Mon frère Yves/086

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Calmann-Lévy (p. 321-322).
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LXXXVI

J’avais accepté de dîner le lendemain chez ce capitaine baleinier. Nous nous étions convenus à merveille. Il n’avait rien de la manière des hommes policés, mais il n’était nullement banal. Et puis, surtout, c’était le seul moyen pour moi d’amener Yves à son bord.

Je m’attendais un peu le lendemain matin, au jour, à trouver le baleinier disparu, envolé pendant la nuit comme un oiseau sauvage. Mais non, on le voyait là-bas à son poste, au large, avec toutes ses franges noires dans ses haubans, se détachant sur le grand miroir circulaire des eaux, qui étaient ce jour-là immobiles, et lourdes, et polies, comme des coulées d’argent.

C’était sérieux, cette invitation, et on m’attendait. Par précaution, le commandant avait voulu que les canotiers qui me mèneraient fussent armés et restassent là, tout le temps avec moi. Justement cela tombait à merveille pour Yves, et je le pris comme patron.