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Modorf-les-bains/18

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Imprimerie Joseph Beffort (p. 95-99).

Leucorrhée et Hystérie.

Ce sont plutôt des symptômes maladifs, qui forment le cortège habituel d’un grand nombre d’affections de l’appareil sexuel de la femme.

La leucorrhée (pertes ou flueurs blanches) peut être occasionnée par la pléthore abdominale, les hémorrhoïdes, la constipation habituelle, le développement d’une tumeur, toutes des circonstances qui provoquent et entretiennent la stase sanguine dans la matrice et dans les organes du bas-ventre. Elle peut aussi accompagner l’anémie très prononcée, le lymphatisme et les cachexies, ainsi que les déplacements, déviations et flexions de la matrice. Dans ces derniers cas en effet, les vaisseaux sanguins subissent une déformation ou une inflexion qui met des entraves au courant sanguin et produit des congestions, lesquelles se traduisent finalement par une hypersécrétion des glandes utérines.

Enfin les pertes blanches peuvent résulter essentiellement d’un catarrhe de la muqueuse vaginale et utérine, né sous l’influence de refroidissements, de suites de couches ou de fausses-couches mal soignées, ou bien elles sont la conséquence d’ulcérations et de gonococces.

L’Hystérie constitue de même un symptôme qui complique un grand nombre des affections précitées du bas ventre, sans qu’il doive nécessairement et toujours venir les compliquer. D’un autre côté, il peut se montrer en l’absence de toute lésion de l’appareil sexuel. Les symptômes hystériques se manifestent dans le domaine du système nerveux, et leur apparition dépend certainement de la plus ou moins grande irritabilité de ce dernier. Il est un fait remarquable, différemment interprété, c’est que l’hystérie n’accompagne point les troubles les plus graves de l’appareil sexuel, le cancer, les fibromes, mais qu’elle s’associe plus volontiers aux affections d’une valeur pathologique inférieure, comme l’antéflexion, la rétroversion, etc. Sous ce rapport, elle présente une analogie assez curieuse avec les troubles qui accompagnent parfois la grossesse, quoique cet état doive être considéré comme tout-à-fait physiologique. En effet, les troubles nerveux, relativement intenses, tels que les vomissements nicoërcibles, les névralgies, se montrent plutôt au début de la gestation que vers la fin, alors que la gêne mécanique, les troubles physiologiques sont arrivés à leur comble. Tout dépend donc du tempérament, et il n’est pas difficile d’admettre qu’une autre cause, étrangère aux organes sexuels, puisse tout aussi bien provoquer la même réaction de la part d’un système nerveux prédisposé. Tous les praticiens sont néanmoins d’accord qu’il faut porter, dans l’immense majorité des cas, son attention sur une affection éventuelle dans les organes génitaux quand on se trouve en présence de symptômes d’hystérie. Les phénomènes hystériques sont des plus divers et se manifestent tantôt sous forme d’exaltation nerveuse, de crampes, de convulsions et de névralgies, tantôt sous forme de dépression morale et physique, de parèses et d’anesthésies ; on y trouve en somme toutes les altérations morbides de la fonction nerveuse. — Quant au traitement, il appert de ce court exposé, qu’il doit d’un côté viser des causes très multiples, et de l’autre, s’adresser à des indications symptomatiques très variées. Il n’y aura donc, pour tous ces cas, aucune règle tracée d’avance. Outre le traitement chirurgical, mécanique, l’état d’anémie, d’obésité, la constipation, la dépression ou la surexcitation du système nerveux, doivent déterminer le choix de la méthode balnéaire, et celle-ci se transformera naturellement selon les vicissitudes du cas, durant le cours du traitement. Aussi avons-nous vu guérir à Mondorf bien des cas, dans lesquels nous-même ou d’autres confrères, bien au courant de la gynécologie, nous avions échoué, uniquement parce que les ressources balnéaires, si nombreuses et si opportunes, faisaient défaut. En somme, le traitement doit viser, en dehors de l'encheiresis, trois choses capitales : 1o Améliorer, s’il y a lieu, la nutrition générale selon l’antique dicton : «Sanguis moderator nervorum» ; 2o Calmer ou restaurer le système nerveux en employant les bains tièdes salés et les douches froides, selon l’indication ; 3o Maintenir la liberté du ventre.

Quant à cette dernière indication, elle comporte une application plus étendue qu’on ne le fait généralement. Tout n’est pas dit, quand on a prescrit un purgatif. Nous avons vu précédemment que l’eau de Mondorf, par ses propriétés toniques, cumulatives, est le purgatif par excellence dans tous ces cas, et qu’elle parvient peu à peu à vaincre la torpeur intestinale, à restaurer complètement les fonctions languissantes. Mais il reste, outre cela, une seconde cause mécanique à combattre, et qui oppose un obstacle sérieux à la guérison : Je veux parler de l’habillement antihygiénique du sexe féminin. L’homme, par son maintien droit, subit, d’une façon désavantageuse pour certains appareils du corps, les lois de la pesanteur. On doit notamment reconnaître, outre la difficulté circulatoire dans les jambes (qui engendre les varices, hémorrhoïdes etc.) que l’arrangement des viscères et intestins dans l’abdomen, leur mode de fixation à l’épine dorsale, contribuent puissamment à déplacer d’une façon anormale les organes qui sont logés dans la partie la plus inférieure de cette cavité, dans le bassin.

De plus, la portion inférieure de la paroi abdominale offre beaucoup moins de résistance à la pression exagérée qui s’exerce sur elle, de sorte que l’homme jouit de cette façon du triste privilège d’avoir des hernies inguinales et crurales, presque inconnues chez les quadrupèdes, et notamment de pouvoir acquérir les dislocations et les déformations les plus variées de l’utérus, lequel organe, très mobile et flexible, se trouve supporter tout le poids des intestins. Darwin a-t-il raison ou tort lorsqu’il prétend que le «homo sapiens» ne s’est pas encore suffisamment accommodé à la station verticale : ce n’est pas ici l’endroit de discuter des théories aussi hasardées ! Nous voulons tout simplement constater un fait qui est prouvé surabondamment par la statistique et par la pathologie comparée, et dont l’évidence a pour nous un intérêt pratique réel. Pour comble de malheur, le sexe féminin ne s’arrête pas encore là ; il lui plaît de venir renforcer ces conditions passablement désavantageuses déjà, par une façon de s’habiller tout-à-fait impropre. Tout l’échafaudage de la toilette féminine repose en effet sur le corset, et, par l’intermédiaire de cette cuirasse, sur l’abdomen. Car ce ne sont ni les hanches, ni les reins, comme on s’exprime vulgairement, qui supportent le corset. Cet instrument de torture est maintenu en place tout bonnement par le refoulement des parties molles en deçà et au-delà de sa circonférence la plus étroite. On peut s’en convaincre facilement «de visu» après l’enlèvement du corset, en examinant le cercle de rides, d’entailles profondes d’un bleu livide, qui contourne la taille, en passant par la région de l’estomac, du foie, du thorax. Cette compression, si peu esthétique, si ridicule, j’ose le dire, doit nécessairement comprimer l’estomac, les intestins et les vaisseaux sanguins, d’où il résultera de la constipation et des stases sanguines ; puis les intestins, refoulés vers le bas-ventre, vont faire dévier la matrice de sa forme et de sa position normales, et produiront par la compression de la vessie des envies fréquentes d’uriner, enfin des embarras multiples.

Je sais fort bien que l’aimable lectrice m’observera imperturbablement que «son» corset ne serre pas. C’est là l’éternelle réplique, et tout médecin bien élevé, qui a quelque pratique du métier, doit s’incliner devant cet axiome. On aura beau observer que Tibulle et Horace ont chanté la beauté des Romaines, qui avaient aussi quelques prétentions à la plastique, mais qui dédaignaient de se faire une taille au moyen de l’acier et de la baleine. Cela ne servira pas à grand chose ; car la mode est un tyran, et l’on veut vivre avec les vivants. Heureusement les Américaines, moins sous la domination du «chic» que nos mondaines, et mieux guidées par leur esprit pratique ainsi que par les avertissements des éminents gynécologistes dont s’honorent les Etats-Unis, ont trouvé le joint dans cette question, et elles ont, tout en sacrifiant à la mode, sauvegardé les exigences légitimes de la science. Elles ont introduit un corset qui contourne simplement la taille sans la forcer ; de plus, ce corset est suspendu aux épaules au moyen de bretelles, de sorte que tout le poids des jupes et jupons est supporté par les épaules, ainsi que chez les hommes, et ne pèse pas sur l’abdomen. Enfin, il reste une dernière ressource, c’est la ceinture hypogastrique, une sorte de bande élastique, étroite, appliquée en-dessous du nombril, qui renforce la résistance, opposée par la partie inférieure de la paroi abdominale à la pression des intestins. Finalement on a recours encore à la position sur les coudes et les genoux, pour ramener l’arrangement normal des viscères abdominaux.