Narcisse (Gilkin)

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La NuitLibrairie Fischbacher (Collection des poètes français de l’étranger) (p. 164-165).




NARCISSE



Dans la chambre moelleuse, et peluche et plume,
Où rêve une blancheur d’hermine et de cygne,
Où mainte opale luit comme un œil qui cligne,
Où dans l’ouate maint diamant s’allume,

Au parfum vierge et fort des jacinthes blanches
Et des narcisses fiers mourant dans les vases,
Près du lit orphelin de chairs et d’extases,
Dont la nacre appelait la nacre des hanches,
 
Devant la glace haute et sans autre cadre
Que les torrents glacés des rideaux de soie,
— Tel un bassin limpide où nul flot n’ondoie
Mais qu’un jeu de reflets verts et roses madre, —

Un frêle adolescent, nu, seize ans à peine,
Longs cheveux d’or bouclés, visage adorable,
Bouche aux ailes de feu frôlant l’impalpable,
Contemple sa beauté candide et sereine.

De ses grands yeux d’azur baignés de lumière
Il regarde sans fin sa douce poitrine
Comme un lys enivré de sa chair divine
Que pâme une clarté tiède et printanière.

Ah ! quel voluptueux, quel ardent sourire
Si désespérément soudain se résigne
Et frémit tout le long de ce corps de cygne,
Comme un baiser sans but lentement expire !

Aime-toi, cher enfant, aime-toi toi-même,
Toi pour qui maint désir languit et s’épuise,
Toi pour qui maint cœur jeune et tendre se brise ;
Aime-toi ! Ton amour est l’amour suprême.

Aime-toi ! Quelle chair vaut ta chair ? Quel être
Est digne de baiser tes beaux pieds d’aurore ?
La beauté surhumaine en toi seul s’adore
Et seul ton rêve aimant peut être son prêtre.