Noelz de Jehan Chaperon/Avant-propos
AVANT-PROPOS.
Nous ne possédons pas de détails biographiques sur Jehan Chaperon, dit le Lassé de Repos ; l’étude de ses ouvrages permet de penser qu’il était Parisien ou tout au moins qu’il habitait Paris, mais ne nous fournit aucun autre renseignement[1]. Notre auteur n’appartint pas au petit groupe des poëtes qui jouirent des faveurs de la Cour et exercèrent une influence sensible sur la littérature de leur temps ; ce fut sans doute un écrivain besogneux, qui rima pour le peuple et sous une forme triviale, tantôt des complaintes sur les héroïnes du Champ-Gaillard, tantôt des cantiques pieux ou des chants de victoire. Nous trouvons dans ses œuvres les véritables refrains de la rue. Ce caractère populaire donne aux productions de Chaperon un certain intérêt, en même temps qu’il explique leur extrême rareté. Voici la liste de celles qui nous sont connues ; nous plaçons les Noëlz à leur date, sous le no III.
I
II
Ce volume contient les pièces suivantes :
Viéne la Mort,quant bon luy semblera ;
Moins que jamais mon cueur en tremblera…
Ung doulz Dieu gard Clement si nous donna
A son retour, ainsi que home tressage…
Hedin fut assaillie
Par le roy des Françoys,
Devant Pasques fleurie,
En merveilleux arroys…
Cette chanson se rapporte à la prise d’Hesdin à la fin du mois de mars 1537[3] et non à celle de 1521. Le volume de la Bibliothèque nationale, incomplet du dernier f., ne nous a conservé que les cinq premiers vers de la pièce, mais on en trouve le texte complet dans le recueil intitulé : Plusieurs belles Chansons nouvelles (Paris, Alain Lotrian, 1542, pet. in-8o goth., no 37 ; p. 66 de la réimpression donnée par M. Percheron chez J. Gay et fils à Genève, en 1867) et dans les Chansons nouvellement composées sur plusieurs chants, tant de musique que rustique (Paris, Jehan Bonfons, 1548, pet. in-8 goth., no 53 fol. K 5 a de la réimpression publiée par M. Baillieu, à Paris en 1869). Le dernier couplet de la chanson est ainsi conçu :
Un compagnon de France Qui du camp retourna |
Ces mots donnent à penser qu’en 1537, c’est-à-dire l’année qui précéda la publication de ses noëls, Chaperon faisait partie de quelque troupe d’aventuriers.
III
IV
Du Verdier[7] attribue en outre à Jehan Chaperon une traduction du Cortegiano de Balthasar Castiglione qui parut pour la première fois à Paris chez Vincent Sertenas et Jehan Longis en 1537, mais cette attribution repose sur une erreur. La version française du Cortegiano, qui eut au moins quatre éditions de 1537 à 1549, est l’œuvre de Jacques Colin d’Auxerre, dont les initiales sont d’ailleurs les mêmes que celles de Chaperon[8].
Notre auteur n’était pas un savant capable de traduire un livre italien ; tout son talent consistait à composer quelques couplets dénués de prétentions académiques.
Les noëls en général se recommandent plutôt par la naïveté de l’expression que par l’élégance du style ; ils n’en méritent pas moins de fixer l’attention de ceux qui s’intéressent aux vieux chansonniers. On peut y trouver bien des détails curieux, surtout si l’on étudie, comme nous nous proposons de le faire, les « timbres » des chansons. On verra par exemple que Jehan Chaperon débute par le remaniement d’une pièce bien connue de Marot et l’on en pourra conclure qu’en 1538 la chanson : Vous perdez temps, était dans toutes les mémoires.
Plusieurs bibliophiles ont compris l’intérêt qu’offrent ces poésies en apparence grossières. Sans parler des noëls disséminés dans les recueils de chants populaires, M. de Clinchamp a fait paraître ceux de Nicolas Denisot[9] ; M. le baron Pichon a réédité ceux de Lucas le Moigne[10] ; M. Chardon nous a donné ceux de Jehan Daniel[11] et de Samson Bedouin[12] ; M. Lemeignen a réuni en trois volumes un certain nombre de noëls de divers temps et de diverses provenances[13]. Les productions de Jehan Chaperon ont leur place marquée à côté des recueils dont nous venons de rappeler les titres ; nous les recommandons à l’indulgence des lecteurs.
- ↑ Selon la remarque de MM. de Montaiglon et de Rothschild (Recueil de Poésies franç., XIII, 418), il y eut à Rouen plusieurs poëtes du nom de Chaperon : Louis Chaperon, couronné aux Palinods en 1486 et 1487 (Ballin, Notice sur les Palinods ; Rouen, 1834, in-8) ; — Arnould Chaperon, auteur d’un chant royal présenté aux Palinods au commencement du xvie siècle (Biblioth. nat., mss. franç., no 2206, fol. 230 ; Palinodz, Chantz royaulx, Ballades, Rondeaux et Epigrammes a l’honneur de l’immaculée conception de la toute belle mére de Dieu ; Paris, a l’enseigne de l’Elephant, s. d., in-8 goth., fol. 74 a), et qui paraît se confondre avec le Chapperon, dont un ms. de la Biblioth. Bodléienne nous a conservé deux pièces composées pour les Palinods de 1511 (Ms. Douce 379, fol. 14 a, 86 b ; — frère Chaperon, jacobin, qui présenta diverses pièces au Puy des Pauvres, en 1554 (Sireulde, Thresor immortel trouvé et tiré de l’Escriture saincte ; Rouen, Martin le Megissier, 1556, pet. in-8, fol. 33 a, 54 b, 56 a). Rien ne prouve que ces personnages fussent parents de notre Chaperon.
- ↑ Impr. qu’il.
- ↑ Voy. les Mémoires de Du Bellay, ap. Petitot, Collection complète des Mémoires relatifs à l’histoire de France, 1re sér., XIX, 207.
- ↑ Bonfons : Qui.
- ↑ Bonfons : desposa.
- ↑ Lotrian : Chappereau.
- ↑ Bibliothèque françoise, 671 ; éd. de 1773, II, 380.
- ↑ Voyez Brunet, I, 1630.
- ↑ Noelz par le comte d’Alsinoys (Nic. Denisot). Autres Noelz sur les chants de plusieurs belles chansons. On les vend au Mans, chez A. Lanier, 1847. Pet. in-8, tiré à 50 exemplaires.
- ↑ Noëls de Lucas le Moigne, curé de Saint-Georges du Puy-la-Garde, en Poitou, publiés sur l’édition gothique par la Société des Bibliophiles françois : on y a joint les noëls composés (vers 1524) par les prisonniers de la Conciergerie et deux aguillanneufs tirés du recueil des noëls du Plat d’Argent. Paris, imprimerie de Lahure, 1860. In-16 de xvi et 172 pp., tiré à 30 exemplaires.
- ↑ Les Noëls de Jean Daniel, dit Maître Mitou, organiste de Saint-Maurice et chapelain de Saint-Pierre d’Angers, 1520–1530, précédés d’une étude sur sa vie et ses poésies par Henri Chardon, président de la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe, etc. Le Mans, imprimerie Edmond Monnoyer, 1874. In-8 de lxx et 65 pp., tiré à 50 exemplaires.
- ↑ Les Noëls de Samson Bedouin, moine de l’abbaye de la Couture du Mans, de 1526 à 1563 ; précédés d’une étude sur les recueils de noëls manceaux du xvie siècle, par Henri Chardon. Le Mans, imprimerie Edmond Monnoyer, 1874. In-8 de 72 pp.
Extr. du Bulletin de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe, tiré à 50 exemplaires.
- ↑ Vieux Noëls composés en l’honneur de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ. — Noëls très-anciens ; Noëls des xviie et xviiie siècles. — Pastorales ; Noëls des provinces de l’Ouest. — Musique des vieux Noëls ; Noëls divers. Nantes, Libaros, 1876, in-8, 3 vol. in-12. — Le nom de l’éditeur, M. Henri Lemeignen, avocat, ne se trouve qu’à la fin des avant-propos.