Modorf-les-bains/09

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Imprimerie Joseph Beffort (p. 76-79).

La congestion du foie.

C’est une affection chronique qui a pour symptôme essentiel une augmentation de volume du foie, et dont le traitement est exclusivement réservé aux stations balnéaires. Mondorf, avec la combinaison de son eau minérale si énergique et de la douche froide, est en quelque sorte un spécifique contre ces cas, qu’il conduit rapidement et infailliblement à la guérison. Autant de cas, autant de triomphes, car le traitement pharmaceutique est absolument impuissant à modifier la situation créée par la paralysie vasculaire dans un organe aussi important pour la nutrition. Toutes les veines de l’estomac, de la rate et de l’intestin se réunissent en un tronc unique, la fameuse veine porte, qui, au lieu de se rendre directement au cœur, entre dans le foie, et s’y divise en un vaste réseau capillaire. Le gonflement du foie arrête donc le sang qui arrive des organes digestifs, chargé des substances nutritives résorbées, et de cette façon il y a comme une barrière placée entre la circulation générale et les vaisseaux qui ont pour mission d’alimenter le sang. En conséquence, malgré que le patient prenne encore une quantité passable de nourriture, celle-ci traverse les voies digestives sans profiter au corps ; celui-ci maigrit, les forces s’épuisent, et bientôt le malade présente un tel dépérissement, qu’on lui soupçonne facilement une phthisie commençante, ou un cancer en voie de développement. Ce qui confirme encore les appréhensions de l’entourage, c’est que l’engorgement du foie constitue généralement l’épilogue de troubles digestifs, d’habitudes anti-hygiéniques, de chagrins, etc., qui ont exercé leur influence fâcheuse pendant des années. C’est d’ailleurs une affection qu’on rencontre de préférence chez les gens du monde, surtout chez ceux qui se donnent peu de mouvement corporel. Comme l’obstacle qui s’oppose au retour de la santé, est en quelque sorte mécanique, on conçoit que toutes les mesures hygiéniques, la diète, etc., sont impuissantes à y rémédier ; il faut la douche qui opère directement le dégonflement de l’organe, il faut une eau minérale énergique pour stimuler la contraction vasculaire. Voici un cas typique de cette affection choisie entre les nombreux succès de Mondorf.

Mr X., âgé de 37 ans, doué d’un tempérament cholérique très prononcé, vient à Mondorf pour un délabrement de santé général. Depuis des années, le patient a souffert de mauvaises digestions, mais dans les derniers six mois, ces troubles ont augmenté dans une proportion inquiétante. L’amaigrissement est survenu ; ensuite des essoufflements fréquents ainsi qu’une petite toux sèche ont alarmé la famille, un frère du patient étant mort à la suite de phthisie pulmonaire. Le caractère est souvent d’une irritabilité extrême, et le patient, travailleur infatigable, est incapable de s’occuper sérieusement. Il n’a jamais fait d’excès de table, au contraire, il consacrait une dizaine de minutes à son dîner, et il trouvait encore le temps entre le potage et le bouilli de manipuler des chiffres, de lire des correspondances. Si on lui avait demandé au souper quel avait été le menu du dîner, il eût certes été embarrassé de répondre. Son petit péché était le café, dont il abusait soit pour soutenir ses facultés dans les veilles prolongées, soit pour faire passer le manger. Ailleurs il avait avalé pas mal de drogues et de médicaments qu’il choisissait lui-même, sans trop de discernement, dans le répertoire si riche des stomachiques.

L’état actuel dénote une anémie très-prononcée : pouls misérable, décoloration des gencives, peau sèche exsangue, jaunâtre. L’examen des poumons ne révèle rien de maladif ; l’arrière-gorge est le siège d’un catarrhe chronique auquel on doit imputer la toux sèche qui inquiète tant le patient et l’entourage. Sa langue est grossie, chargée d’un enduit jaunâtre ; peu d’appétit, mais une soif très vive. La matité du foie dépasse le rebord des côtes, et s’étend sur une largeur d’environ 25 centimètres ; c’est sans doute le gonflement énorme du foie qui est cause de la dyspnée, le poumon droit étant gêné dans son excursion. Les digestions sont lentes et laborieuses ; des renvois fréquents de gaz et de liquides aigres à la gorge ; parfois des vomissements ; la constipation est opiniâtre.

En conséquence, il fut conseillé au patient un régime sec, l’abstention complète de café ; puis il recevait deux douches froides (en pluie et avec la lance) par jour ; le jet fut maintenu plus longtemps sur la région hépatique ; l’eau minérale fut prise de jour à autre en purgatif, le reste du temps une demi heure avant le repas pour stimuler l’appétit L’amélioration ne se fit pas longtemps attendre ; au bout de huit jours les digestions s’améliorèrent sensiblement et après la première quinzaine de douches il fut possible de déterminer par la percussion une diminution notable en volume du foie. Au bout de cinq semaines, l’engorgement avait complètement disparu. En revanche le poids, grâce au relèvement de la nutrition, avait augmenté de près de dix livres ; l’humeur maussade et mélancolique avait disparu ainsi que les migraines. Mr X. resta encore pendant quelques semaines à Mondorf pour prendre du repos et pour permettre à ses forces de se restaurer complètement. Quand il quitta les bains, après deux mois de traitement, il présenta l’image d’une parfaite santé.