Notes (Pensée des jardins)/Sur un bel insecte bleu
SUR UN BEL INSECTE BLEU
Il me fait comprendre la métempsycose, et de quel désir naquit cette philosophie. Elle n’implique point, quoique l’on puisse penser, la mort.
Ô bel insecte bleu, jamais revu, rencontré dans le cœur d’un ormeau, tu ne différais point tellement de moi que je ne puisse nous confondre ! Les ailes de ma rêverie se revêtent d’azur comme tes élytres et, de même que, par ce beau jour, tu prenais l’air à ta fenêtre vermoulue, je passe discrètement la tête à ma croisée rongée de guêpes. Et, s’il pleut comme aujourd’hui, que faisons-nous l’un et l’autre que de parcourir ces étroits espaces : toi ta chambre et moi ma tanière ? Va ! les fleurs de nos songes sont inclinées par les mêmes brises du Ciel, et nous savons que ce n’est pas l’été parce que la cigale de La Fontaine ne crisse plus aux arbres défeuillés, et parce que le larmoiement de la branche d’hiver n’a pas le doux parfum du cep printanier.
Nous possédons une égale sagesse parce qu’elle provient d’une même crainte. Lorsque soufflera l’embellie, lorsque nous nous sentirons dignes d’être admirés, au pied du même ormeau dont nous chanterons la beauté mûre, nous attendrons l’amour. Mais, lorsque je verrai s’affoler dans la tempête les voiles des bateaux, ou que tu verras s’abîmer les feuilles mortes, il ne faudra pas sortir…