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Monde/Appendices

La bibliothèque libre.
Mundaneum (p. 405-461).

Appendices


I. La Prévision sociologique mondiale.
II. Plan mondial.
III. Constitution mondiale.
IV. Mundaneum et Cité mondiale.
V. La Belgique et l’Organisation mondiale.

I

La Prévision sociologique mondiale



SOMMAIRE.

1. Le problème. — 2. Difficulté et complexité du problème. — 3. Question préalable : la nature des choses. — 4. Éléments de réalité et degrés d’extension des sociétés. — 5. Éléments sociologiques fondamentaux. — 6. Les moyennes et les cycles. — 7. Finalité et plan, individuel et social. — 8. Caractère de la prévision sociologique. — 9. Les indices de la conjoncture économique. — 10. Les bourses et marchés. — 11. Les méthodes de prévision. — 12. La prévision dans les autres domaines de la sociologie. — 13. Instruments généraux possibles pour la prévision. — 14. Organisation de la prévision sociologique. — 15. Enquête sur la prévision. — 16. Institut international de conjoncture. — 17. Au delà de la prévision. — 18. Conclusions.


I. — LE PROBLÈME.

Le problème de la prévision sociologique — savoir si elle est possible ou non et dans quelles limites — ce problème s’impose à l’examen en ces jours de trouble profond dans tous les domaines et à tous les degrés de la société. Il tire son importance de celle des conséquences qui peuvent être données à sa solution : l’économie dirigée, la politique dirigée, la civilisation dirigée. On ne saurait nier que notre époque se caractérise par le renversement régulier de toutes les prévisions. Les experts des conférences internationales ont fort désillusionné. Et cependant il importe de prévoir. Savoir, pour prévoir afin de pouvoir, a été la lumineuse formule de Comte. Prévoir ne coûte rien, a ajouté un maître de l’urbanisme contemporain (Le Corbusier). Et des chefs d’état autorisés ont proclamé que « les conceptions à courte vue et les imprévoyances coûtent fort cher et font perdre un temps précieux ».[1]

Bien administrer l’économie revient à savoir ce qui est et prévoir ce qui sera. Prévision faite de sagesse et de prudence et qui répudie tout ce qui ressemble à une spéculation hasardeuse.[2]

Le jour où l’homme pourra davantage prévoir le devenir social et connaître les effets de son action, il accroîtra dans des proportions immenses sa maîtrise sur les choses. Celle-ci commence par la maîtrise sur la matière grâce à la technique sous toutes ses formes ; elle devra aboutir à la maîtrise de la société et de ses conditions de vie heureuse et un jour à la maîtrise de l’homme sur lui-même.

II. — DIFFICULTÉ ET COMPLEXITÉ DU PROBLÈME.

Dans le stade actuel, la prévision sociologique est aussi difficile que la prévision météorologique il y a encore cinquante ans. C’est déjà s’avancer vers des solutions que d’essayer de bien poser le problème.

De tous les êtres connus, l’homme est le plus complexe. Or, une société est le complexe de ces complexes et la société universelle est le complexe des complexes des complexes. Dans la société elle-même il y a des prévisions simples, par ex. les quantités de marchandises qui seront produites et les prix qu’elles atteindront. Il y a la prévision complexe, par ex. la capacité de tirer par avance les conséquences d’un fait politique, social, diplomatique, il y a pré-vision (connaissance), le pré-sentiment (sentiment) et la pré-action, prévoyance (action). Ces trois termes sont à distinguer. Ils correspondent aux trois caractères fondamentaux de l’être humain qui sont connaissance, sentiment et action. Des individus à un haut degré ont l’esprit de prévision, autres ont de la prévoyance, d’autres encore éprouvent des pressentiments. Pré-connaissance, pré-sentiment, pré-action, tout en étant distinctes, sont largement à maintenir en corrélation.

III. — QUESTION PRÉALABLE : LA NATURE DES CHOSES.

On peut a priori insérer le problème dans le cadre logique suivant : les choses ont des liens entre elles, l’une peut être amenée à l’existence par l’autre, être influencée tout au moins par l’autre, c’est là le fait le plus général de la science. Mais ce lien peut avoir l’un de ces trois caractères fondamentaux :

a) Ou bien les choses sont dues au hasard universel. Elles n’ont pas de plan.

b) Ou bien elles sont strictement déterminées selon le processus d’un déterminisme universel et intégral. ba. Soit conformément à leurs propres réactions d’être, selon les propriétés de leurs éléments premiers tenus pour avoir toujours existé. bb. Soit conformément à un plan extérieur imposé par une intelligence et une volonté supérieures à elles. (Dieu.)

c) Ou bien déterminées par elles-mêmes, elles laissent place à l’intervention de la liberté et celle-ci peut être conçue. ca) Soit comme exclusivement le propre de l’homme. cb) Soit comme existant, bien qu’à des degrés plus ou moins développés, dans toute la série des êtres.

IV. — ORDRES DE RÉALITÉS ET DEGRÉS D’EXTENSION DES SOCIÉTÉS.

Il y a lieu de distinguer la prévision sociale d’après l’ordre des réalités envisagé et d’après le degré d’extension des sociétés soumises à prévision.

A. Ordre des réalités. — Par des calculs exacts l’astronomie est à même de prédire le jour et l’heure d’une éclipse de soleil ou de lune ; les mêmes calculs lui permettent de fixer avec précision les dates des éclipses qui ont eu lieu dans le passé. D’autre part les calculs sont intervenus pour prédire le temps avec un succès croissant et à des dates de plus en plus éloignées.[3]

Quand il y a instabilité générale, le plus petit incident peut avoir des conséquences considérables. Exemple récent : En Belgique avait été formé un ministère national comprenant tous anciens ministres : catholiques et libéraux étaient au pouvoir. Déjà ils avaient fait voter un milliard d’impôts nouveaux. Le 15 février 1933, le ministère est renversé sur le vote de validation des élections d’Hastière. Un électeur y aurait été admis à voter après l’heure légale de fermeture du bureau de vote. Or, la majorité catholique d’Hastière n’était que d’une voix et 6/7. Le cartel d’opposition avait réclamé de nouvelles élections en présence de la faute alléguée. Voilà donc une voix 6/7 sur une population de 8 millions d’habitants, cause première d’un renversement d’un si grand ministère.

Si l’on accepte de considérer la réalité toute entière comme n’étant qu’une et de ne voir dans tous les domaines que l’expression d’une force ou vie unique, physique, biologie, psychologie et sociologie sont des sciences d’objets et de phénomènes qui prolongent leur réalité les unes dans les autres. Or, l’ordre de classement étant celui de la complexité croissante, il est naturel que la prévision soit plus aisée pour les phénomènes physiques, biologiques et psychologiques que pour les phénomènes sociologiques. Cependant, parce que ces derniers plongent largement au sein des phénomènes précédents, la prévision en sera facilitée de tout ce qui aura été obtenu déjà pour les ordres de phénomènes précédents. Par ex. prévoir un froid rigoureux et de la neige, c’est prévoir que les gens du village seront chez eux et non sur les champs ; prévoir un été favorable aux récoltes, c’est prévoir une activité industrielle pour l’hiver suivant. Quant aux phénomènes sociaux, ils vont eux-mêmes en se compliquant suivant ceux d’ordre démographique, économique, social, politique et culturel.

B. Extension des sociétés. — À cet autre point de vue, les sociétés également selon un ordre de complexité croissante, se classent en familles, organisations de travail, communes, régions, nations, continents, monde. Prévoir l’état spécial du monde est autrement complexe que prévoir celui d’un village, voire d’une grande ville. Mais à mesure que la vie au village et à la ville est plus étroitement reliée à la vie du monde entier, par répercussion, la prévision de son devenir se complique. L’internationalité des prévisions est justifiée par l’ensemble des faits qui expriment l’interdépendance de tous les éléments de vie universelle ; par l’existence d’une Société des Nations, qui malgré ses défauts et les critiques auxquelles elle donne lieu est l’expression de cette interdépendance ; par la nécessité d’agir désormais dans l’économie en tenant compte du marché et des prix mondiaux, dans la politique, en tenant compte d’une action concertée internationale.

V. — ÉLÉMENTS SOCIOLOGIQUES FONDAMENTAUX.

Rappelons les données fondamentales.

L’Humanité actuelle se compose de deux milliards d’hommes, répartis en une soixantaine d’États organisés et autant de nationalités, colonies ou dominions importants. Leur activité s’exerce sur un territoire, la Terre, dont les dimensions sont constantes mais dont les divers lieux tendent à devenir plus proches par suite de la multiplication des moyens de transports et communications et de l’accélération de leur vitesse. La vie collective, continuation des conditions de la vie individuelle une dans sa réalité concrète, se distingue d’après ses fonctions en vie biologique (hygiène), économique, sociale, politique, intellectuelle et morale, spirituelle (H. E. S. P. I. R.). Tous les organismes sociaux (S’ S” S”’), toutes les fonctions de leur vie se sont formées et développées au cours des siècles, tendant sans cesse vers une interdépendance accrue, laquelle constitue en fait la civilisation (somme des Sociétés particulières. Société mondiale ou Humanité [S]). Chacun de ces éléments, leurs rapports deux à deux, trois à trois, n à n, leurs ensembles les uns et les autres, eu égard à la division de l’espace terrestre et à celle du temps (e × t). le tout placé dans la nature et hypothétiquement influencé par des forces extranaturelles Dieu (N + D). Si l’on voulait exprimer en une seule l’équation sociologique de ces divers éléments et de leurs fonctions à l’égard les uns des autres, on aurait à écrire

C’est sur chacun, sur l’ensemble de ces éléments que la prévision sociologique doit porter. Elle n’est qu’un développement du facteur temps (e) qui se divise en passé, présent et avenir. La prévision dans le futur correspond à la constatation dans le présent, à l’histoire dans le passé. Elle représente un des états S dans la série du développement S’(passé), S’’ (présent), S’’’ (futur).

VI. — LES MOYENNES ET LES CYCLES.


a) Il y a environ un siècle, Quetelet, après les « Physiocrates », avant Auguste Comte et Schäffle, composait sa Physique sociale et lui donnait comme fondement l’homme moyen. Il a alors mis en évidence, alors que le même fait, tout en demeurant volontaire tant qu’il est envisagé isolément et individuellement, revêt un caractère de nécessité quand il est envisagé collectivement. (Par ex. les mariages, les suicides, etc.) Ce double aspect d’une même réalité peut contribuer à donner un fondement à la prévision sociologique. La théorie des moyennes fondée sur les grands nombres a donné lieu à toute la structure des assurances.

b) La notion des cycles pénètre plus avant dans la sociologie. Elle repose sur le retour périodique du phénomène. Ainsi le cycle des crises est bien caractéristique, les cycles historiques sur lesquels Bruck et Milliard ont attiré l’attention, les cycles cosmiques auxquels les traditions orientales ont donné expression. Le cycle s’apparente à la physique des ondes. S’il existe à l’état sociologique, il y a possibilité accrue de prévision.

VII. — FINALITÉ PLAN INDIVIDUEL ET SOCIAL.

a) Le problème de la prévision se rattache à celui de la finalité. Il pourrait n’y avoir aucune finalité dans les choses elles-mêmes que l’homme cependant pourrait, dans une certaine mesure, soumettre les choses à une fin. À la finalité qu’il a dans son esprit, sous cette forme, correspond en tout cas le problème de la finalité. Dans la réalité, les notions de but et moyen, cause et effet, sont relatives. Le même fait, le fait du même être peut être considéré à la fois comme but et moyen, comme cause et effet par rapport à un autre fait ou à un autre être. Pour les travailleurs, le travail est le moyen, le salaire est le but. Pour l’entreprise c’est l’inverse, car elle a besoin du travail et c’est un moyen de l’obtenir que de lui procurer un salaire. La finalité sera donc relative et la prévision « y aura-t-il salaire ? y aura-t-il travail ? » pourra être aidé par la connaissance de l’existence de l’une et de l’autre de ces finalités.

b) On entrevoit cette gradation : d’abord le propos personnel, la décision que prend l’individu après l’avoir délibéré avec lui-même. Elle peut aller jusqu’à la forme solennelle de vœux. Ensuite la convention qui lie l’activité de deux ou plusieurs individus. Puis la loi qui rend obligatoire pour tous certaines dispositions. Il y avait autrefois la notion, encore bien vague, d’un droit naturel imposant ses normes au législateur lui-même. Aujourd’hui cette notion va en se précisant et progressant, l’idée du plan devant déterminer la volonté du législateur lui-même.

c) La conception du plan social va en se précisant et en se généralisant. Elle repose essentiellement sur des dispositifs de prévision. Sous d’autres noms, le contenu auquel répond ce terme plan a eu une réalité de tous temps ; les anciens souverains, par exemple, avaient un plan, une pensée qui dirigeait leur règne. Aujourd’hui le Plan Quinquennal et les plans pour le règlement des dettes internationales ne sont plus seuls à être célèbres. Il y a des Plans nombreux, les uns nationaux et généraux, les autres particuliers et internationaux. Aux États-Unis, en ce moment, il n’y a pas moins de 14 plans économiques généraux pour le redressement de l’industrie, de l’agriculture et du commerce. Ces plans impliquent presque tous une mise en œuvre en grand de la prévision sociologique. (Voir notamment le plan de M. Gérard Swepe, Président, de la General Electrique de New York pour l’organisation volontaire des industries.) Le mouvement récent dit de Technocratie donne aussi à la prévision sociologique des occasions de s’exercer en grand. Les Instituts du Palais Mondial (Union des Associations Internationales, Bruxelles), poursuivent les conditions d’établissement du Plan Mondial.[4] Nous n’avons cessé de réclamer ce plan pour les relier tous les uns aux autres et faire face aux nécessités les plus universelles.

Le plan est l’expression de la libre volonté venant opposer un ordre humain à un ordre naturel ou à un chaos social. En un sens, parce qu’il introduit un élément arbitraire dans les faits, le plan éloignerait de la prévision sociale. Mais dans l’autre sens, il s’en rapproche fort, car renversement en quelque sorte du fardeau de la preuve, il suffit avec un plan proclamé et connu de rechercher quelles conditions sont de nature à écarter sa réalisation ou à la faire dévier.

VIII. — CARACTÈRE DE LA PRÉVISION SOCIOLOGIQUE.

a) La prévision sociologique est un phénomène générale dans la sociologie. On la trouve en œuvre dans tout le cycle du travail, dans la production des récoltes naturelles comme dans celle des industries, dans la politique comme dans l’action intellectuelle.

b) La prévision est à envisager à trois points de vue différents. 1° Les phénomènes sont-ils ou non liés les uns aux autres, data et vincula ? 2° Les phénomènes étant liés, est-il possible de connaître ces liaisons et par suite de prévoir les faits conséquents à des faits antécédents ? 3° En outre, est-il possible d’agir sur les faits antérieurs de manière à obtenir d’autres fais conséquents ?

c) Il n’y a pas seulement à déterminer les liaisons des phénomènes ; il faut encore déterminer le rythme général des phénomènes conducteurs qui entraînent les autres. Il faut aussi placer les faits dans leur perspective historique.

d) La prévision sociologique se présente en alternative logico-sociologique : ceci ou cela peut arriver.

e) La prévision est susceptible de probabilité à raison des facteurs en jeu. Il y a l’être actuel, ses possibilités, ses probabilités, la réalité future. Ce sont là quatre étapes de ce que les anciens déjà appelaient le passage de l’être à l’acte. Tous quatre ont à être examinés séparément. Tout le calcul des probabilités (théorie mathématique) est une contribution à la prévision sociologique.

f) La prévision peut être approximative. En matière de travaux, par exemple, les ingénieurs et les architectes introduisent dans leur devis une provision pour imprévu.

g) La prévision sera influencée par les tempéraments des « préviseurs ». Ceux-ci pessimistes, ceux-là optimistes. Comme dans les observations astronomiques, il y a lieu de faire intervenir pour rectification un coefficient personnel.

h) On peut prévoir en deçà, à côté, au delà.

i) Dans la voie du progrès à avenir a souvent dépassé les prévisions les plus optimistes. On peut dire de même de certains maux dont l’immensité des conséquences néfastes a souvent été masquée.[5] Pour la connaissance des situations économiques et pour leur prévision, on a établi un système d’indices qui se complètent les uns les autres. Mais leur interprétation requiert de la prudence, des nuances, une analyse pénétrante, la connaissance de la composition de la masse observée. Il y a lieu de tenir compte de toute la théorie des facteurs en cause.

Il existe une science des affaires. Elle peut se fonder sur des observations précises et bien interprétées. L’interprétation s’appuie d’ailleurs sur des analogies avec les phénomènes du monde organique. Il y a lieu de procéder à une classification des mouvements observés, à leur théorie explicative, à la critique des théories en présence. On est amené à distinguer les changements de la structure organique des oscillations quasi périodiques.

Des organismes ont été voués à l’observation et à l’analyse de ces mouvements. Il importe d’examiner avec grand soin l’état des prévisions faites par les instituts et de les comparer aux événements qui ont suivi.[6]

A. Les indices des prix, c’est-à-dire les taux auxquels s’effectuent les transactions sur les divers marchés sont des éléments de prévision. Ils ont l’avantage d’avoir des oscillations amples et assez régulières, tandis que les indices quantitatifs concernant les mêmes marchés, ont

des oscillations générales, souvent obscurcies par des mouvements de détail, des heurts sans importance et sans signification. Ces indices sont établis rapidement. Les indices des prix au sens large comprennent :

1° L’indice du cours des actions en bourse. Il est le plus sensible de tous aux influences économiques profondes.

2° L’indice des prix de gros.[7]

3° L’indice du taux de l’argent sur le marché libre. Il faut l’interpréter en ce sens que les taux montant en temps de prospérité sont un avertissement annonçant d’abord la baisse et la spéculation, ultérieurement la baisse des prix. L’argent doit rester bas.

4° L’indice des prix de détail et l’indice du coût de la vie. Ils n’ont pas un but de prévision, puisqu’ils se meuvent toujours en retard sur les principaux indices économiques. Mais ils servent à des comparaisons avec d’autres éléments.

B. Les indices de la production industrielle réunissent tous les éléments statistiques disponibles relatifs à la production, le tout combiné en un indice pondéré. Les prix de la sidérurgie, par exemple, sont toujours en rapport avec ceux de la production industrielle en général.

C. Les indices quantitatifs indirects permettent d’englober l’ensemble de toutes les activités, mais ils ne constatent que par truchement. Ainsi, par exemple, les statistiques de transports par voie de terre.

D. Le marché du travail. — Les données relatives au chômage sont en retard de quelques mois sur les variations de la production ; les offres et demandes d’emplois reçues par les bourses officielles du travail sont annonciatrices de crise et de reprise.

E. Le commerce international. — La balance commerciale. Mais il y a de nombreuses causes d’erreurs à raison de la différence des quantités et des valeurs, la marge due à la fraude, etc. Toutefois on cherche à dégager les grandes influences en œuvre par des groupements appropriés de marchandises principales.[8]

S’il y a la prévision basée sur le déterminisme naturel ou sur un plan humain, il y a aussi l’imprévisible dans la nature et chez les hommes. L’œuvre des hommes placée dans la vie y provoque l’éclatement et l’explosion. Il y a les éclatements continus, précipités, accélérés des événements modernes, remue-ménage puissant de la vie qui se manifeste à nous par ces médiums les inventeurs. (Le Corbusier.)

Il faut donc noter avec le plus grand soin, dans les inventions et les idées, ce qu’elles apportent de différencié, de neuf, ce qui pourra être un élément de progrès dans des combinaisons de demain. Renonçant à suivre la ligne de l’évolution dans l’avenir. Clémenceau a dit : « De tout ce que l’on peut prévoir arrivera ce qu’on n’a pas prévu. »

La connaissance est la genèse des choses. Leur génétique est une base première pour la prévision. Du passé peut se déduire une partie de l’avenir, pourvu qu’on y fasse intervenir les facteurs de transformation et modification.

Information, prévision, intervention sont trois termes sériés. Information d’abord : recherches, explorations, études, enseignement, diffusion, documentation. Prévision ou raisonnement ensuite. Intervention ou action enfin. L’intervention est chose difficile, délicate ; elle doit être précédée de l’information, de l’exploration détaillée et méthodique sous peine de n’aboutir à rien ou même d’arriver à des effets contraires à ceux qu’on peut en attendre.

X. — LES BOURSES ET MARCHÉS.

La bourse aux valeurs et les marchés organisés en bourse, spécialement ceux des marchandises, sont incontestablement des instruments de la prévision sociologique.

Les faits de tous ordres viennent y retentir sur les prix. Les bourses pourraient être des baromètres de la prévision sociologique si elles étaient bien organisées : maximum d’information, maximum de raisonnement, maximum d’affaires, maximum de liberté.

La bourse met en action la loi de l’offre et de la demande. On peut se la figurer comme une balance dont les plateaux incessamment chargés de faits, pourront à la hausse ou à la baisse, déterminer la position de l’aiguille. Le rôle fonctionnel de la bourse est de prévoir, puisqu’elle agit selon ses prévisions en achetant ou en vendant. La bourse ne s’attarde pas à se lamenter sur un présent qui devient aussitôt le passé, mais cherche à pressentir l’avenir. Elle ne spécule pas sur ce qui ne sera plus, mais sur ce qui pourra être. La bourse, placée devant de grandes conjonctures générales, doit chercher à tracer par prévision les résultats. La solution du problème est une probabilité incessante. Les capitaux, devant l’instabilité, cherchent des refuges dans les actions, les obligations, la thésaurisation, dans les valeurs industrielles, dans les terres, dans les œuvres d’art.

Les index des prix donnent leurs chiffres en des périodes de plus en plus courtes. Les bilans des grandes banques qui autrefois se publiaient annuellement, se publient tous les mois, toutes les semaines, les chiffres en étant même connus des dirigeants tous les jours. Le volume des titres transactionnés à la bourse de New York est marqué à quatre heures différentes de la journée ; les cours des bourses sont enregistrés d’une manière continue, l’index des prix des princpales marchandises américaines est relevé et publié jour par jour.

XI. — LES MÉTHODES DE PRÉVISION.

On a mis en œuvre diverses méthodes de prévision dans la spéculation boursière et dans les calculs des conjonctures économiques.

La spéculation raisonnée est le résultat d’un travail intellectuel méthodique. La spéculation sur marchandises tout en étant plus complexe que celle des marchés boursiers, offre plus de chance de réussite. Il est possible à un opérateur isolé de posséder la documentation complète et de suivre constamment les éléments lui permettant de se faire un jugement sur l’orientation future du marché des matières.

XII. — LA PRÉVISION DANS LES AUTRES DOMAINES DE LA SOCIOLOGIE.

Mais il n’y a pas seulement la prévision économique. Il y a celle en tous les domaines énoncée dans l’équation fondamentale formulée au paragraphe V. Il faut bien reconnaître que devant les interrogations les plus importantes pour notre vie individuelle et collective, nous sommes encore placés devant le nom du hasard. Sera-ce la guerre ou la paix ? la dictature, autoritaire et cruelle ou le régime de liberté organisée ? la révolution communiste ou une société reposant sur le fondement de la justice sociale ? Angoissants problèmes.

L’Économie de l’Europe au XVIIIe siècle n’aurait pas été affectée de mouvements cycliques, constatables au XIXe, mais déjà au XXe il s’agit d’altérations de structure et de formation de structure nouvelle. Ceci indique l’accélération actuelle du rythme. Il y a des moments où le développement est plus ou moins rapide, des pays où il est accéléré ou bien retardé par rapport aux autres. On observe des à-coup dans la diffusion des inventions, dans l’adaptation de l’industrie au progrès de la technique, dans l’extension du travail humain, etc. Cependant depuis plusieurs siècles, le mouvement économique semble avoir suivi une direction relativement uniforme. Par l’observation de ce mouvement, soit dans les prix des marchandises, soit dans les cours des effets publics, soit dans l’importance de ces effets ou dans l’activité productrice, on voit s’y superposer des oscillations parfois concordantes et à ce titre capables d’agir fortement sur les conditions de l’existence.[9]

Au siècle dernier dominaient les théories mécanistes. Les faits économiques élémentaires, les impulsions qui leur donnent naissance semblaient analogues à ces particules de la matière inanimée dont les mouvements indépendants et désordonnés soumis au principe d’égalité entre l’action et la réaction, s’orientent sous l’effet d’actions extérieures, relevant du même principe. Maintenant on est amené à considérer les relations qui déterminent le mouvement économique comme plutôt analogues à celles qui interviennent dans le monde organique, végétal ou animal. Ici les parties composantes sont étroitement liées, de plus les actions extérieures jouent simplement le rôle d’excitants, les réactions étant autonomes et capables de rester en deçà ou d’aller au delà des excitations.

Par suite on distingue dans les mouvements économiques ce qui tient à la structure, à l’organisation de l’économie, et ce qui tient aux changements de formes oscillatoires, étendues à quelques années, ce que l’on peut désigner sous le nom de cycle d’affaires (business cycle) ou cycles commerciaux comme les appelait Juglar.

« La spéculation sur matière est une science. »[10]

À longue échéance, la bourse est inexorablement logique et les tendances annuelles ne peuvent être modifiées ni par des artifices, ni par des truquages grossiers, ni même par des mesures restrictives troublant les règles du jeu. Les campagnes de presse, les articles tendancieux, les placements par subterfuge, la diffusion d’illusions sont des expédients de durée limitée.

Dans le calcul des conjonctures, les économistes sont d’accord pour découvrir dans les séries statistiques des éléments qui précèdent quasi invariablement les séries se référant aux cours des actions et à l’activité boursière.[11]

Il y a les méthodes utilisées par la Standard Statistic Company, la Babson Statistical Organisation, la Moody’s Investor Company, la Brookmire Company, la National City Bank, la Harvard Economic Society. La méthode des rendements probables de Jean Dessirier qui semble dépasser les autres méthodes.

Les méthodes allemandes de la conjoncture sont d’un intérêt scientifique plus grand que celle de l’Université d’Harward.[12]

Il existe dans le domaine spéculatif des méthodes d’intérêt scientifique réel et d’application pratique certaine. Ainsi il existe pour le coton, matière spéculative par excellence, des méthodes mathématiques permettant avec une approximation très suffisante de prévoir le facteur fondamental de la récolte future, c’est-à-dire la surface ensemencée probable. L’erreur type est relativement faible. Cette prévision se formule plusieurs mois avant que le planteur lui-même n’ait pris de décision et en tout cas antérieurement aux préparatifs d’aménagement du terrain. Elle est basée sur l’examen des contingences qui influencent, par leur aspect et leur comparaison avec la conjoncture antérieure, la décision du planteur (méthode imaginée par Roger Baudy. La prévision du prix du coton américain, Epinal, 1930.)

La méthode des graphiques par vecteur, confectionnés sur des échelles logarithmiques est appliquée à la prévision boursière d’un mouvement. L’irrégularité constante du mouvement isolé des valeurs, chacune prise à part. masque l’existence d’une relation presque constante dans les mouvements généraux alternés de hausse et de baisse successives.

Le mouvement comme l’état des affaires à un moment donné résulte d’un grand nombre de facteurs pour la plupart liés entre eux, et dont l’analyse a fait l’objet de nombreuses théories, il y a de l’analogie entre l’étude des courbes des affaires (conjoncture) et l’étude des écritures. Pour ces dernières, on a vu la graphologie, art tout conjectural, effort charlatanesque au début, s’élever au rang de véritable science, celle « de l’interprétation psychologique de mouvements physiologiques ». Dans ce qui, à première vue, paraît le plus personnel, le plus intellectuel, le plus volontaire, l’écriture, on a mis en évidence les jeux de l’inconscient. Ainsi les études de la conjoncture devenues passionnantes par ces temps de crise ont mis à nu des mouvements qui reflètent les réactions profondes et le caractère de l’organisme social tout entier.

XIII. — INSTRUMENTS GÉNÉRAUX POSSIBLES POUR LA PRÉVISION.

Cinq grands instruments de création relativement récente eu égard à l’ampleur qu’ils possèdent actuellement, peuvent permettre d’aborder avec plus de chances de succès les problèmes de prévision.

La Statistique. — Elle emplit de ses tableaux de grands recueils sans cesse accrus en nombre, tenus à jour et perfectionnés quant aux méthodes. Elle tend à devenir comparable dans le temps, l’espace et les choses ; elle se simplifie par ses moyennes, ses proportions, sa figuration, par des courbes. La machine y œuvre en grand en sociologie. À côté de la statistique traitant de leur masse et de leur grand nombre il y a en sociologie les constantes numériques qui se formulent à la manière des constantes physiques et techniques.

Les Instituts de Conjoncture. — Leur personnel penché sur la crise serre de plus en plus près les méthodes de prédiction.

La Comptabilité. — Elle a créé un ensemble de méthodes et de cadres où les expressions numériques d’un même organe trouvent à s’exprimer dans toute leur réalité mouvante et changeante. Le système budgétaire la complète en ce qu’il donne le moyen d’un contrôle permanent des écarts entre l’état réalisé et le but recherché.

La Mathématique. — Le notion de fonction s’est amplifiée et généralisée jusqu’à rendre possibles des équations immenses pour embrasser et définir des ensembles de plus en plus étendus. Les équations déjà merveilleuses de l’ancienne mécanique céleste se sont étendues jusqu’à celles de l’Univers d’un Einstein. N’est-on donc pas autorisé à demander aux mathématiciens un effort pour présenter une équation de l’ensemble des phénomènes qui portent nom société. Déjà le calcul des probabilités ne réalise-t-il pas un effort pour approcher de certaines prévisions sociales. (Par ex. dans les assurances, domaine de l’Actuariat.)

Les efforts théoriques et pratiques de statisticiens mathématiciens se sont concentrés dans l’établissement en commun de tables dressées d’après les considérations de mathématiques transcendantes, mais d’une portée toute pratique, soumise par conséquent au contrôle permanent de la réalité vivante. Aux tables de mortalité toujours perfectionnées sont venues s’ajouter les tables de morbidité (Neison, Kinkelin, Moser, Jansen) et les tables d’invalidité (Heym, Zeuner, Behn, Caron, Office impérial du Reich, Office de Strasbourg). Il y a maintenant toutes les études mathématiques des associations biologiques luttant pour leur propre existence et qui ouvrent à la sociologie de nouvelles perspectives. La théorie de la variation, de la croissance, de la régénération, de l’hérédité mendéléenne, les travaux de l’école biométrique anglaise sur l’anthropométrie, la craniométrie, l’hérédité galtonienne, les études de Volterra qui sont à la limite de ce qui se passe lors des luttes quasi périodiques entre les collectivités humaines à la recherche de pâture économique.[13]

Le processus est celui-ci.

Toutes les données sont mesurées d’abord empiriquement par la statistique. Avec les nombres sont construits des courbes. À ces courbes est fait application du calcul mathématique de l’analyse.

Le calcul des corrélations a pris de nouvelles avances. Il repose sur les notions, elles-mêmes plus développées du calcul des probabilités, des lois de répartition, des liaisons fonctionnelles et stochastiques, de la méthode des moindres carrés, du calcul différentiel, du problème de l’ajustement. Le calcul des corrélations lui-même établit des méthodes pour déterminer les coefficients par lesquels se mesure la dépendance. De la corrélation linéaire il passe à la corrélation multiple linéaire et s’élève à la mesure de l’influence totale de toutes les variables indépendantes sur la variable dépendante, il mesure la part en elle de chaque coefficient.[14]

Les méthodes se perfectionnent : celles de l’analyse, celle de la représentation par des courbes, celles des méthodes d’interpolation et d’ajustement (analytique, mécanique, trigonométrique, graphique) ; toutes les méthodes relatives à l’étude des phénomènes oscillants.

La Documentation. — Les faits sociaux sont décrits de plus en plus complètement dans le vaste ensemble des publications qui paraissent continuement. La documentation tend à collectionner et organiser systématiquement les faits à l’intervention des documents : ses principes et ses méthodes tendent aussi à s’appliquer aux faits concernant les administrations et à s’organiser en vastes répertoires et dossiers (documentation administrative). Il y a là des sources abondantes pour la prévision. La condition de la prévision est la possession de toutes les données. Il faut donc dans le domaine sociologique procéder pour ces données à un enregistrement de plus en plus complet, détaillé, rapide.

Les sciences nous offrent des exemples d’inventaires immenses qui devraient inspirer et encourager la sociologie. En astronomie, 18 observateurs du monde travaillent à établir photographiquement une carte du ciel qui fixera en ses 2000 planches les images de 50 millions d’étoiles. Ce travail a été reconnu nécessaire pour établir par déduction les mouvements propres d’un grand nombre de petites étoiles et par déduction subséquente des notions nouvelles et meilleures relatives au mouvement solaire, la détermination de divers courants stellaires, la contribution aux problèmes concernant la distribution des étoiles dans l’espace et la densité de cette distribution.

En géologie, tous les services officiels du monde, après avoir procédé au relevé de la géologie de leur pays respectif et tout en continuant à en perfectionner le détail, ont conduit à la représentation de la croûte terrestre en son entier. Depuis des millénaires les géographes travaillent à la détermination de tous les points de la surface de notre planète, et la carte de la terre au millionième va synthétiser ces travaux.

L’exploration de la mer et la détermination du fond des océans ont donné lieu à la carte bathymétrique.

L’histoire naturelle tend à présenter un inventaire, une description et une classification des trois règnes de la nature, des centaines de mille minéraux plantes et animaux. Leur identification a du précéder toutes études générales de biologie explicative, tout essai d’établir en une loi unique l’évolution et le développement des êtres.

XIV. — ORGANISATION DE LA PRÉVISION SOCIOLOGIQUE.

La prévision sociologique doit être systématiquement organisée. Elle doit comporter notamment les points suivants :

1° la détermination des faits indices, leurs caractéristiques et les formules exprimant leurs corrélations ;

2° l’observation de ces faits ;

3° l’enregistrement et la documentation de ces faits (faits exposés en forme documentaire requise pour leur manipulation ou traitement ultérieur) ;

4° la concentration des faits dans des instituts spécifiés, qualifiés à cet effet (instituts de prévision sociologique) ; 5° le calcul des données selon les formules de corrélation et l’établissement des prévisions ; 6° la réunion de toutes les données en tables de prévision constamment tenues à jour, soumises à révision constante, et largement publiées ;

7° le droit égal des intéressés à connaître les résultats des calculs de prévisions sans faveur ni exclusion (publicité).

La possibilité pour les intéressés de recevoir communication des données les plus récentes, soit sur place, soit par correspondance, soit par téléphone même, pour celle des données à modifications très rapides. (C’est le régime aujourd’hui des prévisions météorologiques sur le champ d’aviation.)

XV. — ENQUÊTE SUR LA PRÉVISION.

Une enquête impartiale sur la prévision sociologique mettrait à jour bien des faits. La vie courante oblige constamment nombre de personnes, dans des situations très différentes, à tenir pour probable la venue de tel ou tel fait en se basant sur l’existence de tel ou tel autre, à pratiquement l’escompter. Combien de fois l’événement est-il survenu, combien de fois s’est-on trompé ? Hommes politiques, financiers, industriels, agriculteurs, ont leur vie largement fondée sur la prévision. Des tables de faits en deux colonnes seraient à recueillir. Qui a prévu la grande guerre, les guerres subséquentes, la crise, les événements de Grande-Bretagne, d’Allemagne, d’Italie, de Russie, des Indes, de la Chine ? Au contraire combien de prédictions ne se sont pas réalisées : guerres annoncées et évitées, reprises des affaires attendues et retardées. La délégation de l’or à Genève, après étude, concluait il y a quelques mois, qu’on ne pouvait guère espérer raisonnablement que des mines importantes soient encore découvertes et voilà que semblable découverte provoque un rush sur les mines d’or et les valeurs aurifères !

XVI. — INSTITUT INTERNATIONAL DE CONJONCTURE.

Un institut international de conjoncture doit être créé. On ne peut livrer les marchés aux manœuvres des mieux informés, exploitant l’ignorance ou l’information retardée des autres. On a eu à Harvard le cas d’un professeur, chassé de l’Université pour avoir favorisé des recherches de l’Institut de Conjoncture certains groupes financiers. L’Institut International d’Agriculture de Rome doit sa création à la nécessité de mettre en commun les statistiques du blé et c’est au même moment que l’indice du blé est communiqué à tous les délégués des États. À Genève, on s’est préoccupé de l’effet des fausses nouvelles sur les manœuvres politiques. Il faut arriver à lutter aussi contre la fausse information économique.

XVII. — AU DELÀ DE LA PRÉVISION.

Au delà de la prévision, il y a son utilisation pratique. On a proposé de corriger les divergences inhérentes à la société économique par une économie concrète qui utiliserait les méthodes de prévision au bénéfice de la collectivité. Ici nous touchons au fond des systèmes. L’économie dirigée, disent les socialistes, ne peut utiliser les prévisions économiques parce qu’elle ne peut se fier aux réflexes des chefs d’entreprise orientés par le seul « monétarisme psychologique » qu’a mis en lumière Simiand. Il faut une discipline générale de la production appuyée sur la socialisation des entreprises. De simples conseils n’y sauraient suffire.

Au stade ultérieur, on imagine des institutions opérant quasi automatiquement les adaptations et redressements de la réalité. La technique en a déjà su réaliser dans le domaine physique. Le pilote « Robot » installé à bord du grand monoplan « Fairy Mystery » qui a réalisé le record de distance en ligne droite de 8,592 km., ce pilote mécanique, basé sur le système gyroscopique, a permis aux deux pilotes de ne point s’occuper de la direction pendant plusieurs heures, même quand les conditions atmosphériques étaient anormales. Est-il défendu de concevoir que la société possédera un ensemble d’institutions d’adaptation rapide réalisant en son sein des fonctions d’équilibre analogues à ceux de ces pilotes automatiques en aviation ?

Les frères Guillaume y ont conclu dans leur ouvrage Les fondements de la science économique.

Exemple de ces institutions adaptées : On a lancé en France l’idée d’un budget cyclique. L’idée repose sur le fait que le budget monopolise une part de plus en plus grande des ressources nationales, puisque son équilibre dépend des lois du rendement de l’économie générale. Le budget cyclique s’étendrait à tout un cycle industriel, embrassant les quatre phases successives de crise, dépression, essor et prospérité. Il présenterait, sur un simple budget annuel, l’avantage de comprendre des années de hausse et de baisse, les plus values des premières compensant les moins values des secondes.

XVIII. — CONCLUSIONS.

Des faits et des considérations qui viennent d’être présentés on est fondé à tirer ces trois conclusions :

I. — Il est désirable de voir organiser la prévision totale, c’est-à-dire la prévisoin sociale s’étendant à tous les domaines de la société.

II. — À cet effet, il y a lieu de poursuivre les études théoriques sur la prévision sociologique et d’instituer une enquête permanente à ce sujet.

III. — Pratiquement il est désirable que soit fondé un grand Institut Mondial de prévision sociologique reliant les travaux de tous les instituts actuels de conjoncture, mis en connexité avec un Institut du Plan Mondial qu’il y a lieu également de créer, en s’aidant de tout ce que peuvent apporter la statistique, la comptabilité, la mathématique, la documentation dans les domaines desquels ont déjà été créés des Instituts Internationaux.[15]

II

Le Plan mondial



BILAN, BUT ET PLAN.
L’IDÉAL ET LES DESTINÉES HUMAINES.
LE MONDE DE DEMAIN.


Observations préliminaires.

1. Un Plan mondial est à établir et à tenir à jour.

2. En principe, le plan doit s’étendre à l’ensemble des éléments et facteurs analysés dans l’étude du Monde, soit pour les modifier, soit pour les utiliser. Il est en fonction de la formule générale, cette formule où l’indice p correspond au point de vue plan (réforme, transformation, action systématique sur les facteurs).

3. L’idée de plan n’est pas entièrement nouvelle, pas plus que l’idée d’organisation ne l’était au jour récent où on l’affirma. Il y a eu plan dès qu’il y eut programme et projet. Mais le fait d’affirmer son importance, d’en faire une pièce maîtresse de l’ensemble à organiser, cela est neuf et doit maintenant s’affirmer dans la réalité sociale.

La guerre fut la destructrice arbitraire de toute chose. Après elle il fallut reconstruire (les plus avancés dirent construire). Ce fut l’époque de l’organisation ; celle-ci se poursuivit, soignée dans chaque aire qu’elle choisit pour son action, mais dans le désordre et la lutte des diverses organisations entre elles. Peu à peu la pensée s’éleva jusqu’à la nécessité d’un ordre mondial universel et d’un plan pour l’établir.

4. Longtemps réfractaire ou indifférente au plan, l’opinion s’y intéresse maintenant de plus en plus. De multiples plans particuliers voient partout le jour.

Les résultats obtenus dans les pays et dans les domaines où le plan a été instauré, en indiquent les possibilités et les avantages. Ils indiquent aussi la nécessité d’action synchronisée et corrélative s’étendant à tous les éléments de la vie à concevoir comme un ensemble organique des sociétés.

5. Le plan, création humaine émanant de l’intelligence et, partant, de la considération des choses vue de leur sommet, s’oppose à la vie sociale spontanée et contradictoire résultant de poussées d’en bas. Il s’oppose surtout à la fantaisie laborieuse et dommageable due en grande partie à l’ignorance, l’incompétence, l’insouciance, le laisser aller, la paresse.

Le plan d’une civilisation dirigée est justifié par la complexité croissante de la société et la division à l’extrême du travail ; l’accélération des mouvements, l’instabilité qui s’en suit, avec toutes ses répercussions, l’opposition des structures anciennes aux adaptations rapides de faits nouveaux, la part grandissante de l’intelligence et de la rationalisation dans toutes les activités.

Le plan donne un but et une signification à la vie collective, un moyen d’accroissement, une ratio vitae à la vie individuelle ; aux vues successives et contradictoires, il substitue des vues d’ensemble.

6. La science donne les connaissances sur ce qui est ; la critique met en lumière les lacunes et les défauts ; la technique offre les moyens possibles, le plan indique ce qui est désirable et considéré comme l’idéal vers lequel il faut tendre ou comme programme pour l’action immédiate.

À un certain point de vue, le plan peut être tenu comme l’expression d’un ensemble de standards ou étalons offrant, pour la conduite sociale, des objectifs, des directives, des principes d’action, des moyens de mesures, des critères pour le jugement des valeurs. À défaut de buts précis doivent être indiqués des principes et des directives.

7. Le plan est la création d’un ordre. Il se développe en trois phases : conception idéologique ; expression de volonté commune ; réalisation dans les faits. Il peut donc être distingué en plan de principe, plan d’exécution, plan de réalisation.

8. Le plan mondial a une valeur théorique en soi. Déjà sa formation et sa proclamation peuvent agir utilement sur les esprits et par eux sur les choses. De toute manière, la réalisation mondiale est en soi plus importante que le plan lui-même, que cette réalisation puisse s’obtenir de soi ou avec l’aide du plan.

9. Le plan est dit mondial et non international, parce qu’il part de l’idéal et des besoins se rapportant au tout (Humanité, Terre) considéré dans son unité, au lieu de partir de la simple coordination internationale des forces existantes.

10. Le plan mondial implique : a) qu’il y ait au sommet coordination entre les plus grands organismes et complexes d’intérêts ou d’activités (or ceux-ci sont déterminés par leurs facteurs propres indépendants) ; b) qu’il y ait, à la base, une transformation (locale ou nationale), une véritable transformation dans le sens d’une reconnaissance du fait mondial et d’une orientation vers la collaboration mondiale.

11. En principe, quant à son objet, le plan est général et porte sur tous les domaines, ou il est spécial et ne porte que sur un domaine particulier. Quant à sa sphère d’extension, le plan est individuel, local, régional, national, international, continental et mondial. Du plan mondial dérivent les principes fondamentaux du plan national, régional et local.

12. Le plan est fonction des buts d’une part, des moyens existants d’autre part. Il tend à une organisation rationnelle et efficiente. Comme tel, il envisage les divers domaines, les instituts, les personnes, les organismes et les liaisons entre tous les éléments.

13. L’élaboration du plan mondial est à confier à une institution centrale divisée en sections correspondantes à ses diverses parties. Le plan mondial sera largement concentration, coordination et codification des résolutions des associations internationales les plus avancées.

14. Dans son exécution, le plan donnera lieu à un bilan mondial permanent. Ce bilan doit permettre par le jeu des statistiques intégrales et des coefficients, de se rendre compte à tout moment et des caractéristiques sociales et du degré d’approche ou d’éloignement des objectifs sociaux proposés par le plan.

15. Le plan sera sujet à constante révision. Il doit pouvoir être assez souple pour subir les modifications constantes requises pour s’adapter à la position changeante des problèmes concrets.

16. Le plan qui suit est un schéma ; il est limité aux points généraux ; l’élaboration détaillée doit être continue. Pour certains développements, il est renvoyé du plan ci-après aux développements donnés au cours de l’ouvrage.

C’est un plan non pas de ce qui est et qu’il faudrait combiner comme ordre international, mais un plan de ce qui est préfiguré : utopique en conséquence (u-topos, ce qui n’existe nulle part), plan ayant déjà la vie de ce qui, — logiquement vrai, esthétiquement beau, moralement bon —, s’impose aux esprits ; à l’encontre des desiderata d’autres plans, minuscules, égoïstes ou néfastes, la vie dans le monde interational actuel ne valant guère, pour les humains, d’être vécue.

Le Plan.


0. En général.

But : pour une civilisation universelle ; contre les désordres, les gaspillages, les luttes et l’inefficience. — Principe : le bonheur de l’homme posé en fin en le conditionnant à la fois par la solidarité entre tous les moments de la vie individuelle, le respect de la coexistence des semblables dans la société, la continuité de l’Humanité dans la suite des générations. — Moyen : en toutes choses et toujours rechercher le développement individuel et collectif dans le sens de la grandeur et de l’exaltation humaine ; se proposer l’unité de vue, l’harmonie et la coopération ; en conséquence combattre les isolements et les séparations, combattre aussi les antinomies dans la connaissance, les antipathies dans les sentiments et les oppositions dans l’action.

1. Plan territorial.

Pour les grandes tâches humaines, toute la terre considérée comme une seule unité, fractionnée en sous-unités qui soient les nations ou les divisions propres aux grandes fonctions universelles. Inventaire et mise en valeur coordonnée des richesses naturelles du globe et de ses conditions physiques. Aménagement rationnel de l’ensemble des territoires (urbanisation étendue aux limites du monde). Les pouvoirs nationaux tenus pour simples dépositaires des territoires, la terre entière étant le domaine collectif de l’Humanité.

2. Plan démographique.

La population, les hommes tenus pour facteurs essentiels et leur double destinée, individuelle et de masse, assignée comme fin dernière à toute organisation. L’accroissement de la population mis en corrélation avec l’organisation des territoires et de la société. Le développement de l’homme recherché dans son intégralité.

3. Plan hygiénique.

But : pour la santé et l’épanouissement des forces du corps ; contre la maladie, la dégénérescence, la sénilité et la mort précoces. — Principe : respect inconditionnel de la vie humaine. — Moyens : établissement des hôpitaux, cliniques et services de santé ; transformation ou destruction des centres d’infection, aménagement rationnel des villes, des lieux de travail, de séjour et d’habitation.

4. Plan économique.

But : pour la prospérité ; contre l’instabilité génératrice de crise et de misère. Satisfaction donnée aux besoins matériels élémentaires sur la base du minimum de vie (nourriture, vêtement, logement, chaleur, lumière). — Principe : conquête croissante des forces de la nature et leur soumission au contrôle de l’homme. Rationalisation et efficience généralisées. Économie ayant à sa base l’usage par l’homme et non le profit. — Moyen : élargissement, au degré mondial, du principe de la division universelle du travail et de l’économie. Les organisations nationales en toute matière étant prolongées au dehors des frontières et rattachées à l’organisation mondiale. Un plan mondial particulier organisant leurs éléments fondamentaux pour chaque branche de la production, de la distribution et de la consommation.

5. Plan social.

But : pour la justice, contre l’injustice. Mise de chacun à même par son travail de diriger, d’avoir une part des biens naturels et de la production mondiale. — Principe : distribution proportionnée aux besoins réels. — Moyen : protection du travail, institutions sociales d’assurance et de compensation.

6. Plan des loisirs et amusements.

But : pour une utilisation rationnelle et élevée des loisirs ; contre l’abrutissement des masses par de bas plaisirs et amusements. — Principe : unité et harmonie de la vie. Les amusements, à l’instar des jeux pour les petits, tenus comme moyens d’intéresser aux activités à résultats plus importants. — Moyens : minimum de distractions variées et choisies ; contact avec la nature ; vacances et voyages internationaux.

7. Plan politique.

But : pour la liberté et la paix ; contre l’oppression et la guerre. Assurer à chacun l’intégrité et la sécurité de sa personne, de son honneur, de ses biens et de ceux de sa famille. Assurer corrélativement des droits à la collectivité, représentant l’ensemble des hommes et des femmes. — Principe : le droit des uns finit où commence le droit des autres. — Moyen : fédération mondiale fondée sur une constitution mondiale à établir par une constituante mondiale ; transformation en ce sens de la Société des Nations.

Codification du droit international sur les bases : la guerre crime contre l’Humanité ; les conventions librement acceptées, scrupuleusement respectées, adaptées par procédure de révision ; au-dessus des conventions, la loi mondiale proclamée à la majorité des trois quarts. Etablissement d’un Centre-Cité mondial, organisation d’un système coopératif de force armée. Formation d’une opinion publique s’intéresant aux choses internationales et capable d’exercer sur elle un jugement critique et constructif. Financement des activités de l’économie et de la culture mondiale, une proportion des dépenses publiques y étant obligatoirement affectée.

8. Plan culturel.

But : pour la vérité, le progrès de l’intelligence, la culture et l’unité de conception du monde ; contre l’erreur, l’ignorance, la barbarie et le spécialisme isolé. — Principe : élévation constante des esprits, des cœurs et des volontés ; primat des biens culturels dans la société. — Moyens : assurer au maximum son développement intellectuel et moral à tout individu ; liberté de penser, de s’exprimer, de se réunir. Placer les domaines de la culture eux-mêmes en état de pouvoir se perfectionner et progresser. Science et synthèse croissante : plan intellectuel s’étendant à la recherche scientifique et à l’invention ; à l’enseignement et à l’éducation ; à l’information et à la documentation ; à la Presse et les publications, aux arts et aux lettres ; action morale. Établissement d’un secteur de la vie intellectuelle et morale publique et d’un secteur de la vie intellectuelle et morale privée. Distinction dans l’organisation internationale des fonctions intellectuelles des organismes (associations internationales et congrès), des intellectuels eux-mêmes (droits et protection).

Effort mondial pour organiser la science ( concentrer, coordonner, systématiser), pour simplifier les données du savoir, pour perfectionner l’instrument des recherches et faciliter la transmission des connaissances. Plan concerté en commun pour les recherches et les inventions à faire. La science assurée de la liberté quant aux systèmes, aux influences politiques et aux intérêts financiers. La coopération constante à la solution des problèmes techniques (indication de nouveaux besoins, de nouvelles manières d’y satisfaire). Système d’éducation mondiale déterminant le nombre minimum d’écoles relativement à la population, les matières minimum et notamment les données d’histoire et de sociologie à enseigner. Système d’unification minimum : poids et mesures, standardisation, calendrier, alphabets, langues. Réseau universel d’information et de documentation.

9. Plan religieux.

But : pour la spiritualisation et l’élévation ; contre la superstition, les formes religieuses inférieures et la matérialisation de l’être humain. — Principe : liberté et tolérance universelle en matière de religion. — Moyens : rechercher ce qui unit et non ce qui divise ; préserver l’être inférieur contre la dissipation ; réaliser la communion des esprits dans les principes les plus élevés ; développer le sentiment cosmique de l’existence.



III.

Constitution mondiale


Toutes les sociétés organisées sont fondées sur une constitution. La S. D. N. doit avoir la sienne. Elle est fondée aujourd’hui seulement sur un Pacte qui se borne à créer des organes mais ne définit ni droits ni obligations des membres, ni attributions, tâches et plans. Une Constitution Mondiale peut seule aider à sortir le monde de l’état de trouble et de confusion où il se débat. L’Église se présente aux fidèles et aux gentils nantie de la thèse d’une main, l’hypothèse de l’autre. Ainsi tous savent ce qu’elle veut et à quoi elle travaille. Ses compromis s’éclairent à leur lumière. Ainsi la S. D. N. doit avoir sa thèse, quitte à transiger selon les hypothèses. Le présent projet est formulé en termes de thèse pour servir à préciser les hypothèses. Il est la mise au point 1934 du projet publié par l’auteur en 1917. (Constitution mondiale de la Société des Nations.)



A. — FÉDÉRATION MONDIALE.

I. — Société des Nations.

La Société des Nations sera régie désormais par les dispositions de la présente Constitution. Elle est déclarée organisation supérieure à toutes les organisations politiques, économiques, juridiques et sociales existantes. Elle a pour objet de régler dans un esprit d’ordre universel les intérêts généraux communs à toute l’Humanité.

Elle constitue la Fédération mondiale, organe suprême de l’ordre nouveau.


B. — ÉLÉMENTS DE LA VIE MONDIALE.

II. — États.

Les formations politiques érigées actuellement en États sont maintenues, mais dans toutes les matières touchant à l’ordre mondial, elles auront à se conformer aux lois et décrets de la Société des Nations. En outre sont déclarés autonomes et faisant l’objet d’organisations d’État, soumis aux mêmes droits et devoirs internationaux que les États existants les nations suivantes (ici l’énumération). Les Juifs et les Arméniens jouiront d’un territoire national dans les mêmes conditions.


III. — Minorités nationales. Nationalités. Sont assurés partout aux minorités nationales les droits Conférés à certaines d’entre elles par les traités de 1919.


IV. — Individus et associations.

Sont Droits Universels de l’Homme, des Associations et des Groupements, les droits et obligations des Personnes et Associations qui sont inscrits dans les actes suivants :

a) dans au moins trois des Constitutions Nationales actuelles, celles des États-Unis, d’Argentine, de France, d’Allemagne, d’Italie, d’Égypte, de Turquie, de Chine, du Japon et d’Australie ; b) dans au moins trois déclarations ou traités internationaux ayant moins de trente années de date et conclus entre au moins six États ; c) et dans les 14 points Wilson.


V. — Organisation économique et sociale.

1° Les activités économiques et sociales sont libres quand elles s’exercent dans le cadre des lois mondiales, nationales et locales et que les plans privés ne vont pas à l’encontre du Plan public, mondial, national ou local.

2° Tout être humain a droit au travail avec un minimum de salaire capable de lui assurer un minimum de vie quant à l’alimentation, le logement, le vêtement, l’éducation, la santé et la récréation. En l’absence de travail il a droit à une indemnité de chômage équivalente aux 4/5 du salaire minimum. Les États sont chargés de l’exécution de cette disposition. 3° Toutes les entreprises autres que celles dites familiales ou mettant en œuvre la coopération de moins de quatre personnes seront érigées en Associations ou Fondations Économiques soumises à gestion administrative et comptable régulière. Les bénéfices après apurement de toutes les charges comprenant le salaire minimum, les taxes publiques, un intérêt de 4 % au capital-espèces ou convertissable en espèces, seront partagés en cinq parties égales attribuées à l’Entreprise, au Travail, au Capital, à l’Intelligence, à la Collectivité. La part de l’Intelligence sera dévolue aux Fonds nationaux pour le développement des sciences, des arts et de l’éducation ; celle de la Collectivité aux Fonds nationaux pour le développement des travaux et des services publics.

4° Les Territoires du monde entier sont ouverts librement à la circulation des hommes, des choses, des documents, des œuvres d’art et de science, des idées. Une Cour temporaire du libre échange est chargée d’attribuer les réparations reconnues légitimes aux bénéficiaires des positions acquises (douanes nationales). Ces indemnités seront à charge de la Société des Nations.

5° Les industries fondamentales de la production et de la distribution recevront des Codes d’organisation. En attendant leur établissement, les Codes américains du National Recovery Act seront étendus aux activités mondiales.

VI. — Concordat mondial : églises et sectes.

Un accord ou Concordat Mondial sera conclu avec les autorités des grandes Religions Mondiales et avec celles des grandes sectes philosophiques et morales. Il aura pour objet d’une part d’assurer aux membres des Églises et des organisations la garantie de la liberté religieuse et des droits métapolitiques de la Conscience pour l’exercice de leur fonction ; d’autre part d’obtenir que par eux et leurs membres les principes de la Constitution Mondiale soient déclarés n’être pas contraires à leurs propres principes.


C. — ORGANES ET SPHÈRE D’ACTIVITÉ DE LA SOCIÉTÉ DES NATIONS.

VII. — Pouvoir délibératif et exécutif mondial. Le pouvoir mondial est exercé par les organes mondiaux qui sont le Congrès Mondial, le Directoire Mondial, le Conseil Scientifique et le Conseil du Plan.

A. Le Congrès Mondial est formé de trois assemblées délibérant séparément et successivement ou en commun suivant la nature des questions.

1° L’Assemblée des États est appelée à exercer les fonctions de l’Assemblée actuelle de la Société des Nations dont devront faire partie obligatoirement tous les États.

2° L’Assemblée des Organisations internationales dans laquelle seront représentés, par catégorie, les associations, les syndicats et les trusts internationaux.

3° L’Assemblée Interparlementaire est formée des délégués des Assemblées populaires. Elle représente les intérêts généraux des individus.

B. Le Directoire Mondial est l’émanation du Congrès. En assumera les fonctions le Conseil de la Société des Nations élargi et comprenant pour moitié des représentants des organisations internationales.

C. Le Conseil Scientifique Mondial est chargé, soit spontanément, soit sur requête du Congrès et du Directoire, d’émettre tout avis et de formuler tout projet ayant en vue de mettre la loi mondiale en harmonie avec les exigences et les desiderata de la science.

D. Le Conseil du Plan est chargé d’élaborer, tenir à jour et contrôler pour l’exécution, le Plan Mondial ou ensemble coordonné des directives proposées à l’activité obligatoire ou volontaire, des forces universelles, publiques ou privées. Il agit en liaison avec les organes du Pouvoir Mondial et sous l’autorité du Congrès et du Directoire.


VIII. — Cour Mondiale de Justice.

La Cour Internationale de Justice installée à La Haye a pour attribution la Justice Mondiale.

1° Elle est complétée par l’institution, dans son sein, d’un Ministère Public ayant mission d’attraire devant la Cour les défaillants aux lois internationales et d’intervenir d’office dans toutes les instances internationales d’ordre mondial.

2° La Cour connaît les causes relatives aux conflits entre États et entre nationaux d’États différents. Pour ces derniers, des chambres internationales sont établies auprès de la Cour Suprême de chaque pays.

3° La Cour, gardienne de la Constitution Mondiale, décidera de la conformité des lois internationales avec la Constitution.

4° La Cour agira pour décider des conflits entre organes de l’administration mondiale.

3° La Cour participera à la confection des lois internationales en se plaçant au seul point de vue de leur forme juridique et des nécessités d’un système de codification cohérente.


IX. — Force mondiale.

La sécurité internationale est assumée par la Société des Nations. En conséquence l’usage, la production et la distribution des armes est un service public mondial. Toutes les forces armées nationales, territoriales, maritimes ou aériennes relèveront directement du Commandement suprême de la Société des Nations. Des dispositions organiseront la force internationale de police et les limites des forces de police nationales, régionales et locales.

X. — Offices mondiaux dans les États.

Un Office Mondial, émanation directe des autorités mondiales centrales est organisé en tous pays pour servir d’intermédiaire dans les deux directions entre elles et les États.

XI. — Territoire.

1. Le territoire mondial est divisé en Continents, États, Provinces et Régions, Communes et Villes. Ils jouissent chacun d’une organisation politique.

2. Sont domaine fédératif mondial : a) les mers, les airs et le centre de la terre à une distance en toutes directions d’un kilomètre des frontières nationales ; b) les fleuves actuellement sous régime international et ceux qui y sont assimilés ; c) les canaux interocéaniques ; d) les territoires coloniaux et ceux placés sous mandats.

3. Un territoire fédéral mondial est spécialement affecté à la Cité Mondiale pour servir de siège central aux Institutions de la Communauté Mondiale, être un centre permanent de coopération internationale et agir comme cité modèle, tenue à jour des progrès en tous domaines.

4. Les terrains nécessaires au siège principal ou succursale des Institutions Mondiales sont aussi érigés en territoire fédéral mondial.

5. Tout territoire enclavé a droit à un accès direct à la mer, accès organisé internationalement.

6. Périodiquement, de 25 en 25 années et par un référendum organisé sous la protection de la Société des Nations, les habitants de tout territoire peuvent demander que celui-ci soit rattaché à un autre territoire communal, provincial, national, physiquement contigu.


XII. — Services et travaux publics mondiaux.

1° En accord avec les Pouvoirs mondiaux et le Conseil du Plan est institué un ensemble de services publics coopératifs à l’avantage de la Communauté Mondiale toute entière.

2° Sont immédiatement mondialisés les services des postes, télégraphes, téléphones, radio, les chemins de fer et les services de navigation (lignes d’intérêt international), les phares, les sémaphores et balisages maritimes ; les services internationaux pour l’hygiène, la protection du travail, pour le développement des sciences, des lettres, des arts, de l’éducation ; pour la protection et la conservation de la nature, pour les poids, mesures, unités et standardisation, pour les brevets d’invention, la propriété industrielle, scientifique, artistique et littéraire, pour la langue auxiliaire mondiale. Les services internationaux existants en ces matières sont directement rattachés à la Société des Nations.

3° Par l’action concertée de la Commission de Coopération Intellectuelle, de l’Union Panaméricaine et des Associations Internationales d’ordre intellectuel, il sera organisé un Centre intellectuel mondial comprenant sur des bases internationales ; Université, Bibliothèque, Musée, Foyer des Congrès, Laboratoires de Recherches (Mundaneum).

4° De grands travaux d’utilité publique universelle sont entrepris et poursuivis d’une manière continue. Le programme des travaux déjà dressé par la Commission Internationale de la Société des Nations, après avoir été mis en concordance avec le Plan Mondial, servira de base à ces travaux.


XIII. — Banques mondiales.

1. Le droit d’émettre monnaie est transféré des États à la Société des Nations. En conséquence, il est mis fin au régime actuel des Banques Nationales d’émission, lesquelles seront indemnisées. La Banque des Réparations (Bâle) est érigée en Banque Mondiale d’émission chargée contre compensation de la reprise de l’actif et du passif des Banques Nationales d’émission. Elle émet la monnaie internationale au bénéfice de la Société des Nations.

2. Une deuxième banque, Banque Mondiale des Entreprises, est instituée pour concourir à la gestion des services et des travaux mondiaux, consentir des prêts aux États et coopérer avec les organisations mondiales du commerce et de l’industrie dans le cadre du Plan Mondial.

3. Un accord interviendra avec tous les gouvernements intéressés aux fins de la reprise des dettes intergouvernementales et des emprunts extérieurs. Cette reprise se fera en obligations de la Banque Mondiale des entreprises, garanties par la Société des Nations.

4. Ces deux banques et le Fond international d’Amortissement, constituent comme il est dit à l’article XIV, les trois départements autonomes mais à action concertée de l’organisation financière de la Société des Nations.


XIV. — Finances mondiales.

a) Les finances mondiales, ensemble des moyens, recettes et dépenses, donneront lieu à un domaine privé mondial déterminé périodiquement par inventaire et bilan et à un budget ordinaire et extraordinaire, clôturés en comptes annuels, le tout présenté par le Directoire au Congrès.

b) Le budget des recettes est alimenté : 1° par un pourcentage des budgets nationaux ; 2° par le produit des services et régies, notamment par les produits de la mise en valeur des territoires, par ceux des Banques Mondiales d’Émission et des Entreprises ; 3° par un taxe directe de transmission sur les opérations internationales.

c) Le budget des dépenses comprend celles de l’Administration, des Services des travaux, des Caisses de compensation et de régularisation, de la Justice et de la Force de police internationale.

d) Un Fond Mondial d’Amortissement est créé pour prendre en charges : 1° les dépenses des guerres depuis 1900 ; 2° les dettes internationales ; 3° les compensations qui pourraient devoir être dues dans les premiers temps du chef des indemnités inhérentes à la liberté commerciale, au minimum de vie, aux indemnités de chômage, au minimum d’intérêt des capitaux d’épargne. Toutes ces charges résultent des erreurs communes du passé et comme telles représentent les frais du premier établissement de l’ordre nouveau. Elles seront, après avoir subi les justes réductions et péréquations, représentées par des obligations mondiales à échéance de 99 ans. Une somme sera portée chaque année au budget extraordinaire du Fonds spécial d’amortissement et de compensation en vue du payement des sommes dues en intérêts et amortissements sur les dites obligations.

e) Les armées internationalisées et devenues des forces de police mondiale, subiront immédiatement les réductions et les limitations conformes à leur rôle nouveau et à l’existence des nouvelles institutions mondiales. Les économies à résulter de ce chef seront partagées par moitié entre la Société des Nations et les États qui en supportent aujourd’hui les dépenses. L’aviation civile et militaire sera internationalisée.

IV.

Mundaneum



MUNDANEUM PROTOTYPE — RÉSEAU DU MUNDANEUM CITÉ MONDIALE


I. — LES DESIDERATA ET LA SOLUTION PROPOSÉE.

Pour considérer le monde dans son total, pour l’envisager à la fois dans son ampleur et dans l’interdépendance de ses parties, quelle devrait être l’institution, l’instrumentation scientifique propre aux besoins et aux possibilités de notre temps ? Un temps qui se distingue par le dépassement du stade national et spécial et l’avènement de la vie universelle et mondiale — un instrument qui tende à faciliter l’œuvre de la « mondialisation ».

La réponse est une institution d’un type nouveau, dit le Mundaneum, dont les buts, l’objet, la structure et la composition sont déterminés ci-après.


II. — HISTORIQUE. LES PRÉDÉCESSEURS.

Chaque époque a connu une institution centrale propre à son temps et exprimée en un édifice. Elle l’a ajoutée aux institutions antérieures, le plus souvent maintenues. Ainsi la Cathédrale, l’Université, le Palais des Chefs, l’Académie, le Parlement, la grande Administration. Outre ces institutions spécialisées mais dominantes à certaines heures de l’histoire, le passé a aussi connu des institutions et des travaux ayant caractère de grands ensembles généralement universels et qui doivent être tenus en quelque sorte comme les précurseurs du Mundaneum et les témoignages d’une longue tradition d’universalité. Ainsi les temples de l’Égypte et de la Chaldée où les prêtres assemblaient toutes les connaissances de leur temps, le « Systema » ou Institut de Pythagore, l’Académie de Platon, le Lycée d’Aristote, la Bibliothèque et le Musée d’Alexandrie. Et ensuite aussi l’œuvre de saint Thomas et ceux qui avec lui assemblaient les sommes et les miroirs ; l’Institut Salomon que le chancelier Bacon plaçait dans la Nouvelle Atlantide ; l’œuvre des Bénédictins et leur abbaye de Saint Maur ; les compilateurs de la Renaissance ; Marucelli et son « Mare Magnum » ; les Encyclopédistes et l’Encyclopédie ; l’Institut de France et la coordination des académies ; Comte et la sociologie ; Quételet et les Congrès internationaux. Les grandes bibliothèques et les grands musées organisés notamment en Amérique, en Allemague et en Russie ; les grandes expositions universelles.


III. — CONCEPTION DU MUNDANEUM.

Le Mundaneum est une Idée, une Institution, une Méthode, un Corps matériel de travaux et collections, un Edifice, un Réseau.

1° Le Mundaneum est une Idée. — L’idée de l’universalisme et du mondialisme, la nécessité d’œuvrer à l’unité et aux moyens de s’en approcher, par conséquent d’œuvrer à une conception générale du monde, science, synthèse, doctrine et système, à une méthode universelle de pensée et d’action, à un droit et une constitution, une organisation embrassant l’ensemble des rapports humains, à des directives coordonnées et à un plan.

L’idée qui place la connaissance synthétique du monde au centre de toutes les connaissances particulières, le sentiment sympathique à l’égard des êtres du monde à la base de tous les sentiments particuliers ; l’action synergique pour l’amélioration du monde à la base de toutes les activités particulières. L’idée qui propose de « mondialiser » le monde à ces trois points de vue ; à faire passer dans tous les domaines du stade anarchique et inférieur actuel, fait de séparation et d’opposition, à un stade supérieur de culture, d’harmonie et de civilisation universelles. L’idée-force aussi d’une Humanité une, capable d’au moins autant de perfectionnements et de progrès dans l’avenir qu’elle en a réalisé depuis ses premières origines.

Le Mundaneum est une Institution : celle qui donne existence extérieure, force et organisation à cette idée. De même que les États ont organisé la Société des Nations et les Unions officielles des gouvernements qui en dépendent, de même les Associations internationales ont à se relier entre elles en une Union des Associations internationales et à faire du Mundaneum leur œuvre capitale.

Au cours du temps, pour la servir, l’exprimer et l’aider à s’imposer, l’Intelligence a fait naître un grand nombre d’organismes généraux qui se sont développés séparément et avec des rapports insuffisants entre eux. Il est devenu nécessaire d’établir des liens entre ces organismes et d’en faire les parties d’une institution générale : a) en prenant pour base les quatre grandes institutions intellectuelles qui ont noms Bibliothèque, Musée, Université, Académie ou Société scientifique ; b) en les complétant par des créations plus récentes ou à créer, du type école, institut, laboratoire, édition, exposition, office d’information, de propagande et de documentation ; c) en les intégrant jusqu’à l’universalité ; d) en les élevant au degré mondial ; e) en reliant à eux par les moyens de la fédération et du réseau, tous les organismes similaires du degré particulier ou spécial.

Aussi pour faire connaître le monde par les divers moyens de connaissance, le Mundaneum assemblera en lui le Musée à voir, le Cinéma à visionner, la Bibliothèque, les Encyclopédies et les Archives à lire, le Catalogue à consulter, la Conférence, la Radio et le disque à entendre, le Congrès à débattre. (Ad Mundum, videndum et legendum, et audiendum et discutiendum.) Dans ses rapports avec l’éducation, le Mundaneum repose sur le principe que l’éducation n’est pas simplement utilitaire. Apprendre c’est penser, et penser c’est vivre, intellectuellement et spirituellement. L’éducation continue s’impose donc à chacun comme un devoir individuel et social de perfectionnement, développé et continué à tout âge. Les anciennes Humanités ont à s’élargir et à se généraliser : c’est l’Humanité d’aujourd’hui qui, sous tous ses aspects, doit devenir leur objet.

Dans ses rapports avec la Société des Nations, le Mundaneum doit en être l’auxiliaire et le complément. En plus d’un organisme officiel, le monde a besoin d’un centre qui réponde aux besoins de la libre coopération entre individus, entre associations, entre eux et les gouvernements. Un tel centre doit compléter celui de Genève, exclusivement officiel et diplomatique, et le centrede La Haye, consacré à la justice internationale. La vie internationale privée, par son ampleur et sa diversité, par ce qu’elle contient de passé et porte en elle d’avenir, est autrement plus vaste que la vie internationale officielle, car ce sont les individus et leurs libres associations qui en fait réalisent les échanges économiques et intellectuels par delà les frontières. Les gouvernements ne font que régulariser ces échanges, les incitent parfois mais aussi les contrarient. D’autre part, une Société des Nations qui ne s’appuyerait pas suffisamment sur l’opinion publique, et méconnaîtrait les efforts spontanés, apparaîtrait dans toute son insuffisance. D’ailleurs, de nombreux et grands États ne font pas partie de la Société des Nations et il importe de leur fournir les possibilités d’une coopération et de leur faire reconnaître la réalité d’existence d’une Communauté humaine, au delà de tous les groupes nationaux, territoriaux, particuliers.

Le Mundaneum est une méthode. — Il s’agit de rassembler, condenser, classer, présenter des ensembles. Il s’agit de simplifier, orienter, coordonner selon des centres d’intérêts. Il s’agit aussi de rechercher et prévoir, d’unifier et normaliser, d’ordonner et classer, de coopérér, planifier et régler, finalement d’exprimer, représenter et reproduire. À cette fin toute une méthode est à élaborer, à développer, méthode elle-même universelle, manière universelle de représenter chaque chose dans ses corrélations et dans ses caractéristiques mondiales, de faire concourir chaque chose à l’édification de la civilisation mondiale et de la maintenir dans le cadre d’une harmonie mondiale : Méthode Mundaneum au service du point de vue mondial et donnant une importance toute particulière à la manière d’organiser et de représenter les données des connaissances.

Le Mundaneum est une matérialisation. — Il donne à l’Idée, à l’Institution, à la Méthode le corps physique des collections, documents et objets, d’ensembles systématiquement constitués en livres, encyclopédie, archives, répertoires, atlas, tableaux. Et pour l’usage de ce corps physique, il organise des services.

Le Mundaneum est un édifice. — Tout pour être compris devrait être réduit aux dimensions humaines ; il s’agit d’enclore le Monde dans l’enceinte réduite d’un édifice. L’architecture, la constitution physique doivent envisager le Mundaneum dans toute la série de ses expressions et prendre les dimensions et les formes adaptées aux diverses espèces d’institutions de son réseau. Le plan de l’édifice a été établi en soi et indépendamment de toutes déterminations de dimensions, d’architecture, de site et de temps. De ce prototype abstrait pourront, d’après les circonstances, dériver les projets particuliers.

Le programme du Mundaneum est fondamentalement, idéologiquement un, mais les formes et les dispositions à donner à l’édifice gagneront à être des interprétations, chaque fois originale, d’un thème identique. Il est désirable qu’il en soit ainsi puisque la conception part de l’harmonisation, de la variété et non de sa réduction à l’uniformité, puisque l’objet même à présenter dans le Mundaneum est la civilisation universelle telle qu’elle est comprise, sentie et voulue par les centres au milieu desquels il est appelé à s’édifier. La réalisation architecturale du Mundaneum dans les divers pays et les divers milieux doit donc faire appel au concours de nombreux architectes.

Que l’architecture en conséquence étudie et s’apprête. Un vaste champ est ouvert devant elle, avec des exigences neuves et vastes, ainsi qu’elle les espère toujours. Il s’agit de couvrir le monde, d’édifier le Mundaneum.

6° Le Mundaneum est un réseau. — De l’institution ainsi définie, il faut concevoir la multiplication et l’établissement de par la terre d’une chaîne d’institutions similaires devant, à des échelles et à des affectations diverses, s’étendre à tous les lieux et à toutes les spécialités. Il y serait procédé soit successivement, soit simultanément. Au début, et c’est la phase en voie de réalisation, en un premier centre originaire, le Mundaneum prototype. Ce centre faisant appel à la coopération universelle, particuliers et groupes, pour l’aider à se constituer lui-même, s’offrant à leur utilisation. Dans la phase suivante, appel à l’existence d’autres types Mundaneum en d’autres lieux, les uns complets dans les grandes villes, à raison d’un au moins par pays, les autres spécialisés en quelque domaine à raison d’un au moins par branche de science ou d’activité. Finalement, établissement d’une Cité mondiale — Civitas Mundaneum — qui soit en quelque sorte l’amplification du Mundaneum princeps, et pourrait, par le Réseau créé, voir se développer et entretenir ses divers rayons. À cette fin chacune des institutions de ce Réseau sera à même, non seulement de constituer la partie nationale ou spéciale de l’ensemble et d’en apporter les duplicata au Centre, mais d’amener aussi à repenser à sa manière la conception générale du monde et celle de l’œuvre à entreprendre : la Civilisation Universelle.


IV. — LES TYPES DIVERS DE MUNDANEUM.

1° Le Mundaneum prototype central. — À lui de représenter la conception de la façon la plus complète. Un Centre universel auquel puisse être rattaché tous les humains, directement ou à l’intervention de leurs associations locales, régionales ou nationales, ces dernières étant elles-mêmes affiliées à leur association internationale correspondante. Par le Mundaneum central, en un point du globe existera l’image et la signification totale du monde. Un instrument à l’Intellectualité agissant distinctement des réalisations de l’Économique, du Social, du Politique, du Religieux, en dehors d’eux, mais en réciproque liaison et coopération avec eux. Un monument où puisse, en s’ordonnançant, s’accumuler les idées, les sentiments et les efforts. Résumé du total, symbole de tous les symboles, prototype de tous les types de choses importantes rapprochées et en ordre, classification des classifications, documentation des documentations, foyer des foyers, université des universités. Ce sera comme la 101e merveille du monde, un monument élevé à toutes les gloires matérielles et intellectuelles de l’Univers ; lieu sacré inspirateur des grandes idées et des nobles activités, trésor fait de la somme par duplication de toutes les œuvres de l’esprit, apporté là comme une contribution à la science et à l’organisation universelle. Édifice du « Pan », de l’ « Omnium » et du « Tout », témoignage figuré de l’immense épopée et de l’aventure magnifique poursuivie à travers les âges par l’Humanité.

Les Mundaneum nationaux. — En principe, il serait désirable que dans chaque nation, en la capitale, soit établi une réplique plus ou moins détaillée du Mundaneum prototype. Elle porterait le nom local. (Ainsi : Mundaneum-France, Mundaneum-España, Mundaneum-Italia.) L’institution y serait en liaison avec les institutions existantes mais complétées et transformées pour recevoir le caractère nouveau. Pour ce faire, ou bien il serait procédé à la concentration des quatre établissements fondamentaux : Musée, Bibliothèque, Université, Association, et en les consacrant à la fois à l’objet national ou local et à l’objet universel et mondial ; ou bien les dits établissements demeureraient autonomes, se développant surtout pour les fins nationales, mais l’institution nouvelle leur serait superposée pour les fins mondiales.

Pour réaliser un Mundaneum national, appel serait fait en chaque capitale, aux légations et consulats, aux associations étrangères, aux sections nationales des associations internationales, aux organes locaux en liaison avec la Société des Nations ou constitués pour son développement, aux organismes ayant gestion des musées traitant de commerce, d’ethnographie, d’enseignement, d éducation populaire, de tourisme, de congrès, d’accueil des visiteurs étrangers. Au Mundaneum national seraient jointes, particulièrement développées et présentées selon les méthodes de la comparaison et de l’universalisme, les trois parties relatives à l’exposé du pays lui-même, de la région et de la ville (à ces parties ont été réservés les noms caractéristiques de Nationeum, Regioneum, Urbaneum). Un tel établissement pourrait être établi soit séparément et formant tout par lui-même, soit rattaché à l’Université, soit encore édifié à l’occasion de quelque grande Exposition, universelle ou nationale.

Les Mundaneum locaux. — À une échelle réduite, mais avec le même objet et selon les mêmes principes de synthèse, des Mundaneum locaux auraient à se multiplier en tout lieu.

Mundaneum spéciaux. — Institutions consacrées à une branche spéciale du savoir et de l’activité, mais traitées selon les principes de la méthode Mundaneum : les choses envisagées dans leur rapport avec l’ensemble total ; l’intégration des divers réseaux ou départements en une unité cohérente ; liaison au réseau universel quant à la coopération, l’échange et l’utilisation ; organisation par l’association internationale de la spécialité ou par une association rattachée à elle.

Les Studium Mundaneum. — Le Mundaneum fait appel à toute personne à titre particulier et lui demande de placer l’idée mondiale et universelle à la base de sa propre vie, de ses occupations, travaux, aspirations individuelles, familiales, amicales. Il lui propose d’organiser son propre studium et sa documentation selon les méthodes universelles, en les reliant, comme poste ou station, au Réseau universel.

À tout homme, en effet, deux grands besoins s’imposent. Besoin utilitaire : qu’à sa propre vie soient offertes les possibilités et les occasions d’un échange et d’une collaboration étendue au delà des limites étroites de son existence jusqu’à la sphère du monde elle-même. Besoin spirituel : qu’à sa propre pensée soit offerte l’idéal de se dévouer à quelque tâche et à quelque cause qui le dépasse, de se sentir en communion de sentiment avec d’autres hommes. Ces deux besoins sont à la base même des rapports du Mundaneum avec la personne. Chaque homme, prenant conscience de son nouveau devoir vis-à-vis de l’Humanité, est amené à se poser cette question sociale par excellence : « Qu’ai-je fait envers la Civilisation, la Paix Universelle, le Bonheur de chacun ? »

La Cité Mondiale (Civitas Mundaneum). — Elle doit être le couronnement du réseau. De même que la formation et le maintien de toute nation ont eu comme instrument une capitale réalisée comme centre des énergies collectives et nœud des relations en tous domaines, de même doit l’être la Cité mondiale comme capitale de la Fédération mondiale. Sa fonction sera triple : être la représentation et le symbole physique de cette unité — agir comme cité modèle en tous domaines et expression synthétique de l’urbanisation la plus avancée — être le siège des institutions et associations internationales à fixer dans une série d’édifices ou de « maisons mondiales », une par spécialité (représentation verticale), être aussi le siège de pavillons nationaux groupant dans un même centre une représentation de tous les pays (représentation horizontale). Comme telle, la Cité mondiale doit être pour les affaires temporelles de l’Humanité ce qu’est la Cité vaticane pour les affaires spirituelles des catholiques. Elle aura son territoire exterritorialisé ; ses terrains et propriétés seront confiés à une Fondation mondiale, à la gestion de laquelle participeront les divers groupes d’intéressés. La Cité mondiale : place universelle pour le rassemblement (congrès, réunions, spectacles, expositions, foires, démonstrations) ; lieu où pourront être nouées au maximum les relations majeures de tous avec tous ; instrument permanent pour la coopération de toute nature et en tous domaines (l’économique, le social, le culturel) ; bourse internationale aux produits, aux personnes, au travail, aux valeurs, aux idées.

La Cité mondiale que les nations ensemble se seront construite et où habitera en esprit l’Humanité : la Beata Pacis Civitas, la Bienheureuse Cité de la Paix.[16]


V. — RÉALISATION COMMENCÉE.

Les réalisations ont à prendre deux directions : dans l’une, il s’agit d’utiliser au maximum les institutions qui existent déjà en nombre considérable, de les orienter vers l’objectif universel et mondial, éventuellement de les transformer, remodeler, renouveler ; dans l’autre direction, il s’agit de créer des institutions toutes nouvelles, grandes ou petites : de se mettre en marche.

Le Mundaneum a commencé à être organisé après la guerre par l’Union des Associations Internationales. Celle-ci, fondée en 1910, groupe autour d’elle divers instituts, associations et organismes, notamment l’Institut International de Bibliographie et de Documentation créé dès 1895. L’œuvre réalisée comprend cinq parties : 1° la Documentation avec les trois parties : le Répertoire Bibliographique Universel, les Archives de l’Encyclopédie documentaire, la Bibliothèque mondiale ; 2° le Musée mondial avec ses cinq parties : musée documentaire évoquant une représentation visualisée du monde envisagé successivement sous ses divers points de vue ; le monde selon les choses ; les sciences et les diverses activités (les nations) ; le monde selon l’espace : les cinq parties du monde et les 60 pays (les nations) ; le monde selon le temps : histoire universelle et suite des civilisations (les générations) ; le monde selon les organismes : instituts, associations, groupements des nations (les organisations) ; 3° l’enseignement mondial, premier noyau d’une université mondiale à sessions d’été ; 4° le Foyer commun d’associations internationales ; 5° le laboratoire d’étude des problèmes mondiaux.

Cet ensemble a été aménagé dans les cent salles d’un édifice de près d’un hectare de surface utile. La coopération et l’offrande universelle y ont accumulé environ 17 millions de pièces : livres, périodiques, tableaux, maquettes, modèles, échantillons, fiches, pièces diverses.

Pour permettre la création du Mundaneum, immédiatement après la guerre mondiale, le gouvernement belge octroya, en 1920, à l’Union des Associations Internationales, la jouissance d’un vaste édifice dans le Parc du Cinquantenaire de Bruxelles. Il lui accorda aussi avec son haut patronage, une subvention, un concours diplomatique vis-à-vis de la Société des Nations, une loi spéciale assurant la personnification civile aux Associations Internationales[17].


VI. — CONCLUSIONS.

La réalisation du Mundaneum donnera à l’Humanité l’instrument d’amplitude et de diffusion nécessaire pour dépasser son stade actuel d’antinomie, d’antipathie et d’antagonisme et pour accomplir dans la Paix, la Justice et le Progrès, les tâches assignées désormais au commun développement de tous les peuples et de tous les hommes. Ère nouvelle qui s’annonce, où il sera recommencé d’instituer et de construire, où quelques-uns, au bénéfice de tous s’en iront par la terre entière, pour, à la manière de ceux qui multiplièrent autrefois les temples de la Grèce, les monuments de Rome, les cathédrales du moyen âge, les universités des temps modernes, en suite et complément, édifier le Réseau visible du Mundaneum.

V.

La Belgique et l’Organisation Mondiale[18]



Nations de la Terre, ô Monde, voici dans le tumulte des événements, la voix de la Belgique. Vous savez bien, la petite Belgique, celle qui après 84 années de paix et de travail continu, s’éveilla un matin de 1914 dans une Europe en feu et, quatre années durant, fut la martyre des événements En 1918, on lui promit, à cette Belgique, réparation et sécurité. On lui promit surtout que la terrible aventure, non seulement ne recommencerait pas chez elle, mais ne se renouvellerait plus nulle part. De solides institutions, administrées dans un esprit de coopération et de paix, devaient y pourvoir. Or, voici qu’en 1935, la Belgique n’entend que le tumulte des canons exaltés, le bruissement des avions en exercice, elle ne sent que les manipulations des gaz que l’on prépare. Et en plus, comme si la guerre de l’économie s’était substituée à celle de la politique, la Belgique est secouée par la crise abattue lamentablement chez elle comme chez ses voisins ; comme si la guerre sociale devait à son tour devenir une autre réalité, elle ne perçoit que rumeurs de révolution, échos de troubles proches et de bouleversements lointains. Ô Monde, écoute ma plainte et ma doléance. Elle est faite autant de la crainte et de l’incertitude, que de maux déjà soufferts. Écoute surtout mon interrogation : « Où vas-tu ? Vers quels destins nous conduis-tu ? Longtemps encore veux-tu laisser toutes choses livrées au hasard ? D’une Humanité grandie de tout l’apport du nombre, du rapprochement physique des distances, de la puissance des sciences et de la technique, d’une Humanité tragiquement mue d’aspirations immenses, veux-tu abandonner les hommes aux pires incertitudes ? » Faut-il que le martyre recommence ? Champ de bataille séculaire de l’Europe, abattoir des peuples, nation n’ayant rien fait, ne voulant rien prendre ni nul détruire, faut-il de nouveau que je sois ravagée et détruite ? Après avoir donné mes fils, dois-je encore donner mes petits-fils ? Les camps adverses ont monté d’immenses machines de guerre, matérielles et techniques aux avant-lignes, sociales et psychiques aux arrières. Tous les éléments en sont à ce point solidaires, que ces machines ne forment plus désormais qu’une seule vaste machinerie. Leur déclenchement dépend du plus petit déclic, moins que ce qu’il faut pour ouvrir un commutateur. Vivre à côté de ces machines devient effrayant, transforme l’existence en un cauchemar. Qu’une erreur, une méprise, une imprudence, pour ne point parler d’intention criminelle, et voilà qu’immédiatement, irrésistiblement vont se mouvoir tous les engrenages, ils vont happer de-ci des biens précieux, de-là des chairs douloureuses, et partout des principes, des idéals, des sentiments déclarés sacrés, parce que sans eux la vie a été reconnue impossible, indigne d être vécue. Que faut-il faire, ô Monde ? D’abord transformer l’état d’esprit : la guerre, il faut l’arracher de notre pensée, de nos sentiments, de nos instincts, l’arracher de chacune de nos institutions qui en tient au cœur quelque peu. Effort gigantesque, retournement de l’être et de la civilisation ; sacrifice d’une éducation et d’une mentalité inculquée depuis le berceau ; bouleversement d’un système économique qui, s’il ne veut pas expressément la guerre, tout au moins y conduit et ne la répudie point. Et pourtant, comme la vie, demain est au prix de ce sacrifice, aujourd’hui force nous est de vouloir maintenant cette Révolution rationnelle et pacifique afin d’éviter l’autre, la violente et l’incoordonnée. Mais toute Révolution n’est que la réalisation d’un état d’esprit dans la masse d’un peuple ou d’une époque. Après avoir élaboré la théorie de la paix, il faut donc la diffuser dans l’opinion. Il faut aussi l’incorporer dans de solides institutions communes, renforcer celles qui ne sont encore qu’esquissées et les parfaire sur cinq point essentiels : Une Constitution, un Parlement, une Force au service du droit, une Cité, un Plan : tous cinq au degré mondial. Peuples du Monde, avec moi, votre sœur, la toute petite Belgique, veuillez donc la Paix, la Paix intégrale, la Paix sans laquelle inutile désormais de travailler et vain de former des hommes sensibles, honnêtes et intelligents. Entendez ce cri d’angoisse, répondez à cet appel. Sans perdre une heure, tous assemblés, donnons enfin aux humains qui l’attendent, cette Organisation. Fondée sur cette Constitution, orientée par ce Plan, elle réalisera simultanément sur la Terre, les conditions, les droits d’une Civilisation Universelle : la Liberté, la Justice, la Prospérité et aussi l’envol vers l’illimité de tous les Progrès.


  1. Discours du Roi Albert à la Séance inaugurale du Congrès Colonial 1926.
  2. Il y a de grands anticipateurs. Un Verne, un Karl Marx, un H. G. Wells. Celui-ci récemment a réclamé devant la radio la prévision de l’avenir pour préparer à la vie future. « The Listener Journal officiel de la British Broadcasting Corporation » a publié en réponse une série d’articles répondant à Wells sur l’utilité et le rôle des « Prophètes ». L’homme d’État est bien celui « qui a de l’avenir dans la tête ».
  3. Reuch, J. Les méthodes de prévision du temps. — Le commandant Bertho, auteur de l’ouvrage sur les « Ouragans dans l’Hémisphère Austral » a longuement observé l’influence de la lune sur le temps. Il a formulé sept règles pour la prévision des dates critiques et conclut ainsi : « Pour mille jours non critiques, il a été constaté quatre cyclones, tandis que pour le même nombre de jours désignés comme critiques il y a eu cent-vingt cyclones.
  4. La Banque Mondiale et le Plan Mondial, rapport de M. Paul Otlet, publication No 137 de l’Union.
  5. Mme de Sévigné avait prophétisé une gloire éphémère à Racine comme au café. Or, Racine est admiré de presque tous et l’usage du café s’est répandu dans toute la société. Le XVIIIe siècle n’a rien prévu du XIXe. Le « Paris en l’an 2000 » de Mercier n’a prévu que l’éclairage des villes. Napoléon n’a pas prévu le rôle de la vapeur lors des expériences de Fulton : Thiers a déclaré le chemin de fer jouet pour amuser les Parisiens. Les grandes destinées du Phono, du Ciné, de la Radio n’ont pas été pleinement prévues par leurs inventeurs. La prévision de la guerre mondiale n’a pas eu d’action sur les organes directeurs des peuples, pas plus d’ailleurs que les prévisions de l’après guerre. Karl Marx avait prévu et prédit l’évolution du capitalisme. Des marxistes s’attachent aujourd’hui, en s’appuyant sur faits et chiffres, & étudier la situation actuelle et surtout le devenir du capitalisme. (Fritz Sternberg : Der Niedergang des Deutschen Kapitalismus, Berlin E. Rowehlt.)
  6. Simiand, Fr. Les fluctuations économiques à longue période et la crise mondiale. Paris. Alcan. — Wageman, F. Introduction à la théorie du mouvement des affaires.
  7. Wagemans dans son ouvrage (p. 118) reproduit le graphique d’une prévision des prix du porc en Allemagne, depuis 1924. Des prévisions ont été formulées pour l’année entière. La courbe des prix prévus suit de près celle des prix effectifs.
  8. Dupriez Léon H. Les éléments d’appréciation de la conjoncture économique belge. Revue du Travail, janv. 1933, p. 1-8. Bulletin de l’Institut des Sciences Économiques (trimestriel, Bibliothèque de l’Université de Louvain).
  9. Introduction à la théorie du mouvement des affaires, par E. Wagemann. Paris. Alcan. 1932.
  10. Les méthodes de prévision spéculative, par Georges Léonard. Revue des Sciences Économiques, avril 1932, avec une bibliographie.
  11. Léon Dupriez. Les méthodes d’analyse de la Conjoncture Économique et leur application à l’Économie belge depuis 1897.
  12. Wevermann. 1929. — Die Konjonklur und Ihre Beziehungen zur Wirtschaftstruktur.
  13. Les applications de la statistique à la démographie et à la biologie, par R. Risser. Paris, Gauthier Villars, 1932.
  14. Hans Richter Altschäffer. Theorie und Technik der Korrelationsanalyse.
  15. En sa session de 1933, l’Institut International de Sociologie a étudié le problème de la prévision sociologique.
  16. La concentration idéologique et les moyens juridiques et financiers de réalisation ont été exposés dans les publications Paul Otlet sur la Cité Mondiale. Le siège éventuel de celle-ci a fait l’objet de diverses études et rapports : Bruxelles, Anvers, Genève, La Haye, Rome. Restent à considérer France, Italie, Angleterre, États-Unis, Turquie, Russie. Des projets architecturaux complets et publiés sont dus à Andersen. Ils présentent magnifiquement la Cité en soi, abstraction faite de tout site déterminé. Pour Genève et Anvers, Le Corbusier a élaboré des plans.
  17. En mars 1934, après la mort du Roi Albert, le gouvernement de M. de Brocqueville réclamait la restitution pure et simple des locaux. Il semblait obéir à l’esprit de l’heure fait d’opposition à la fois aux libres institutions et aux organismes fondés sur la coopération internationale. Aucun titre juridique, aucune raison ne firent fléchir cette décision, signifiée avec une rudesse qu’accentua le refus d’audience. Le 1er juin 1934, à 6 heures du matin, le Palais Mondial fut fermé par les agents du gouvernement. Depuis, il n’a plus été ouvert. Les collections, les archives du siège central, le travail de quarante années d’un groupe de fondateurs et coopérateurs sont rendus inaccessibles. Il est à espérer que le nouveau gouvernement, présidé par M. van Zeeland, ordonnera la réouverture du Palais Mondial et aura à cœur de réparer les dommages matériels et moraux subis. Le nouveau gouvernement a dû être formé par suite de la carence de ses prédécesseurs. Ceux-ci avaient témoigné de très peu de vision et de prévision. Ils s’étaient laissés surprendre par les événements généraux qui, une fois de plus, ont mis à jour la solidarité économique et politique de la Belgique avec le monde.
  18. Appel présenté au Congrès Universel de la Paix, en 1931. Tout d’actualité encore en 1935.

    La Belgique, quel pays parmi tous ceux de la Terre ! Territoire infime ; population ultra dense ; ouverture à toutes les introductions et influences ; les hommes de tous caractères ethniques, émigrants ou refoulés ; les produits ; résultant de toutes les organisations économiques ; les idées relevant de tous les systèmes cultures. En marge de puissants voisins, c’est entre le marteau militaire à l’est et l’enclume monétaire à l’ouest qu’il est placé ou plutôt emmuré, par les barrières voisines, armées ou plus fortes ; droits ou contingentement. Et quand même, pays qui se refuse à se laisser étouffer ou jeter dans la mer. Si à l’intérieur une diversité vivante et laborieuse ne saurait s’accommoder que de liberté dans le cadre d’un plan, pourvu qu’il soit collectivement délibéré et volontairement consenti ; à l’extérieur, il veut demeurer lui-même, comme aux siècles de son indépendance heureuse. De cela, il obtient promesse après et avant 1914. Mais maintenant clairement lui apparaît que seule une organisation mondiale la pourra réaliser et que ce serait y aider que d’installer chez lui, au bénéfice commun, un Centre pour tous les échanges, pour toutes les coopérations.