Monde/50

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Mundaneum (p. 349-350).
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Les Créations de l’Homme


LA CIVILISATION.
LA SYNTHÈSE, L’ORGANISATION, L’HARMONIE.

Les créations de l’homme sont le produit de son activité par et sur le monde. De par l’opération de l’homme, la nature, la terre, se modifie, devient autre, est placée directement au service de la finalité humaine. Ces créations, ce sont les produits du travail, les techniques par lesquelles s’effectue ce travail, les institutions de tout ordre qui constituent la société, la formation ou éducation des hommes eux-mêmes, les œuvres, plus intellectuelles que matérielles, dans lesquelles s’incorporent les idées, les sentiments, les volontés, œuvres de science, d’art, de littérature, les documents de toute espèce en lesquels s’opère comme un dédoublement de l’être et de la pensée de l’homme ou un dédoublement des choses de la nature.

L’ensemble de ces créations constitue la civilisation. Beaucoup de ces éléments ont été traités antérieurement dans l’étude du monde comme objet. Moi ou pensée humaine connaissante, sentante et agissante, ne saurait point ne pas les envisager de son point de vue. Sans revenir sur ce qui a déjà été dit, il y a lieu de les considérer dans leur fonction de création, comme troisième terme de l’équation.

Monde = objet + sujet + création du sujet agissant avec et sur l’objet.

On peut placer dans un même ensemble toutes les créations humaines, quelles qu’elles soient. Elles ont ceci de commun : 1° d’être artificielles et en dehors de la nature ; 2° de constituer pour l’homme un moyen d’avantages ou de défense ; 3° en agissant sur la nature extérieure à lui-même, à travers ce mouvement et en le transformant, d’agir ainsi sur sa propre nature ; 4° de conduire l’esprit de l’homme de la contemplation de ce qui est à la considération de ce qui pourrait ou devrait être ; 5° d’ajouter aux choses existantes ou de les transformer.

La civilisation est caractérisée par une sorte de séparation qui s’opère entre les idées, les sentiments, les vouloirs formés originairement en certains hommes et ces hommes eux-mêmes. Ils s’impersonnalisent et forment des systèmes largement autonomes. Ainsi les créations de l’homme sont à envisager dans leur existence propre. Formées sous l’égide de l’intelligence plus que de l’instinct, elles constituent entre les sphères du moi et de la nature comme une sociosphère qui va se développant.

Les créations sont inépuisables, le champ ouvert devant les esprits n’est pas clos : tant de découvertes à faire, tant de machines à inventer, tant d’œuvres artistiques ou de livres à produire ! Mais la science, la machine, l’art, la littérature ont au delà de leurs formes individuelles et concrètes un élément qui leur est commun à faire avancer, élément qui est la Pensée même laquelle s’identifie ou s’oppose à la vie même du monde. Ainsi tous les esprits sont à l’œuvre, à une grande œuvre : c’est bien ce dont, avec la perspective de l’histoire, notre temps peut prendre la pleine conscience, avec cette conséquence qu’il y a à organiser pour cette création merveilleuse la coopération entre toutes les branches et jusqu’au degré mondial.

On est amené ainsi à concevoir le troisième terme de l’équation fondamentale du monde comme le produit de la création des « moi » (le sujet), au contact de toutes les choses du milieu (l’objet), produit qui prend à son tour les formes de toutes les créations humaines dont l’ensemble forme la civilisation. Pour préciser, la civilisation est faite des institutions (dans les six ordres exprimés précédemment : hygiénique, économique, sociale, politique, intellectuelle, religieuse), des œuvres elles-mêmes : techniques, artistiques et scientifiques, qui fixent en elles les données relatives aux institutions et aux œuvres en des formes prêtes à les conserver, les communiquer et les transmettre. On envisagera ici ces quatre chefs d’idées : 1° la synthèse des connaissances ; 2° l’harmonie des sentiments et des émotions ; 3° l’organisation de l’action ; 4° corrélation entre la synthèse, l’harmonie et l’organisation.