Monde/11
11
La Nature
En tête d’une étude de la Nature trouve sa place cette parole de Charles Richet.
« Nous ne savons rien de précis sur l’étrange cosmos qui nous entoure et nous écrase. Nous nageons, aveugle, dans un Océan ténébreux. Mais il est vraisemblable que nous dissiperons à la longue quelques-uns de ces ténèbres et que tout sera changé, bien plus que notre débile intelligence ne le suppose. »
On peut présenter les données d’abord dans l’ordre abstrait des phénomènes, objet des sciences (physique, chimie, biologie), ensuite dans l’ordre concret, soit des êtres (minéraux, plantes, animaux), soit des grands milieux, les Cieux, la Terre, les Eaux, les Airs.
110. GÉNÉRALITÉS.
De nos jours l’histoire a porté ses méthodes sur l’origine des inventions et des connaissances. Nous possédons maintenant un tableau de plus en plus complet de cette évolution.
Le développement des connaissances s’est fait lentement, sortant de l’expérientation grossière de nos ancêtres, se formulant à travers mille théories et hypothèses en lois démontrées de plus en plus générales, progressant de nos jours avec des méthodes, des programmes, une instrumentation éprouvée.
L’arithmétique et la géométrie sont issus du contact prolongé des hommes avec les corps solides. Les principes généraux de la mécanique sont venus de leur observation sur les déplacements des corps solides et vivants. Les connaissances astronomiques viennent des observations les plus lointaines, condensées d’abord en formules par les mages chaldéens : on se figurait la terre plate et les étoiles accrochées à des voûtes célestes qui tournent autour d’elle. L’astrologie joua un rôle encore dans ces conquêtes. Avant la chimie il y eut l’alchimie, le phlogistique, les fluides par lesquels on se figurait tout expliquer il y a un siècle encore.
Dans l’étude des phénomènes de la vie, on croyait à l’immutabilité des espèces, à l’existence d’un petit homme minuscule, l’homunculus dans le germe humain ; il y avait les humeurs viciantes, la génération spontanée. En sociologie c’était l’organicisme, en psychologie la phrénologie de Gall. En anthroposociologie, les théories de Gobineau, d’Ammon, de Vacher, de Lapouge. Et la médecine dut attendre la vaccination et la sérothérapie avant de devenir réellement scientifique.
Tout est changé. Au petit monde antique marchant comme une horloge à Jacquemart, la civilisation a substitué un Univers en perpétuel devenir, où l’infiniment petit est aussi merveilleux que l’infini sidéral.
La géologie, l’astronomie, la biologie ont changé les conceptions anciennes sur la nature, les phénomènes et les êtres.
Le caractère de la science depuis un siècle a complètement changé.
À la fin du XIXe siècle, beaucoup d’érudits esprits croyaient à la valeur définitive et absolue de la conception rationnelle qui caractérisait jusque là la science de leur époque. Cette conception était celle d’un déterminisme rigoureux et total admirablement défini par la fiction de ce que l’on appelle « l’esprit universel » de Laplace. Fiction selon laquelle une intelligence qui, pour un instant doué, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux des plus légers atomes ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé seraient présents à ses yeux. L’esprit humain offre dans la perfection qu’il a su donner à l’astronomie une faible esquisse de cette intelligence.
On croyait donc, il y a encore quarante ans, que tous les phénomènes devaient nécessairement s’encadrer dans cet ensemble de conceptions théoriques, découlant logiquement de l’analyse infinitésimale et constituant un édifice solidement établi dans ses éléments les plus importants. Selon cette opinion, tout le cycle des progrès essentiels de la physique était au complet, rien ne semblant devoir se manifester qui fut une nouveauté véritablement essentielle…
Notre conception de la science a évolué. Elle fut d’abord statique (stabilité des choses animées seulement d’un certain nombre de mouvements lents), puis dynamique (tout en mouvement), et maintenant génétique. Dans la forme antérieure, le savant analysait les phénomènes actuels et courants, les rangeait sous des lois et si possible sous des formules mathématiques. Le savant actuellement s’intéresse de plus en plus à la manière dont ces lois ont agi en fait. Aux effets qu’elles ont produit jusqu’à nous ne suffit plus la constatation : telle cause étant donnée, telle conséquence en résulte. On s’est posé la question : la cause a-t-elle été donnée, la conséquence a-t-elle été produite ? Et où en sommes-nous de cet enchaînement causal ? Ainsi dans tous les domaines le facteur « temps » a pris une importance capitale.
Dans le fait cosmique, on envisage la cosmogonie, la classification de l’univers stellaire d’après son passé, les supputations sur l’âge du soleil, l’âge des étoiles, l’âge des galaxies. De la géologie, la paléontologie état du passé est l’âme même ; la radioactivité fournit d’autres moyens de connaître le passé. En biologie, les théories de l’évolution, la paléontologie et l’archéologie préhistorique. En sociologie, enfin, il y a le formidable résultat des sciences historiques, l’histoire étant un des caractères du XIXe siècle.
La Nature nous offre trois grandes satisfactions intellectuelles :
1o Elle nous montre à l’œuvre la loi d’évolution qui, du fond des temps, apporte à ces temps même la progression continue vers des formes enchaînées et toujours plus avancées.
2o Elle déploie devant nous la variété infinie des espèces, des genres et des individus réalisant chacun un des cas d’équilibre de la variation universelle.
3o Elle nous place en son sein comme au sein de la vie concrète faite des êtres et des forces qui agissent de toute leur existence sur notre propre existence.
Le sentiment que la nature inspire à l’homme correspond à l’idée qu’il s’en fait : la conception esthétique et morale varie avec la conception métaphysique.
1. Antiquité. — Dans son ensemble l’Antiquité est naturaliste. La nature est bonne : le pessimisme n’est qu’un accident de la pensée antique.
2. Moyen âge. — La nature, c’est le mal. Beauté dangereuse. Le pessimisme terrestre s’exprime par l’ascétisme et la mortification. Art à forme subtile et symbolique.
Au moyen âge on ne regardait plus la nature. On croyait la vie épuisée. Le monde avec Jésus avait fui son temps et dit son dernier mot. Hors de cette histoire privilégiée, on jugeait que rien n’était digne d’occuper la pensée. Saint Bernard ayant voyagé tout un jour le long du lac Léman demandait le soir où était le lac ! (Louis Gillet : Histoire artistique des ordres mendiants, 1912.)
3. Renaissance. — La réaction naturaliste, confond l’homme parmi les choses ; en art, c’est la beauté des formes et des contours qu’elle peint voluptueusement ; en morale ce sont les instincts qu’elle légitime.
4. Temps modernes. — Sentiments nouveaux.
a) Le mécanisme cartésien ne permet plus de voir dans la nature la tentatrice et l’ennemie ; au XVIIIe siècle, par haine des institutions des hommes, on revenait à elle, on la proclame belle et bonne. On mêle de nouveau l’homme à la nature en croyant les opposer et on sent mieux que jamais la poésie et le charme de l’Univers parce qu’on l’imprégnait inconsciemment de tous les sentiments et les rêves humains.
b) L’interprétation sceptique du Kantisme ne tarde pas à agir ; la nature n’est plus la source de toute bonté. On voit la froideur inerte de son mécanisme, la dureté de ses lois ; elle est désespérante.
c) Parfois on commence à retrouver en elle une raison vivante qui guérit les maux qu’elle cause ; on a senti la grandeur inconsciente de son développement nécessaire. Rien n’est bon ni mauvais, tout est rationnel. (Parodi.)
5. Notre temps. — Le grand mouvement de retour à la nature, en notre temps : il s’exprime par le voyage, le sport, le naturisme, par le nudisme, par les concours de beauté. Toute révolution politique et sociale a été précédée par un retour à la nature. Ainsi dans l’Allemagne contemporaine.
Des hommes de science ont exprimé souvent leurs sentiments à l’égard de la nature.
« Pour que cette œuvre réponde à la dignité de la belle expression de Cosmos, qui signifie l’ordre dans l’univers, et la magnificence dans l’ordre, il faut qu’elle embrasse et qu’elle décrive le grand torut (to pan) ; il faut classer et coordonner les phénomènes, pénétrer le jeu des formes qui les produisent, peindre enfin, par un langage animé, une image vivante de la réalité. Puisse l’infinie variété des éléments dont se compose le tableau de la nature ne pas nuire à cette impression harmonieuse de calme et d’unité, dernier but de toute œuvre littéraire ou purement artistique.
« L’influence du monde extérieur sur l’imagination et le sentiment, influence qui a donné, dans les temps modernes, une impulsion puissante à l’étude des sciences naturelles, par la description animée des régions lointaines, par la peinture de paysage, en tant qu’elle caractérise la physionomie des végétaux, par les plantations ou la disposition des formes végétales exotiques en groupes qui contrastent entre eux. » (de Humbold, Cosmos I, p. 150 et 80.)
« Les chants des oiseaux m’ont rendu heureux, j’ai su entendre l’appel des animaux, j’ai embrassé dans leur immensité la terre, les pierres, les arbres, et de jour et de nuit les étoiles et tout ce qui tisse et le ciel et la nuit. J’ai aimé d’un amour si inextinguible Dieu et mon peuple et les hommes qu’il n’est sans doute pas au monde de plus grand bonheur. Et je veux vous le conseiller : faites de même pour connaître la joie. » (Blunck : Stelling Rothinnsohn).
Au Japon, les temples, qu’ils soient Shintoïstes ou Bouddhistes sont généralement harmonisés merveilleusement avec le site. Dans les villes mêmes, ils sont situés sur quelque hauteur dominant toute l’agglomération. La vénération de la nature, incorporée dans les divers dieux et déesses du Shintoe a été transférée au paysage naturel lui-même, la montagne sacrée ou le bois sacré sont devenus l’habitat du dieu lui-même. Le culte naturel des héros dont les esprits entourent les Japonais dans un lieu sanctifié, unit la nature et l’histoire, le passé et le présent dans le paysage. (Les paravents sacrés au Japon représentent tout.)[1]
Placé dans la nature, l’homme oublie la société venue après lui et sa civilisation si souvent meurtrière.
L’homme commença à maltraiter la nature, à la fouiller,
à la détruire. Aujourd’hui il reconnaît son erreur :
il crée des parcs nationaux. Il recouvre son sentiment
à l’égard de la nature. Son instinct primitif reprend le
dessus.
L’origine du monde, le chaos des origines, l’âge du monde, l’évolution et la destinée du monde, la fin du monde : problèmes capitaux, problèmes angoissants, problèmes merveilleux. Le poète, le savant, le théologue, le simple penseur s’expriment à ce sujet.
Avant les mers et les terres et, ce qui couvre toutes choses, le ciel, il était, a dit Ovide, un seul aspect de la nature dans le monde entier, celui qu’on a appelé le chaos.
« On peut admettre que ces vers d’Ovide, dit Baillaud, résumaient les idées des anciens sur les origines du monde.
» Après deux mille ans il semble qu’ils auraient pu être écrits par un des maîtres de l’astronomie contemporaine. Les efforts des philosophes, des physiciens, des astronomes n’ont pas été stériles dans la connaissance de l’Univers sorti du chaos. Mais en ce qui concerne le chaos primitif lui-même, nous sommes réduits à constater que tout est encore à apprendre. Mais l’on peut penser que le temps n’est pas éloigné peut-être où nous pourrons formuler quelques précisions ».
Se plaçant au point de vue de l’homme, Ray Nyst écrit :
« Fils d’une nébuleuse, ouvrier improvisé sur une planète hostile, dont il commence seulement à connaître avec précision les matériaux, toujours au prix de longs travaux, qu’une génération lègue à la suivante, total effroyable d’efforts concentrant dans notre époque peut-être vingt mille ans de labeur ! De sa propre expérience, ouvrier de génie pour toute fortune, il a bâti le monde moderne de la cendre d’une étoile. »
Et le Titan des Poètes, Victor Hugo, définit ainsi
le chaos.
Un tout qui n’était rien, vivant confusément,
Des apparitions flottaient sur l’insondable.
Au fond de cette brume étrange et formidable,
Comme si, quoique rien ne fut encore puni,
Le gouffre eut essayé d’engloutir l’infini,
On voyait aux lueurs des visions funèbres,
S’ouvrir et se fermer la gueule des ténèbres.
Partout apparaissait, à l’œil épouvanté,
La face du néant, faite d’obscurité.
À chaque instant, le fond redevenait la cîme,
Et comme une ruée au-dessus d’un abîme,
Dans cette onde où rampaient les larves des fléaux,
Le monstre Nuit planait sur la bête Chaos.
Tous les éléments de l’Univers s’adonnent en quelque sorte à une lutte sourde et constante. La nature qui paraît dans un état statique, immobile, est une infinité d’atomes ou d’électrons en état d’agitation. Le mouvement brownien ne s’arrête jamais. À l’intérieur d’une cellule close (de manière à éviter l’évaporation), on peut l’observer pendant des jours, des mois, des années. Il manifeste dans des inclusions liquides enfermées dans le quartz depuis des milliers d’années. Il est éternel et spontané.
L’harmonie fine de la nature n’est qu’une relativité
en quelque sorte esthétique de nos sens. Elle est une
synthèse des forces qui se manifestent dans différents
cataclysmes, foudre, tempête, orage volcanique.
L’âge du monde demeure matière à évaluations diverses. Thomson estime l’âge du monde à 100 millions d’années. Herman Klein (astronome) évalue la durée écoulée depuis la solidification de la terre de 200 à 400 millions d’années. Blandet et Vinot l’évaluent à 6 milliards d’années.
Beaucoup de géologues estiment ainsi la durée de différentes époques.
Le primitif | 52,000,000 | années |
Le primaire ou Paleozoïque | 32,000,000 | » |
Le secondaire ou Mesozoïque | 14,000,000 | » |
Le tertiaire ou Cainozoique | 3,000,000 | » |
Le quaternaire | 100,000 | » |
Les historiens ont fixé ainsi la durée des époques historiques :
En se basant sur la Bible, les auteurs ont déterminé des périodes de durée différente de la création d’Adam à la naissance du Christ.
111. DES ÉLÉMENTS ET DES PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES CHOSES DE LA NATURE. LEUR SCIENCE.
111.1 L’ÊTRE. — L’ONTOLOGIE.
L’ontologie est une science spéciale bien définie : science de l’être en général, science du genre universel qui résume et contient toutes les espèces et tous les individus.
« Il est une science, dit Aristote, qui considère l’être en tant qu’être et ses propriétés nécessaires. Cette science progresse, non en étendue mais en profondeur, puisque son objet est à la fois et le plus général et le plus compréhensif possible. Cette science, c’est la métaphysique. »
« La métaphysique, dit M. Dewulf, occupe dans les études de la scolatique une place d’honneur. Elle n’étudie pas seulement la substance des choses sensibles, mais l’être comme tel, en l’envisageant à la fois dans sa réalité statique et dans son devenir. La théorie de l’acte et de la puissance occupe une position centrale et on y rattache la composition des substances et accidents de matière et de forme, d’universel et d’individuel, d’essence et d’existence. L’individuel seul existe, l’Universalité de la notion dérive d’un travail de l’esprit. À la métaphysique se rattache la théodicée. »
L’ontologie pose, résoud et essaye de résoudre trois questions relatives à l’être :
1o Qu’est-ce que l’être ?
2o Quelles sont les propriétés générales de l’être ?
3o Quels sont les rapports généraux qui lient entre eux les différents êtres ?
Les transcendentaux sont : res, ens, unum, verum, bonum, pulchrum ; l’essence, l’existence (notions qui constituent l’être en lui-même), l’unité, la vérité, la bonté, la beauté (notions qui sont propriétés nécessaires, attributs inséparables de l’être en tant qu’être).
« L’être, dit Parmenide, est inengendré, impérissable, tout entier d’une seule espèce, immobile et égal. Il n’était ni ne sera, puisqu’il est maintenant, à la fois tout et un, et continu. Quelle naissance en effet lui chercherais-tu ? D’où, comment le feras-tu naître ? Du non-être ? Je ne te laisserai ni le dire, ni le penser ; car le non être n’est ni visible ni pensable puisqu’il n’est pas. Et quelle nécessité aurait poussé plus tard ou plus tôt, à commencer à naître du néant ? »
Les traités d’ontologie (ex. Traité du Cardinal D. Mercier, 5e édition) comprennent les questions suivantes :
a) L’Être (analyse générale de la substance première ; l’être existentiel ou l’existence ; l’être essentiel : être réel essentiel, quiddité ; l’être possible : fondement des possibilités.
b) Les attributs métaphysiques de l’être : les transcendentaux : la distinction. L’unité ; la vérité, la beauté.
c) Les principales déterminations ou divisions de l’être : la substance et ses accidents, qualité et états ; l’être en acte et en puissance ; êtres créés et non créés.
d) Les causes de l’être : l’ordre de l’univers : mécanicisme et rationalisme aristotélicien. Les causes : naturelles, formelles, efficientes, finales, exemplaires. Effet des causes : l’ordre de la nature, ordre téléotologique ou de subordination ; ordre esthétique ou de constitution.
L’ontologie a toute une histoire.
Aristote et les scolastiques.
Descartes sépare la science de la métaphysique.
Kant supprime l’ontologie ; il montre que la science de l’être est impossible car il ne peut savoir que le moi qui est individuel.
Pour Schelling, l’évolution de la pensée est l’image de l’évolution des choses. Le sujet et l’objet sont identiques.
Pour Hégel, l’être est une forme (idée reprise de Leibnitz). Il crée sur cette base l’ontologie sur la famille de l’absolu et du nécessaire, c’est-à-dire de la raison première.
Les Positivistes prêchent l’amour exclusif de la science et condamnent l’ontologie.
Les métaphysiciens s’efforcent de remonter à l’ontologie par les sciences particulières.
Grâce à Bergson la métaphysique a pu poursuivre ses investigations au delà des systèmes définis et des doctrines classiques. L’auteur de l’« Essai sur les données immédiates de la conscience » a forcé à maintes revisions de la somme de nos connaissances.
111.2 QUANTITÉ ET ÉTENDUE.
LA MATHÉMATIQUE.
La quantité et l’étendue. — La mathématique envisage en premier lieu la quantité (arithmétique) et l’étendue, l’espace (géométrie). Elle est la science de ces propriétés fondamentales des choses. Mais il lui est advenu de déborder cet objet, de constituer une discipline autonome de par l’extraordinaire développement de sa méthode, l’algorithme mathématique et la création d’êtres purement rationnels soumis ensuite à ses procédés de développement.
Les réalités mathématiques. — Les mathématiques connaissent : 1° le nombre entier (le nombre 1). Il signifie l’indivisibilité : les objets ayant une certaine permanence ; 2° le nombre fractionnaire (1/2) né de la nécessité de partager des nombres pairs par des nombres impairs ; 3° le nombre négatif (-2) né de la nécessité de marquer une dette ; 4° le nombre incommensurable (…), créé lorsqu’ayant constaté par approximation l’impossibilité d’extraire la racine de certains nombres, on proclame à jamais cette impossibilité ; 5° le nombre irnaginaire(…) ; on lui trouve une existence réelle dans les équations au 2e degré ; 6° le nombre intégral et différentiel ; 7° le nombre dans la ligne ou la géométrie analytique ; 8° l’espace-temps : la relativité ; 9° les ondes et la mécanique ondulatoire pour expliquer le mécanisme des ondes, de la lumière (le photon).
Histoire des mathématiques. — La marche sûre et ferme des mathématiques a toujours été dirigée en avant. On les a vues il est vrai souvent s’avancer avec lenteur, elles sont même restées quelquefois des siècles entiers stationnaires, comme arrêtées dans leur marche et ne faisant aucun progrès sensible ; mais on ne les a jamais vues rétrograder, c’est-à-dire prenant l’erreur pour la vérité. (Montucla, Histoire des Mathématiques.)
Dès les temps les plus reculés, les hommes ont compté les objets et mesuré grossièrement l’étendue et le temps.
Ces notions ont commencé à se préciser chez les Phéniciens, commerçants et calculateurs, chez les Égyptiens, arpenteurs (inondation du Nil) et architectes (Pyramides) ; enfin chez les Chaldéens, pasteurs et observateurs des astres. Tels seraient les commencements de l’arithmétique, de la géométrie et de l’astronomie. Les premiers documents historiques nous montrent la géométrie prenant son admirable développement chez les Grecs.
Presque oubliées pendant le moyen âge, les mathématiques renaissent au XVIe siècle chez les Occidentaux. L’algèbre est constitué. Le siècle suivant voit apparaître la géométrie analytique et le calcul infinitésimal, grandes découvertes qui renouvellent et étendent la science, le calcul des probabilités, les logarithmes qui doublent la vie des calculateurs. Sont successivement introduits les fonctions, les séries, les imaginaires, les nombres négatifs, la géométrie descriptive, les rapports enharmoniques, l’homographie, l’involution, la théorie des groupes. Et l’on arrive aux contemporains.
Les signes mathématiques. — Nous nous en servons tous les jours, mais qui de nous en connaît vraiment bien l’origine ?
Pour exprimer l’addition, on commença par employer le mot latin « plus », mais à la longue et pour simplifier, on posait un P qui, tracé très souvent à la hâte, prenait la forme d’une petite croix et l’on finit par adopter cette figure. Le signe de la soustraction provient aussi du mot latin « minus ». On l’écrivait « mus » avec un trait au-dessus du mot pour indiquer la contraction. Finalement, on arriva à omettre les lettres et à ne conserver que le tiret. La division s’indiquait primitivement en plaçant le dividende au-dessus d’une ligne horizontale et le diviseur dessous. Mais cela prenait trop de place dans les ouvrages imprimés. On mit le dividende à gauche et le diviseur à droite, en les séparant par deux points verticaux. Pour la multiplication, on séparait par un point seulement le multiplicande du multiplicateur. Mais cela amenait des erreurs et des oublis, et puisqu’on avait adopté le signe de la croix grecque pour « plus », on se servit du signe de la croix de Saint-André pour indiquer la multiplication. L’emploi de ces signes ne remonte guère qu’au XVe siècle et se généralisa à la suite de la découverte de l’imprimerie.
Les caractères arithmétiques sont dus aux Arabes. Tous les peuples d’Europe en ont adopté l’usage.
François Viete (1540-1603, Français) représenta le premier par des lettres toutes les quantités connues et inconnues. Il créa la science des symboles et apprit à les soumettre à toutes les opérations que l’on était accoutumé d’exécuter sur des nombres. Viete n’employait que des majuscules dans les calculs algébriques l’usage des minuscules a été vulgarisé par Thomas Havriot (1568-1621).
111.3 LE MOUVEMENT. — MÉCANIQUE.
CINÉMATIQUE
Division. — La mécanique rationnelle est la théorie mathématique des lois du mouvement et de l’équilibre, ainsi que de ses causes qui prend le nom de forces. Elle se décompose d’abord en dynamique et en statique. La dynamique a pour objet l’étude du mouvement ; la statique a pour objet la recherche des conditions d’équilibre des systèmes matériels. La dynamique et la statique se décomposent à leur tour en trois sections correspondant aux cas où le mobile est un simple point, un ensemble de solides liés entre eux ou un fluide. La dynamique et la statique des liquides prennent les noms d’hydrodynamique et d’hydrostatique, celle des gaz la pneumatique.
Mouvement simple et composé, mouvement rectiligne et circulaire, levier à plateaux et à bras égaux, levier à plateaux et à bras inégaux, plan incliné, la vis : ce sont là notamment des faits mécaniques dont s’occupe la science de la mécanique.
La mécanique céleste a pour objet la théorie des mouvements des astres et pour principe la loi de la gravitation universelle, déduite par Newton des faits observés par Kepler.
La mécanique industrielle est la théorie des machines. Elle a pour objet l’étude de moyens économiques de production de forces dans des conditions généralement assignées d’avance.
Histoire. — Galilée fonde la mécanique du mouvement d’un point matériel dans un champ constant ; il ne s’occupe d’ailleurs que d’un seul point et ne fait pas de distinction entre la masse et le point. Il arrive incidemment à la loi de l’inertie et est amené à cette notion fondamentale que les circonstances déterminantes du mouvement produisent des accélérations.
Huyghens passe aux forces variables et à la dynamique des systèmes matériels. Avec son problème du pendule composé, il fait usage en réalité pour la première fois des forces vives.
Newton constitue définitivement la dynamique. Quoiqu’il regarde d’une manière peu heureuse la masse comme étant la quantité de matière, Newton sent le premier avec netteté qu’il y a dans chaque point matériel une constante caractéristique du mouvement différente de son poids : c’est la masse.
Après cette période d’induction, qui est l’âge héroïque de la dynamique, vient une période déductive où on s’efforce de donner aux principes une forme définitive. Le développement mathématique et formel (analyse) joue alors le rôle essentiel.
Les relations plus concrètes des forces, telles qu’elles se déploient dans le levier, le plan incliné, etc., furent découvertes avant les relations plus abstraites formulées dans les lois de l’analyse et de la composition des forces, et plus tard que les trois lois abstraites du mouvement, formulées par Newton, fut découverte la loi plus abstraite encore de l’inertie.
En 1775, l’Académie des Sciences de Paris a constitué un prix d’un demi-million pour le mouvement perpétuel.
Corrélation. — Tout ce qui modifie la mécanique modifie du même coup l’édifice des notions fondées sur elle, c’est-à-dire les autres sciences, toute la science et notre conception de l’univers.
Beaucoup se contentent de la description des phénomènes de la mécanique par des équations différentielles (Hertz) qui permettent de prédire les phénomènes (explication mécanique proprement dite). On a conservé le moule des anciennes équations en les complétant par des termes nouveaux comme ceux dûs à la viscosité, au frottement ou à l’hystérésis.
D’autres préfèrent ne pas tant s’éloigner des anciens points de vue et cherchent à construire des modèles parlant aux yeux (représentations moléculaires et anatomiques).
La mécanique n’est qu’un aspect. Même les phénomènes qui sont en apparence purement mécaniques sont toujours en même temps pour nous physiologiques (sensation) et par suite aussi électriques, chimiques, etc. La mécanique ne saisit donc pas la base de l’univers, elle n’en saisit pas davantage une partie ; elle en expose simplement un aspect. (Mach. Mécanique p. 478.)
111.4 L’ÉNERGIE. — LA PHYSIQUE.
La physique a ramené à l’étude des ondes et du mouvement tous les chapitres consacrés à l’étude des phénomènes particuliers en lesquels se confinaient autrefois les recherches.
La physique fait son champ aussi de l’astronomie, embrassant d’un même regard les étoiles et les atomes.
Historique. — Pendant les cent mille ans de préhistoire et les sept à huit mille ans de civilisation, quatre forces seulement : pesanteur, chaleur, lumière et mouvement sous des formes diverses étaient connues. Depuis moins d’un siècle, trois forces nouvelles : vapeur, électricité, énergie intra-atomique ont été ajoutées à cette liste et en surgissant du néant, elles ont transformé nos civilisations. On constate aujourd’hui que l’univers est rempli de forces ignorées dont la découverte est appelée peut-être à changer la vie des peuples et surtout les idées philosophiques servant de base à toutes nos conceptions.
À la fin du XIXe siècle, la physique apparaissait comme définitive et sans espérance. Elle n’avait guère d’autre ambition que la vérification plus complète des théories déjà acquises. Avant le début du XXe siècle, ce calme trompeur devait être troublé. E. Hertz par les ondes électro-magnétiques, Rœntgen par les rayons X, Becquerel et Curie par l’uranium et le radium viennent successivement surprendre le monde scientifique. Le public en fut averti presque aussi vite que les savants puisque la radioscopie, la radiographie, la télégraphie sans fil — application à la vie des phénomènes précédents — suivent presque immédiatement leur découverte. Par ailleurs, la chimie et la métallurgie évoluent ; des progrès aux moteurs rendent possible la naissance de l’automobile, de l’aviation. L’industrie est en éveil.
En 1900 Plank sans détruire la théorie des ondulations interprète les circonstances de certains phénomènes en admettant l’émission de quanta d’énergie. En même temps se développait avec Lorenz et Einstein la théorie de la Relativité.
L’optique obéissait donc en certains points à la théorie des ondes continues, en d’autres à celle des quanta continus et ces deux mécanismes étaient incompatibles. Malgré le malaise qui en résultait, la science pure et la technique s’enrichissaient rapidement sous l’impulsion des quanta et de la relativité. Des méthodes de calcul nouvelles devaient être utilisées parce qu’elles ne conviennent pas à la fois au continu et au discontinu que l’on fait apparaître dans tous les domaines.
En 1910, Langevin annonce la vaste synthèse qui se prépare et comment en réalité on n’est qu’au début.
En 1924 est créée la mécanique ondulatoire par Louis de Broglie qui, dans une synthèse hardie, concilie les grains de l’émission et les vagues des ondulations. D’où encore une nouvelle révolution, un nouveau point de départ pour tous les chercheurs physiciens, mathématiciens et techniciens. À l’heure actuelle, nous sommes précisément au milieu de ce développement.
Le caractère le plus frappant de l’évolution de la physique depuis une vingtaine d’années réside dans l’importance prise par la théorie considérée comme interprétative et synthèse des faits expérimentaux.
La théorie constitue ainsi un complément nécessaire et un auxiliaire de la physique expérimentale. La théorie ne se confond pas d’ailleurs avec le développement plus spéculatif de la physique mathématique.
Les traités de physique générale comprennent à la fois : a) de la physique expérimentale ; b) de la physique théorique ; c) de la physique mathématique avec prédominance de telle ou telle partie suivant les tendances personnelles de l’auteur.
Il n’existe pas de barrière entre les théories dites classiques, illustrées surtout par la thermodynamique et les ondes électromagnétiques, et les théories modernes, cinétiques ou corpusculaires. Elles se complètent sans opposition et s’enchaînent l’une l’autre en un ensemble d’une parfaite unité. Il faut les exposer en même temps. (Fortrat, R., Introduction à l’étude de la physique théorique.)
L’« atomistique » branche nouvelle. Le physicien ramène aux propriétés de l’atome les propriétés physiques, comme le chimiste ramène à la molécule les propriétés chimiques. Puisque matière se dissout en énergie, voilà le domaine de la physique devenu à la fois celui de l’atome et du noyau de l’atome et celui de la mécanique ondulatoire.
À l’Institut d’État du Radium à Leningrad se poursuivent les recherches pour la décomposition de l’atome.
Un instrument puissant y est monté à l’aide duquel sera attaqué le noyau atomique, cette forteresse de la nature. Il est théoriquement question de 10 millions de volts avec des vitesses de 50 à 60, 000 km. à la seconde. Le voltage de 1 million est le maximum pratique sans danger. Un dispositif en spirale formant une impulsion additionnelle atteindra le chiffre, de 10 millions.
Bien qu’ils soient selon les précisions actuellement établies, de dimensions linéaires peut être mille fois plus petites que celles des particules les plus tenus accessibles aux plus puissants microscopes, on a pu dénombrer les six cent mille milliards d’atomes contenus dans un gramme d’hydrogène. (Jean Perrin, Rayleigh, Millikan.)
L’ÉTHER ET SES PERTURBATIONS.
L’éther est le siège des perturbations qui ont reçu le nom d’ondes.
Ces perturbations peuvent prendre naissance de diverses façons, mais elles se manifestent toujours sous la même forme d’ondes électro-magnétiques. Un champ électrique et un champ magnétique se manifesteront aux angles droits l’un l’autre et commenceront à se disperser à la vitesse de 300.000 kil. à la seconde.
Les deux champs se propageront dans toutes les directions, à moins qu’ils ne soient orientés artificiellement. La fréquence avec laquelle se modifient l’intensité et la direction des deux champs déterminent la nature de la radiation.
Or, la fréquence déterminant la longueur d’ondes de la perturbation :
λ étant la longueur d’ondes de la perturbation.
On peut dire que la longueur d’ondes de la perturbation détermine la nature de la radiation.
On a le tableau suivant des perturbations :
a) | Onde de T. S. F., entre 60 cent, et 30.000 m. |
b) | Onde calorique, entre 0,001 et 0,1 millimètre. |
c) | Rayons lumineux, entre 0,0007 et 0,0004 mill. La couleur passe du rouge à l’orange, au jaune, au vert, au bleu et au violet selon que la longueur d’onde décroît. |
d) | Rayons ultra-violets, entre 0,0002 et 0,00035 mill. |
e) | Rayon X et rayon gamma, 0,000002 mill. |
f) | Rayons cosmiques (rayons de Millikan), 0,000.000.066 mill. (La plus puissante radiation connue qui traverse 45 cent. de plomb ou 66 m. d’éther). |
L’Univers est un immense laboratoire où prennent naissance, et que traversent perpétuellement, des radiations qui s’entrecroisent sans se confondre, car elles se différencient les unes des autres, par leur longueur d’onde qui impressionne tel ou tel de nos organes et nous donnent la sensation du son, de la lumière et des diverses modalités de la force, qu’enregistrent également certains appareils sensibles à des catégories particulières de vibrations.
Nous ne connaissons encore qu’une très petite partie
de cette échelle des vibrations et un grand nombre de
radiations nous demeurent inconnues, faute de sens pouvant
être impressionné par elles ou d’instruments capables
de les décéler.
Nombre de vibrations à la seconde. | |||||||
1er | degré | 2 | ┌ | Son. | |||
2e | » | 4 | │ | ||||
3e | » | 8 | │ | ||||
4e | » | 16 | │ | ||||
5e | » | 32 | │ | ||||
6e | » | 64 | │ | ||||
7e | » | 128 | │ | ||||
8e | » | 256 | │ | ||||
9e | » | 512 | │ | ||||
10e | » | 1.024 | │ | ||||
11e | » | 2.048 | │ | ||||
12e | » | 4.096 | │ | ||||
14e | » | 8.192 | │ | ||||
15e | » | 16.384 | └ | ||||
20e | » | 1.048.576 |
|
Électricité. | |||
25e | » | 33.554.432 | |||||
30e | » | 1.073.741.824 | |||||
35e | » | 34.359.738.368 | |||||
40e | » | 1.099.511.628.776 |
|
Agent inconnu. | |||
45e | » | 35.184.372.087.832 | |||||
50e | » | 1.125.899.906.842.624 |
|
Chaleur, lumière. Agent inconnu. | |||
55e | » | 36.028.707.018.963.968 | |||||
58e | » | 288.220.376.151.711.244 |
|
Probablement les Rayons X. | |||
61e | » | 2.305.763.009.213.693.952 |
Quelle est l’origine des radiations ?
Prenons les radiations les mieux connues, lumineuses et calorifiques. Elles nous viennent du soleil et des étoiles.
Les radiations solaires font perdre à l’astre 360 millions de tonnes par jour consumées à produire les radiations électro-magnétiques. Les protons et les électrons s’annihilent et c’est leur destruction qui produit les perturbations de l’éther (désintégration de la matière). Les rayons cosmiques sont engendrés par la formation de nouveaux atomes (Millikan).
Le corps irradiant le plus éloigné du globe doit se trouver à quelque 140.000.000 d’années lumière. Une année-lumière représente le chemin parcouru en une année par un rayon lumineux, soit environ 9.460.920 millions de kilomètres. Les ondes électro-magnétiques ont les mêmes facilités de déplacement que la lumière. Une perturbation de l’éther une fois amorcée peut se propager indéfiniment, à condition d’avoir une fréquence suffisamment élevée. Il est possible qu’une perturbation amorcée traverse tout le médium.
La matière se trouve répandue dans tout l’espace explorable par les téléscopes. À l’œil nu on peut compter 6.000 étoiles ; les instruments révèlent au moins 1.500.000.000 astres, plus ou moins régulièrement répartis en groupes dans l’espace.
L’éther est fini dans le même sens qu’une sphère est
finie. Les dimensions de l’espace sont en fonction de la
matière qu’il renferme. La présence de la matière constitue
l’éther. On évalue à 500 milliards d’années lumière
la circonférence de ce globe d’éther. Pour entreprendre un
voyage autour de l’Univers à une vitesse de 300.000 kilomètres
à la seconde, il faudrait 500 milliards d’années.
Les sons que nous percevons ont une limite assez rapprochée.
On les fixe arbitrairement à 15.000 vibrations.
Les vibrations de fréquence plus élevée seront appelés
ultra-sons. On peut produire des ultra-sons par les méthodes
de l’acoustique, mais de plus en plus difficilement.
Par contre, ils sont obtenus aisément et avec des fréquences
presque quelconques à l’aide des montages qu’on doit au savant M. Langevin. Sur cette question des ultra-sons, un éminent physicien, F. Wolfers, chargé de cours à la Faculté d’Alger, a écrit un intéressant opuscule. Un chapitre curieux est celui qui traite de l’émission et surtout de la perception d’ultra-sons, par divers animaux. D’après le professeur Wolfers, nombre d’animaux réputés muets perçoivent probablement et émettent peut-être des vibrations ultra-sonores, possédant ainsi un sens qui facilite leurs relations avec le monde extérieur. Bien des animaux organisés comme les abeilles, les fourmis, les termites, doivent communiquer entre eux par ultra-sons. Diverses particularités de la vie de la fourmilière et de la ruche ne peuvent que s’expliquer ainsi.
Longtemps la Physique ne possédait pour mesurer les petites dimensions que les longueurs d’onde de la lumière. On mesurait ainsi, par exemple, l’épaisseur de la pellicule d’une bulle de savon et la distance entre deux glaces placées entre lesquelles on dit qu’il y a contact étroit. Mais a appliqué le principe à l’étude de la structure moléculaire des cristaux que l’on peut définir comme la matière solide dans sa forme organisée la plus régulière. Nous avons ainsi été mis à même de rechercher l’architecture de l’Univers solide dans de plus petits détails. Longtemps nous avons pensé en termes d’atome et de molécule du groupe d’atome. Plus tard, l’atome a été séparé en unités plus petites comme les électrons. Maintenant nous sommes conduit à une unité plus grande que la molécule et appelée la cellule de cristal, qui contient un nombre de molécules et est l’unité de structure, ou pierre de construction du cristal. Le cristal est fait d’une infinité de telles cellules. Le nombre des différents types de structure de cristal a été trouvé être 230.
Les rayons X peuvent aussi nous mettre à même d’établir les distances exactes et les positions relatives des atomes et des molécules dans un cristal. Il s’en suit que la vieille « formule de structure » qui était un symbole, est devenue maintenant un dessin ou plan des conditions actuelles (a drawing or plan of actual condition).
Nous nous imaginons donc mieux que le règne minéral est organisé : il a ses cellules.
1. On a vu les composants de la matière se réduire et s’unifier de plus en plus, les atomes se subdiviser en électrons, ceux-ci se former de grains d’électricité, lesquels s’évanouissent à leur tour dans un principe primordial unique : l’énergie, ou d’après la nouvelle terminologie : l’impulsion constante de l’Univers.
2. L’espace et le temps ne sont pas détruits mais forment un même tout considérable de espace-temps ou Univers à quatre dimensions.
3. La masse de toute proportion déterminée de substance au lieu d’être une constante est variable avec la vitesse.
4. L’énergie elle-même a une masse et par conséquent une inertie. La notion de masse se confond avec celle d’énergie.
5. La matière est un formidable réservoir d’énergie (potentiel et de mouvement). Lorsqu’il pourra être rendu disponible par des moyens pratiques, il transformera de fond en comble les modalités du travail humain et, en même temps, la face du monde.
6. Les divers agents potentiels et de mouvement de l’énergie affectent nos sens de diverses façons, notamment sous forme mécanique, électromécanique, lumière, gravitique, chimique, calorifique, radio-active et aussi psychique.
7. L’énergie sous ses diverses formes prend souvent l’état rayonnant ; elle possède alors une inertie et un poids proportionnel : la lumière peut être déviée de sa trajectoire si elle passe à proximité d’une masse importante : un corps chaud pèse plus qu’un corps froid.
8. La gravitation est une force d’inertie, donnant l’illusion d’une force d’attraction, alors qu’elle serait la résultante de la courbure de l’Univers, cette courbure étant elle-même fonction de la présence de la matière.
9. L Univers semble affecter une forme sphérique de rayons définis quoique formidables. L’espace est rempli non d’un éther semi-matériel ou d’un vide amorphe, mais d’un type d’éther subtil de conception nouvelle.
10. L’Univers dans lequel nous demeurons prisonniers a été exploré et reconnu jusqu’à des limites prodigieusement reculées. Nous ignorons s’il est limité, s’il n’y a pas en dehors de là d’autres univers soumis à d’autres lois et dont nous serions séparés par un vide que rien ne saurait franchir.
Le fait que la lumière de lointaines étoiles arrive jusqu’à nous nous apprend que le nôtre est plongé dans une substance continue. Les éléments infiniment tenus de cette substance — l’éther — sont maintenant comme ceux des corps solides, à une place autour de laquelle ils oscillent sans pouvoir s’écarter au delà d’une certaine limite. L’éther est à la fois élastique et rigide, bien que matériel. Les particules de la matière glissent en elle sans la déplacer comme glissent dans l’eau, sans que nous apercevions leurs mouvements, les innombrables essaims des infusoires.
11. Cette substance est sans cesse parcourue par des ébranlements de toute nature, dus aux modifications des particules matérielles sur lesquelles elle peut d’ailleurs réagir. Ce sont ces ébranlements de nature diverse qui constituent :
la lumière et la chaleur, avec leur cortège de rayons ultra violets, quand ils sont réguliers et rapides ;
les ondes hertziennes de la télégraphie sans fil quand elles sont d’une lenteur qu’on peut qualifier d’extrême relativement aux ondes lumineuses ;
les rayons Roentgen ou des rayons d’une activité générale, quand ils sont irréguliers et résultant soit du choix des particules électrisées contre des parois matérielles, soit de la désagrégation de la matière par des explosions successives, comme c’est le cas pour le radium, le thorium, l’uranium et quelques autres métaux.
PARTICIPATION DES DIVERS PAYS À SA DÉCOUVERTE.
Voici à titre d’exemple l’histoire d’une science et de ses applications, montrant à l’œuvre la coopération à travers le temps et à travers les pays.
Thales signale l’existence du phénomène de l’ambre
jaune frottée et mise en présence de corps légers et secs. — La science de l’électricité n’apparaît que vers la fin
du XVIe siècle. — Fin du XVIe siècle, Guillaume Gilbert
découvre le phénomène de l’attaque du fer par l’aimant. — Le Docteur Waall exprime la ressemblance entre
l’éclair et l’étincelle tirée du morceau d’ambre. — Otto de
Guericke construit la première machine électrique. — Hankbee remplace le souffre de la machine de Guéricke
par un cylindre de verre et observe les diverses manifestations
de la lumière électrique. — Grey et Wehler
classent les corps en conducteurs et non conducteurs, c’est
l’origine du transport à distance de l’électricité. — Dufay
démontre que l’humidité rend les corps conducteurs. — Ludolf allume de l’éther avec des étincelles électriques. — Invention de la bouteille de Leyde. — Bevis et Franklin
construisent séparément la première batterie électrique. — Machine électrique de l’abbé Nollet. — Franklin met dans
tout son jour le phénomène du pouvoir des pointes. —
Expérience du cerf-volant électrique par Franklin. — Franklin construit le premier paratonnerre. — Machine
électrique de Ramsden avec plateau de verre. — Galvani
découvre l’irritabilité des muscles de la grenouille par
l’électricité. — Volta construit son électro-moteur dit
pile-volta. — Nicholson décompose l’eau par la pile de
Volta. — Origine de l’électro-chimie. — Erman et Basse
reconnaissent que le courant se transmet par la terre. — Deluc invente la pile sèche. — Oersted constate l’action
d’un courant fermé sur l’aiguille aimantée : c’est la base
de l’électro-magnétisme. — Schweigger et Poggendorff
isolent le courant dans un fil métallique. — Ampère construit
son solénoïde. — Arago constate l’aimantation temporaire du fer par le courant électrique. — Ampère
invente la boussole astatique. — Seebreck invente la pile
thermo-électrique. — Becquerel construit la pile à deux
liquides et à action constante. — Faraday constate qu’un
aimant permanent dans un solénoïde détermine un courant
électrique. — Première machine magnéto-électrique due
à Pixii. — Jacobi, inventeur de la galvanoplastie, transforme
l’électricité développée par la pile en un travail
mécanique. — Faraday découvre l’électricité d’induction. — F. de Moylens invente la lampe à incandescence. — Ruhmkorff construit le premier appareil pratique d’induction
par le courant électrique. — Froment édifie un moteur
à électro-aimants. — Gramme invente la machine
dynamo, on reconnaît sa réversibilité, c’est l’origine du
moteur électrique. — Machine électrique de Holz. — Carie compose pour les lampes à arc le charbon avec du
coke et du noir de fumée. — Thomas Wright invente le
premier régulateur pour lampes à arc. — Jablochkoff
invente la bougie électrique. — Premier essai de transmission
de force à distance. — Moteur synchrone — excitation
par courant continu. — La première expérience est
faite par Opckinson ; il couple des alternateurs au phare
de South-Foreland. — Moteur asynchrone : moteur à
champ tournant ou moteur d’induction dû à M. Ferraris. — Lampe Nernst.
Les physiciens contemporains se divisent en expérimentateurs et en théoriciens, mais ils coopèrent.
Parmi les expérimentateurs : J. Chadwick (Cambridge), J. D. Cockiroft (Cambridge), Mme et B. Joliot-Curie (Paris).
Parmi les théoriciens : P. P. M. Dirac (Cambridge), G. Gamow (Léningrad), W. Heisenberg (Leipzig), Th. De Donder (Bruxelles), Niele Bohr (Danemark), Louis de Broglie (Paris), Schrödinger (Berlin).
Le problème cherché est l’étude de divers ordres d’énergie, l’étude de l’atome, de son noyau, de ses éléments composants. On cherche à construire un modèle, une image, une représentation concrète des phénomènes (conceptions mécanistes). On cherche aussi à construire une théorie qui rende compte de tous les phénomènes, qui soit confirmée par l’expérience, qui satisfasse aussi toutes les exigences intellectuelles.
L’historique des recherches est plein d’intérêt.
1. Bohr assimile l’atome à un système solaire en miniature dont l’astre central, le noyau, porte une charge électrique positive et dont les planètes sont des électrons négatifs.
2. de Broglie (1924) expose une doctrine synthétique (mécanique ondulatoire) dont le but essentiel est de concilier la dynamique du point matériel avec la théorie des ondes. Il abat ainsi les barrières qui séparaient la physique de la matière de la physique de radiation. La mécanique ondulatoire admettait l’existence de corpuscules de matière et de lumière, mais en leur assurant une onde (dite onde de de Broglie). Des expérimentations confirment ces vues (1928).
3. Schrödinger et d’autres montrèrent de nouvelles difficultés d’interprétation. a) On reconnaît qu’on ne peut attribuer une nature physique à ces ondes asservies ; elles prenaient un caractère symbolique, comme le photon ou corpuscule de lumière d’ailleurs ; elles cessaient d’être l’expression de la réalité pour représenter une probabilité ; elles n’avaient plus qu’un sens statistique, la véritable signification des propriétés magnétiques de l’électron échappant aux investigations, bien que l’électromagnétisme fut devenu une branche de l’optique. b) Bien plus, à force de devoir s’en tenir à des descriptions essentiellement statistiques, on en vint à conclure que dans la physique atomique, toute observation est accompagnée d’une perturbation finie et incontrôlable. On se trouva dans l’impossibilité de faire la distinction habituelle entre les phénomènes physiques et leur observation à l’échelle atomique s’entend (principe d’incertitude de Heisenberg). À cette échelle la validité du déterminisme était en jeu ; il ne pouvait plus subsister, semble-t-il, que du déterminisme en petits morceaux, depuis qu’une véritable description causale dans le cadre classique de l’espace-temps, paraissait impossible. Le déterminisme des philosophes n’avait plus désormais qu’un sens statistique. Les individus physiques ne pouvaient plus être qu’à moitié décrits. Dirac reconnut que c’est la stabilité même des structures atomiques qui impose une limitation nécessaire à l’emploi d’images spatio-temporelles pour rendre compte des phénomènes atomiques.
D’où, malgré l’épanouissement magnifique de la théorie qui rendait compte de tous les phénomènes, seul le problème du noyau de l’atome (malgré les brillants efforts de Gamow) demeurait sans solution, il fallut renoncer à construire un modèle. On était dans l’impasse. Le seul espoir d’en sortir résidait dans l’attente de faits nouveaux, d’origine expérimentale, autorisant et légitimant des constructions théoriques nouvelles d’inspiration mécaniste.
4. Ces découvertes sensationnelles se sont produites coup sur coup, a) Le neutron (1930) Becker et Bothe ; M. et Mme Joliot-Curie ; Chadwick ; rayonnement nouveau : émission de corpuscules neutres au point de vue électriques (neutrons ; charge zéro) et formé apparemment par l’association intime d’un proton (corpuscule élémentaire d’électricité positive) et d’un électron (corpuscule élémentaire d’électricité négative). La masse du neutron est voisine de celle du proton, légèrement supérieure. Le neutron est un agent de désintégration efficace ; il a pu servir à désintégrer l’atome d’azote et même l’atome plus lourd d’oxygène, b) Le positron (M. et Mme Joliot-Curie).
Rappelons que l’électron (particule d’électricité négative) a une masse valant 1/1840 de la masse de l’atome d’hydrogène ; le proton a une charge électrique équivalente et de sens contraire à celle de l’électron. Mais sa masse est très voisine de celle de l’atome d’hydrogène. Il y avait là une dissymétrie manifeste (on ne connaît pas de proton négatif). Le positron serait l’équivalent de l’électron (baptisé à présent négatron) ; ce serait la particule élémentaire d’électricité positive, ayant une charge égale et de signe contraire à celle de l’électron et, au repos, même masse que ce dernier. (On s’est aussi demandé s’il ne convenait pas d’y voir des électrons (négatifs) de masse négative.)
5. Ces découvertes ont donné lieu immédiatement à
nombre de travaux théoriques du plus haut intérêt. Au
premier rang de ceux-ci le mémoire de Th. De Donder
sur la mécanique statistique. L’auteur en ne considérant
que des particules élémentaires, c’est-à-dire des modèles
électro-mécaniques, relativistes ou non, est parvenu
à donner la généralisation de toutes les mécaniques statistiques
utilisées dans la physique actuelle.[2]
Avec la théorie des Quanta où l’énergie prend la forme de corpuscule et celle de la mécanique ondulatoire où l’énergie est ondes, la physique moderne constate qu’il y a contradiction et pourtant l’une et l’autre des deux théories expliquent certains phénomènes et ne peut en expliquer d’autres. Situation anormale.
Or, il advient alors cette chose extraordinaire que si l’on quitte le point de vue très subjectif de l’explication en langage courant et de la représentation physique, pour se placer au point de vue mathématique, le problème devient soluble. On peut l’exprimer par le « principe de correspondance » (Bohr). Celui-ci présente que des relations mathématiques identiques peuvent être trouvées soit en se basant sur la théorie corpusculaire, soit en se basant sur la théorie ondulatoire. Onde et corpuscule ne seraient que deux apparences différentes d’une même réalité. Celle-ci ne serait pas exprimable en notre langage courant. Par contre, la mathématique permet une expression de cette réalité, d’où elle déduit les phénomènes qui nous sont apparents, qu’ils soient ondulatoires ou corpusculaires.
« L’explication paraît celle-ci. Notre langage et notre faculté de représentation subjective de phénomènes sont adaptés aux objets du même ordre de grandeur que nous. Ils sont le résultat de la longue suite de transformations dont nous sommes les derniers chaînons. Ces transformations ont été conditionnées par nos besoins animaux qui sont bien antérieurs à nos préoccupations intellectuelles. C’est pourquoi nous sommes outillés pour observer et comprendre les phénomènes en macrophysique. Nos sens les transforment, à l’usage de notre entendement en perceptions cohérentes. Mais la science s’est aventurée dans un domaine autre que celui auquel nous étions adaptés : elle pousse ses investigations dans le domaine microphysique ; elle ne se contente plus de raisonner sur des agglomérations d’un grand nombre d’atomes, elle veut raisonner également sur des atomes isolés. Dans ce domaine, l’expérience directe n’est plus possible et la représentation subjective ne l’est pas non plus. Notre machine à transformer les réalités en perceptions se refuse à tout fonctionnement régulier lorsque nous nous éloignons trop de notre ordre de grandeur ; elle cesse de fournir des images cohérentes. La mathématique seule peut venir à notre secours et nous fournir le langage nécessaire à nos déductions. »[3]
Ainsi donc, selon notre entendement même, les lois applicables aux objets macro-physiques ne le sont pas aux objets micro-physiques. L’apport subjectif contenu dans nos perceptions non seulement déforme la réalité, mais est impuissante à la comprendre. Il n’y a cependant pas arrêt dans le progrès, la progression. Voici que surgit un nouvel instrument, la mathématique. Elle est créée par l’homme comme une véritable machine intellectuelle amplifiant l’effort de la pensée et capable de faire pour elle ce qu’elle même ne saurait accomplir.
Mais la mathématique, à laquelle cette fonction est dévolue, n’est pas seulement l’instrument permettant de réaliser l’abstraction supérieure. Elle devient la pensée elle-même, à moins de considérer qu’elle en est le substitut et le successeur. La mathématique n’est plus la traduction des concepts, mais l’élaboratrice de concepts qui sont intraduisibles en d’autre langage qu’elle. Elle permet de raisonner sur des objets qui ne nous sont pas perceptibles. Elle va nous « spiritualisant » sans cesse par le fait qu’elle nous libère des sens pour avancer plus haut et plus loin.
111.5 LA MATIÈRE. — LA CHIMIE.
Les connaissances sur la Chimie ont été groupées en chimie théorique (chimie pure, chimie physique) et en chimie appliquée. La chimie n’est au fond qu’un chapitre de la physique, mais avec des méthodes propres.[4]
A. Chimie pure. — Un des objectifs de la science pure est de classer. Or, les éléments dont s’occupe la chimie peuvent se classer selon trois bases :
1o La matière. — Ainsi, malgré la différence de formes le charbon de sucre, le graphite et le diamant seront classés dans l’espèce carbone.
2o La forme. — Depuis longtemps et de la manière des naturalistes, les minéralogistes se basent sur elle. Ainsi pour eux calcite et arogonite sont deux espèces différentes mais de même composition : le carbonate de calcium. Les chimistes en sont venus à considérer la forme surtout en chimie organique.
3o L’énergie. — La physique ayant assimilé la matière et l’énergie, la chimie étudie donc l’énergie contenue dans les molécules. Cependant, deux autres notions interviennent : l’espace et le temps.
Les trois notions matière, force et énergie sont fondamentales, on les considère douées d’une objective particulière.
La masse, relative à la nature, l’espace relatif à la forme, l’énergie sont trois grandeurs conservatrices.
Dans les phénomènes au delà des variations observées, on reconnaît qu’elles n’ont pas varié. La mise en évidence de cette conservation est en chimie l’explication fondamentale donnée aux phénomènes. Dans l’état actuel de la science les phénomènes sont conçus comme soumis à cette triple conservation comme conditions pour trois raisons : une raison formelle (relative à l’espace), une raison matérielle et une raison énergétique.
Quant au temps, il offre un autre cadre que l’espace à la distribution de la matière et de l’énergie. Mais si le cadre de l’espace est immuable, celui du temps est mobile. Par suite les phénomènes sont conçus comme des changements de répartition de la matière et de l’énergie dans l’espace au cours du temps. En d’autres termes, les propriétés d’un système matériel dépendent uniquement de trois variables indépendantes : la matière qu’on considère, l’espace qu’on lui offre et l’énergie qu’elle possède ou qu’on lui procure. Une fois déterminé, ces trois « qualités » du système, ces trois variables, toutes les autres qualités (par ex. la couleur), doivent pouvoir s’en déduire.
Comment se peut-il que des lois puissent être énoncées à la suite d’un nombre restreint de phénomènes, que l’on arrive à une loi absolument générale ? À raison de deux postulats : 1° que la matière des choses se conserve ; 2° que toutes les apparences des choses peuvent se déduire de la matière des choses. Ces postulats actuels, ont eux-mêmes, à faire l’objet d’analyse et de recherche.
La chimie pure détermine donc, comme on l’a dit, la raison formelle, matérielle et énergétique à l’échelle moléculaire.
B. Chimie physique. — Elle comprend : a) l’étude de ces mêmes raisons à l’échelle humaine ; b) la déduction des qualités secondes à partir des trois raisons des phénomènes. — L’atomistique considère des entités encore plus petites que l’atome.
C. Chimie appliquée. — Elle comprend :
1° Chimie appliquée proprement dite. — Toutes les sciences qui ont pour objet unique ou partiel des êtres matériels doivent avoir recours à la chimie pour expliquer ou pour prévoir. Pour la minéralogie et la géologie, la géochimie ; pour la botanique et la zoologie, la biochimie ; pour la médecine, la pharmacodynamie, etc.
2° Chimie industrielle. — C’est la partie de la chimie qui, après établissement de ce qui est, et prévision de ce qui adviendra, passe à l’action. Quand on aura prévu qu’une substance du fait de sa forme, de sa composition et de son énergie potentielle aura tel effet on pourra la fabriquer. Désire-t-on fabriquer une substance en vue d’en obtenir un effet donné ? a) Le deuxième chapitre de la chimie physique permet de déduire de l’effet cherché la structure et la composition de la molécule a utiliser. b) La chimie pure renseigne sur les moyens à mettre en œuvre pour faire la synthèse de cette substance. c) Le premier chapitre de la chimie physique donne le moyen d’augmenter les rendements et de fabriquer le plus économiquement possible. Les possibilités de la chimie appliquée sont étroitement subordonnées aux acquisitions de la chimie pure.
La chimie a un travail à opérer pour lequel elle se sert d’un symbolisme spécial ; elle possède sa nomenclature, elle a ses unités, elle recourt aux mathématiques.
I. Formules. — Le travail à opérer consiste à déterminer les trois raisons et à le symboliser dans des formules.
a) Les formules brutes d’abord dont l’établissement fut l’œuvre des chimistes jusqu’au milieu du XIXe siècle, consignent la raison matérielle, c’est-à-dire la composition élémentaire : telle espèce d’atome entrant en tel nombre dans la molécule. (Ex. : alcool = C2H2O).
b) Les formules de structure consignent les raisons formelles de l’arrangement de divers atomes dans la molécule. (Ex. : alcool = CH3 — CH2 — OH). On s’occupe de l’établissement de ces formules depuis 75 ans, ayant recours d’abord à des schémas plans, puis à des schémas spéciaux. Les travaux ne sont pas terminés. Ainsi, on n’a qu’une faible idée des molécules gigantesques qui constituent certains colloïdes comme les protides.
c) Il reste à envisager les formules de la raison énergétique à décéler topographiquement et quantitativement. On commence à s’en occuper.
2. Nomenclature. — Elle est une traduction du langage du symbolisme lui-même et non par l’inverse. D’où ce fait que la nomenclature demeure en formation avec des grands perfectionnements prévus. Les noms chimiques expriment les raisons matérielles et formelles des molécules. On peut, par suite, en déduire la composition et la structure et de-là les qualités secondes des corps quand l’état de la science est assez avancé.
3. Mathématiques. — Elles s’appliquent à la chimie, mais les difficultés sont grandes. La molécule la moins complexe est formée de tellement de neutrons, de positrons et de négatrons que l’on ne parvient à étudier les champs de force de tels systèmes. Or, les mathématiques actuelles sont mal appropriées à l’étude du discontinu. Mais ce sont les systèmes et non les molécules qui intéressent, et ces systèmes, au moins en apparence, sont continus. On fait avec la statistique des phénomènes dont le système matériel est le siège. La mathématique permet de calculer l’espèce globale occupée par un système matériel (raison formelle) la quantité de matière transformée c’est-à-dire le rendement (raison matérielle) et la quantité d’énergie nécessaire à la transformation (raison énergétique).
On peut concevoir ainsi la matière.
Il y a les atomes, véritables briques de construction de l’Univers. Ces atomes s’associent sous les formes les plus variées pour constituer des molécules. Dès à présent, nous identifions une quantité considérable de molécules, les unes simples, les autres à atomes multiples.
Les propriétés des substances sont liées au mode d’assemblage de leurs molécules. Pour un même corps la température est un facteur de la configuration moléculaire. Comme les diverses molécules ne sont pas toutes également sensibles à la chaleur, on trouve à la température ordinaire certaines substances solides, d’autres liquides, d’autres gazeuses.
A. Les gaz. — Structure particulière simple. Les lois en sont le mieux dégagées. (Physique.)
B. Les liquides. — Nous avons recueilli des données étendues sur le résultat éventuel du mélange de diverses espèces de liquides, réaction mutuelle de molécules présentes et généralement de molécules nouvelles. (C’est là le chapitre de la science qui porte le nom de chimie.)
C. Les solides. — La connexion entre les propriétés et la Constitution demeure plus secrète. Ce sont des cristaux. La lumière. Les rayons X trouvent dans les structures cristallisées des réseaux de diffraction à leur taille, grâce à quoi il est devenu possible de déchiffrer dans des cas très fréquents l’arrangement des atomes et des molécules. (Minéralogie-cristallographie.)
La méthode appliquée à la chimie des êtres vivants met en évidence de longues chaînes organiques.
Les données de la chimie sont dominées maintenant par le « Système périodique » dont Mendeléef eut l’intuition géniale dès 1869 et qui s’est magnifiquement développé par des apports nouveaux de la science. Il y a actuellement 92 éléments ou corps simples connus. Des relations existent entre leur poids atomique et leurs propriétés, et cette relation, cette fonction est périodique. La périodicité dérive de la structure électronique des atomes des éléments. En considérant l’ensemble de leurs propriétés physiques et chimiques, on peut ranger tous les éléments dans un seul cadre, d’après la valeur croissante des poids atomiques. Les propriétés se modifient graduellement avec l’accroissement du poids, mais ces modifications ne progressent pas d’une manière continue depuis le premier terme jusqu’au dernier : elles parcourent plusieurs cycles ou périodes. Pour visualiser cette loi, on en a présenté diverses expressions graphique qui ont été en s’améliorant.[5]
Il y a encore deux cases vides sur les 92 de la Table de Mendeleïev, c’est-à-dire deux corps simples. Enrico Fermi sortant carrément de la Table, a connu et créé un corps 93 en dépit de la loi désormais chancelante de la conservation de la matière. C’est en bombardant le « 92 (Uranium) que Fermi a créé le 93, qui d’ailleurs est à peine viable et disparaît au bout d’un quart d’heure (René Daumal. Nouvelle Revue française, 1934, 08, P. 318.)
Les progrès actuels de la science justifient l’espoir de voir la chimie résoudre, dans un avenir prochain, les problèmes de l’aliment synthétique, de la laine artificielle, de la captation et de la mise en réserve de la chaleur solaire, de la lumière froide, d’un combustible bon marché, du triomphe sur les maladies microbiennes ainsi que du développement et de l’accroissement de la vigueur mentale et physique de l’homme. C’est surtout l’étude du fonctionnement des glandes qui permettra de prolonger très sensiblement la vie humaine et de développer les facultés intellectuelles de l’homme.
111.6 LA VIE. — LA BIOLOGIE.
Notion. — La biologie a pour objet la vie. C'est la science générale qui est venu se superposer aux sciences très anciennes qui étaient consacrées à des branches distinctes des êtres vivants : les plantes et les animaux
Classification. — La biologie se classe de la manière suivante :
Biologie théorique :
PURE, ABSTRAITE OU GÉNÉRALE.
Physiologie
Comprenant aussi l’anatomie, la pathologie et
leurs diverses branches.
APPLIQUÉE OU CONCRÈTE.
Systématique ou spéciale.
Zoologie.
Botanique.
Descriptive.
Géographie biologique.
Historique.
Paléontologie.
Biologie pratique :
Arts qui utilisent plus spécialement les connaissances biologiques : hygiène et thérapeutique.
a) Végétales.
Agriculture, sylviculture, etc.
b) Animales.
Élevage, pisciculture, etc. Médecine vétérinaire.
c) Humaines.
Médecine.
Le principe de cette théorie est que tous les êtres animés se sont développés graduellement à partir d’un être monocellulaire, par le moyen de variations lente ou rapide (mutations) et de la sélection des plus avantagés dans la lutte pour l’existence.
On peut reconnaître trois périodes dans le développement de cette théorie :
1o Période de création. — Initiateurs de la théorie avec des données insuffisantes : Moïse (Genesis. 1480 A.-J.). — Linnée (1700). — Érasme Darwin (1794). — Oken (1802). — Lamarck (1809). — Geoffroy (1830). — Gœthe (1832).
2° Période de démonstration. — Le fait de l’évolution, hérédité, variation : Lyell (1839). — Spencer (1858). — Charles Darwin (1858-1859). — Wallace (1848). — Huxley (1859). — Haekel (1863).
3° Période de transformation. — Explication des faits de variation et d’hérédité, par les forces physico-chimiques et la loi de variations : Roux (1885). — Delage (1895). — De Vries. — Divers.
« Motus est vita ». La vie n’est que mouvement et le mouvement c’est la vie, disait Thomas d’Aquin après Aristote.
Des penseurs ont formulé précédemment le principe général de l’homogénéité du complexe et des composants. La matière morte et la matière vivante ne sont pas des choses absolument différentes, mais représentent deux formes de la matière ne se distinguant que par des degrés et parfois par des nuances. (Fouillée : L’avenir de la métaphysique fondée sur l’expérience, 1889).
D’après ce principe l’arrangement, la combinaison d’éléments déterminés ne ferait apparaître aucune activité nouvelle qui serait hétérogène aux activités des éléments composants. Les attributs de la vie se retrouveraient dans les corps bruts. La vie, disait Hæckel, est universelle : on ne pourrait en concevoir l’existence dans certains agrégats matériels si elle n’appartient pas à leurs éléments constitutifs. Et Yves Delage (Origine de la vie) écrivait : « En un mot l’assemblage, l’arrangement, l’agrégation sont impuissants à faire apparaître dans le complexe rien de nouveau qui soit essentiellement hétérogène à ce qui existe dans ces éléments.
Aujourd’hui on envisage tout différemment les choses. Quatre corps simples (carbone, oxygène, hydrogène, azote) peuvent aboutir à une infinité de combinaisons organiques essentiellement différentes les unes des autres, suivant le nombre d’atomes de chacun de ces corps que l’on fait concourir à leur formation et suivant la façon dont ils sont groupés. On a catalogué 100,000 substances différentes de ces mêmes corps, avec des propriétés et des fonctions qui sont non seulement diverses, mais parfois complètement opposées. Et cela ne tient pas seulement au nombre d’atomes de chaque espèce. On connaît 175 substances répondant à la formule C11H13O2N parmi lesquelles des produits ayant caractères même antagonistes.
On a conclu que les propriétés d’une substance dépendent essentiellement de l’arrangement, de l’assemblage, de l’agréation des atomes et des molécules qui les composent. Les dispositifs architecturaux font naître de toutes pièces des propriétés nouvelles qui ne présentent aucunement et à aucun degré et à aucun titre, ni de près ni de loin, ses parties constituées. La vie n’est donc pas universelle, mais naît de l’arrangement des atomes.[6]
La cellule vivante, essentiellement hétérogène, douée d’un pouvoir créateur encore mystérieux, construit de toutes pièces des édifices moléculaires colloïdaux et mi-colloïdaux des plus compliqués, à partir de matériaux qui sont parfois d’une extrême simplicité et qu’elle emprunte à l’air, à l’eau, à quelque sel ; elle réalise des condensations que les procédés les plus modernes de nos laboratoires sont bien incapables d’imiter ; elle fait les synthèses des colloïdes spécifiques comprenant des dizaines de milliers d’atomes arrangés toujours dans un ordre strictement déterminé pour chaque espèce et pour chaque type de cellule ; elle se reproduit et se multiplie en choisissant dans le milieu les éléments dont elle a besoin et elle les façonne pour en faire des protéines extraordinairement complexes et toujours rigoureusement identiques à celles qui forment sa propre substance.
2. Il y a trois grandes théories évolutionnistes : lamarkisme, darwinisme, mutationisme.
3. On se rallie de plus en plus à la théorie mutationniste. La génétique est intervenue, mais comment s’est opérée la transformation d’une fluctuation phénotypique en une variation génotypique, c’est-à-dire l’hérédité d’un caractère acquis. On ne l’a démontré, expérimentalement, mais cela a pu être possible aux périodes d’évolution rapide. D’ailleurs comment, sinon expliquer l’adaptation des organismes.
4. Des expériences récentes dues à R. Goldschmid (1929) et à V. Jollos (1930) relatives à l’action de la température sur les drosophiles conduisent à reconnaître une induction parallèle sur le soma et le germe de facteurs externes. Ces expériences réduisent le fossi creusé par les génétistes entre le phénotype et le génotype.
5. Le problème de l’évolution sera renouvelé par le recherches faites dans un domaine différent : celui de l’mécanique, du développement et de la croissance.
Le développement dysharmonique de certains organes, les corrélations hormoniques suggèrent des moyen d’aborder certains problèmes qui comme celui de l’orthcgénèse paraissaient jusqu’ici insolubles. (Le problèm de l’évolution, par Maurice Caullery.)
On soupçonne depuis longtemps l’existence d’être d’organisation inférieure à celle des bactéries. Il est plus aisé de les nommer Probions, Eobes, etc., que de prouver leur réalité.
On s’est demandé si pour eux serait applicable démonstration de Pasteur qu’il n’y a pas de génération spontanée.
Une autre conception est celle de la génération équivoque : une espèce nouvelle provient non de la matière inerte, mais du germe d’une espèce préexistante. L’hétérogène n’est pas la transformation d’une espèce en une autre ; elle suppose qu’un individu de nouvelle espèce se sépare au cours du développement d’un individu d espèce ancienne.
L. Reychler a montré comment la mutation peut s’opérer par traumatisme. Après lui le prof. Bauer a indiqué comment les plantes soumises à l’action de certains composés chimiques perdent leurs caractères normaux.
1° L’évolution systématique, même l’évolution systématique dans une direction donnée ne devrait pas être classée dans le domaine de l’utopie.
Cette possibilité signifie que le jour viendra où nous prendrons un individu-plante au hasard, soit un légume, une plante florale, un arbre fruitier, un arbre forestier, en un mot un sujet quelconque parmi l’immense régime végétal couvrant notre globe terrestre. Nous ferons subir aux éléments sexuels ou à l’œuf fécondé de cet individu une série d’influences durant une ou plusieurs générations consécutives jusqu’à ce que nous voyons apparaître des descendants à formes modifiées ou possédant des propriétés nouvelles, c’est-à-dire jusqu’à l’apparition de Mutants. Il est probable que chaque série d’influences différentes donnera des mutants différents. Les croissements entre mutants différents semblent devoir produre les résultats les plus inattendus. (L. Reychler : Le croissement des mut. Cat. Lab. B. par Mut. Cat. Lab. A., 1931, P. 30.)
2° En se servant de mutants naturels, c’est-à-dire de mutants rarissimes, trouvés dans la nature, Luther Burbank a réalisé une œuvre grandiose.
3° En vue de provoquer le mutant lui-même sans attendre qu’il naisse de la nature, le prof. Erdwin Bauer a indiqué des façons de procéder. « Les plantes, dit-il soumises à l’action de certains composés chimiques perdent leurs caractères normaux. La mutation au lieu d’être un phénomène d’exception devient fréquent parmi elles. En conséquence, par ce moyen à peine ébauché jusqu’ici, mais lourd de possibilités, l’horticulteur peut réveiller la nature de sa léthargie et ouvrir de nouvelles voies à l’évolution, lesquelles aboutiront à la création de plantes nouvelles d’une valeur autrement grande que celles qui ont évolué sous l’encouragement de la nature laissée à elle-même. » (The Gardeners Chronicle, 18-4-31.)
112 LES ÊTRES ET LES MILIEUX GÉNÉRAUX DE LA NATURE. LEURS SCIENCES.
Les grands milieux de la nature sont par l’homme distingués en terre, eau, air et cieux. Dans chacun sont à distinguer les objets caractéristiques qui les constituent en soi et dans leur ensemble. Sont à distinguer aussi les sciences toujours en évolution qui coordonnent les connaissances à leur égard, perfectionnent les méthodes et les instrumentations de la recherche.
112.1 LA TERRE.
Histoire de la Terre. — Vivante, la Terre l’est au même titre que les êtres dont elle est l’habitat, et sa naissance, sa formation, sa crise de croissance, son existence tumultueuse font d’un chapitre de géogènie une des biographies les plus intéressantes qu’aient enregistrées l’histoire et la science combinées.
L’histoire de la Terre précédant celle de l’Humanité se présente comme les scènes d’un drame immense.
1o Les phases astronomiques. — a) La Terre est d’abord un corps gazeux. Dans cette phase il y a un seul des états de la nature : l’état gazeux. b) Par la chaleur et la radiation les liquides descendent. À ce moment il y a deux états de la matière : les gaz et les liquides. c) La surface se condense et ainsi existe alors aussi des corps solides : la matière coexistera aux trois états.
Alors commencent :
2° Les phases géologiques. — a) La première est la phase azoïque. Il n’y a pas encore d’animaux, b) La deuxième est la phase organique : plantes et animaux.
3° Les phases anthropologiques ou superorganiques sont marquées par l’apparition de l’homme et avec lui la culture qui va elle-même influencer la nature physique de la terre (géographie humaine). Cette phase se subdivise en : a) Phase préhistorique, temps primitifs, sauvagerie, barbarie ; b) phase historique, civilisation.
L’âge de la Terre demeure matière à évaluations diverses. Thomson a estimé l âge du monde à 100 millions d’années. Herman Klein a évalué la durée écoulée depuis la solidification de la terre à 2 à 4 milliards d’années. Blandet et Vinot l’évaluent à 6 milliards d’années.
D’après Arrhénius, qui a basé ses calculs sur le temps qu’il faut pour épuiser les substances radioactives, la Terre serait vieille de deux milliards d’années. Pour d’autres savants, l’arrivée de l’homme sur la Terre remontera à 1/1000 des temps géologiques.
D’après certains géolibgues, la Terre est solidifiée depuis 1500 millions d’années (Bourgoin). La vie est apparue au Cambrien (1 milliard d’années).
Les géologues ont calculé que la formation des couches sédimentaires aurait exigé des millions d’années. Mais ils envisagent la vitesse de formation actuelle. Or, si l’on tient compte du rayonnement du soleil il y a 150.000 ans, on trouve sur la Terre une température de 11 degrés plus élevée qu’actuellement, ce qui donne une évaporation et une chute de pluie double. L’érosion alors était quatre fois plus grande. Puis 120, 000 ans plus tôt, les nombres étaient encore quadruples. Le soleil a pu produire ainsi en un million d’années le travail de plusieurs centaines de millions d’années.
Il y a 250, 000 ans la température du soleil était de 400° plus élevée avec un rayon à peine plus gros. La température de la terre était de 60° à l’équateur, y rendant la vie à peu près impossible, et de 34° à la latitude de Paris y produisant la végétation tropicale de la période secondaire. L’évolution dans l’avenir serait plus rapide que dans le passé. La température tomberait à 0° à Paris dans 200, 000 ans et à 0° à l’équateur dans 600.000 ans et la Terre serait gelée. (A. Veronnet.)
Des savants (L. de Launay « La Terre » ) ont esquissé ainsi un certain avenir du globe :
1. À l’origine une immense nappe d’eau de 3 km. d’épaisseur recouvrait les roches fraîchement solidifiées.
2. Cette masse d’eau, demeurée à peu près constante jusqu’à nos jours, n’a jamais cessé d’onduler lentement, se logeant dans des fosses qui sont les océans, bordées elles-mêmes par les masses émergeantes de continents. Les continents sont inférieurs d’un volume total 15 fois moindre que celui des mers.
3. Un jour viendra où l’écorce solide, définitivement fixée comme une voûte inébranlable, les continents seront définitivement assis. Mais les vents et les pluies auront à ce moment la partie belle : ils rongeront les continents et la mer, uniforme, recouvrira de nouveau la totalité du globe, comme à l’origine.
Phénomènes géologiques. — La Terre est un vaste laboratoire de phénomènes minéralogiques, biologiques et physiques, où l’homme peut transformer ces phénomènes et les utiliser suivant ses besoins.
Les phénomènes géologiques dans le passé ont été le feu central et la transformation de la croûte terrestre, les plissements, la séparation des eaux, l’érosion, la sédimentation.
Les principaux phénomènes géologiques de l’époque actuelle sont les alluvions, les dunes, les tremblements de terre et les volcans.
La surface de la terre est dans un perpétuel état de tassement et de déformation, d’où la contraction du globe terrestre. Le sol qui paraît si fixe sous nos pieds est en réalité dans une agitation presque constante : c’est ce qu’a montré la sismologie ou étude systématique des tremblements de terre. La transmission des ondes sismiques se communique au point antipode par l’intérieur du globe terrestre et par la surface terrestre. L’onde centrale se compose en réalité de deux ondes simples arrivant respectivement aux antipodes à peu près 20 et 40 minutes après l’ébranlement, tandis que l’onde superficielle met encore une heure.
Aspect de la Terre. — « Il est difficile d’exprimer en paroles le sentiment qui vous envahit — raconte Cosyns retour de la stratosphère —— à la vue de cette terre minuscule. Les villes paraissent comme des points blancs sur un fond vert et jaune. Les fleuves se transforment en minces filets d’argent. Quand on aperçoit ces petites collines blanches et noires, l’imagination se refuse à admettre que ce sont les Alpes grandioses. L’Europe ressemble de haut à s’y tromper à une carte géographique pareille à celle sur laquelle nous faisions nos études à l’école. On a une folle envie de mesurer avec le doigt la distance entre les villes. »
On a énuméré ainsi les merveilles de la Terre :
Les chutes du Niagara, celles du Rhin à Schaffhausen, les chutes Victoria du Zambèze, le gouffre de Padirac, les cataractes de Nenka-Hiva.
La grotte d’Azur, la grotte de Fingal, les grottes d’Antiparos et de Dinant.
Le cirque de Gavarnie, le Cervin, le Mont Blanc, sa Mer de Glace et ses crevasses, le Foutji-Yama, le volcan Etna.
Les lacs suisses et les lacs italiens.
Le Bosphore, la Corne d’Or, la baie de Rio, les fjords de Norvège, les paysages sur le Nil, le promontoire de Monaco, le Cap Nord.
Les gorges du Tarn, les gorges d’El-Kantara.
Le grand geyser du Yellowstone, le Yellowstone Park, le Canon du Grand River (Arizona), la vallée de Yosénite (Californie), la vallée de l’Engadine.
La forêt de Fontainebleau, la Forêt Noire, la forêt de Soignes, les forêts de Pologne, les paysages de Ceylan.
La géologie. — La géologie est la science de la composition, de la structure et de la formation de la Terre.
En se développant sous l’empire de la division internationale du travail scientifique, la géologie s’est divisée en un certain nombre de branches :
1° La cristallographie qui recherche les lois de la cristallisation.
2° La physique minérale qui étudie les corps au point de vue de leurs qualités physiques, densité, élasticité, , dureté, propriétés électriques, caloriques, optiques.
3° La chimie minérale qui s’occupe de la composition atomique des corps.
4° L’histoire naturelle proprement dite ou description et classification des minéraux (minéralogie).
5º La stratigraphie qui détermine statiquement la formation des couches minérales, le système des montagnes, la distribution des substances, la surface du globe, la structure des gisements métalliques.
6° La tectonique qui étudie la formation dynamique de la terre.
La tectonique. — La tectonique est venue révolu donner la géologie. Suess en a jeté les bases et c es dans le sens de ses études qu’ont travaillé depuis le géologues, leurs contributions ayant perfectionné l’œu vre du maître et beaucoup d’entre elles valant pour li terre entière. Emile Argaud a rappelé comme sui les principes généraux de la théorie.
La géologie aujourd’hui conçoit la terre entière comme un édifice — un édifice tectonique dont les structures sont formées de volumes, de surfaces, de lignes. On peut connaître et se présenter cette structure. Mais elle n’est pas tout, il y a le mouvement qui anima, qui anime encore les choses (car l’histoire continue et nous vivons sans privilège d’aucune sorte, à un instant quelconque de cette grande affaire). Il y a, peut-on dire, une tectonique en arrêt et une tectonique en mouvement. La première, c’est l’art de définir l’état présent des structures : il suffit d observations bien faites, complètes, par de bons rapprochements et par de bonnes interprétations. La tectonique en mouvement, ce serait, au terme, une tectonique achevée, une histoire ininterrompue de déformation de la planète où tous les témoignages viendraient se relier sans lacune. Cet idéal est irréalisable mais longtemps encore on s’en approchera pourvu que la tectonique en arrêtant le point de départ obligé, soit vraiment élucidée dans toute la mesure où il se peut, et pourvu que l’art, délicat et subtil entre tous d’y remettre le mouvement, soit pratiqué avec justesse. Car on ne peut voir le mouvement comme on voit les structures, à la manière d’un objet qui pose à plein ; ce mouvement, on doit le créer par la pensée, le conduire de manière à expliquer, tout au long des âges, le témoignage conservé, le suggérer enfin par l’image.
La tectonique se propose de revoir, en la précisant de la tectonique en arrêt et de faire voir la tectonique en mouvement. Susciter autant que le permettent les lacunes encore immenses des témoignages, l’image de formes en mouvement et la vision, hélas, très incomplète d’une histoire.
Il s’agit de tectonique concrète et non de théories orogéniques. Aperçue dans sa totalité, cette histoire serait entièrement faite de déformations tectoniques qui s accompliraient dans les trois dimensions d’un espace toujours rempli sans lacune, au long des temps géologiques, qui s’enchaîneraient, dans l’instant, en un jeu d’interaction rendu transparent, d’un instant à l’autre et en déterminisme pleinement saisi ; qui rattacheraient entre eux tous les événements d’un même cycle d’orogénie et chaque cycle au précédent ; qui régleraient, à chaque moment, tout ce qu’il y a d’un peu général dans l’assiette et dans la nature des sédiments, tant continentaux que marins, et dans la condition topographique des territoires ; qui rendraient compte, en les expliquant, de l’ordre statigraphique et de l’ordre morphologique. Ce mouvement d’images, comparable à un vol au ras des flots, en serait comme la clef ; il s’approprierait les données et ramasserait en son ordre souple tout ce qu’elles contiennent d’un peu grand ; il engendrerait l’explication des choses, non point par une théorie exacte, mais en un récit vrai. On verrait ainsi, à la manière d’un spectateur idéal et privilégié qui aurait assisté au déroulement de cette histoire, et l’aurait su condenser en un jeu d’images plus rapides, tous les phénomènes dans toutes leurs relations.
Qu’il soit permis à la tectonique de prendre ce tour nouveau, pleinement asservi aux faits et pourtant si aisé, c’est ce que montre assez pour un objet limité mais riche de complication, l’histoire des mouvements des Alpes occidentales telle qu’on l’a restituée il y a peu. Prendre ce tour et non pas rejoindre un terme : on ne fera jamais que s’en approcher par degrés, mais c’est la voie. Voilà donc marqué, très au-dessus de nos prises actuelles, le but idéal de tant d’efforts et pour le présent, la direction qui convient.
Mais ces vues si larges ne sont fécondes qu’à la condition de pénétrer harmonieusement le tissu des faits, à toutes les échelles de la tectonique : échelle continentale, échelle de la chaîne, de la nappe, du pli de la plaque même. De plus, elles ne valent qu’en liaison avec des vues inégalement embrassantes qui sont d’abord celles de la géologie classique, en grande partie acceptée et ensuite celles, tantôt neuves, tantôt renouvelées, tantôt simplement revisées, que nous suggère la nouvelle expérience.
Les arcs, les guirlandes, les chaînes réglées qui ornent la face actuelle de la Terre sont parvenus à des degrés très divers de développement ou de remaniement. Ces objets mouvants ont cela d’admirable qu’ils montrent côte à côte, dans l’instant présent, tous les aspects transitoires que l’un d’eux peut présenter au cours de son histoire. Quelle anatomie comparée, et quel musée d’embryologie tectonique !
Jour après jour, en des temps sans nombre, le spectacle a changé en traits imperceptibles. Sourions à l’illusion d’éternité qui paraît en ces choses, et pendant que passent tant d’aspects transitoires, écoutons l’hymne antique, ce chant prodigieux des mers qui a salué tant de chaînes montant à la lumière.
La géologie est sommée maintenant de bien coordonner les innombrables géologies parcellaires. Ces vues inégalement embrassantes doivent tendre à s’encadrer toutes dans une vision évidente qui serait, au terme de la tectonique, l’aperception du mouvement déformateur total.
De ce centre rêvé s’aperçoivent encore comme en un cadre mouvant où tout s’enchaîne sans s’arrêter, les conditions dynamiques et tectoniques de l’histoire statigraphique et du développement morphologique. S’élever à ce point de vue et de là, redescendre en les appliquant aux faits communs de tous les ordres, c’est presque toute la géologie.
Un tel objectif assigné à la tectonique, à la géologie toute entière, est bien de nature à retenir l’attention des sociologues. La masse en mouvement qu’ils ont à étudier a beaucoup d’analogies avec la masse en mouvement de la Société.
L’image scientifique. — Ici l’image scientifique a une importance capitale. C’est l’esprit qui la construit toute entière parce qu’il s’agit de faits passés, de faits qui n’ont rien de renouvelables comme ceux de la physique et de la chimie. En dehors de cette image créée par l’homme, il n’y aurait plus rien, car la réalité qu’elle représente a entièrement disparu (la suite des formes résultant du mouvement des objets structuraux).
Déjà on entrevoit la réduction de la tectonique à la physique, mais c’est l’affaire de l’avenir.
La minéralogie et la géologie (sciences de la terre) sont forcément liées aux sciences mathématique et physicochimique d’un côté, aux sciences biologiques et particulièrement à la paléontologie de l’autre. Toute méconnaissance de ce lien y engendre l’erreur ou la stagnation. L’emploi combiné de méthodes empruntées à ces diverses sciences y ouvre au contraire le chemin des certitudes. (A. Lacroix)
La géochimie. — Cette nouvelle science est née. Elle étudie l’histoire des éléments chimiques de l’écorce terrestre. Elle se distingue de la minéralogie qui étudie leurs molécules, les minéraux. Parmi la matière sur la Terre, il y a deux parties : l’une la partie purement minérale, l’autre la matière vivante (ensemble des organismes vivants), réduit à leur poids, composition chimique et énergie. 8 éléments avec certitude, 16 avec probabilité (sur 24) ont des rapports avec les organismes vivants. Ils doivent s’y trouver constamment et non accidentellement.
Or, la terre comprend une forme nouvelle développée avec intensité en ces derniers milliers d’années dans tous les processus chimiques terrestres. On a pu définir l’Humanité civilisée : « une matière vivante homogène se distinguant de toute autre matière vivante homogène par un nouvel et puissant aspect parmi les aspects ordinaires sous lesquels elle se manifeste dans le domaine de la géochimie. »
On peut étudier les éléments chimiques à une profondeur de 16 km. La quantité maximale de matière vivante dans l’écorce terrestre est de l’ordre m× 10-1 %, où m est un certain coefficient numérique inconnu qui ne dépasse par le nombre 10. Cette petite fraction correspond en réalité à une quantité énorme de matière — à des millions de tonnes — qui se trouve dans un état de perpétuel et continuel mouvement, lequel répartit petit à petit, sous une forme nouvelle dans le milieu ambiant, l’énergie tirée du rayonnement solaire : cette matière vivante, selon la belle définition de l’organisme vivant de G. Cuvier, représente une quantité de tourbillons, qui tinrent constamment les éléments chimiques du milieu ambiant et les lui restituent.
Un grand changement géo-chimique est survenu.
À l’aube de l’agriculture, l’humanité s’est rendue maîtresse du substratum fondamental de la matière vivante, la matière végétale verte. Elle commence à changer chimiquement la face de notre planète d’une façon dont nous n’apercevons ni la portée ni la fin. En réalité, la Terre offre quatre sphères emboîtées : la lithosphère (écorce terrestre), l’hydrosphère, l’atmosphère, la biosphère (matière vivante).[7]
Physique du globe. — Le magnétisme terrestre est étudié avec une précision croissante. La physique du globe est devenue une branche importante de l’étude de la Terre dont les applications déjà sont entrevues. Bruck, Milliard, Dubois et d’autres ont rapporté aux facteurs telluriques et magnétiques les grands événements humains tels que les invasions et les guerres.
Il y a une relation entre les orages magnétiques et les courants telluriques. Le courant circulaire dans le sol est l’élément primitif, l’agent immédiat des fluctuations imprimées au champ terrestre. Celles-ci sont dues au soleil qui, en général, n’agirait pas directement, mais son influence se fait surtout sentir par l’intermédiaire des courants telluriques. (Bosler, J. Paris, Académie des Sciences, 17 nov. 1930.)
112.2 LES EAUX. LA MER.
L’étude des eaux fait partie de la géologie au sens large du mot. À raison de leur importance, elles ont fait l’objet de disciplines spéciales (hydrologie, hydraulique, océanographie). Il y a les océans et les mers, les fleuves et les rivières, les lacs et les étangs ; il y a l’eau en suspension dans l’atmosphère. Il y a le cycle de l’eau.
Les chutes d’eau météorique s’effectuent sous la forme liquide ou solide. Dans ce dernier cas, la neige ou la grêle, après avoir séjourné sur le sol pendant un certain temps, entre en fusion et est transformée en liquide. Une partie de l’eau tombée à la surface du sol sera évaporée par l’action des rayons solaires et retournera ainsi à l’atmosphère pour concourir à la formation des couches nuageuses. Une autre partie ruissellera en filets de plus en plus gros, suivant les lignes de plus grande pente, et gagnera ainsi le fond des ravins pour y former des ruisseaux qui rejoindront les rivières et les fleuves pour aboutir enfin à la mer. La troisième partie ne suit pas cette filière ; elle est absorbée par capillarité par le sol et, imbibant de proche en proche les couches de plus en plus profondes, ira se collecter au point où la roche, devenant imperméable, ne permettra plus un cheminement en profondeur, constituant ainsi une nappe aquifère souterraine. Les travaux des hydrologues ont montré que la proportion des eaux de pluie qui s’infiltrent dans le sol ne représente en moyenne que 1/5 de la quantité de pluie tombée sur le sol.
Si la mer est la domination du monde, elle est aussi sa vérité. Christophe Colomb a dit : « La langue manque pour dire et la main pour écrire toutes les merveilles de la mer. »
Il y eut les terreurs maritimes et les légendes. On croyait la terre plate et qu’à ses extrémités il y avait un gouffre. On croyait la mer dominée par des esprits qui se vengeraient de voir violer leur royaume. C’est dans ces conditions que les premiers découvreurs durent accomplir leur navigation autour de la Terre, avec des équipages ignorants et superstitieux. (Colomb dans la mer des Sargasses.)
Cependant la science poursuit son œuvre. La chimie et la physique de l’eau de mer restent à entreprendre. La chimie de l’eau, c’est la chimie du globe, celle qui illuminera toute la géologie en expliquant la sédimentation. C’est elle, appuyée à la physique, qui franchira la prochaine étape de l’interprétation de la vie, puisque la dissociation de l’eau apparaît chaque jour un peu plus comme le phénomène fondamental ; la vie est une hydrologie bien plus qu’une combustion.[8]
112.3 L’AIR. — L’ATMOSPHÈRE.
Une couche d’air entoure la terre. L’air est un gaz ; il est composé d’oxygène, d’hydrogène, d’azote, d’argon, de néon. Son rôle est considérable. Il est nécessaire à tous les êtres vivants. L’air est conquis par l’homme dans l’aviation ; sa connaissance fait l’objet de la météorologie dont les applications pratiques vont en s’étendant. Les observatoires en arrivent à prédire le temps avec une certitude de plus de 60% et cela à plusieurs jours de distance. L’air a été utile pour la navigation à voile, pour le fonctionnement des moulins ; on a comprimé l’air en bonbonnes. Dans l’atmosphère se passent les admirables spectacles des nuages, des lever et coucher du soleil, des aurores polaires, des orages, des météores de toutes espèces. Il y aurait 40, 000 orages par jour dans le monde.
Les grêles, les pluies, les vents, les sécheresses, les gelées, les inondations qui en sont la cause menaçaient constamment le travail du cultivateur. Les tentatives se poursuivent pour créer la pluie artificielle, pour écarter les orages et la grêle. Des anticipations font entrevoir la possibilité d’agir sur les climats en détournant les courants marins. L’étude de l’atmosphère a donné lieu à celle des climats. Il y a une climatologie et déjà une « paléoclimatologie » qui s’efforce de reconstituer les climats aux âges précédents de la Terre. Les phénomènes atmosphériques présentent en général une certaine régularité sauf la grêle. (Pour la grêle la répartition de la chute est différente de la répartition des dégâts qui en résultent.)
La navigation aérienne et son importance militaire ont fait faire des bonds en avant à la météorologie. Grâce aux observations fixes et aux observations cosmiques par les navires, on a pu considérer le mouvement de l’air dans toute sa masse et par des calculs dans des instituts centraux, dresser jour par jour, presque heure par heure, la carte météorologique mondiale. L’interdépendance de toutes les parties de l’atmosphère a été démontrée. Tourner la page d’un livre provoque un mouvement d’air ressenti jusqu’aux antipodes. Sans coopération internationale, impossible de faire de la météorologie pratique.
On a discuté à la Conférence Météorologique de 1928, de la possibilité de dissiper des tempêtes qui apportent par une sorte d’action (trigger) là où l’incident de stratification par l’accroissement de l’énergie thermale peut être évitée ou brisée. Les grandeurs impliquées dans le déplacement des masses d’air dans une dépression ordinaire sont déjà si immenses qu’on n’a pas actuellement de force pour agir sur elles. C’est comme s’il s’agissait de s’opposer à la marée. Mais on possède d’ores et déjà le moyen de découvrir l’existence des conditions qui favorisent la formation d’une tempête et de prévoir son parcours avec un haut degré de probabilité.
L’atmosphère constitue une masse énorme en mouvement dont le cycle est celui-ci : 1. Il y a l’échauffement inégal des diverses parties de la planète par le soleil. 2. Cet échauffement met en mouvement toute la masse des eaux et de l’atmosphère. 3. L’équilibre atmosphérique est le premier rompu ; d’où les vents. 4. Les vents affluent vers l’équateur où la dilatation de l’air se produit par la chaleur. 5. Il en résulte un courant ascendant continuel vers lequel se portent les vents alizés. 6. Les vents alizés poussent obliquement vers l’ouest les eaux maritimes. 7. Les eaux en rencontrant le continent sont rejetées au nord et au sud. 8. Il se forme ainsi les courants marins. Ainsi le Gulf Stream est dû au soleil combiné avec le vent (et celui-ci à son tour est dû à un effet-retour du Gulf Stream). C’est, a-t-on dit, la première installation de chauffage central à eau chaude : chaudière et canalisation transférant les calories. 9. Les courants marins brassent la masse océanique et répartissent les pluies et les climats. 10. Des courants polaires se dirigeant du nord et du sud vers l’équateur viennent remplacer l’eau des courants équatoriaux.
Voici des chiffres à titre d’exemple. Les eaux tombées dans la vallée du Mississipi du 1er janvier au 30 avril 1932 ont été de 213 milles cubiques. Ceci représente environ un million de tonnes d’eau. Cette eau à certain moment a été élevée à une hauteur d’au moins 1,000 mètres, ce qui nous donne une idée du travail fait par les courants de l’air en formant des nuages.
L’énergie d’une dépression a été calculée du 27 juillet au 3 août 1917 par Sir Napier Shair : diamètre de la dépression 1400 kilomètres, profondeur au centre 10 kilobars ; quantité d’air écartée pour permettre la dépression 70,000,000,000,000 kilogrammes ; quantité de vapeur d’eau 700,000,000,000 ; avec l’énergie cinétique qui en résulte, 1.5 x 1024 ergs.
112.4 LES CIEUX : L’ASTRONOMIE.
Objets. Corps. — Peuplent les cieux, notre terre, notre système solaire et ses planètes dont la terre ; notre système galactique et les étoiles qui le composent avec notre soleil, les univers extra-galactiques, c’est-à-dire les autres nébuleuses dont on repère actuellement deux millions et leurs milliards d’étoiles.
Science des astres : astronomie. — L’astronomie étudie les cieux : 1° comme milieu (l’univers physique) ; 2° les astres comme réalités corporelles distinctes ; 3° les phénomènes physiques, chimiques, mécaniques à grandes échelles qui se poursuivent dans ce milieu ; 4° l’évolution du milieu et de ses éléments constituants (cosmogénie).
Histoire. — Les lois astronomiques aident à comprendre les lois sociologiques.
1. D’abord l’homme observa le cours du soleil, de la lune et de certains astres.
2. Ptolémée (milieu du IIe siècle avant J. C.) chercha à expliquer les phénomènes qu’on observait dans le ciel. La terre est placée au centre du monde. Elle est immobile ; autour d’elle tournent planètes, soleil et étoiles.
3. Copernic (Thorn. 1473). Le soleil au centre du monde, les planètes tournent autour de lui.
4. Kepler et ses trois lois (Wurtenberg. 1571) : a) les orbites des planètes sont des ellipses dont le soleil occupe le foyer commun ; b) chaque planète détermine en des temps égaux des surfaces équivalentes ; c) les carrés de temps de révolution des planètes sont entre eux comme le cube de leur distance moyenne du soleil.
5. Newton (Lincoln. 1642) établit les causes de la gravitation universelle, c’est-à-dire de l’équilibre des corps célestes dans l’immensité de l’infini. a) Tous les corps célestes exercent les uns sur les autres une force d’attraction qui se produit en raison directe des masses et en raison inverse du carré des distances. b) Tout corps animé d’un mouvement circulaire obéissant à une force de répulsion, tend à s’éloigner du centre autour duquel il tourne en suivant une ligne droite tangente à la courbe qu’il décrit. Les corps célestes n’obéissent donc ni à l’attraction ni à la répulsion, mais les subissent tous deux ; ils suivent une direction moyenne qui est celle dont ils jouissent et qui leur est propre.
Divisions de l’astronomie.
À mesure qu’une science progresse, le nom qui lui a été donné à l’origine devient de plus en plus large et les distinctions s’imposent.
1. L’astronomie est d’abord confondue avec l’astrologie.
2. Ensuite elle s’est proposée de remonter aux lois des mouvements des planètes et a constitué une partie de ce qu’on appelle assez vaguement aujourd’hui l’astronomie de position, l’astronomie mathématique.
Longtemps après, grâce à l’invention des lunettes, on a pu aborder l’étude des surfaces planétaires ; et ainsi naquit l’astronomie physique, dont les grands développements datent surtout du XIXe siècle, après l’application de la spectroscopie et de la photographie.
3. Les étoiles tenaient peu de place dans l’astronomie primitive. Considérées comme de simples lampes suspendues à une voûte d’acier, ou comme des clous d’or fixés à une sphère de cristal, au nombre de quelques milliers au plus, elles sont pour nous d’innombrables soleils, dont chacun, animé de son mouvement propre, entraîne dans sa course tout un cortège de planètes et sans doute de satellites. Ainsi a été créée une nouvelle branche, l’astronomie stellaire, dite aussi astronomie sidérale, comprenant, avec l’étude des mouvements propres stellaires, celle des étoiles variables, des étoiles nouvelles, des étoiles doubles ou multiples, des amas et des nébuleuses.
Ces diverses branches, d’abord assez distinctes les unes des autres, se sont mutuellement pénétrées en se développant et aujourd’hui leurs limites sont souvent confondues.
L’astronomie nous a fait une âme capable de comprendre la nature. Elle a fait pénétrer en nous l’idée de loi scientifique ; elle a fourni l’idée d’une telle loi, d’une relation nécessaire entre l’état présent du monde et son état immédiatement postérieur. (Henri Poincaré.)
Instrumentation. — Le télescope est l’indispensable instrument de l’astronome. C’est seulement lorsque les astronomes posséderont le moyen de recueillir et de concentrer aussi exactement que possible un plus grand nombre de rayons émis par les astres au fond de l’espace qu’ils parviendront à reconnaître et à dénombrer les étoiles les plus éloignées de notre galaxie, à analyser la lumière des soleils typiques, aujourd’hui pratiquement inaccessibles.
Le télescope de Galilée grossissait 33 fois les objets. Herschel en fit un qui les grossissait 12,000 fois.
La plus grande lunette existant est celle de l’observatoire Yerkes (fin du XIXe siècle) qui mesure 1 m. 016 de diamètre ; le télescope Hooker a 2 m. 54. Théoriquement rien n’empêcherait la réalisation d’un réflecteur dont le miroir aurait 30 mètres de diamètre et le tube la hauteur d’une flèche de cathédrale (125 mètres).[9]
La photographie astronomique se développe parallèlement. C’est un œil incomparable qui accumule pendant près de cent heures les impressions lumineuses que notre œil ne totalise que pendant un dixième de seconde.
Unité. — En astronomie on se sert de tout le système des unités, mais en particulier de l’« année de lumière » qui est égale à près de 10 trillions de kilomètres (9,500,000,000,000 km.), soit la distance que la terre parcourt en un an.
Cosmogonie. Cosmologie. — D’où vient le vaste univers (cosmogonie) ? Comment se présente à nous le nouvel univers physique (cosmologie) ? À l’aide de quel principe matérialiste, idéaliste ou spiritualiste y a-t-il lieu de l’interpréter ? Questions disputées constamment à l’étude, à chaque instant renouvelées.
Le télescope a révélé les formes étranges des nébuleuses. Le spectroscope a révélé l’unité de composition chimique de l’univers et les vitesses radiales des étoiles dont les distances même sont inconnues ; il a étudié les phénomènes grandioses des rencontres cosmiques dans les Novae. La physique a révélé la forme répulsive de radiation, cet adversaire si redoutable de l’attraction qu’elle est capable de la dominer dans les chocs cosmiques.
Les astronomes ont cherché et cherchent encore une théorie d’après laquelle les étoiles se formeraient sans cesse dans l’espace par la condensation de la matière obscure. L’idée est grandiose et séduisante. Elle a été combattue.
Les étoiles poursuivent-elles des destinées individuelles, à peu près indépendantes les unes des autres ? Ou bien, comme l’a pressenti W. Herschell, leurs particularités dépendent-elles de leur action réciproque ? Ou de l’action diversifiée d’un même principe général qui ordonne l’univers tout entier et qui en fait comme quelque chose d’organique et de vivant ?
L’univers selon Einstein et Lemaître n’est pas infini, quoique illimité ; il est courbe comme une bulle de savon. Un rayon lumineux suffisamment prolongé finit par se boucler lui-même. Un astronome ayant un télescope 20 fois plus puissant que celui du Mont-Wilson, regardant dans l’oculaire, verrait son propre dos ! Les nébuleuses spirales, les galaxies s’éloignent à raison de plusieurs milliers de kilomètres par seconde. L’univers est soumis à la loi d’expansion universelle ; au bout de sa course il sera soumis à l’explosion finale.
D’après Edwin Hubble (observatoire du Mont-Wilson, 1934), l’univers physique serait une sphère finie ayant un diamètre de 6 milliards d’années linéaires. Il est composé de 500 trillions de nébuleuses. La vitesse de la lumière est universellement uniforme et point de vitesse plus grande que 186.000 milles à la seconde n’est possible.
« Quand la cosmogonie des atomes aura rejoint la cosmogonie sidérale, alors la science humaine ayant élargi ses horizons déjà magnifiques et plongé dans l’océan des millénaires passés, sera bien près de voir en esprit ce commencement de toutes les choses sidérales en admirant cette unité et cette simplicité harmonieuse qu’elle se plaît à imaginer déjà dans le chaos primitif sorti des mains du Créateur. » (Émile Belot.)
Corrélations. Interinfluences. — Plongé dans le milieu sidéral, nous en subissons toutes les influences. L’étude des influences cosmiques gagne du terrain pratique. Ce qui se passe dans le firmament nous apparaît moins simple, moins élémentaire que les premières études ne l’avaient fait entrevoir. À mesure que des méthodes sont imaginées pour décéler quelque nouveau phénomène astronomique, nous trouvons quelque corrélation entre lui et un phénomène terrestre.
En étudiant plus profondément le soleil (spectroscopie-photographie) on a reconnu qu’il a fait mainmise sur tous les phénomènes qui constituent la vie de la terre : magnétisme terrestre, aurores polaires, courants telluriques, manifestations sismiques. Aujourd’hui aux rayons cosmiques venus du plus lointain des cieux, il semble devoir être attribué des influences similaires.
Applications. — L’homme va à la conquête du milieu cosmique. De tous temps il s’en est servi pour fixer sa position, sa direction dans le voyage, sur terre et sur mer. Il a travaillé à utiliser les marées et à emmagasiner la chaleur solaire. Voilà que l’idée de se rendre dans les astres l’obsède.
Jules Verne avait imaginé son canon lançant un obus garni de voyageurs. Mais les voyageurs seraient morts écrasés sur le plancher de leur véhicule dès le départ du coup. Un physicien moderne, M. Esnault-Pelterie a présenté un autre moyen. Un obus-fusée, utilisant la désagrégation du radium, pourrait atteindre la lune en 3 heures et 5 minutes. Pour aller à la planète Vénus, il suffirait de 400 kilos de radium propulsant un obus de 1,000 kilos.
Le rêve humain peut devenir plus grand. Qui sait ? Puisque l’énergie est de la masse, puisque l’énergie est rayonnante dans l’espace et peut être captée, l’on pourra peut-être un jour augmenter le poids de la terre et la conduire par conséquent à travers l’espace, lui faisant acquérir d’extraordinaires propriétés physiques nouvelles.
On a appliqué le calcul aux lois de formation des astres et l’on a établi qu’au départ, le milieu étant supposé homogène et indéfini, l’addition d’une masse supplémentaire y produit un centre d’attraction. On calcule ensuite le temps de chute d’un élément attiré par cette masse supplémentaire. Il s’en suit qu’une différence de densité assez faible entre deux régions de l’espace peut y produire une grande différence d’évolution. Un atome de plus suffit pour former un soleil. (A. Véronnet.)
Astrologie. — L’astronomie primitive fut empreinte d’astrologie. Se pénétrant de nos jours d’esprit scientifique, accueillant les théories et les méthodes des Chaldéens, des Égyptiens et aussi des Indiens et des Chinois, l’astrologie a repris certain crédit.
Elle se fonde sur la fréquence statistique de correspondances constatées entre le ciel de naissance et le caractère des individus ou les événements de leur vie. (Ptolemée, Saint Thomas, Kepler, Morin et autres se sont prononcés dans ce sens.)[10]
Astrodynamique. — L’astrodynamique se définit par l’étude scientifique en dehors de tout occultisme des influences astrales sur l’homme, sur les sociétés, sur les événements et sur l’histoire du monde en général. Déjà on distingue :
1° l’étude des taches solaires et leur coïncidence avec certains événements caractéristiques intéressant directement ou indirectement les hommes : tremblements de terre, orages magnétiques, bonnes ou mauvaises récoltes, suicides, guerres, etc. ; 2° l’astrophysique : on étudie des forces cosmiques dans le domaine de la physique avec incidence humaine ; ex. les rayons ultra X, d’une puissance extraordinaire émanant du système stellaire, influence des planètes sur les métaux ; 3° l’influence largement hypothétique et chimérique des astres sur l’hérédité, la destinée, les probabilités (cosmobiologie, astrologie).
À priori contre la définition de l’astrodynamique, il n’y a rien à objecter. Le principe fondamental de toutes les sciences, de la réalité qu’elles expriment, de l’esprit qui considère cette réalité, c’est le principe de l’interdépendance de toute chose, de l’influence micro ou macroscopique de tout sur tout. Donc des astres sur la terre et sur les hommes. Mais restent les questions : la proportion de ces influences et la régularité des phénomènes d’où seule peut être déduite une prédiction scientifique, des pronostics.
- ↑ Mecking, Ludwig. Kult und Landschaft in Japan. Geog. Anz. 30 (5) 1929 : 137-146.
- ↑ Compte rendu du VIIe Conseil de Physique Solvay (oct. 1933).
- ↑ Yoland Mayor. Les constituantes ultimes de la matière et de l’énergie. Revue Scientifique, 10 juin 1933.
- ↑ Voir l’exposé sous ce titre de J. Martinet : Revue scientifique, 29 déc. 1934.
- ↑ V. Romanoff: Le système périodique de Mendeleeff représentation graphique. Revue Scientifique 27 oct. 1934, p. 661
- ↑ A. Lumière. La vie universelle. Revue scientifique, 1932, 12 mars, p. 144.
- ↑ Vernadsky, W. J. La composition chimique de la matière vivante et la chimie de l’écorce terrestre. Rev. Gén. des Sciences, 1923, p. 42.
- ↑ R. Legendre. Revue scientifique, 1932, p. 75.
- ↑ Gazette astronomique, décembre 1934.
- ↑ Paul Choisnard. Les précurseurs de l’astrologie scientifique et sa tradition. 1930.