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Notice sur Jean-Amos Coménius (1592-1670) et ses idées humanitaires et pédagogiques

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Notice sur Jean-Amos Coménius (1592-1670) et ses idées humanitaires et pédagogiques
Revue pédagogique, second semestre 18818 (p. 645-665).

NOTICE SUR JEAN-AMOS COMÉNIUS
(1592-1670)
ET SES IDÉES HUMANITAIRES ET PÉDAGOGIQUES

Travail lu le 15 avril 1881, à Alger,
devant la 16e section de l’Association française pour l’avancement des sciences[1].

Messieurs,

Notre Association vient de faire à la pédagogie l’honneur bien mérité d’une section spéciale, et c’est d’ailleurs un lieu commun que l’histoire des sciences est partout indispensable à l’intelligence complète des théories. Permettez-moi donc de n’insister devant vous ni sur l’importance des études pédagogiques, ni sur l’utilité en pédagogie d’études biographiques approfondies. J’aborderai sans préambule le sujet de cette conférence.

Je désire appeler votre bienveillante attention sur un homme autrefois illustre, que Michelet a récemment appelé « un beau génie, grand, doux, fécond, savant universel, le Galilée de la pédagogie »[2], sur un penseur contemporain de la guerre de Trente ans. Perdu de vue au xviiiee siècle, il a retrouvé de nos jours un nouveau lustre. Sa gloire grandit, au moins chez nos voisins, à mesure que se développe et s’accentue le besoin de réforme dans l’éducation domestique, primaire, secondaire et supérieure.

Je veux parler de Jean-Amos Coménius, qui, né en 1592 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/656 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/657 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/658 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/659 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/660 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/661 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/662 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/663 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/664 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/665 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/666 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/667 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/668 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/669 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/670 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/671 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/672 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/673 Page:Revue pédagogique, second semestre, 1881.djvu/674 les mêmes noms que nous lui avons vu donner à la première partie, au tableau encyclopédique ; ou plutôt, il conçoit sa Pansophie, son Encyclopédie, tantôt comme système suivant l’ordre des choses, tantôt comme répertoire suivant l’ordre des mots.

Obligé d’être bref, je vous laisse, Messieurs, le soin de comparer ce programme du Lexique ou Dictionnaire des choses, aux conseils donnés par Leibnitz en vue de l’établissement de répertoires universels (à l’imitation de ceux du patriarche Photius), ainsi qu’aux idées émises par d’Alembert et Diderot dans la fameuse préface de l’Encyclopédie et à tout ce que l’époque à produit d’ouvrages réalisant le vœu de Coménius.

Mon seul but est de vous inspirer quelque sympathie pour l’auteur ignoré de tant de plans ingénieux ou profonds, intermédiaire (par lui-même ou par ses maîtres) entre le xvie et le xviiie siècle.

III

Si, attirés par ces premières indications, nous cherchons à nous rendre un compte exact de l’origine des idées de Coménius, des sources auxquelles il a puisé son idéal religieux et philosophique, nous verrons s’offrir à nous les sujets d’étude les plus intéressants.

Et d’abord nous nous trouverons amenés à lire les ouvrages mystiques de Coménius, à les lire dans un intérêt purement historique, bien entendu. Il en est (et des plus beaux, dit-on) que les Tchèques seuls peuvent se donner le plaisir d’étudier[3].

Je parlerai seulement de ceux qui ont été ou écrits en latin ou traduits en allemand. Je n’en citerai que deux : l’un ouvre la carrière de Coménius et l’autre la ferme. Le premier est l’ouvrage remarquable intitulé : le Labyrinthe du Monde et le Paradis du Cœur, qu’il écrivit en 1623, en Bohême, après les premières épreuves de la guerre de Trente ans ; — le second est l’Unum necessarium, la seule chose nécessaire des mystiques, dans lequel à Amsterdam en 1668, vieillard de 76 ans, il déposait en quelque sorte une confession de foi finale, un suprême testament. Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/67 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/68 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/69 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/70 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/71 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/72 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/73 deuxième ou troisième édition. Ce fait suffit à prouver que la valeur soit dogmatique, soit historique, de ce livre est reconnue par toute l’Allemagne pédagogique de n’en finirais pas si je voulais énumérer les travaux auxquels il a donné lieu de la part d’écrivains allemands, tels que les docteurs Pappenheim et Hoffmeister de Berlin, J. Beeger de Leipzig, etc. Ce ne sont que critiques détaillées, comparaisons étendues entre Pestalozzi et Coménius, déterminations souvent subtiles et beaucoup trop scolastiques de la part faite par Coménius au subjectif, à l’analyse et à la synthèse, etc. C’est comme un thème devenu classique ; il y a là un mouvement d’idées qu’il ne serait peut-être pas sans intérêt de résumer pour nous.

Mais la Grande Didactique n’est pas le seul ouvrage théorique que Coménius ait écrit sur la pédagogie générale, De 1642 à 1667, à Elbling (en Prusse), il composa ce qu’il à appelé un peu ambitieusement le Dernier mot sur la méthode des langues (Methodus Linguarum novissima), ouvrage où il systématisa à nouveau loules ses idées sur l’enseignement des langues, telles qu’elles s’étaient développées en lui depuis 1631. Telle est, en effet, la date du premier livre scolaire qu’il ait écrit en vue de l’étude du latin (sur la base du. parallélisme des mots et des choses) : je veux dire la Janua ou Porte de la langue latine.

Dans la Methodus novissima, ouvrage qui n’est pas exclusivement consacré à l’étude des langues et que Coménius a fortement imprégné de ses vues pansophiques, il à introduit au chapitre X un Art didactique général, travail qui ne comprend pas moins de soixante colonnes petit in-folio et forme en quelque sorte un ouvrage spécial. Je crois pouvoir y reconnaître un échantillon de sa méthode pansophique par axiomes, définitions, etc. Ce travail curieux, absolument inconnu en France, est à peine connu en Allemagne, où les plus fervents admirateurs de Coménius semblent à peu près l’ignorer ; les Tchèques seuls paraissent s’être fait un devoir patriotique de le rendre à Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/168 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/169 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/170 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/171 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/172 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/173 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/174 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/175 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/176 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/177 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/178 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/179 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/180 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/181 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/182 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/183 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/184 Page:Revue pédagogique, premier semestre, 1882.djvu/185 tentatives de réorganisation des écoles constituent autant de sujets d’étude dignes de tout votre intérêt.

Laissez-moi vous faire remarquer en terminant ce qu’a parfois de bizarre la destinée des hommes et des livres. N’est-il pas étrange que ce soit à Alger, sous le soleil radieux de l’Afrique, que j’aie l’honneur aujourd’hui de vous présenter des œuvres humanitaires, pansophiques, pédagogiques, philosophiques, etc., conçues, de 1620 à 1670, sous le ciel brumeux de la Pologne, de la Prusse, de l’Angleterre, de la Hollande ? Si Leibnitz, qui ne se piquait pas d’être prophète, a prédit la conquête de l’Algérie par la France, Coménius (qui pourtant a fait la part assez grande aux prophéties des visionnaires de son temps) a-t-il jamais prévu qu’on parlerait de lui à Alger, sous les murs de la Casba, en 1881, devant un auditoire sympathique composé d’éducateurs français ?


  1. La 16e section créée par un vote du 14 avril 1881 est spécialement vouée à la pédagogie. La lecture et la discussion de cette notice sur Coménius ont inauguré ses travaux.
  2. Nos fils, p. 175.
  3. Le Centre de la Sécurité, par exemple. — Ce centre naturellement est Dieu, seul stable au milieu de l’instabilité universelle.