Nos enfants/L’Écurie de Roger
L’ÉCURIE DE ROGER
C’est un grand souci qu’une écurie. Le cheval est un animal délicat, qui exige mille soins. Demandez plutôt à Roger.
En ce moment il panse son bel alezan, qui serait la perle des chevaux de bois, la fleur des haras de la Forêt-Noire, s’il n’avait perdu la moitié de sa queue à la bataille. C’est pour Roger une question de savoir si les queues des chevaux de bois repoussent.
Après les avoir pansés en idée, Roger donne à ses chevaux une avoine imaginaire. C’est ainsi qu’il convient de nourrir ces menus fantômes de bois qui promènent les petits garçons à travers le pays des rêves.
Voilà Roger parti pour la promenade. Il a monté son cheval. Bien que la pauvre bête n’ait plus d’oreilles et que sa crinière ressemble à un vieux peigne ébréché, Roger l’aime. Pourquoi ? On ne saurait le dire. Ce cheval rouge, c’est le cadeau d’un pauvre homme. Et peut-être y a-t-il dans les présents des pauvres une grâce secrète. Souvenez-vous du Dieu qui bénit l’offrande de la veuve.
Roger est parti. Il est bien loin. Les fleurs du tapis lui semblent les fleurs des tropiques. Bon voyage, petit Roger ! Puisse votre dada vous conduire heureusement par le monde ! Puissiez-vous n’en avoir jamais de plus dangereux ! Petits et grands, nous chevauchons tous le nôtre ! Qui n’a pas son dada ?
Les dadas des hommes courent comme des fous sur tous les chemins de la vie ; l’un vole à la gloire, l’autre au plaisir ; beaucoup sautent dans les précipices et cassent les reins à leur cavalier. Je vous souhaite, petit Roger, d’enfourcher, quand vous serez grand, deux dadas qui vous mèneront toujours dans le droit chemin : l’un est vif, l’autre est doux ; ils sont beaux tous deux : l’un se nomme Courage et l’autre Bonté.