Aller au contenu

Néologie, ou Vocabulaire de mots nouveaux/Suburbain, Suburbaine

La bibliothèque libre.

Suburbain, aine. (adj.) Le mot latin suburbanus, signifie qui est des faubourgs, qui habite dans les faubourgs.

La population Suburbaine est plus nombreuse à Paris que celle de la cité.

À l’aide de l’article, on substantive l’adjectif Suburbain. Ainsi l’on peut dire, les Suburbains de Montmartre, du Roule, etc.

L’esprit et l’oreille s’accordent pour repousser les mots faubourgs, la banlieue, et pour adopter ce signe pittoresque et sonore, les Suburbains.

Un pinceau délicat, une plume éloquente, éprouveront toujours un extrême embarras lorsqu’ils auront à parler de cette portion des citoyens de Paris, s’ils ne peuvent les désigner que par cette lourde et languissante circonlocution, les habitans de la banlieue, des faubourgs. Quel génie est capable de les ennoblir et de les élever à la majesté de l’histoire et à la langue des dieux !

Cependant les Suburbains de la grande cité, si souvent appelés sur la scène de la révolution, acteurs si importans dans cette longue tragédie, s’offriront souvent aux méditations du philosophe, aux souvenirs de l’historien, à l’imagination du poète. Suburbain peut seul trouver sa place dans leurs brillantes couleurs, dans leurs nobles compositions.

Les idées accessoires à celles qu’expriment habitans de la banlieue, des fauxbourgs, ne sont-elles pas exclues, par un goût pur et sévère, de tout ouvrage dédié à la postérité par le génie ?

Cependant les Suburbains de la cité, leurs exploits, leur dévouement, leurs erreurs sont, en grande partie, les matériaux sur lesquels travaillera le génie pour instruire la postérité.

Dans la cité étaient les mains directrices de tous les mouvemens des Suburbains ; mais on ne peut pas retracer les causes des plus mémorables événemens, et rappeler les auteurs des systèmes, sans figurer dans le tableau les mains hardies qui les ont exécutés. Les machines d’Archimède ne sont-elles pas honorablement décrites dans l’histoire du siége et du renversement de Syracuse ?

La justice des temps, indulgente pour les Suburbains, examinera sévèrement la conduite des hommes dont ils servirent l’ambition ou les vengeances, croyant encore servir la cause pour laquelle on les vit tous debout en 1789 ; mouvement sublime, inspiré par la vertu, par le sentiment de la dignité humaine, consacré par la subite démolition de la Bastille, et qui dégénéra en aveugle fureur, dès l’instant où les ambitieux, les intrigans, les meneurs de la ville furent placés à la tête, et reçus dans les rangs des généreux Suburbains.

Elle vous atteindra, cette inflexible justice des temps, vous tous qui flattâtes si perfidement ce peuple Suburbain, pour l’asservir ensuite ; qui le gorgiez pour le rendre oisif ; qui le soldiez pour le corrompre ; qui souffliez sur lui la démagogie, pour étendre sur tous un tyrannique pouvoir. Elle vous traînera sous les regards des derniers âges, vous, joueurs à la hausse et à la baisse des droits politiques et civils ; et vous, dieux invisibles de la révolution, qui commandiez arbitrairement les catastrophes ; et vous aussi, vastes génies qui sommeillâtes si volontairement au bruit des ruines ; vous dont l’ambition ne s’est réveillée que lorsqu’elle a pu triompher sans danger sur un théâtre couvert de débris : tous, vous avez trompé la simplicité, la bonne foi, le patriotisme des vertueux Suburbains ; ils demandent qu’entr’eux et vous la postérité prononce. (P.)