Modèles de lettres sur différents sujets/Lettres de condoléance

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Chez Pierre Bruyset Ponthus (p. 281-310).

LETTRES
DE CONDOLÉANCE.



INSTRUCTION.



QUoique j’aie dit que l’enjouement s’étendoit à toute sorte de sujets, on conçoit bien qu’il seroit ridicule d’écrire une Lettre de condoléance d’un style plaisant & badin. Ce seroit ressembler à cet Egnatius[1] dont se mocque si joliment le Poëte, qui, pour montrer la blancheur de ses dents, venoit en riant vous complimenter sur les sujets les plus tristes. Ce n’est pas que l’on ne puisse quelquefois égayer un peu ses expressions, lorsque l’accident sur lequel on écrit n’est pas considérable ; mais, outre que ces occasions sont rares, il faut pour cela bien connoître les personnes & être ensemble sur le ton de la familiarité.

La plupart du temps on se borne dans ces sortes de Lettres à témoigner simplement la part que l’on prend à la perte qui y donne occasion.

Si celui à qui vous écrivez pleure une personne qui lui étoit chere, entretenez-le sur ce sujet ; louez la personne qui fait couler ses larmes, sans craindre de réveiller ou d’aigrir ses maux. La tristesse ressemble à la mélancolie : elle aime à se replier sur elle-même, & à se nourrir de sa douleur.

Quelques réflexions de piété ne sont pas déplacées dans une Lettre de condoléance, sur-tout si elle est écrite par une personne consacrée spécialement à Pieu. Le monde lui en fait une bienséance, & sa conscience un devoir.

Je ne dis rien que nous n’ayions éprouvé bien des fois. La Religion, cette grande chose, la seule qui ne laisse aucun vuide dans l’ame, est bien propre à nous soutenir quand les caducités humaines nous abattent, & nous sont sentir si éloquemment notre néant & notre misere.

Je ne crois pas qu’il soit besoin d’avertir que ces réflexions doivent être courtes. Les moralités fatiguent, & l’on s’endort aisément au sermon.

Mme. la Duchesse de Ventadour, gouvernante des enfants de France, écrivoit au Roi convalescent à Metz, pour le féliciter sur le rétablissement de sa santé. Au même moment un courrier lui annonce que Mme. sixieme venoit de mourir à Fontevrault où Mesdames étoient élevées. A une lettre de félicitation il auroit fallu en joindre une de condoléance ; elle reunit ainsi ces deux objets :


Sire,

Après la grace que le Seigneur vient d’accorder à la France en lui conservant V. M. il ne falloit rien de moins qu’un Ange en Ambassade pour l’en aller remercier.


MODELES
DE LETTRES
DE CONDOLÉANCE.



LETTRE de Mme. Scaron[2]
à Mme. Fouquet, sur la mort de son Fils.
Madame,

La perte que vous venez de faire, est une perte publique, par la part que la Cour & la ville y prennent. Si quelque chose pouvoit en adoucir l’amertume, ce seroit sans doute la preuve que ce triste événement vous donne de l’estime que toute la France a pour vous & pour Monseigneur le Sur-Intendant. La mort du Duc d’Anjou n’auroit pas été plus pleurée. Pour moi, Madame, qui suis votre[3] redevable par tant de titres, j’ai bien plus besoin de consolation que je ne suis en état d’en donner. J’aimois cet enfant avec des tendresses infinies. J’avois souvent lu dans ses yeux une félicité & une gloire à laquelle Dieu n’a pas voulu qu’il parvînt. Que son saint nom soit béni ! Le Ciel vous l’a ravi, Madame ; il ne vous l’a ravi que pour le rendre plus heureux.



LETTRE de M. de Bussy à Madame la Comtesse du P***,
sur la mort de son Mari, tué à l’armée.
A Bussy, ce 3 Juillet 1672.


Je crois, Madame, que vous ne doutez pas de la part que je prends à la perte que vous venez de faire de M. votre mari. Ce qui doit diminuer votre affliction, c’est que ses grandes blessures lui aient donné le temps de mourir en bon Chrétien.

C’est assez, pour que vous ne doutiez pas de ma douleur, Madame, de savoir que vous êtes la personne du monde que j’aime le mieux & que j’estime autant. Cette perte est grande, je l’avoue ; mais vous avez de la fermeté, & je suis assuré qu’il n’est point d’événement au dessus de votre courage.



LETTRE du même à M. l’Abbé D…,
sur la mort de sa sœur.
A Autun, ce 10 Février 1675.


J’ai appris avec bien du déplaisir, Monsieur, la perte que vous avez faite de Mme. votre sœur. Car outre la part que je prends aux choses qui vous touchent, j’avois encore l’honneur de la connoître, & j’en faisois le cas qu’elle méritoit. Vous vous direz sur cet accident tout ce qu’il y a à vous dire, tant de la part de Dieu que de votre raison ; & pour moi je me contenterai de vous assurer qu’il ne vous arrivera rien à quoi je ne m’intéresse extrêmement, & que je suis à vous de tout mon cœur.



LETTRE du même au Maréchal d’H.***,
sur sa disgrace.
A Chaseu, ce 16 Avril 1672.


J’ai appris avec bien du déplaisir ce qui vous est arrivé, Monsieur, parce que je m’intéresse fort à tout ce qui vous touche. Je ne doute pas que votre plus grande douleur, en cette rencontre, ne soit d’avoir déplu à un aussi bon maître que le nôtre, & que ce ne soit pour cela que vous aurez plus besoin de votre fermeté ; car pour les traverses de la fortune, je m’en fie bien à votre courage ; outre que cette même fortune vous a fait jusqu’ici assez de plaisir, pour que vous lui pardonniez quelque peine. J’espere que celle-ci ne durera pas ; je le souhaite fort, car je suis assurément de tout mon cœur, &c.



LETTRE du même à Mme. de D***,
sur la perte d’un Procès.
A Bussy, ce 10 Janvier 1669.


J’ai appris avec bien du déplaisir la perte de votre procès, Madame ; car je vous aime fort. Cependant contre fortune bon cœur ; vous avez assez de bien pour perdre le plus grand procès sans en être incommodée. Que cela ne vous altere donc point : conservez-vous ; & croyez que si vous survivez à vos parties, ce seront elles qui auront perdu leur procès.



LETTRE du même au Maréchal de Navailles,
sur la mort de son Fils.
A Autun, ce 14 Janvier 1673.


J’ai appris avec une douleur extrême la perte que vous avez faite de M. votre fils, parce que je vous aime & que je vous estime infiniment. Il faut être aussi sage & aussi ferme que vous êtes pour soutenir une touche aussi rude que celle-là. Mais, quoique vous n’en ayiez jamais reçu de cette sorte, vous avez passé par des adversités qui vous ont appris à vous soumettre aux volontés de Dieu. Ç’a été là ma seule ressource dans mes disgraces, & celle que je vous souhaite, Monsieur, dans votre affliction.



LETTRE de Mme. de Sevigné à sa fille, sur la mort de
M. l’Archevêque d’Arles, oncle de son Epoux.
A Paris, vendredi 18 Mars 1689.


Vous avez bien raison, ma chers enfant, de croire que je serai affligée de la perte de M. l’Archevêque. Vous ne sauriez vous représenter combien le vrai mérite, la rare vertu, le bon esprit, & le cœur parfait de ce grand Prélat me le font regretter. Je ne puis songer à sa bonté pour sa famille, à sa tendresse pour tous en général, & pour vous & pour votre fils en particulier, sans qu’il me paroisse un grand vuide dans votre maison qui ne se remplira jamais ; non, jamais ; je ne crains point de le dire. Il n’y a point d’esprits ni de cœurs sur ce moule. Ce sont des sortes de métaux qui ont été altérés par la corruption du temps ; & il n’y en a plus de cette vieille roche. Vous avez compris mes sentiments, vous m’avez fait bien de l’honneur ; & je vous le rends, en voyant les vôtres tels qu’ils sont. Il faut avoir un peu de ce bon aloi que nous regrettons, pour sentir cette perte comme nous la sentons. Cette louange doit passer, car je suis persuadée qu’on est plus ou moins touché de ces grandes qualités, selon qu’on y a plus ou moins de rapport.



LETTRE de la même à M. de Grignan, son Gendre,
sur le même sujet.


Mon cher Comte, recevez ici mon compliment. Vous avez été tendrement aimé de ce cher oncle. Il aimoit son nom, sa maison ; il avoit raison, elle en vaut la peine. Je vous plains de n’avoir plus à honorer tant de mérite, tant de qualités respectables. Voilà cette premiere race passée ; nous irons après, mon cher Comte : en attendant, je vous embrasse en pleurant, comme si j’avois l’honneur d’être de votre nom.



LETTRE de M. de Coulanges à Madame de Grignan,
sur la mort de son Beau-Frere.


Je ne m’accuserai point, ma belle Comtesse, de vous faire un méchant compliment ; mais je vous assurerai seulement que j’ai été très-affligé de la mort de notre pauvre Chevalier. Je m’étois si bien trouvé de son commerce en Provence, & j’espérois de m’en trouver si bien par-tout, que sa perte me touche sensiblement. Voilà un beau sujet de méditation pour les jeunes gens, comme pour ceux d’un âge plus avancé ; il ne faut se fier ni à l’âge, ni à la bonne santé, puisque nous sommes tous mortels, & que l’heure & le moment sont fort incertains. Je finis par cette moralité un peu triviale, & vous embrasse, s’il vous plaît, ma belle Comtesse, avec le dernier respect & la derniere tendresse.



LETTRE de M. Flechier à M. Salvador,
sur la mort de son Pere.
A Nîmes, ce 26 Février 1701.


Je regrette bien, Monsieur, la perte que vous avez faite de M. votre pere ; & je compatis à votre douleur. Il vous laisse les véritables biens, qui sont ses vertus & ses bons exemples ; & les plus solides consolations, qui sont une longue continuation de sagesse & de piété, une vie de Chrétien, & une mort de Patriarche. Je vous souhaite une aussi longue pratique de bonnes œuvres ; & persuadé qu’il ne manque à la perfection de votre mérite que ce qu’un âge comme le sien y peut ajouter, je félicite Mrs. vos enfants de retrouver en vous ce que vous perdez en M. votre pere. Je suis, &c.



LETTRE du même à M. le Pelletier
sur la mort de sa Fille.
A Nîmes, ce 10 Octobre 1702.


Vous avez, Monsieur, dans la mort de Mme. votre fille, tout ce qui peut adoucir votre douleur ; sa vie toujours chrétienne, & conforme à l’éducation qu’elle avoit reçue de vous ; sa maladie, où elle a possédé son ame dans la résignation & la patience, & toutes les apparences de son salut & de son repos éternel. Ces tristes séparations pourroient dégoûter du monde ceux qui n’en sont pas déjà dégoûtés ; mais du moins elles nous font voir qu’il ne faut s’attacher qu’à Dieu, qui ne finit point, & qui seul doit remplir les vuides qui se font dans nos cœurs par la perte des personnes qui nous sont cheres. Je vous prie, Monsieur, de me pardonner cette petite moralité qui m’est échappée. Je sais que les sentiments de la Religion prévalent en vous à ceux du sang & de la Nature, & qu’on ne peut rien ajouter aux réflexions que vous avez faites & que vous faites tous les jours sur les fragilités & les miseres de cette vie. Je ne puis que vous assurer que je prends part à votre perte, que je compatis à votre douleur, & que je suis toujours, &c.



LETTRE de J. B. Rousseau à M. D***,
sur la mort de son Fils aîné.
Vienne, 1 Novembre 1720.


Quelle perte, bon Dieu ! & à quelle épreuve la Providence a-t-elle voulu mettre votre vertu, Monsieur ? C’est ainsi qu’elle se joue des projets qui nous paroissent les plus légitimes. Vous avez joui jusqu’à présent de tous les avantages de cette vie ; une longue & constante prospérité, une fortune établie, une famille digne de vous : voilà bien des graces que Dieu n’étoit pas obligé de vous faire, & peut-être n’avez-vous pas assez songé que c’étoit à lui seul que vous les deviez. On ne lui attribue que la mauvaise fortune, & on croit ne devoir la bonne qu’à soi-même. Il faut pourtant tôt ou tard payer nos dettes, & se mettre dans l’esprit qu’il ne nous envoie point dans ce monde pour être heureux selon nos vues, mais selon les siennes ; que ce qui nous paroît le plus grand des biens, est souvent la source de nos plus grandes afflictions ; & que ce qui nous afflige le plus, est au contraire plus souvent encore le principe du bonheur auquel il nous destine. En voilà assez, Monsieur, pour vous faire comprendre que les plus malheureux ne sont pas toujours les plus à plaindre, & que les plus heureux ne sont pas les plus dignes d’envie. Recevez votre affliction comme une expiation des fautes auxquelles nous sommes tous sujets en cette vie, & comme un gage du bonheur que Dieu vous prépare dans une autre. Il vous reste un fils ; donnez tous vos soins à en faire un aussi honnête homme que vous. En un mot, consolez-vous avec celui qui vous reste, & priez pour celui que vous n’avez plus. Vous serez peut-être surpris de recevoir de pareils conseils d’un faiseur d’épigrammes : mais, Dieu merci, j’en ai porté la peine ; & je m’estimerois malheureux, si je n’en avois pas été puni.



LETTRE du même à M. Brossette,
sur la mort de son Epouse.
Vienne, le 30 Juin 1716.


Je vous demandois des nouvelles, Monsieur ; hélas ! je ne songeois guere à la douleur que devoit me causer la premiere que je recevrois de vous. J’ai senti la perte que vous m’apprenez, comme vous la sentez vous-même. Il est bien naturel de compatir aux malheurs de son ami ; mais le vôtre me toucheroit par ses circonstances, quand il ne regarderoit qu’une personne indifférente. Je vous plains, Monsieur ; vous me plaindriez peut-être à votre tour, si vous pouviez concevoir toute la part que je prends à votre affliction. Ne vous en étonnez pas. A force d’être malheureux, je suis devenu moins sensible à mes malheurs qu’aux malheurs d’autrui.



LETTRE du même à M. de Voltaire.
Vienne, 25 Mars 1719.


Malgré l’éloignement qui nous sépare, Monsieur, je ne vous ai jamais perdu de vue, & mon amitié vous a toujours suivi sans interruption dans les différents événements dont votre vie a été mélangée. Il y a long-temps que je vous regarde comme un homme destiné à faire un jour la gloire de son siecle, & j’ai eu la satisfaction de voir que toutes les personnes qui me sont l’honneur de m’écouter, en ont fait le même jugement que moi, sur les divers ouvrages que je leur ai souvent lus de vous. Dans le temps que je jouissois du plaisir de voir croître une réputation qui m’est si chere, j’ai eu la douleur d’apprendre les traverses dont vos succès ont été interrompus ; & je puis vous assurer que je ne les ai guere moins vivement senties que les miennes propres. Je ne pouvois m’imaginer que vous les eussiez méritées ; & la persuasion où j’étois de votre innocence, me faisoit voir, entre vos avantures & les miennes, un rapport qui augmentoit encore ma sensibilité. Une chose cependant me consoloit pour vous, c’est l’opinion où j’ai toujours été, que les malheurs sont nécessaires aux hommes, & que rien ne purifie tant leur vertu que les adversités. C’est peut-être un avantage pour vous, dans la prospérité où vous êtes aujourd’hui, d’avoir souffert cette épreuve dans un âge qui ne tire point à conséquence. Nous naissons tous tributaires de la fortune, & les plus heureux sont ceux qui ont payé leurs dettes de bonne heure. Vous en voilà quitte, du moins je l’espère ainsi, pour le reste de vos jours. Je souhaite qu’ils soient aussi longs que ceux de Corneille, à qui vous succédez si dignement.



LETTRE de M. l’Abbé de Chaulieu à Mme. la Duchesse de Bouillon,
sur la mort de Mme. la Duchesse de Mazarin.


Je pleure avec vous, Madame, la perte de Madame votre sœur, que la bonté de son cœur vous rendoit si chere, & que ses qualités personnelles vous rendoient si aimable, que vous en aviez fait, plus encore par raison, que par les sentiments de la nature, l’objet le plus tendre & le plus digne de votre amitié. Les mêmes façons de penser, les mêmes talents de plaire, la même supériorité d’esprit ; tout avoit contribué à former, entre Madame de Mazarin & vous, tant de sympathie & tant d’amitié. La mort vient d’en rompre les nœuds. Ne cherchez point à reparer cette perte, ; vous ne trouverez que perfidie & fausseté dans le reste du monde. Cherchez à l’oublier : employez, pour vous consoler de la mort de Madame votre sœur, le même courage & la même fermeté, dont elle s’est servie pour la mépriser. Je fus hier au Port-Royal pour partager votre douleur, malgré la goutté que j’avois & que j’ai encore très-douloureuse. Voilà la troisieme atteinte que j’en ai depuis six mois. Ce sont des avertissements de la nature, pour nous préparer à la fin de la vie. Je me consolerai de la briéveté de ces jours malheureux qui me restent, par le plaisir d’en passer la plus grands partie avec vous, & de vous marquer, Madame, par mille respects & mille marques d’attachement, combien je suis de V. A. le très-humble & très-obéissant serviteur.



FRAGMENTS
DE LETTRES
DE CONDOLÉANCE.

Lettre de Voiture à M. de Montauzier,
prisonnier en Allemagne.

Vous ne seriez pas fâché d’être pris, si vous saviez combien vous êtes plaint. Il y a, sans mentir, moins de plaisir d’être à Paris, que d’y être regretté comme vous êtes ; & les plaintes que font pour vous tant d’honnêtes gens, valent mieux que la plus belle liberté du monde. Si vous ne pouvez à cette heure demeurer d’accord de cela, (car en l’état où vous êtes, vous avez bien la mine de ne pouvoir entendre raison) je vous le ferai comprendre ici quelque jour & avouer que vous ne devez pas mettre entre vos malheurs, un accident qui vous a fait recevoir des témoignages de l’affection de tout ce qu’il y a d’aimables personnes en France.

Lettre de Mme. de Maintenon.

Madame de Coulanges m’a dit que vous aviez pensé mourir. Je ne l’ai su qu’après votre résurrection, & je n’y ai pas été moins sensible. Je vous plains de vos maux passés, & j’appréhende vos maux à venir. Ils deviennent, ce me semble, bien fréquents. Je suis fort intéressée à votre conservation, &c.

Lettre de la même.

Plus je pense à la perte que vous venez de faire, plus je la trouve grande, & plus j’en suis affligée, c’étoit un digne chef d’une famille comme la vôtre, & qui ne peut être remplacé. Nous avons sujet de croire qu’il est heureux ; c’est donc nous-mêmes que nous pleurons. Votre état me serre le cœur, & vous ne vous consolerez de long-temps d’une telle séparation. Si j’étois maîtresse de ma conduite, je quitterois bien certainement toute autre chose pour être auprès de vous.

Lettre de l’Abbé de Chaulieu.

Vous avez perdu, Madame, un ami fidele & cher ; c’est un bien si rare & si précieux, que j’ai cru devoir vous témoigner la part sensible que j’ai prise à votre chagrin. Mon compliment fait le panégyrique de la bonté de votre cœur. Il n’est guere de chose au monde que je loue aussi souvent que vous ; il n’est rien dont je me souvienne avec tant de plaisir, que de tous les agréments de votre esprit & de votre personne. La perte, que vous avez faite, se reparera très-difficilement, &c.

Lettre de l’Abbé de Chaulieu.

Je n’ai appris que d’hier la maladie de Votre Altesse. J’en ai été également surpris & affligé. Je vous avoue que je ne vous croyois point faite, Madame, pour la fievre quarte, ni la fievre quarte pour vous, &c.

MODELES
DE RÉPONSES
A DES LETTRES
DE CONDOLÉANCE.

REPONSE du Maréchal de Navailles
au Comte de Bussy.
A Perpignan, ce 4 Février 1679.

Je suis sensible, comme je le dois, Monsieur, au témoignage que vous me donnez de la continuation de votre amitié, sur la perte que j’ai faite de mon fils unique. En vérité, Monsieur, la nature ne peut seule résister à de pareilles épreuves, & l’on a grand besoin de secours pour soutenir la pesanteur d’un semblable coup. Je vous supplie, Monsieur, d’être bien persuadé de la reconnoissance que j’ai de vos bontés, & que personne ne sauroit être plus attaché que je le serai toujours à tous vos intérêts.

REPONSE de M. de Chateauneuf au Comte de Bussy.
A Versailles, ce 8 Juin 1681.

Je suis extrêmement sensible à l’honneur que vous me faites de vous souvenir de moi, au sujet de la mort de mon pere. Je chercherai avec soin les occasions de vous marquer ma reconnoissance de cette preuve de votre amitié. En attendant, je me fais un plaisir de vous assurer que je suis, véritablement, &c.

REPONSE de M. Flechier au P. Vignes.
A Nîmes, ce 12 Mai 1701.

Je n’ai pas douté, mon Révérend Pere, que vous n’eussiez la bonté de prendre part à mon affliction quand elle vous seroit connue. Vous connoissez le frere que j’ai perdu, & vous l’avez regretté. Vous avez de l’amitié pour moi, & vous avez compati à la douleur que j’ai eue de le perdre. Je vous prie de lui accorder le secours de vos prieres, & de me croire autant que je le suis, &c.

REPONSE de Monsieur de S. Evremont.

Rien n’est si doux en amitié aussi bien qu’en amour, que l’expression d’une véritable tendresse, & on ne sauroit mieux la témoigner qu’en prenant part aux malheurs de ceux qu’on aime. Votre déplaisir du mauvais succès de mon affaire emporte la moitié du mien, & me met en état de pouvoir supporter doucement ce qui m’en reste.



  1. Catull. Epigram.
  2. Elle fut connue dans la suite sous le nom de Mme. de Maintenon.
  3. Ce tour a vieilli, et n’est plus d’usage.