Napoléon et la conquête du monde/II/36

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H.-L. Delloye (p. 440-444).

CHAPITRE XXXVI.

UNITÉ. — § 2.



Un système universel des postes, singulièrement activé par la création de canaux, de routes en fer, de navires et de voitures à vapeur, établit dans les correspondances une rapidité et une régularité extraordinaires.

La magistrature fut uniformément organisée. Chaque partie du monde eut une cour de cassation, et chaque état des cours impériales et des tribunaux de justice semblables à ceux de la France.

Au-dessus de ces cours fut créé un sénat de justice, haute cour universelle composée de vingt membres et présidée par l’archi-chancelier. Il avait le pouvoir d’appeler à lui et de réformer les décisions des quatre cours de cassation ; lui seul pouvait s’arroger cette juridiction suprême, et personne ne pouvait le saisir directement de ses réclamations. Il avait encore la puissance de rendre des arrêts réglementaires en certaines matières, et ces arrêts, soumis à l’approbation de l’empereur, avaient force de lois.

Chaque état eut une cour des comptes dont les travaux étaient approuvés en dernier ressort et enregistrés par la haute cour des comptes, séant à Paris.

La division du globe devint la même que celle de l’empire français. Chaque état fut divisé en départements, arrondissements, cantons et communes, ayant leurs autorités administratives et judiciaires de même attribution et de même nom qu’en France.

Cette nouvelle division amena un recensement universel, terminé en 1829 ; il donna ce résultat statistique de la population du globe :

Europe 1,302,500,000 habit.
Asie 1,455,000,000
Océanie, réunie à l’Asie-- 1,433,590,000
Afrique 1,182,000,000
Amérique 1,458,000,000
  ─────────────
AmériTotal 1,031,090,000

La population de l’empire français en Europe s’élevait à 112,962,000 habitants.

Dans ce dernier chiffre ne sont pas comprises les populations des colonies françaises de l’Asie, de l’Afrique et de l’Amérique, et de la totalité des îles de l’Océan, relevant toutes directement de l’empire français et non soumises à des rois feudataires.

Paris, dont les faubourgs avaient envahi Sèvres, Saint-Denis, Saint-Mandé, Vincennes, Montmartre, Vaugirard, Montrouge, et dont le diamètre n’était pas moindre de cinq lieues dans tous les sens, comptait une population de 3,600,000 âmes, outre la multitude d’étrangers qui y accourait de tous les points du monde.

Londres, au contraire, avait un peu décru,
et n’avait plus que 
 1,100,000 habit.
Calcutta, la capitale de l’Asie, en avait 
 1,700,000 habit.
Tombouctou 
 600,000 habit.
Mexico 
 420,000 habit.

De ces quatre capitales de la terre, Paris et Calcutta faisaient partie de l’empire, et les deux autres, bien que situées au milieu de royaumes feudataires, n’en dépendaient pas cependant, et restaient sous la souveraineté directe de l’empereur.

Toutes les dettes publiques furent réunies en une seule ; l’empereur résolut de les éteindre ; et, grâce à une législation puissante, à des contributions extraordinaires et à la libéralité impériale, en peu d’années elles furent amorties, puis éteintes.

Les contributions indirectes et directes, établies avec uniformité, furent adoucies.

L’organisation militaire eut quelque chose de particulier, toutes les forces résidèrent dans la main de l’empereur, et chaque royaume eut un maréchal ou un général français commandant au nom de l’empereur.

On peut même dire que les forces militaires furent anéanties dans les royaumes feudataires, tant elles furent réduites. Des gardes nationales suppléaient les soldats dans le maintien de l’ordre intérieur.

L’empereur conserva cependant son immense armée.

Il en fut de même de la marine, innombrable dans l’empire français, restreinte dans les autres royaumes.

Le système diplomatique n’était plus qu’une fiction et qu’une cérémonie. Napoléon avait des ministres auprès de chaque roi, et chaque roi avait, auprès de l’empereur, un ambassadeur toujours du sang royal.

Un système pénitentiaire, amélioré et rendu uniforme, fut établi ; la Nouvelle-Hollande fut exclusivement réservée à la peine de la déportation. Entre deux ceintures de flottes sur l’Océan et la mer intérieure, elle reçut les déportés de tous les états du globe.