Nord contre sud/Première partie/10

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J. Hetzel (p. 125-138).

X

la journée du 2 mars


Le lendemain, 2 mars, James Burbank reçut des nouvelles par un de ses sous-régisseurs, qui avait pu traverser le fleuve et revenir de Jacksonville, sans avoir éveillé le moindre soupçon.

Ces nouvelles dont on ne pouvait suspecter la certitude, étaient très importantes. Qu’on en juge.

Le commodore Dupont, au jour levant, était venu jeter l’ancre dans la baie de Saint-Andrews, à l’est de la côte de Géorgie. Le Wabash, sur lequel était arboré son pavillon, marchait en tête d’une escadre composée de vingt-six bâtiments, soit dix-huit canonnières, un cotre, un transport armé en guerre, et six transports sur lesquels s’était embarquée la brigade du général Wright.

Ainsi que Gilbert l’avait dit dans sa dernière lettre, le général Sherman accompagnait cette expédition.

Immédiatement, le commodore Dupont, dont le mauvais temps avait retardé l’arrivée, s’était hâté de prendre ses mesures pour occuper les passes de Saint-Mary. Ces passes, assez difficiles, sont ouvertes à l’embouchure du rio de ce nom, vers le nord de l’île Amélia, sur la frontière de la Géorgie et de la Floride.

Fernandina, la principale position de l’île, était protégée par le fort Clinch, dont les épais murs de pierre renfermaient une garnison de quinze cents hommes. Dans cette forteresse, où une assez longue défense eût été possible, les sudistes feraient-ils résistance aux troupes fédérales ? On aurait pu le croire.

Il n’en fut rien. D’après ce que rapportait le sous-régisseur, le bruit courait, à Jacksonville, que les confédérés avaient évacué le fort Clinch, au moment où l’escadre se présentait devant la baie de Saint-Mary, et non seulement abandonné le fort Clinch, mais aussi Fernandina, l’île Cumberland, ainsi que toute cette partie de la côte floridienne.

Là s’arrêtaient les nouvelles apportées à Castle-House. Inutile d’insister sur leur importance au point de vue spécial de Camdless-Bay. Puisque les fédéraux avaient enfin débarqué en Floride, l’État tout entier ne pouvait tarder à tomber en leur pouvoir. Évidemment, quelques jours se passeraient avant que les canonnières eussent pu franchir la barre du Saint-John. Mais leur présence imposerait certainement aux autorités qui venaient d’être installées à Jacksonville, et il y avait lieu d’espérer que, par crainte de représailles, Texar et les siens n’oseraient rien entreprendre contre la plantation d’un nordiste aussi en vue que James Burbank.

Ce fut un véritable apaisement pour la famille, qui alla subitement de la crainte à l’espoir. Et pour Alice Stannard comme pour Mme Burbank, c’était, avec la certitude que Gilbert n’était plus éloigné, l’assurance qu’elles reverraient sous peu, l’une son fiancé, l’autre son fils, sans qu’il y eût à trembler pour sa sécurité.

En effet, le jeune lieutenant n’aurait eu que trente milles à faire, depuis Saint-Andrews, pour atteindre le petit port de Camdless-Bay. En ce moment, il était à bord de la canonnière Ottawa, et cette canonnière venait de se distinguer par un fait de guerre, dont les annales maritimes n’avaient point encore eu d’exemple.

Voici ce qui s’était passé pendant la matinée du 2 mars, — détails que le sous-régisseur n’avait pu apprendre pendant sa visite à Jacksonville, et qu’il importe de connaître pour l’intelligence des graves événements qui vont suivre.

Dès que le commodore Dupont eut connaissance de l’évacuation du fort Clinch par la garnison confédérée, il envoya quelques bâtiments d’un médiocre tirant d’eau à travers le chenal de Saint-Mary. Déjà la population blanche s’était retirée dans l’intérieur du pays, à la suite des troupes sudistes, abandonnant les bourgs, les villages, les plantations de la côte. Ce fut une véritable panique, provoquée par les idées de représailles que les sécessionnistes attribuaient aux chefs fédéraux. Et, non seulement en Floride, mais sur la frontière géorgienne, dans toute la partie de l’État comprise entre les baies d’Ossabaw et de Saint-Mary, les habitants battirent précipitamment en retraite, afin d’échapper aux troupes de débarquement de la brigade Wright. Dans ces conditions, les navires du commodore Dupont n’eurent pas un seul coup de canon à tirer pour prendre possession du fort Clinch et de Fernandina. Seule, la canonnière Ottawa, sur laquelle Gilbert, toujours accompagné de Mars, remplissait les fonctions de second, eut à faire usage de ses bouches à feu, comme on va le voir.

La ville de Fernandina est reliée à ce littoral ouest de la Floride, découpé sur le golfe du Mexique, par un tronçon de railway qui la rattache au port de Cedar-Keys. Ce railway suit d’abord la côte de l’île Amélia ; puis, avant d’atteindre la terre ferme, il s’élance à travers la crique de Nassau sur un long pont de pilotis.

Au moment où l’Ottawa arrivait au milieu de cette crique, un train s’engageait sur ce pont. La garnison de Fernandina s’enfuyait, emportant tous ses approvisionnements avec elle. Elle était suivie de quelques personnages plus ou moins importants de la ville. Aussitôt, la canonnière, forçant de vapeur, se dirigea vers le pont et fit feu de ses pièces de chasse, aussi bien contre les pilotis que contre le train en marche. Gilbert, posté à l’avant, dirigeait le tir. Il y eut quelques coups heureux. Entre autres, un obus vint atteindre la dernière voiture du convoi, dont les essieux furent brisés ainsi que les barres d’attache. Mais le train, sans s’arrêter un instant — ce qui eût rendu sa situation très dangereuse, — ne s’occupa pas de ce dernier wagon. Il le laissa en détresse, et, continuant sa marche à toute vapeur, il s’enfonça vers le sud-ouest de la péninsule. À ce moment arriva un détachement des fédéraux débarqués à Fernandina. Le détachement s’élança sur le pont. En un instant, le wagon fut capturé avec les fugitifs qui s’y trouvaient, principalement des civils. On conduisit ces prisonniers à l’officier supérieur, le colonel Gardner, qui commandait à Fernandina, on prit leurs noms, on les garda vingt-quatre heures pour l’exemple sur un des bâtiments de l’escadre, puis on les relâcha.

Lorsque le train eut disparu, l’Ottawa dut se contenter d’attaquer un bâtiment, chargé de matériel, qui s’était réfugié dans la baie, et dont elle s’empara.

Ces événements étaient de nature à jeter le découragement parmi les troupes confédérées et les habitants des villes floridiennes. Ce fut ce qui se produisit plus particulièrement à Jacksonville. L’estuaire du Saint-John ne tarderait pas à être forcé comme l’avait été celui de Saint-Mary ; cela ne pouvait faire doute, et, très vraisemblablement, les unionistes ne trouveraient pas plus de résistance à Jacksonville qu’à Saint-Augustine et dans tous les bourgs du comté.

Cela était bien fait pour rassurer la famille de James Burbank. Dans ces conditions, on devait le croire, Texar n’oserait pas donner suite à ses projets. Ses partisans et lui seraient renversés, et sous peu, par la seule force des choses, les honnêtes gens reprendraient le pouvoir qu’une émeute de la populace leur avait arraché.

Il y avait évidemment toute raison de penser ainsi, et par conséquent toute raison d’espérer. Aussi, dès que le personnel de Camdless-Bay eut appris ces importantes nouvelles, bientôt connues à Jacksonville, sa joie se manifesta-t-elle par des hurrahs bruyants, dont Pygmalion prit sa bonne
Les assaillants occupaient la partie nord du domaine.
part. Néanmoins, il ne fallait pas se départir des précautions qui devaient assurer, pendant quelque temps encore, la sécurité du domaine, c’est-à-dire, jusqu’au moment où les canonnières apparaîtraient sur les eaux du fleuve.

Non ! il ne le fallait pas ! Malheureusement — c’est ce que ne pouvait deviner ni même supposer James Burbank — toute une semaine allait s’écouler avant que les fédéraux fussent en mesure de remonter le Saint-John pour devenir maître de son cours. Et, jusque-là, que de périls devaient menacer Camdless-Bay !

En effet, le commodore Dupont, bien qu’il occupât Fernandina, était obligé d’agir avec une certaine circonspection. Il entrait dans son plan de montrer le pavillon fédéral sur tous les points où ses bâtiments pourraient se transporter. Il fit donc plusieurs parts de son escadre. Une canonnière fut expédiée dans la rivière de Saint-Mary, pour occuper la petite ville de ce nom et s’avancer jusqu’à vingt lieues dans les terres. Au nord, trois autres canonnières, commandées par le capitaine Godon, allaient explorer les baies, s’emparer des îles Jykill et Saint-Simon, prendre possession des deux petites villes de Brunswik et de Darien, en partie abandonnées par leurs habitants. Six bateaux à vapeur, de léger tirant d’eau, étaient destinés, sous les ordres du commandant Stevens, à remonter le Saint-John afin de réduire Jacksonville. Quant au reste de l’escadre, conduit par Dupont, il se disposait à reprendre la mer dans le but d’enlever Saint-Augustine et de bloquer le littoral jusqu’à Mosquito-Inlet, dont les passes seraient alors fermées à la contrebande de guerre.

Mais cet ensemble d’opérations ne pouvait s’accomplir dans les vingt-quatre heures, et vingt-quatre heures suffisaient pour que le territoire fût livré aux dévastations des sudistes.

Ce fut vers trois heures après-midi, que James Burbank eut les premiers soupçons de ce qui se préparait contre lui. Le régisseur Perry, après une tournée de reconnaissance qu’il avait faite sur la limite de la plantation, rentra rapidement à Castle-House, et dit :

« Monsieur James, on signale quelques rôdeurs suspects, qui commencent à se rapprocher de Camdless-Bay.

— Par le nord, Perry ?

— Par le nord. »

Presque au même instant, Zermah, revenant du petit port, apprenait à son maître que plusieurs embarcations traversaient le fleuve en se rapprochant de la rive droite.

« Elles viennent de Jacksonville ?

— Assurément.

— Rentrons à Castle-House, répondit James Burbank, et n’en sors plus sous aucun prétexte, Zermah !

— Non, maître ! »

James Burbank, de retour au milieu des siens, ne put leur cacher que la situation recommençait à devenir inquiétante. En prévision d’une attaque, maintenant presque certaine, mieux valait d’ailleurs que tous fussent prévenus d’avance.

« Ainsi, dit M. Stannard, ces misérables, à la veille d’être écrasés par les fédéraux, oseraient…

— Oui, répondit froidement James Burbank. Texar ne peut perdre une pareille occasion de se venger de nous, quitte à disparaître quand sa vengeance sera satisfaite ! »

Puis, s’animant :

« Mais les crimes de cet homme resteront donc sans cesse impunis !… Il se dérobera donc toujours !… En vérité, après avoir douté de la justice humaine c’est à douter de la justice du ciel…

— James, dit Mme Burbank, au moment où nous ne pouvons plus compter peut-être que sur l’aide de Dieu, ne l’accuse pas…

— Et mettons-nous sous sa garde ! » ajouta Alice Stannard.

James Burbank, reprenant son sang-froid, s’occupa de donner des ordres pour la défense de Castle-House.

« Les noirs sont avertis ? demanda Edward Carrol.

— Ils vont l’être, répondit James Burbank. Mon avis est qu’il faut nous borner à défendre l’enceinte qui protège le parc réservé et l’habitation. Nous ne pouvons songer à arrêter sur la frontière de Camdless-Bay toute une troupe en armes, car il est supposable que les assaillants viendront en grand nombre. Il convient donc de rappeler nos défenseurs autour des palanques. Si, par malheur, la palissade est forcée, Castle-House, qui a déjà résisté aux bandes des Séminoles, pourra peut-être tenir contre les bandits de Texar. Que ma femme, Alice et Dy, que Zermah, à laquelle je les confie toutes trois, ne quittent pas Castle-House sans mon ordre. Au cas où nous nous y sentirions trop menacés, tout est préparé pour qu’elles puissent se sauver par le tunnel qui communique avec la petite anse Marino sur le Saint-John. Là, une embarcation sera cachée dans les herbes avec deux de nos hommes, et, dans ce cas, Zermah, tu remonterais le fleuve pour chercher un abri au pavillon du Roc-des-Cèdres.

— Mais, toi, James ?…

— Et vous, mon père ? »

Mme Burbank et miss Alice avaient saisi par le bras, l’une, James Burbank, l’autre, M. Stannard, comme si le moment fût venu de s’enfuir hors de Castle-House.

« Nous ferons tout au monde pour vous rejoindre quand la position ne sera plus tenable, répondit James Burbank. Mais il me faut cette promesse que, si le danger devient trop grand, vous irez vous mettre en sûreté dans cette retraite du Roc-des-Cèdres. Nous n’en aurons que plus de courage, plus d’audace aussi, pour repousser ces malfaiteurs et résister jusqu’à notre dernier coup de feu. »

C’est évidemment ce qu’il conviendrait de faire, si les assaillants trop nombreux, parvenus à forcer l’enceinte, envahissaient le parc, afin d’attaquer directement Castle-House.

James Burbank s’occupa aussitôt de concentrer son personnel. Perry et les sous-régisseurs coururent dans les divers baracons, afin de rallier leurs gens. Moins d’une heure après, les noirs en état de se battre étaient rangés aux abords de la poterne devant les palanques. Leurs femmes et leurs enfants avaient dû préalablement chercher un refuge dans les bois qui environnent Camdless-Bay.

Malheureusement, les moyens d’organiser une défensive sérieuse étaient assez restreints à Castle-House. Dans les circonstances actuelles, c’est-à-dire, depuis le début de la guerre, il avait été presque impossible de se procurer des armes et des munitions en quantité suffisante pour la défense de la plantation. On eût vainement voulu en acheter à Jacksonville. Il fallait se contenter de ce qui était resté dans l’habitation, à la suite des dernières luttes soutenues contre les Séminoles.

En somme, le plan de James Burbank consistait principalement à préserver Castle-House de l’incendie et de l’envahissement. Protéger le domaine en entier, sauver les chantiers, les ateliers, les usines, défendre les baracons, empêcher que la plantation fût dévastée, il ne l’aurait pu, il n’y songeait pas. À peine avait-il quatre cents noirs en état de s’opposer aux assaillants, et encore ces braves gens allaient-ils être insuffisamment armés. Quelques douzaines de fusils furent distribués aux plus adroits, après que les armes de précision eurent été mises en réserve pour James Burbank, ses amis, Perry et les sous-régisseurs. Tous s’étaient rendus à la poterne. Là, ils avaient disposé leurs hommes de manière à s’opposer le plus longtemps possible à l’assaut, qui menaçait l’enceinte palissadée, défendue d’ailleurs par le rio circulaire, dont les eaux baignaient sa base.

Il va sans dire qu’au milieu de ce tumulte, Pygmalion, très affairé, très remuant, allait, venait, sans rendre aucun service. On eût dit un de ces comiques des cirques forains, qui ont l’air de tout faire et ne font rien, pour le plus grand amusement du public. Pyg, se considérant comme appartenant aux défenseurs spéciaux de l’habitation, ne songeait point à se mêler à ses camarades postés au-dehors. Jamais il ne s’était senti si dévoué à James Burbank !

Tout étant prêt, on attendit. La question était de savoir par quel côté se ferait l’attaque. Si les assaillants se présentaient sur la limite septentrionale de la plantation, la défense pourrait s’organiser plus efficacement. Si, au contraire, ils attaquaient par le fleuve, ce serait moins aisé, Camdless-Bay étant ouverte de ce côté. Un débarquement, il est vrai, est toujours une opération difficile. En tout cas, il faudrait un assez grand nombre d’embarcations pour transporter rapidement une troupe armée d’une rive à l’autre du Saint-John.

Voilà ce que discutaient James Burbank, MM. Carrol et Stannard, en guettant le retour des éclaireurs, qui avaient été envoyés à la limite de la plantation.

On ne devait point tarder à être fixés sur la manière dont l’attaque serait faite et conduite.

Vers quatre heures et demie du soir, les éclaireurs se replièrent en hâte, après avoir abandonné la lisière septentrionale du domaine, et ils firent leur rapport.

Une colonne d’hommes armés, venant de cette direction, se dirigeait vers Camdless-Bay. Était-ce un détachement des milices du comté, ou seulement une partie de la populace, alléchée par le pillage, et qui s’était chargée de faire exécuter l’arrêté de Texar contre les nouveaux affranchis ? On n’eût pu le dire alors. En tout cas, cette colonne devait compter plus d’un millier d’hommes, et il serait impossible de lui tenir tête avec le personnel de la plantation. On pouvait espérer, toutefois, que, s’ils emportaient d’assaut l’enceinte palissadée, Castle-House leur opposerait une résistance plus sérieuse et plus longue.

Mais ce qui était évident, c’est que cette colonne n’avait pas voulu tenter un débarquement qui pouvait offrir d’assez grandes difficultés dans le petit port ou sur les rives de Camdless-Bay, et qu’elle avait passé le fleuve en aval de Jacksonville au moyen d’une cinquantaine d’embarcations. Trois ou quatre traversées de chacune avaient suffi pour effectuer ce transport.

C’était donc une sage précaution qu’avait prise James Burbank de faire replier tout le personnel sur l’enceinte du parc de Castle-House, puisqu’il eût été impossible de disputer la lisière du domaine à une troupe suffisamment armée et d’un effectif quintuple du sien.

Et, maintenant, qui dirigeait les assaillants ? Était-ce Texar en personne ? Chose douteuse. Au moment où il se voyait menacé par l’approche des fédéraux, l’Espagnol pouvait avoir jugé téméraire de se mettre à la tête de sa bande. Cependant, s’il l’avait fait, c’est que, son œuvre de vengeance accomplie, la plantation dévastée, la famille Burbank massacrée ou tombée vivante entre ses mains, il était décidé à s’enfuir vers les territoires du Sud,
La poterne allait être fermée…
peut-être même jusque dans les Everglades, ces contrées reculées de la Floride méridionale, où il serait bien difficile de l’atteindre.

Cette éventualité, la plus grave de toutes, devait surtout préoccuper James Burbank. C’est pour cette raison qu’il avait résolu de mettre en sûreté sa femme, sa fille, Alice Stannard, confiées au dévouement de Zermah, dans cette retraite du Roc-des-Cèdres, située à un mille au-dessus de Camdless-Bay. S’ils devaient abandonner Castle-House aux assaillants, ce serait là que
Les noirs repoussaient les assaillants.
ses amis et lui essaieraient de rejoindre leur famille pour attendre que la sécurité fût assurée aux honnêtes gens de la Floride, sous la protection de l’armée fédérale.

Aussi, une embarcation, cachée au milieu des roseaux du Saint-John et confiée à la garde de deux noirs, attendait-elle à l’extrémité du tunnel qui mettait l’habitation en communication avec la crique Marino. Mais, avant d’en arriver à cette séparation, si elle devenait nécessaire, il fallait se défendre, il fallait résister pendant quelques heures — au moins jusqu’à la nuit. Grâce à l’obscurité, l’embarcation pourrait alors remonter secrètement le fleuve, sans courir le risque d’être poursuivie par les canots suspects que l’on voyait errer à la surface.