Monographie de l’abbaye de Fontenay/Chapitre 22

La bibliothèque libre.
Librairie Saint-Joseph (p. 126-128).

CHAPITRE XXI

Ruisseau de Fontenay


Le petit ruisseau de Fontenay a une importance spéciale qui mérite une mention dans ces pages.

Comme un ouvrier qui a courageusement rempli sa tâche, revient le soir gaiement se reposer au sein de sa famille, ainsi le ruisseau de Fontenay va joyeusement verser ses eaux à la Braine, content d’avoir bien employé son temps et ses forces en fournissant la vie à 7 ou 8 fabriques. Autrefois il y en avait un plus grand nombre, un moulin et trois foulons ont disparu. Sa force motrice habilement distribuée alimente les trois papeteries des frères de Montgolfier qui occupent 360 ouvriers.

Sorti d’une roche calcaire, roulant sur un sable aussi calcaire, il est d’une limpidité de diamant à son état naturel, et produit des truites saumonées dont la réputation égale leur qualité.

Les abbés de Fontenay s’en servaient pour payer gracieusement les protections royale et ducale accordées à l’abbaye. Quand un roi visitait la Bourgogne, le pâté de truites l’attendait à Semur ou à Chatillon, souvent même le précédait ou le suivait à Dijon.

Toutes les fois que les ducs venaient se reposer dans leur château de Fontenay, la truite faisait les honneurs de la table. Rois et ducs ne regrettaient pas une protection nominale donnée à une maison qui s’en montrait si reconnaissante. Dans ses grandes invitations, Butffon offrait fièrement au sybarisme de ses convives la truite de Fontenay envoyée bien à propos par un prieur qui, avec les Montbéliard, les Daubenton, préparaient au grand écrivain les matériaux de son histoire. À cette époque les prieurs prodiguaient un peu leurs truites, parce que l’usage de la viande était permis aux bénédictins plusieurs jours de la semaine ; c’est pour cela qu’ils avaient l’habitude de réserver 10, 15 ou même 40 chapons sur un bail du Pressoir. Dès ce moment les chapons valaient mieux que les légumes de la vallée.

La pêche appartenait exclusivement aux moines. Dès le xiie siècle, elle leur avait été donnée par les ducs et les propriétaires riverains. Ils ont toujours été sévères vis à vis ce droit de pêche. Un meunier de Semur ayant eu un procès pour la pêche, les habitants de Montbard prirent sa cause, essayèrent de prouver que le droit de l’abbaye n’était pas exclusif. Ce droit fut reconnu par les tribunaux, et une forte amende apprit aux délinquants qu’ils n’avaient plus la faculté de jeter leurs filets dans ce ruisseau. Cette sévérité s’exerçait encore a la veille de la révolution ; un sieur Marot de Marmagne et un Boussard furent condamnés pour avoir pris quelques écrevisses à la queue de l’étang de Choiseau.

Dès le xvie siècle, Paris avait déjà l’habitude de venir s’approvisionner de bois dans les forêts de Fontenay. De concert avec les marchands, les moines, creusèrent le canal des Marchands pour flotter le bois de chauffage. Il y avait trois ports, deux pour embarquer et un pour recevoir. Le premier était au-dessous des trois fontaines, le 2e au pont vert, et le 3e au Port-Lorin. Les lanceurs recevaient 3 sous par corde et 3 sous pour les retirer. Ils firent plusieurs grèves. La plus considérable est celle de 1793. Le commissaire de la guerre vint à Marmagne pour traiter avec les grévistes qui demandaient 15 sous par corde pour lancer ou. pour retirer, plus trois bûches par jour. Ces conditions ne furent pas acceptées et la grève dura.

En 1761, le ruisseau emporta la digue de l’étang de Choiseau ; Marmagne, complètement inondé, demanda une indemnité qui fut refusée, parce que les dégâts, disaient les moines, étaient dus à une force majeure ; mais Buffon, arbitre, fit comprendre au Prieur que les digues n’étaient pas en bon état, et l’indemnité fut accordée.


Séparateur