Nos travers/Un usage inopportun

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C.O. Beauchemin & Fils (p. 60-61).

UN USAGE INOPPORTUN

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C’est celui, selon nous, d’ajouter à la fête toute religieuse d’une première communion, un appareil mondain et profane.

Comment se résigne-t-on à mêler des préoccupations utiles aux aspirations mystiques d’une jeune âme toute ravie dans les délices de ses premières communications avec le ciel ?

En permettant à une idée de vanité ou à une satisfaction d’un ordre matériel de se glisser parmi les joies spirituelles de la première communion on gâte absolument le saint enthousiasme qui fait de ce jour unique le plus beau de la vie.

En manque-t-il des occasions d’étaler des toilettes ou de recevoir des présents pour qu’on rabaisse le grand jour — celui dont le souvenir surnageait dans la mémoire de Napoléon au-dessus de ses plus éclatants triomphes — au rang d’un banal anniversaire.

Il semble que, pour prévenir toute distraction dans l’esprit de l’enfance, on devrait avertir les communiants qu’ils auront la toilette la plus simple et que la fête à laquelle ils se préparent étant celle des dons surnaturels et de la visite de Dieu, il ne leur sera pas permis de recevoir de cadeaux profanes.

Ce n’est pas le chapelet de nacre qu’offre une mère à son séraphin qui le détournera des pieuses pensées qui alors sont seules permises. Les souvenirs que les parents et les amis ont pris l’habitude aujourd’hui d’envoyer en si grand nombre risquent au contraire de compromettre irrémédiablement l’effet bienfaisant que les grâces d’un jour exceptionnel exercent sur toute la vie.

Rien n’est plus déplacé que l’étalage des bibelots mal appropriés à la sainteté de la circonstance, et que le papotage des convoitises enfantines autour de l’exposition des cadeaux dont l’angélique communiante fait les honneurs avec l’air triomphant d’une fiancée.

On les expose ainsi à bien des tentations d’amour-propre, d’envie, d’égoïsme, nos petits anges. Encore une fois, on leur gâte une joie céleste qu’ils ne retrouveront plus.

Je voudrais que la mère respectât le bonheur de son enfant et qu’elle écartât tout ce qui peut empêcher l’âme blanche de s’élever d’un vol libre comme une divine colombe vers le ciel.

Si l’on s’obstine malgré ses prières à accabler le petit de présents, que sa main discrète éloigne, au moins pour un temps, ces sujets de dissipation ; qu’elle garantisse ainsi la joie, pure et la paix ineffable de la petite âme visitée par Dieu.

Je souhaite qu’on le comprenne, et qu’on ne prive pas nos chers enfants du privilège d’être des anges une fois dans leur vie et durant tout un jour.