Monographie de l’abbaye de Fontenay/2-48

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Librairie Saint-Joseph (p. 221-225).

48e abbé
14e abbé commendataire

Le comte Zaleuski 1735-1750

Le comte Zaleuski était premier référendaire de la couronne de Pologne, grand aumônier de Lorraine ; conseiller à la cour souveraine séante à Nancy, trésorier de Cracovie, Chevalier de l’Aigle-Blanc, évêque de Kirvie et Chermières, abbé commendataire de Vaucher on Pologne, de Villers-Botnac en Lorraine, quand les lettres patentes du roi le désignèrent comme abbé de Fontenay, le 27 Février 1735. Il en prit possession le 30 septembre 1737 en présence du marquis de Massol, seigneur de Collonges, de Magny-la-ville et la Serrée[1].

À peine fut-il installé qu’il vendit la terre de Saint-Aignan à un Chartraire de Bières, seigneur de Montigny, pour 500 livres qu’il donnerait annuellement. Cette terre a été vendue parce qu’elle était à charge au couvent. Comme gros décimateur, l’abbé devait 300 livres au curé, et entretenir le chœur et la sacristie de l’église. Chartraire avait 20 ans pour rendre au couvent une terre d’un revenu équivalent, ou donner chaque année 500 francs. Cette somme le gênait peu, comme trésorier de Bourgogne sans rendre compte, il avait 400000 francs de rentes. Cette fortune lui permit de donner au curé de Saint-Aignan 2000 livres pour une messe chaque semaine, à condition que chaque Dimanche, il prononcerait à la messe le nom de Chartraire, afin qu’il ne fût jamais oublié[2].

En 1739, six habitants de Marmagne vont de leur autorité privée couper au Gros-Buisson qui avait toujours été exploité par le couvent. L’assemblée des notables après plusieurs délibérations déclare la commune solidaire, un procès lui est fait, mais perdu par l’abbaye a la Table de marbre en 1753[3].

Quelques années après, même procès est dressé par la maîtrise des Eaux et Forêts d’Avallon contre 6 autres habitants qui abattaient le bois au Larris des Fours, et perdu également. Ainsi Marmagne est devenu propriétaire de ces deux coupons de bois sans être désormais inquiété dans sa jouissance[4].

Dans le cahier de visite de 1745 on lit ce qui suit : « L’église trouvée dans un très mauvais état, causé par l’humidité qui y règne, augmenté depuis quelques années par la difficulté qu’ont les eaux qui viennent du ruisseau de Saint-Bernard, de s’écouler par les canaux à eux destinés, et qui se répandent dans l’église, dans les temps d’inondations, humidité qui a pourri absolument toutes les formes du chœur, de façon qu’on est obligé de faire tous les offices du jour et de la nuit dans la partie supérieure du chœur destinée à celui de la messe seulement, ce qui, joint au mauvais état du reste de l’église, fait que l’office divin ne peut se célébrer avec la décence convenable.

« L’ancien réfectoire menace d’une ruine prochaine si l’on n’y remédie, ce qui nous a paru pratique, par la démolition sans laquelle il y aurait une perte considérable de matériaux.

Derrière le grand bâtiment qui contient les caves et greniers règne un canal destiné à l’écoulement des eaux qui Viennent de l’étang supérieur, lequel est totalement délabré, et sa réparation est d’autant plus urgente que si elle était négligée elle pourrait entraîner la ruine totale de la maison, si l’on n’a soin de le rechausser au moins du côté du canal et d'en relever le glacis. (Visite de Dom Clugny, abbé des Trois-Fontaines). Pour chaque visite il recevait 72 livres[5].

Dans son procès-verbal Dom Clugny consigne les réparations matérielles dont la communauté a besoin. Le visiteur suivant, Dom Mayeur VI, de Clairvaux, désignera aussi les ruines morales : il prescrit la lecture spirituelle, l’examen de conscience, la charité, le soin des malades ; défend la chasse, le jeu, l’entrée des femmes sous peine d’interdit, commande aux religieux de porter toujours des habits propres, au dépensier de leur donner chaque année un vêtement neuf ou 90 livres, mais plutôt l’étoffe que l’argent.

Sous cet abbé, le couvent a rétabli depuis ses fondations le corps de logis dit infirmerie, ayant son aspect au nord sur le jardin, et dans icelui pratiqué quatre chambres bien commodes et bien distribuées. À cette époque, l’abbé oblige celui de Saint-Michel de Tonnerre à réparer les dégâts causés au Petit-Fontenay par la rupture des écluses de son moulin. (Dormois.)

En 1741, Zaleusky abandonne aux religieux la maison abbatiale qui était en face du parvis de la grande église, et ceux-ci lui cèdent tous les appartements à gauche de la porterie et s’engagent à dépenser 4000 francs afin de les rendre dignes de l’abbé. Cet échange avait été conseillé des 1684 par Pierre V Bouchu, abbé de Clairvaux, et Anet Coustin de Masnadaut l’avait aussi proposé, dans l’intérêt du recueillement et de la solitude nécessaires à un cloître, recueillement et solitude qui ne pouvaient exister. quand l’abbé commendataire y séjournait avec sa cour trop bruyante, qui troublait les religieux jusque dans leurs offices. (Cah. des visites.)

En 1746, Dubois, prieur de Fontenay, amodie à une Dame Mercie la ferme de Neuilly-les-Dijon et la seigneurie pour 5448 livres une fois données. Elle refusa plusieurs années de donner trois émines de froment et 6 d’avoine et pour cela fut condamnée à 753 francs d’amende, plus à acheter une propriété qui rapporterait 400 livres au profit de Fontenay et qui en serait éloignée au moins de trois lieues. (Ridet.)

En 1760, sous cet abbé la digue de l’étang de Choiseau se rompt, les eaux causent des dégâts aux habitants de Marmagne qui s’empressent de réclamer de grosses indemnités ; les moines refusent, Buffon est nommé arbitre, il tranche la difficulté en faveur du village ; le couvent est obligé à réparer sa digue et à payer l’indemnité convenue. On est peut-être surpris du refus que les moines opposent à une demande qui paraît si juste, mais il ne faut pas oublier qu’ils venaient de perdre deux procès avec la commune pour le Gros-Buisson et le Larris des Fours, et qu’ils n’étaient pas disposés à terminer à l’amiable les difficultés qui s’élevaient entre eux et les habitants[6].

Les religieux en 1751 envoyèrent dans la personne de Daubenton représentant de Zaleusky un huissier pour l’obliger à réparer les dégâts causés à ses bâtiments par un orage du 19 mars et à restituer au trésor des titres et livres qu’il en avait tirés. Cette démarche resta inutile[7].

  1. Archives de Dijon.
  2. Original de la vente. — Ridet, Titres de Fontenay.
  3. Registres de Marm. — Greffe de Dijon, année 1753.
  4. Archives communales.
  5. Plus. cahiers visit. à Dijon.
  6. Papiers de Buffon.
  7. Arch. de Dijon.