferrugineuses et calciques, ont raison d’une dyspepsie quand on y met un bout de diète. Mais quand il s’agit d’un catarrhe stomacal invétéré, qui s’est prolongé avec opiniâtreté pendant des années, et qui a fini par produire l’amaigrissement, l’anémie, le rétablissement devient un problème difficile. Ce n’est plus un gobelet d’eau de Seltz ou de Vichy qui modifie alors la situation ; il faut au contraire attaquer avec les agents les plus puissants les différents symptômes qui constituent cet état d’altération extrême de la digestion qu’on désigne sous le nom de dilatation stomacale. L’estomac ruiné à ce degré, cesse tout fonctionnement physique et chimique. C’est un sac inerte qui reçoit les aliments pendant plusieurs journées sans que la moindre parcelle de ceux-ci profite au sang ou ranime les forces. Ils y subissent la fermentation d’abord, puis la pourriture. Des renvois âcres, brûlants deviennent de plus en plus fréquents, et à la fin l’estomac, n’y tenant plus, se vide par un effort suprême. Des vomissements sans fin ramènent alors une quantité énorme, souvent jusqu’à un seau entier, d’un liquide brunâtre, acide, avec les aliments plus ou moins décomposés. Avec cela le malade est tourmenté d’une faim dévorante, car sa faiblesse extrême, sa maigreur, réclament pour le sang des principes réparateurs. Les fonctions intestinales sont nulles, la chaleur du corps est abaissée et l’état moral des plus pitoyables.

Eh bien, malgré la gravité incontestable de ces. symptômes, nous avons constamment réussi à ramener ces malades à la santé et même dans un temps relativement court : La pompe stomacale vide tous les jours l’organe dilaté, le nettoie et permet à l’eau minérale d’exercer son action stimulante sur les glandes de la muqueuse. Ensuite la contractilité affaiblie de la tunique musculeuse est puissamment réveillée par des fortes secousses de la batterie galvanique et le jet de la douche, froide. Enfin la diète la plus rigoureuse est instituée, pour ménager le reste de forces digestives de l’estomac. Grâce à l’assemblage heureux de ces différentes pratiques, on a vu guérir à Mondorf des cas qui avaient vainement cherché un soulagement ailleurs.

M. M… de Liège, vint au mois de juin 1878 faire une cure à Mondorf pour une maladie de l’estomac très ancienne. Le patient, âgé de 48 ans, m’apprit que ses troubles digestifs avaient commencé, il y a douze ans environ. Il avait beaucoup voyagé et passablement bien vécu. Quand son indisposition commença à s’empirer, il avait été chercher secours à Vichy où il se trouvait sous la direction de Durand-Fardel avec lequel il était lié d’amitié. Pendant huit années il faisait tous les étés son pèlerinage à la Grande Grille. Néanmoins le bénéfice fut d’année en année plus maigre ; son estomac faiblissait tellement que durant les quatre dernières années il ne pouvait plus se nourrir que de lait exclusivement. Toute autre aliment était impitoyablement rejeté. Depuis un an, le prof. Gussenbauer l’avait familiarisé avec le maniement de la pompe stomacale, qui le soulageait beaucoup, mais ne changea rien à son état. Quand j’examinai M. M…, je constatai le plus grand dépérissement, engendré par l’existence d’une dilatation stomacale L’amaigrissement était extrême, le corps était sans force et sans chaleur, l’humeur maussade, enfin le spectacle d’une désolation physique et morale.

Le patient se soumit avec le plus grand courage à la cure qui devait être si pénible pour un homme réduit à la dernière extrémité. Au bout de quinze jours de traitement, il put supporter du pain dont il avait été privé si longtemps dans son alimentation. Bientôt la viande fut aussi digérée, et quand M. M… quitta Mondorf après deux mois de traitement, il avait repris ses forces et sa bonne humeur d’autan. Il put faire honneur à tous les plats de la table d’hôte et il m’avoua que, depuis douze ans, sa situation n’avait jamais été aussi bonne. M. M… revint encore l’année prochaine, et je pus constater que son estomac fonctionnait à merveille. Naturellement notre patient, averti par ses malheurs passés, a fini par adopter un régime approprié à la délicatesse de son organe.

Heureusement ces cas extrêmes sont relativement rares. Ce qui est plus fréquent et ce qui se trouve particulièrement bien du traitement de Mondorf, ce sont ces dyspepsies chroniques accompagnées de manque d’appétit et d’une constipation opiniâtre. Dans ces cas on fait prendre l’eau minérale à des doses purgatives et on prescrit comme adjuvant l’emploi de la douche froide.

Dans les dyspepsies dites flatulentes, où il existe une tendance à la diarrhée, l’eau de Mondorf doit être prise par petites doses plutôt, et celles-ci doivent être bien espacées. Prise selon cette formule, on remarque que notre eau produit une action constipante, grâce aux sels de chaux (bicarbonate et sulfate) qui ont alors le temps de déployer leur activité anti-catarrhale, tarissant les sécrétions des muqueuses.