Modorf-les-bains/29

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Imprimerie Joseph Beffort (p. 115-117).

Ataxie locomotrice (Tabes).

Cette maladie, tant redoutée par les gens du monde, doit aux eaux chlorurées-sodiques d’offrir aujourd’hui une perspective plus consolante qu’il y a une trentaine d’années, quand le professeur Romberg, se drapant dans une sentence de pontife infaillible, lançait un nouveau : lasciate ogni speranza ! Heureusement des études plus approfondies, surtout à propos de l’étiologie luétique, et les succès obtenus à Rehme-Oeynhausen sont venus rabattre de ce pronostic pessimiste.

Nous avons eu à Mondorf l’occasion de constater trois guérisons, dont deux dans des cas récents, et un grand nombre d’améliorations plus ou moins appréciables. Au fond, il faut déjà considérer comme un succès, quand on obtient le statu quo, l’arrêt de la maladie. Nous suivons à Mondorf le traitement adopté par Charcot. D’abord, on institue un traitement spécifique, s’il y a lieu ; ensuite on applique le courant constant et l’on donne des bains tièdes d’eau minérale. La nutrition étant presque régulièrement dans un mauvais état, on conçoit que l’eau de Mondorf, prise à l’intérieur, doit produire un excellent effet. Enfin, au fur et à mesure que la cure donne des résultats, l’on passe des bains chauds aux bains froids dans les piscines, aux douches minérales et enfin aux douches froides. La combinaison et la succession de ces différents moyens permet d’influencer le plus utilement le système nerveux, qui doit être traité dans tous ces cas avec une grande prudence.

Les paralysies dynamiques, telles qu’elles surviennent après de graves pertes de sang, après le typhus, la diphtérite, ou par suite d’une commotion subie par le cerveau et la moelle épinière (railway spine) sont des accidents plus rares et sont traitées avec avantage à nos eaux ; de même que les paralysies périphériques qui sont engendrées par la compression de la moëlle ou des nerfs, comme cela arrive par une contusion, une inflammation rhumatismale (paralysie du nerf facial) ou les affections osseuses de la colonne vertébrale (spondylite). C’est surtout dans ces derniers cas qu’une cure avec l’eau de Mondorf obtient des résultats surprenants.

Pendant la saison de 1881, un jeune confrère qui vint voir notre installation, fut étonné de rencontrer à Mondorf un malade très intéressant qu’il avait vu, deux ans auparavant, à la clinique du professeur Potain à Paris. Le patient avait été admis à l’Hôtel-Dieu pour un exsudât pleurétique traité par ponction ; puis il lui était survenu une faiblesse des membres inférieurs avec hypéresthésie. L’état du malade s’empirant, il rentra dans son pays. Là les symptômes de paralysie allaient leur train, si bien qu’après plusieurs mois, celle-ci devint complète. Le médecin de la famille constata alors une déviation de la colonne vertébrale au niveau des premières vertèbres dorsales, et il fut clair que l’inflammation osseuse des vertèbres avait été la cause, et de l’exsudât pleurétique et de la paralysie subséquente. Le patient fut traité par la suspension et l’application d’une cuirasse de plâtre ; on lui administra énergiquement l’électricité. Tout fut en vain. Quand je reçus, dix mois plus tard, le patient à Mondorf, son état était des plus lamentables. Il n’était plus capable du moindre mouvement des jambes ; par contre, pendant la nuit, les deux membres étaient agités par des crampes violentes, de façon qu’il fallait les serrer par des draps de lit, et que des injections de morphine étaient indispensables. La vessie et l’intestin fonctionnaient mal et nécessitaient des soins chirurgicaux assidus. C’était enfin un état des plus désespérés. Le traitement à Mondorf dura deux mois, sans donner aucun résultat. Le patient, en quittant fin septembre, reçut le conseil de continuer à la maison l’usage de l’eau minérale et le courant galvanique.

Quelle ne fut pas ma surprise de voir deux mois plus tard, lors d’un voyage, mon patient debout devant la porte de la maison et s’avançant à l’aide d’une canne pour me serrer la main. Depuis l’amélioration n’a fait que continuer, et Mr  H.... peut se promener aujourd’hui sans le moindre soutien.