Notes sur quelques écoles professionnelles d’Allemagne
NOTES SUR QUELQUES ÉCOLES PROFESSIONNELLES D’ALLEMAGNE[1]
En Allemagne, la plupart des écoles professionnelles ont un caractère spécial, comne l’indique leur titre : Gewerbliche Fachschulen, écoles professionnelles spéciales. Dans ces écoles il s’agit en effet non seulement de donner aux élèves une instruction théorique et pratique générale, une certaine aptitude à toutes les professions manuelles, mais de les spécialiser en les préparant à l’industrie ou aux industries prédominantes de la région.
À Cologne, grande ville et centre industriel, où l’on construit beaucoup, l’école professionnelle préparera aux professions qui se rapportent au bâtiment, aux industries qui se rattachent à la construction des machines, à l’ameublement, à l’ornementation et à la décoration des maisons.
À Bochum, au milieu des mines du pays de Berg, elle formera des métallurgistes et des contremaitres pour les mines.
À Remscheid, centre de la fabrication des petils aciers, du fer, des outils, elle cherchera à faire d’habiles ouvriers quincailliers.
À Iserlohn, le pays des bronzes et des objets d’art en métal, ce seront le dessin d’art et le travail artistique des mélaux qui occupcront unc place prépondérante.
À Höhr-Grenzhausen, la région des poteries, on établira une école céramique.
À Furtwangen, dans la Forêt-Noire, l’école professionnelle aura surtout en vue l’industrie de l’horlogerie et des bois sculptés.
À Stuttgart, ville capitale, la construction prédominera, tandis que dans le reste du royaume les écoles professionnelles seront agricoles et que l’on s’y occupera particulièrement de l’amélioration des terres, de l’aménagement des prairies et de l’élève du bétail.
Partout, sauf à Hagen et dans les deux grandes écoles de constructions de Stuttgart et de Karlsruhe, on a établi des ateliers dans l’école, ou bien l’on exige des aspirants, avant de les admettre, qu’ils aient travaillé dans un atelier pendant un temps plus ou moins long (à Bochum, pendant quatre ans ; à Cologne, dix-huit mois ; à Furtwangen, deux aus). Dans plusieurs écoles, les deux conditions sont réunies : travail préalable dans un atelier avant d’entrer à l’école professionnelle, travail manuel dans les ateliers de l’école.
L’habile et compétent directeur de Remscheid caractérise parfaitement l’école professionnelle par ces mots : Die Fachschule bildet vor, nicht aus, c’est-à-dire que l’école professionnelle commence l’éducation technique de l’ouvrier, mais elle ne la termine pas ; elle prépare et facilite l’apprentissage, mais elle ne le remplace pas.
Nulle part, les enfants ne peuvent être admis avant l’âge de quatorze ans, c’est-à-dire quand ils ont terminé leur scolarité primaire.
On peut dire qu’en général le jeune homme quitte l’école primaire à quatorze ans, qu’il travaille pendant deux ans à l’atelier, avant ou après son stage à l’école professionnelle dans laquelle il reste en moyenne deux ans ; de sorte qu’il n’est ouvrier qu’à dix-huit ans, et qu’alors il est assez fort et assez avancé pour compléter de lui-même son éducation technique.
Toutes ces écoles sont nationales ou communales.
L’école professionnelle de Wiesbaden est la seule, parmi celles que j’ai visitées, qui ait un caractère privé. Elle a été fondée et elle est entretenue et administrée par la Société industrielle (Gewerbe-Verein). Aussi a-t-elle une allure plus libre, une organisation plus mobile, des programmes plus élastiques que les écoles publiques. Et elle n’a besoin d’aucune autorisation pour ouvrir de nouvelles sections (comme elle l’a fait récemment pour l’école des bottiers et cordonniers) chaque fois que cette création répond à un besoin réel.
La règle généralement suivie dans toutes ces écoles, c’est que la matinée, de 7 heures à midi, doit être donnée aux études, parmi lesquelles le dessin occupe la première place ; la soirée, de 2 à 7 heures, est consacrée au travail manuel. Mais toutes les heures, matin et soir, sont coupées par des repos de dix minutes.
Toutes ces écoles, sans exception, sont des externats payants. Mais la rétribution est en général peu élevée. D’ailleurs l’État, la province, la commune, la société industrielle, des particuliers accordent des bourses aux élèves qui se distinguent par leur application et leur bonne conduite, afin de les dédommager, en tout ou en partie, des frais de logement et de pension qui sont à leur charge.
Je donne ci-après quelques notes plus détaillées sur l’organisation de plusieurs de ces écoles, savoir :
L’école municipale professionnelle spéciale (städtische gewerbliche Fachschule) de Cologne ;
L’école des forges de la Prusse rhénane et de la Westphalie (Rheinisch-westfalische Hüttenschule) de Bochum ;
L’école professionnelle spéciale à l’industrie des machines (gewerbliche Fachschule für Maschinen-Technik) de Hagen ;
L’école professionnelle de la petite industrie du fer et de l’acier (Fachschule für Klein-Eisen-und Stahlwaaren-Industrie) de Remscheid ;
L’école royale professionnelle (königliche Fachschule) d’Iserlohn :
L’école municipale supérieure de tissage (städlische höhere Webschule) de Mülheim sur le Rhin ;
L’école professionnelle (Gewerbeschule) de Wiesbaden ;
L’école professionnelle céramique (keramische Fachschule) de Hühr-Grenzhausen ;
Les écoles professionnelles du Wurtemberg et l’école royale de construction (königliche Baugewerkschule) de Stuttgart ;
Les écoles professionnelles du grand-duché de Bade, et les écoles d’horlogerie (Uhrmacherschulen) et de sculpture sur bois (Schnitzereischulen) de la Forêt-Noire ;
L’école professionnelle et l’école de construction (allgemeine Gewerbeschule, Bauhandwerkerschule) de Hambourg ;
L’école municipale professionnelle (städtische Gewerbeschule) de Hanovre ;
Les écoles techniques et professionnelles (technische Lehranstalten) de Chemnits et de la Saxe.
Je remplis un devoir en disant que les directeurs de toutes les écoles que j’ai visitées m’ont fait le meilleur accueil, qu’ils ont mis le plus grand empressement à me montrer toutes leurs classes et leurs collections, et à me donner tous les documents, rapports et programmes dont j’avais besoin pour me faire une idée exacte du fonctionnement des écoles professionnelles.
Je leur en exprime ici tous mes remerciements.
[Nous donnons, à la suite de ces lignes d’introduction générale, les notes spéciales consacrées à quelques-uns des établissements mentionnés plus haut : l’école professionnelle de Remscheid, et les écoles professionnelles du grand-duché de Bade.]
École professionnelle avec ateliers d’apprentissage, spéciale à la petite industrie du fer et de l’acier du pays de Berg, à Remscheid.
Remscheid a une population de 10,000 habitants. Mais on n’y voit plus les grandes fabriques, les nombreuses cheminées des autres villes manufacturières de la région. Ce sont au contraire de petits ateliers isolés, occupant chacun un nombre restreint d’ouvriers, éparpillés sur le vaste territoire de la commune, entre les jardins et la verdure.
C’est le centre de la petite industrie de l’acier et des articles de quincaillerie, qui fournit peut-être le tiers des scies et des limes et plus de la moitié des patins vendus dans le monde entier.
Le travail y est très divisé, et chaque objet passe par plusieurs mains avant d’être fini, de sorte que chaque ouvrier ne fait guère que l’ouvrage qui est sa spécialité.
Aussi ne formait-on plus d’apprentis dans le sens que l’on attachait autrefois à ce mot, et ne trouvait-on plus de contre-maîtres qui pussent diriger des ouvriers de différentes spécialités.
D’un autre côté, la Société industrielle (Gewerbe-Verein) de la région constatait, dès 1847, que « l’industrie étrangère, et surtout l’industrie française avaient atteint, sinon dépassé, par la forme plus gracieuse et le fini du travail, l’industrie séculaire de Remscheid. À l’aide d’un crédit obtenu dans ce but du gouvernement, on fit l’acquisition d’une grande quantité de marchandises françaises pour les mettre à la disposition des fabricants du pays, de manière à les convaincre du danger auquel les exposait la concurrence étrangère[2]. »
Pour remédier à cette infériorité et à cette insuffisance de l’apprentissage, et pour ne pas se laisser distancer par l’étranger, on réclama, dès cette époque, la création d’une école dans laquelle l’enseignement du dessin, de la géographie commerciale, des notions usuelles des sciences aurait une place prépondérante.
Mais la question n’était pas mûre ; on ne comprenait pas encore la nécessité de changer les habitudes et la routine. Il fallait que dans d’autres régions de l’Allemagne le même cri d’alarme se fit entendre. L’exposition de Philadelphie fit le reste.
Un industriel fit un don de 7,500 francs. La province alloua une subvention annuelle de 6,250 francs. L’État promit un secours de 37,500 francs pour la création de l’école, et une allocation de 6,250 francs par an, à condition que la ville assurerait l’existence de l’école pour dix ans.
La Fachschule était fondée. Elle a pour but de donner aux jeunes gens qui ont reçu une bonne instruction primaire, et qui se destinent à la fabrication des petits aciers et de la quincaillerie, la somme de connaissances théoriques et pratiques nécessaires au futur ouvrier. Elle doit faire l’éducation technique de l’ouvrier pour toutes les branches de cette industrie, lui donner le goût et l’aptitude manuelles dont il a besoin pour sa future profession.
L’école put être ouverte en 1882. Elle fut placée sous la direction d’un homme d’une grande compétence dans cet enseignement technique, M. Hædicke. Avant d’ouvrir son école, cet ingénieur visita l’école spéciale de construction et de machines de Komotau, en Bohème, l’école des contremaitres de Chemnitz, en Saxe, l’école des arts et métiers de Châlons-sur-Marne, et l’école des apprentis du boulevard de la Villette, à Paris.
« Et c’est dans ces deux dernières écoles, dit-il, que j’ai le plus appris. »
L’école professionnelle de Remscheid comprend deux cours d’étude, d’une année chacun.
Quatre heures par jour, de 8 à midi, sont consacrées à l’enseignement théorique qui comprend :
L’allemand ;
La géographie industrielle et commerciale ;
Le calcul et la comptabilité ;
La mécanique ;
Des notions de géométrie ;
Le dessin à main libre et linéaire ;
La physique, la chimie, la technologie.
Cinq heures, de 2 à 7, sont affectées aux travaux dans les ateliers de la forge, de la serrurerie, du tour, du polissage, de la ferblanterie, de la trempe, des limes, de la galvanoplastie,
Mais avant de travailler le fer, dès leur entrée à l’école, les élèves sont exercés pendant trois semaines au moins, et exclusivement, au travail du bois. Le directeur ne veut pas que les futurs forgerons et quincailliers soient inhabiles à scier et à tourner le bois ou à faire un assemblage.
L’élève passe ensuite à l’étau, à la lime, à la forge ; puis dans les ateliers du ferblantier, du vernisseur, du trempeur, de l’affileur, du polisseur, du galvanisateur. Il acquiert ainsi une certaine aptitude générale pour les différentes parties de son futur métier.
J’ai vu les élèves à l’œuvre. J’ai examiné les travaux divers faits par les deux promotions qui ont quitté l’école en 1884 et 1885. Ils sont tous exécutés avec goût et un certain fini ; on voit que les élèves ne sont pas des manœuvres, mais qu’ils ont reçu une certaine éducation artistique par le dessin.
Aux personnes qui objecteraient que neuf heures de classe et d’atelier par jour imposent aux élèves un travail trop considérable, le directeur répond que cette association du travail et des études exerce une action des plus salutaires sur le développement physique des jeunes gens. Et en effet la mine de santé et l’entrain des élèves quand ils s’ébattent dans la cour, entre les classes, montrent bien que cette alternance des travaux intellectuels et manuels ne les fatiguent pas.
À la fin de la deuxième année les élèves subissent un examen écrit et oral sur les différentes matières enseignées ; ils exécutent une série de travaux dans les ateliers, et ils confectionnent huit objets indiqués par le jury d’examen et pris dans les différentes branches de la fabrication.
En 1884, onze élèves, dont six n’avaient reçu que l’’intruction élémentaire d’une école primaire, ont quitté l’école. L’un d’eux a obtenu la note « distingué », un autre « très bien », trois « assez bien », quatre « suffisant », deux la note « à peine suffisant ». Ces notes sont inscrites sur leurs diplômes.
En 1885, dix-neuf élèves ont subi l’examen de sortie avec les notes : distingué (1), bien (4), suffisant (10), insuffisant (4).
Ils sont tous entrés dans des ateliers, pour terminer leur apprentissage ; mais ils gagnent immédiatement, par semaine, sept fois 1 fr. 25 c. ou sept fois 2 francs pour les six jours de travail ; soit 8 fr. 75 c. à 14 francs par semaine.
Comme on le voit, le principe posé est celui-ci : L’école commence l’éducation technique de l’ouvrier, elle ne remplace pas l’atelier, ce que Je directeur exprime très heureusement par cette formule : Die Schule bildet vor, nicht aus, — Elle commence l’apprentissage, elle ne le finit pas.
Aussi le conseil de perfectionnement de l’école tient-il la main à ce que tous les élèves aillent dans les ateliers en quittant l’école. Ils sont d’ailleurs recherchés par tous les patrons intelligents.
Il va sans dire qu’ils ne resteront pas ouvriers ; ils deviendront contremaîtres par la force des choses. Mais c’est précisément le but de cette école de faire des ouvriers plus habiles qui émergeront et dirigeront plus tard leurs camarades moins intelligents. Le personnel enseignant se compose du directeur, de deux ingénieurs, de deux instituteurs et de quatre contremaitres.
La rétribution scolaire est de 400 francs par an.
L’école est administrée par un conseil de perfectionnement qui suit les études des élèves, les place et les patronne à la sortie de l’école. Il est composé du maire de la ville, du directeur, et de six industriels nommés moitié par le gouvernement, moitié par la commune.
Cette école, qui est vraiment une école professionnelle, est une des plus intéressantes que j’ai visitées. L’exposition des dessins et des objets faits par les élèves montre, aujourd’hui déjà, quelles transformations et quels perfectionnements cette école amènera dans l’industrie métallurgique de Remscheid.
Les écoles professionnelles du grand-duché de Bade et les écoles d’horlogerie de la Forêt-Noire.
Je dois la plus grande partie de mes renseignements à M. Armbruster, directeur de l’enseignement primaire à Karlsruhe, officier d’académie, qui s’est mis à ma disposition avec le plus obligeant empressement pour me faciliter ma mission.
Dans le grand-duché de Bade, la fréquentation d’une classe d’adultes (Fortbildungsschule) est obligatoire deux heures par semaine, le dimanche, pour les jeunes gens, garçons et filles, de 14 à 16 ans. Mais la commune peut la rendre obligatoire jusqu’à 18 ans, et la placer aux jours de la semaine.
Dans les villes, cette classe d’adultes a un caractère professionnel (gewerbliche Fuortbildungsschule, ou plus simplement Gewerbeschule), et une place prépondérante-est faite au dessin à main libre et d’ornement, au dessin géométrique, à la comptabilité, à des notions de sciences physiques. Elle est obligatoire pour tous les apprentis et ouvriers au-dessous de 18 ans : et la loi inflige une amende au patron qui empêcherait ses apprentis et ouvriers de la fréquenter.
Ces classes ou écoles sont au nombre de 46 dans le grand-duché. Elles ont été régulièrement fréquentées, pendant la dernière année scolaire, par 585 jeunes gens. La dépense totale à laquelle elles ont donné lieu s’est élevée à la somme de 250,000 francs, dont 96,250 fournis par l’État, le reste par les communes.
Les instituteurs de ces écoles (Gewerbrschullehrer) sont formés à l’école de construction (Baugewerkschule) de Karlsruhe. Tous ceux qui sont pourvus du diplôme de cette école ont droit à un traitement de 1,500 francs quand ils exercent à titre provisoire, et de 1,875 francs, avec augmentations successives jusqu’à 4,375 francs, quand ils sont titulaires.
Au-dessus de ces gewerbliche Fortbildungsschulen se trouvent des écoles professionnelles d’un ordre plus élevé.
En première ligne vient l’école professionnelle d’architecture et de construction (Baugewerkschule), de Karlsruhe, fondée en 1879, dont le cours embrasse quatre semestres.
Des jeunes gens de 14 ans peuvent y être admis ; mais la plupart des élèves sont plus âgés et sortent des cours professionnels dont il vient d’être question. La plupart, comme dans les écoles similaires de Cologne et de Stuttgart, ont déjà travaillé pendant deux ou plusieurs années dans les ateliers.
Une section de mécaniciens a été annexée à l’école en 1884 ; et l’institution récente d’un certificat d’aptitude pour les contremaîtres lui a amené un grand nombre d’élèves. Des élèves-maîtres et des instituteurs suivent également ces écoles pour se préparer à l’enseignement technique des Gewerbeschulen.
La rétribution scolaire est de 37 fr. 50 c. par semestre.
Le personnel enseignant se compose du directeur, de quatre professeurs techniques (trois architectes et un ingénieur), de deux professeurs pour l’allemand, la géographie, les sciences, d’un professeur de dessin, de six professeurs auxiliaires pour le modelage, les mathématiques, la géométrie descriptive et la calligraphie.
L’école professionnelle des arts (Kunstgewerbeschule), de Karlsruhe, fondée eu 1365, enseigne avant tout le dessin de toute nature, puis la calligraphie, la composition allemande, l’arithmétique ; la méthode d’enseignement du dessin ; la géométrie, les projections, la perspective ; le modelage en terre et en cire et la sculpture sur bois.
Le cours y est de deux années.
À côté de ces matières de l’enseignement général, communes à toutes les classes, se placent des cours plus spécialement professionnels pour les peintres décorateurs, les sculpteurs, les modeleurs, et les ciseleurs.
Une école du soir y est annexée pour les cours de modelage et de dessin destinés aux ouvriers.
La rétribution scolaire est de 37 fr. 50 c. par an pour les élèves du jour, de 12 fr. 50 c. pour les élèves du soir.
Une deuxième école professionnelle du mème genre (Kunstgewerbeschule) existe depuis 1877 à Pforzheim, où se trouvent de nombreuses fabriques d’articles de bijouterie.
Elle a pour but de former le goût et de perfectionner la fabrication en préparant des ouvriers habiles et des contremaîtres, les dessinateurs, les modeleurs et les ciseleurs que réclame l’industrie de Pforzheim.
Pour y être admis les élèves doivent avoir 16 ans accomplis, et avoir fréquenté pendant deux années au moins une classe professionnelle d’adultes.
Le personnel enseignant se compose du directeur et de deux professeurs.
Les classes ont lieu quatre heures le matin, et deux heures le soir de 6 à 8.
La rétribution scolaire varie de 20 à 30 francs.
Le cours est de trois années, et comprend les matières d’enseignement suivantes :
1re année Heures |
2me année Heures |
3me année Heures
| |
La perspective et l’étude des ombres. |
4 |
» |
»
|
Le dessin d’architecture. |
4 |
2 |
2
|
L’étude de l’ornement. |
4 |
2 |
2
|
Le dessin à main libre. |
4 |
2 |
»
|
Le dessin académique. |
2 |
2 |
2
|
L’étude des couleurs et la peinture. |
2 |
2 |
2
|
La peinture sur émail. |
3 |
3 |
3
|
Projets de modèles. |
2 |
2 |
4
|
Modelage. |
6 |
6 |
6
|
Gravure, ciselure. |
» |
» |
8
|
Galvanoplastie. |
» |
2 |
2
|
― |
― |
―
| |
Total des heures par semaine. |
31 |
23 |
31
|
Mais les véritables écules professionnelles, avec ateliers manuels, ce sont les Fachschulen de Furtwangen.
Furtwangen est une petite ville située sur un des plateaux supérieurs de la Forêt-Noire. C’est le centre de la fabrication des pendules, des horloges et des orchestrions. On y voit plusieurs grandes fabriques, entre autres celle de l’Union Clock Company de Londres et une fabrique de téléphones et de télégraphes ; mais dans tous les villages et chalets de la région on manie la lime, le ciseau et le pinceau pour fabriquer ou terminer les horloges, ciseler le bois et peindre des arabesques sur les « coucous ».
Je trouve dans cette petite ville tout un ensemble d’institutions qui montrent bien combien le gouvernement, la commune, la Société industrielle (Gewerbe-Verein) se préoccupent de perfectionner l’industrie et de faire l’éducation des ouvriers.
C’est tout d’abord l'école professionnelle (Gewerbeschule) que fréquentent les élèves de l’école de sculpture sur bois, les apprentis et ouvriers des ateliers de la ville, tous ceux qui ont besoin de compléter leur instruction primaire et de s’exercer au dessin. Elle ne diffère des autres écoles similaires du grand-duché que par les cours de dessin, de sciences et de mécanique faits en vue de l’horlogerie, de la sculpture sur bois, de la fabrication des orchestrions. Le cours y est de trois ans ; elle reçoit, à l’heure qu’il est, 56 élèves.
L’école grand-ducale d’horlogerie (grassherzogliche Uhrmacherschule) date de 1877. Elle a pour but de former d’habiles ouvriers dans les différentes branches de l’industrie de l’horlogerie de la Forêt-Noire.
Pour y être admis les élèves doivent justifier :
Qu’ils ont 16 ans au moins[3] ;
Qu’ils ont travaillé pendant deux ans au moins dans un atelier d’horlogerie, et qu’ils y ont fait preuve d’une aptitude sérieuse.
Le cours comprend trois années d’études : une année préparatoire et deux années de cours proprement dits.
La surveillance locale est exercée par un conseil de perfectionnement composé de :
Deux membres nommés par le ministère ;
Deux membres nommés par les conseils d’arrondissement de Fribourg et de Villingen ;
Deux membres nommés par le conseil municipal de Furtwangen ;
Le président de l’exposition industrielle de Furtwangen ;
Le directeur et les professeurs de l’école.
L’enseignement théorique est donné de 8 h. à midi (24 heures par semaine). Il comprend :
Le dessin à main libre et d’ornement, et l’étude des projections ;
La géométrie et l’algèbre ;
La physique et la détermination du temps ;
La mécanique ;
L’étude des matériaux, des outils et des machines de l’horlogerie ;
L’horlogerie ;
La comptabilité.
Les travaux manuels ont lieu de 1 heure à 7 heures pendant les six jours de la semaine. Les élèves y apprennent à manier les outils et les instruments des fabriques, à fabriquer les outils indispensables, à terminer les différentes parties de l’horloge, à démonter et à remonter les ouvrages d’ensemble afin d’acquérir l’habileté et la dextérité nécessaires aux travaux d’horlogerie.
Le personnel enseignant se compose du directeur, M. Hubbuch, ingénieur, chargé du cours de physique et de mécanique ; d’un professeur de mathématiques ; d’un professeur de dessin d’art, d’un horloger directeur des travaux pratiques.
La rétribution scolaire est de 31 fr. 25 par an ; mais l’école fournit le matériel d’enseignement, et des bourses variant de 250 a 330 francs sont accordées par l’État et les deux arrondissements intéressés,
Avant de quitter l’école, les élèves subissent un examen de sortie qui porte sur l’horlogerie. Chaque élève joint aux épreuves de cet examen les objets fabriqués par lui pendant son séjour à l’école.
En sortant de l’école la plupart des élèves sont employés dans les ateliers où ils gagnent 3 fr. 15 c. par jour, au début.
Dans un bâtiment voisin de l’école d’horlogerie se trouve l’école grand-ducale de sculpture sur bois (grossherzogliche Schnitzereischule), fondée également en 1871.
On y enseigne le dessin à main libre, 10 heures par semaine ;
Le modelage, 8 heures par semaine ;
La sculpture sur bois, 35 heures par semaines.
Mais les élèves sont tenus de suivre en outre le cours d’instruction générale de la Gewerbeschule.
La seule condition d’admission est de justifier de l’âge de 14 ans, et de la possession du certificat d’études primaires.
L’école est fréquentée en ce moment par 27 élèves.
La rétribution scolaire y est de 25 francs par an.
Son organisation est d’ailleurs la même que celle de l’école d’horlogerie pour la surveillance locale, pour les bourses et les examens de sortie.
Les travaux exécutés par les élèves sont la propriété de l’école, mais ils peuvent leur être remis contre remboursement de la matière première. L’école conserve la reproduction photographique des ornements sculptés par les élèves. J’en ai rapporté quelques échantillons vraiment fort bien exécutés.
Le personnel enseignant de l’école se compose du directeur, M. Koch, sculpteur, d’un professeur de modelage et d’un professeur de dessin.
Le tressage de la paille, qui est une autre industrie de tous les villages de cette région montagneuse, est également enseigné dans un certain nombre d’écoles par les maîtresses de travaux manuels. Mais si cette industrie y gagne, les travaux d’aiguille en souffrent, me dit-on, et sont complètement négligés ; 700 à 800 jeunes filles suivent les cours de tressage.
Je ne parle que pour mémoire de quatre écoles de musique (Musikschulen) que je n’ai pu visiter.
On appelle ainsi des écoles dans lesquelles on donne d’abord, dans une première année, des notions de musique plus complètes qu’à l’école primaire, à des jeunes gens qui se destinent à la fabrication des orgues et orchestrions. Cet enseignement est donné par les instituteurs.
Pendant la seconde année un maître spécial, musicien et fabricant de ces instruments, se rend successivement dans les quatre localités où existent ces écoles, à Villingen, à Furtwangen, à Unterkirnach, à Vöhrenbach, afin de donner aux élèves l’enseignement technique et pratique, et de leur enseigner l’arrangement des morceaux, et le dessin et la confection des rouleaux. Il est chargé en outre de diriger et de conseiller les fabricants et de vérifier l’arrangement des airs qu’il s’agit de reproduire.
Ce maître ambulant, qui réside à Vöhrenbach, est payé par l’État et les deux arrondissements intéressés.
À côté des deux écoles d’horlogerie et de sculpture sur bois de Furtwangen, il y a dans cette petite ville deux autres institutions qui contribuent autant que ces écoles à perfectionner l’industrie de la région, et qui méritent d’être signalées, parce qu’elles montrent quels efforts on fait pour perfectionner et maintenir au niveau du marché moderne une industrie qui fait la fortune des habitants de la région.
C’est d’abord l’Exposition permanente des meilleurs parmi les produits fabriqués dans la Forêt-Noire, horloges et pendules de toute nature, ornements en bois sculpté, orchestrions de toutes dimensions, vannerie et objets en paille, téléphones et télécraphes. Elle est organisée par la Société industrielle (Gewerbeverein) de Furtwangen.
C’est ensuite la Succursale de l’Exposition industrielle grand-ducale de Karlsruhe, dans laquelle on montre par quelles transformations successives a passé l’industrie de la Forêt-Noire, depuis l’horloge en bois du xvie siècle jusqu’à la pendule moderne. On y voit en outre tout ce que l’industrie et l’art décoratif ont produit de meilleur à l’étranger, en Angleterre, en France, à Paris : des plâtres reproduisant des meubles ou des panneaux des anciens châteaux, des modèles de tous genres, des émaux donnant des indications et des motifs d’ornement pour des cadres nouveaux. C’est un enseignement par les yeux de tous les jours pour les industriels et les dessinateurs de la région.
Le gouvernement a placé à la tête de cette exposition un homme fort compétent qui est en même temps ouvrier et artiste, M. Bichweiler. Il a sous ses ordres deux dessinateurs qui font les nouveaux modèles pour les fabricants. Il ne se renferme pas dans son musée ; il voyage, il parcourt le pays, il est en relations continuelles avec les patrons et les ouvriers pour diriger et former leur goût, pour leur indiquer les meilleurs modèles et les tenir au courant des progrès réalisés dans tous les pays.
- ↑ Les pages qui suivent sont extraites d’un travail rédigé par M. Jost, inspecteur général de l’enseignement primaire, à la suite d’un récent voyage en Allemagne. Ce travail va être publié dans les Mémoires et Documents scolaires du Musée pédagogique. — La Rédaction.
- ↑ Programm der Fachschule für die Klein-Eisen- und Stalhwaaren-Industrie des Bergischen Landes in Remscheid.
- ↑ L’âge des 24 élèves que j’y ai trouvé varie de 16 à 33 ans.