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Neuf Upanishads, la théosophie des Védas/Prashnopanishad

La bibliothèque libre.
Traduction par G. R. S. Mead et Jagadisha Chandra Chattopadhyaya en anglais ; traduction française de Jean-Émile Marcault Élément soumis aux droits d’auteur..
(p. 56-81).

Prashnopanishad.

Argument analytique. — Le sens du nom Prashnopanishad est : l’Upanishad des questions. Elle appartient à la collection de l’Atharvaveda.

Le chant de paix est une invocation générale aux pouvoirs ; il est formé de deux mantras du Rig-Veda. (l. XXXIX. 8.6).

I. — 1-2. Six questionneurs viennent à l’Instructeur ; il leur promet qu’en temps voulu, après la discipline nécessaire, il résoudra leurs doutes.

I. — 3. La première question concerne la création de l’univers.

I. — 4. Sa nature duelle, vie et substance, subjective et objective.

Exemples de cette dualité.

I. — 5. Le soleil et la lune sont ses symboles.

I. — 6-8. Chant des louanges du soleil : citation d’un mantra du Rig-Veda.

I. — 9-11. La course septentrionale et la course méridionale du soleil pendant l’année sont également prises comme symboles de cette même nature duelle ; de là deux sentiers : l’un qui mène à l’état au delà des renaissances, l’autre à l’état post-mortem qui leur reste soumis. Autre mantra du Rig.

I. — 12-13. Le mois, le jour et la nuit sont examinés au même point de vue.

I. — 14. De la procréation en général.

I. — 15-16. Ceux qui suivent la vie ordinaire de la procréation selon les règles (pravrittimârga) acquièrent le monde céleste intérieur à la sphère des renaissances ; mais ceux qui suivent le sentier de la renonciation (nivritti-mârga) parviennent à l’état au delà de la sphère des renaissances.

II. — 1. Seconde question.

II. — 2. Des divers pouvoirs dans le corps et dans la vie une.

II. — 3-4. Fable de la vie et des pouvoirs.

II. — 5-13. Chant des pouvoirs à la vie.

III. — 1-2. Troisième question.

III. — 3-4. De la source et de la distribution de la vie une.

III. — 5-7. De la quintuple vie manifestée. Au sujet des « sept flammes », comp. Mundakop.

III. — 1-8. Au sujet de la physiologie mystique, voir Kathopanishad, VI, 16 ; et pour mantra 17, voir Kathopanishad, V, 7.

III. — 8. Analogies entre la quintuple vie interne et l’univers externe.

III. — 9-10. De la fonction de la vie dans la mort. Comp. Ishopanishad, 17.

III — 11-12. Suit le phala-shruti, confirmé par un ancien verset.

IV. — 1. Quatrième question, concernant les états de Conscience.

IV. — 2-4. Du sommeil ; de la quintuple vie pendant le sommeil et ses analogies avec les diverses portions du sacrifice.

IV. — 5. De l’état de rêve.

IV. — 6-8. De l’état de sommeil profond.

IV. — 9. Du sujet conscient.

IV. — 10-11. Suit le phala-shruti, confirmé par un ancien verset.

Sur ce sujet de la conscience, voir la Mândûkyopanishad.

V. — 1. Cinquième question, concernant la méditation mystique sur Om et son résultat.

V. — 2. Des deux buts : Brahman manifesté et Brahman non manifesté.

V. — 3-7. Les diverses phases de la méditation, appuyées de deux anciens versets.

Voir encore la Mândûkyopanishad pour l’exposé complet de la méditation sur Om.

VI. — 1. Sixième question, concernant le Soi manifesté.

VI. — 2. Le Soi[1] existe dans l’homme.

VI. — 3-4. L’univers est sorti de la pensée de l’Être suprême.

VI. — 5-6. Involution de l’univers, appuyée d’un ancien verset.

VI. — 7-8, L’instructeur clôt ses enseignements, et les questionneurs, ses élèves, lui offrent leurs hommages.

Om ! À Brahman qui est, salut !
CHANT DE PAIX

Om ! De nos oreilles, puissions-nous entendre ce qui est favorable, ô Puissances ! De nos yeux, puissions-nous voir ce qui est favorable, à Vous qui êtes dignes d’adoration ! Puissions-nous jouir de la longueur des jours qu’à nos corps accordent les Puissances, chantant nos hymnes de louange avec des membres fermes ! Puisse Indra à la lointaine renommée nous accorder la prospérité ; puisse-t-il, le nourricier qui soit toute chose, nous accorder la prospérité ! Puisse celui dont la roue ne s’arrête jamais[2] nous rendre prospères ! Puisse celui qui règne sur la parole[3] nous donner la prospérité !

Om ! Paix, Paix, Paix ! Harih Om !

Ici commence l’Upanishad.

Première question. — 1. Sukeshan Bhâradvâja, et Satyakâma, Shaibya et Sauryâyani Gârgva, et Kausalvya Ashvalâyana, et Vaidarbhi Bhargava, et Kabandhin Kâtyâyana étaient en vérité dévoués à Brahman, Brahman était leur but. Cherchant le suprême Brahman, pensant : « il nous dira certainement tout ce qui le concerne », combustible en mains, ils vinrent à Pippalâda, un instructeur.

2. Alors ce voyant leur parla et dit :

Passez une année encore dans la contemplation, la discipline et la foi. Alors, à votre gré, vous poserez vos questions ; et si nous le pouvons, en vérité nous vous dirons tout.

3. Ainsi, quand le moment fut venu, Kabandhin Kâtyâyana s’avança et demanda : « D’où ces créatures viennent-elles au monde, ô Maître ? »

4. Celui-ci lui dit : Désirant des créatures, le Seigneur des créatures[4] en vérité par sa pensée créa la pensée, Ainsi, émettant sa pensée créatrice, il pensa un couple et l’amena à l’existence : la substance et la vie[5]. Toutes deux, pensa-t-il, créeront pour moi des créatures multiples.

5. Or, le soleil est la vie, et la lune la substance ; et la substance est en vérité tout ceci, ce qui est formel et ce qui est non formel ; ainsi la forme est d’autant plus substance.

6. Lorsque le soleil monte à l’est, il baigne de ses rayons les courants vitaux de l’orient : quand il éclaire au sud, à l’ouest, au nord, au nadir, au zénith, aux points intermédiaires, cet (univers) entier, il baigne de ses rayons tous les courants de vie.

7. C’est Lui, l’Homme[6] présent en toute chose, qui revêt toute forme, toute vie, tout feu qui s’élève. (Ceci) est exprimé par ce verset :

8. Revêtu de toutes formes, omniscient, fait d’or, suprême sentier, seule lumière, source de chaleur, couronné de mille rayons, présent dans cent formes, vie de la création, le soleil se lève !

9. Le seigneur de la création est aussi l’année ; elle a deux sentiers, le méridional et le septentrional. C’est pourquoi ceux qui ne font consister leurs exercices qu’en sacrifices et en charités publiques, n’acquièrent que le monde lunaire ; puis ils reviennent. Ces adorateurs, désireux de postérité, s’engagent sur le sentier méridional. Ce sentier du procréateur est en vérité la substance.

10, Mais par le sentier septentrional, par la contemplation, la discipline, la foi, la sagesse, cherchant le Soi, ceux-ci gagnent le soleil. Cela sûrement est la retraite des vies, Cela est immortel, Cela sans frayeur, le but suprême ; de Cela ils ne reviennent jamais ; Cela est la fin. C’est pourquoi il est écrit :

11. On dit que, monté sur cinq pieds, possédant douze formes, le Seigneur, des hauteurs des cieux, verse en pluie (les courants de vie) ; d’autres déclarent qu’il siège omniscient sur sept roues à six rayons[7].

12. Le mois aussi est le Seigneur de la création ; la moitié sombre en vérité est la substance, la moitié claire est la vie. C’est pourquoi ces adorateurs offrent leur sacrifice pendant la moitié claire, les autres pendant l’autre quinzaine.

13. Le Seigneur de la création est encore le jour-et-nuit — le jour est la vie, la nuit la substance. Ils tarissent en vérité la vie, ceux qui s’unissent d’amour pendant le jour ; mais s’ils s’unissent la nuit, cela en vérité est (selon) la discipline[8].

14. Le Seigneur de la création est aussi la nourriture ; c’est d’elle que vient la semence, de cette semence proviennent les créatures.

15. Ceux donc qui, en toute vérité, obéissent à cette règle imposée par le Seigneur de la création, causent la naissance d’un couple ; c’est vraiment à eux qu’est ce monde de Brahman. Mais à ceux qui possèdent la contemplation et la discipline, en qui la vérité est établie.

16. À eux l’autre monde sans souillure de Brahman : il n’est en eux ni fourberie, ni injustice, ni péché. Telle fut la réponse de l’instructeur.

Deuxième question. — 1. Vaidarbhi Bhârgava lui posa ensuite sa question : Maître, en vérité, combien de forces soutiennent la créature ; laquelle d’entre elles fait luire en elle la vie : et laquelle d’entre elles est la meilleure ?

2. Il lui fit cette réponse :

Cette force en vérité, est l’éther, l’air, le feu, l’eau, la terre, la voix, le mental, la vue et l’ouïe. Tous, émettant leur lumière, déclarèrent : C’est nous qui maintenons ensemble et soutenons ce faisceau[9].

3. La Vie[10] (et c’est la Vie qui est) la meilleure leur dit : N’allez pas, du premier coup, tomber dans l’erreur. C’est moi qui, par cette quintuple division de moi-même, réunis et soutiens ce faisceau.

4. Ils furent incrédules. Hautaine, elle se dressa, en quelque sorte, au-dessus d’eux. Quand elle se leva, tous aussitôt se levèrent ; et quand elle reprit sa place, chacun reprit la sienne. De même que des abeilles, à l’essor de la reine[11], s’envolent toutes, et se posent toutes lorsqu’elle se pose ; ainsi firent la voix, le mental, l’ouïe, la vue. Convaincus, à la Vie ils chantèrent ces louanges :

5. Comme le feu elle réchauffe, elle est le soleil, elle donne la pluie, elle est en vérité le seigneur : elle est l’air, et la terre, et la substance lumineuse, ce qui est et ce qui n’est pas, ce qui jamais ne meurt.

6. Comme les rayons (d’une roue) dans le moyeu, toutes choses sont fixées dans la Vie, les trois Vedas[12], et le sacrifice, et le guerrier et le saint[13].

7. Tu es le seigneur des créatures qui se meut dans le germe ; de ce germe tu renais, semblable à toi-même. À toi ces créatures apportent leurs offrandes, ô Vie, puisque tu es à la base de toutes les vies.

8. Tu es, pour les pouvoirs, le plus efficace dispensateur ; la principale offrande aux morts ; la vérité vécue par les voyants. Tu es l’Atharvan d’Angirasah[14].

9. Par ta gloire, tu es Indra, ô Vie ; par la protection (que tu accordes), tu es Rudra ; c’est toi qui circules dans l’espace intermédiaires tu es le soleil, le seigneur de lumière.

10. Quand tu envoies la pluie, ô Vie, ces créatures sont de joie transportées. « Il y aura de la nourriture, pensent-elles, autant que nous en désirons. »

11. Tu es par delà l’initiation, ô Vie, unique voyant, universel destructeur, seigneur de l’existence. C’est nous qui te donnons ta nourriture. Tu es notre maître, à toi qui respires dans l’ (espace) mère.

12. Rends-nous propice cette forme de toi qui réside dans la parole, et la vue, et l’ouïe, qui s’enroule autour du mental. Oh ! ne t’éloigne pas !

13. Tout ceci, existant dans les trois mondes, est sous l’empire de la Vie. — Protège-nous, comme une mère ses enfants ; accorde-nous aussi prospérité et sagesse.

Troisième question. — 1. Kausalya Asvalâyana s’approcha ensuite et posa cette question :

Maître, d’où provient cette vie ; comment entre-t-elle dans ce corps ; comment, lorsqu’elle s’est elle-même divisée, y séjourne-t-elle ; qu’est-ce qui cause son départ ; comment maintient-elle le monde externe, comment le monde interne ?

2. Il lui répondit : Voilà des questions difficiles. Je te crois très anxieux de connaître Dieu. Je te répondrai donc.

3. C’est du Soi que cette vie procède ; de même que l’homme projette une ombre, de même ceci projette cela[15] ; c’est par l’action du mental qu’elle entre dans le corps.

4. De même qu’un roi désigne ses ministres et leur dit : « Gouvernez ici ces cités, gouvernez là ces villes », de même aussi cette vie établit les autres vies dans leurs stations diverses.

5. Elle place la vie inférieure dans les régions inférieures ; dans l’œil et l’oreille, la vie supérieure s’établit par la bouche et le nez ; la vie égalisante est au milieu ; elle distribue également la nourriture qui lui est offerte ; sept flammes s’en élèvent.

6. Or, c’est dans le cœur que le Soi réside. Il est l’origine de cent un sentiers ; il en est cent dans chacun, et dans chacun de ces derniers, mille fois soixante-douze ramifications. En tous circule la vie pénétrante.

7. Par le cent-unième, la vie ascendante mène au pur séjour lorsqu’elle s’élève avec pureté ; au monde du péché quand elle s’élève avec péché ; avec tous deux à la terre des hommes[16].

8. C’est le soleil qui est la vie supérieure du monde externe ; car c’est lui qui, lorsqu’il se lève, répand sa grâce sur la vie supérieure enclose dans les yeux. La force[17] inhérente à la terre est, pour l’homme, ce qui soutient la vie inférieure ; l’éther, qui est au milieu, est la vie égalisante ; l’air, la vie pénétrante.

9. Le feu est la vie ascendante ; c’est pourquoi l’homme dont le feu s’est éteint va aux renaissances : ses sens subsistent dans son mental.

10. Quelle que soit sa pensée[18], il l’emporte à la vie supérieure ; cette vie supérieure jointe au feu, unie au Soi, le conduit à son monde, selon qu’il l’a édifié.

11. Le sage qui connaît ainsi la vie (une) ne se voit pas retrancher sa progéniture ; il devient immortel. Il est écrit à ce sujet :

12. Possédant cette connaissance du lever, de la venue, du séjour, de la quintuple division et de la nature intime de la vie supérieure, l’homme acquiert l’immortalité, oui, l’immortalité il acquiert.

Quatrième question. — 1. Sauryâyani Gârgya lui posa cette question : Combien, ô Maitre, dorment dans cet homme ; combien veillent en lui ; lequel de ces pouvoirs est celui qui voit les rêves ; auquel appartient cette béatitude ; sur lequel sont fondés tous les autres ?

2. Il lui fit cette réponse : De même, Gârgya, que les rayons solaires, lorsqu’ils se couchent, s’unissent tous dans l’astre radieux, et de nouveau, lorsqu’il se lève, reparaissent identiques ; de même exactement, tout ceci se rassemble dans le mental, le pouvoir supérieur.

C’est pour cela qu’à ce moment l’homme n’entend pas, ni ne voit, ni ne sent, ni ne goûte, ni ne touche ; il ne parle pas non plus, ni ne saisit, ni ne procrée, ni n’excrée, ni ne se meut ; il dort, dit-on.

3. Les feux vitaux ne veillent donc que dans ce temple. Le feu familial est en vérité la vie inférieure. La vie pénétrante est le second feu. Le troisième feu, parce qu’on l’emprunte au feu familial, est la vie supérieure, étant allumé pendant le sommeil.

4. Et parce qu’elle distribue également cette double offrande : l’inspiration et l’expiration, la vie égalisante est le prêtre ; le mental est véritablement celui au nom de qui le sacrifice est offert ; le fruit du sacrifice est la vie ascendante ; elle porte le bénéficiaire du sacrifice à Brahman tous les jours.

5. Dans cet état de rêve, ce pouvoir[19] jouit de sa grandeur. Tout ce qui a été vu, il le revoit ; il entend à nouveau tout ce qui a été entendu ; toutes ses expériences dans des pays et des climats[20] divers, il les éprouve encore à maintes reprises. Le déjà vu et le non vu, le déjà entendu et le non entendu, ce qui a été expérimenté et ce qui ne l’a pas été, l’existant et le non existant, il voit tout, étant tout ; oui, il perçoit tout.

6. Lorsque la lumière éblouit ce pouvoir, il ne voit pas de rêves ; c’est ainsi qu’alors se produit dans ce corps la béatitude.

7. De même, ô mon ami, que des oiseaux nichent dans le tronc familial, de même aussi ce tout est rassemblé dans le soi suprême.

8. La terre et sa forme subtile, l’eau et sa forme subtile, le feu et sa forme subtile, l’air et sa forme subtile, l’éther et sa forme subtile ; la vue et le visible, l’ouïe et l’audible, l’odorat et les odeurs, le goût et les saveurs, le toucher et ce qu’on peut toucher, la voix et ce qui peut être dit, les mains et ce qu’on peut saisir, l’organe de volupté, et ce dont on peut jouir, l’organe d’excrétion et ce qui peut être rejeté, les pieds et ce qui peut être foulé, l’impulsion et ce qu’elle peut rechercher, la raison et ce qu’elle peut raisonner, ce qui crée « le Moi » et les objets qu’il peut s’approprier ; l’imagination et ce qui peut être imaginé, l’illumination et ce qui peut être illuminé, la vie et ce que la vie doit soutenir[21].

9. C’est Lui qui voit, touche, entend, sent, goûte : c’est Lui le mental impulsif et réfléchi, l’agent, le soi connaissant, l’homme. Il a son fondement dans le Soi suprême et indestructible.

10. Il va en vérité à l’Être suprême et indestructible celui qui connaît vraiment ce suprême indestructible, qui n’a ni ombre, ni corps, ni passion. Celui qui véritablement connaît Cela, mon ami, devient omniscient. Il est écrit sur ce sujet :

11. Celui qui véritablement, ô mon aimé, connaît cet Être impérissable, en qui le moi connaissant se rassemble avec tous les pouvoirs, les vies et les créatures[22], il pénètre en vérité toute chose, omniscient.

Cinquième question. — 1. Ensuite vint Satyakâma Shaibya, qui lui demanda : Et celui, à Maître, d’entre les hommes qui jusqu’à l’heure du départ accomplit cette méditation sur l’Om, quel monde en obtient-il ?

2. Il lui répondit : Ce qu’on appelle Om, en vérité, ô Satyakâma, est à la fois Brahman supérieur et Brahman inférieur ; c’est pourquoi celui qui connaît l’Om, atteint sûrement par son moyen l’un ou l’autre des deux.

3. S’il médite sur un seul de ses aspects, éclairé par cette méditation il s’unit bientôt au monde des sens.

Les harmonies créatrices[23] le conduisent au monde des hommes ; là, possédant la contemplation, la discipline[24] et la foi, il connaît la grandeur.

4. Mais s’il médite sur ses deux aspects, il s’unit alors au monde mental. Les harmonies régénératrices[25] l’amènent à l’espace intermédiaire, le monde lunaire, et après y avoir goûté la puissance, il revient (dans ce monde).

5. Et si, avec l’Om impérissable, il médite sur l’Homme suprême, mais sous trois aspects, il s’unit au radieux monde solaire. De même qu’un serpent se glisse hors de sa peau, ainsi se libère-t-il du péché. Par les harmonies préservatrices[26] il est conduit au monde de Brahman et contemple l’Homme supérieur à l’océan de la Vie[27], l’Homme présent dans le temple (de tout homme)[28].

Il est là-dessus deux versets :

6. Lorsque les trois mesures (aspects) qui, prises séparément, mènent à la mort, sont l’une à l’autre unies dans une indissoluble union et sont employées dans des actions externes, internes et intermédiaires bien accomplies, le sage n’est plus ébranlé.

7. Par les harmonies créatrices, à ce (monde) ; par les harmonies régénératrices, à l’espace intermédiaire ; ce que donnent les harmonies préservatrices, les voyants le savent.

8. C’est seulement sur le vaisseau de l’Om que le sage parvient à Cela, qui est dans la paix, libre de décrépitude et de mort, le Soi suprême.

Sixième question. — 1. Enfin Sukeshan Bhâradvâja vint et dit : Hiranyanâbha, prince de Kosalâ, vint à moi, à Maître, et me posa cette question : Connais-tu, ô Bhâradvâja, l’homme aux seize phases ? » Je dis à ce prince : « Je ne le connais pas ; si je le connaissais, comment ne te le dirais-je pas ? L’homme qui ment se dessèche certainement jusqu’à la racine. C’est pourquoi je ne dis point de parole mensongère. » Il monta sur son char, et silencieux s’en alla. — Cette question, maintenant, je te la pose. Où est cet Homme ?

2. Il lui répondit : Ici même, dans le corps, mon ami, est l’Homme en qui seize phases viennent à l’existence.

3. Il[29] pensa : Si je sors maintenant, upanishads sur quoi sortirai-je ; et si je demeure, sur quoi demeurerai-je ?

4. Pensant ainsi, il produisit la vie ; de la vie le fixé[30], puis l’éther, l’air, le feu, l’eau, la terre, la sensation, l’impulsion, la nourriture ; de la nourriture la virilité, la contemplation, les forces-pensées[31], les actions, les mondes, et dans les mondes le nom (et la forme).

5. De même que ces rivières, roulant vers l’Océan, lorsqu’elles l’atteignent s’y engloutissent, et perdent leur nom et leur forme : « l’océan » les appelle-t-on simplement ; de même aussi les seize phases, de cet être sans cesse vigilant, tendant vers l’homme, lorsqu’elles L’atteignent se perdent en Lui ; leur nom et leur forme périssent : l’« Homme » les appelle-t-on simplement. Lui, cet immortel, n’a aucune phase. À ce sujet est écrit ce verset :

6. Celui en qui, comme les rayons dans le moyeu, les phases sont rassemblées, connais-le comme l’Homme digne d’être connu ; alors pour toi, la mort n’aura plus de douleur.

7. Il leur dit : Voilà tout ce que je sais du suprême Brahman. Il n’est rien de supérieur à Lui.

8. Pleins de respect ils diront : Tu es en vérité notre père, car tu nous a fait traverser jusqu’à la rive opposée à la non-sagesse : Salut aux voyants suprêmes, aux suprêmes voyants, salut !

Ainsi finit l’Upanishad.


  1. Atman.
  2. Târkshya, épithète de sens douteux, désignant probablement la divinité résidant dans le char (en apparence) toujours en mouvement du Soleil.
  3. Brihaspati.
  4. Prajâpati.
  5. Rayi et Prâna.
  6. Purusha.
  7. Cet obscur mantra du Rig-Veda (I-CL XIV, 12) a jusqu’ici défié les efforts de tous les commentateurs, On l’explique en général comme se rapportant aux cinq saisons et aux douze mois d’une ancienne école, et aux sept rayons (chevaux) et aux six saisons d’une autre école.
  8. Brahmacharya, non dans le sens technique, car tous les Brahmachârinah sont célibataires, mais dans le sens général de l’observation des temps.
  9. Bâna signifie mystiquement « cinq », c’est à-dire le faisceau de cinq flèches (pancha-bâna) de Kâma-deva (le désir), par conséquent les corps, grossier et subtil, formés par les cinq éléments.
  10. Prâna.
  11. Litt. : roi.
  12. Richo Yajûmshi sâmâni.
  13. Kshatran brahmacha.
  14. Le sens de cette phrase est très douteux. Atharvan est généralement considéré comme étant le maître de qui Angiras et son école reçurent leur doctrine.
  15. Litt. : « Comme l’ombre pour un homme, en ceci cela est étendu. »
  16. Voici les noms techniques de ces subdivisions de Prâna, la vie organique générale : vie inférieure, apâna ; vie supérieure, prâna ; vie égalisante, samâna ; vie pénétrante, vyâna ; vie ascendante, ûdana. Ces forces, étant des spécialisations de cinq grandes forces macrocosmiques, établissent l’harmonie entre l’homme et son milieu. Pour plus amples renseignements, voir l’ouvrage de M. Rama-Prasad, Nature’s Finer Forces (Theosophical Publishing Society), Londres.
    (N. D. T.)
  17. Le mot sanscrit employé dans le texte est dêvata. Il est dérivé de la racine div, rayonner, émettre des radiations. Le mot deva (dieu), qui en dérive également, signifie proprement : le rayonnant, le centre qui émet la radiation, et qu’on traduit généralement par divinité, est la radiation émise par le centre ou deva. Chaque Deva confère donc à l’univers une qualité particulière ; sa radiation provoque en chaque créature une action et une réaction, d’où résultent deux centres microcosmiques : le centre sensoriel (gnânendriya) et le centre moteur (Karmendrîya). De là, les correspondances entre les centres individuels et les radiations macrocosmiques qu’expose l’Upanishad. — Ces radiations sont de plus symbolisées par leurs représentations physiques. Ainsi la « visibilité » de l’univers, radiation luminifère du monde externe a pour symbole physique le soleil et éveille dans l’homme le centre sensoriel de la vue. La théorie des devatâh est plus complètement exposée dans les ouvrages Vedântins plus récents. On les trouve succinctement résumés dans les petits traités attribués à Shankarâchârya, comme Tattva-Bodhas, Atmanâtmâ-Vivekah. (N. D. T.)
  18. Chitta, traduit ici par « pensée », est la substance mentale qui prend forme sous l’influence de la pensée et, comme un cylindre phonographique, conserve l’empreinte de ces modifications. Ce sont ces impressions qui constituent les éléments de la conscience post-mortem, en sorte que l’homme, par sa pensée, édifie bien la demeure céleste où il séjournera après sa mort. Ce sont elles aussi qui détermineront les conditions des futures existences. « L’homme est la création de la pensée, dit la Chândogya Upanishad ; ce à quoi il pense en cette vie, plus tard il le devient. » (III, XIV, 1.) (N. D. T.)
  19. Le mental.
  20. Litt. : les points cardinaux.
  21. Voir le tableau dressé dans la Préface et son explication.
  22. Les créations, ou éléments : ex. la terre et son élément, où forme subtile… etc.
  23. Litt. : les versets du Rig-Veda.
  24. La discipline signifie les devoirs de l’étudiant religieux. (N. D. T.)
  25. Litt. : les versets du Yajur-Veda.
  26. Litt. : les versets du Sâma-Veda.
  27. Litt. : la masse de vie.
  28. C’est-à-dire le corps.
  29. Brahman considéré comme créateur.
  30. Ou encore la Foi.
  31. Les Mantrah.