Mon frère Yves/076

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Calmann-Lévy (p. 277-278).
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LXXVI

LETTRE D’YVES

Brest, le 10 septembre 1881.
« Mon bon frère,

» Je vous fais savoir le désarmement de notre Sèvre ; nous l’avons remise hier à la Direction, et, ma foi, je n’en suis pas trop mécontent.

» Je compte rester quelque temps à terre, au quartier ; aussi (comme notre petite maison n’est pas très avancée, vous pensez bien), ma femme est venue s’installer auprès de moi à Brest jusqu’à ce qu’elle soit finie. Je pense que vous trouverez, cher frère, que nous avons bien fait. Cette fois, nous avons loué presque dans la campagne, à Recouvrance, du côté de Pontaniou.

» Cher frère, je vous dirai que le petit Pierre a été bien malade par les coliques, pour avoir mangé trop de luzes dans les bois, ce dimanche dernier que nous avons été à Toulven ; mais cela lui a passé. Il devient tout à fait mignon, et je reste des heures à jouer avec lui. Le soir, nous allons nous promener tous les trois ; nous ne sortons plus jamais qu’ensemble, et puis, quand l’un rentre, les deux autres rentrent aussi.

« Cher frère, si vous pouviez revenir à Brest, il ne me manquerait plus rien ; vous me verriez maintenant comme je suis, vous seriez tout à fait content ; car je n’étais jamais resté aussi tranquille.

» Je voudrais encore embarquer avec vous, mon bon frère, et tomber sur quelque bateau qui irait là-bas du côté du Levant vous retrouver ; et pourtant je vous promets que la vie que je fais maintenant, je voudrais bien la continuer ; mais cela n’est pas possible, car je suis trop heureux.

» Je termine en vous embrassant de tout mon cœur, et le petit Pierre vous envoie ses respects. Ma femme et tous mes parents à Toulven vous font bien des compliments. Ils ont très hâte de vous voir, et je vous promets que moi aussi.

» Votre frère,
» YVES KERMADEC. »